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homme-animal

Le processus d’encéphalisation
Parmi l’ensemble des animaux non-humains, les dauphins sont dotés du quotient encéphalique le plus élevé au monde, soit à peu près celui de l’être humain.
A ce petit jeu, d’ailleurs, le cachalot nous dépasse tous largement !
Une telle augmentation du volume cérébral, bien au-delà des simples besoins de la motricité ou de la sensorialité, est qualifiée "d’encéphalisation structurelle".
Ce phénomène n’est pas rare. Il semble que dès le Jurassique, des dinosauriens bipèdes de taille moyenne aient commencé à augmenter de manière encore timide leurs capacités cérébrales.
Au Tertiaire, les ancêtres des éléphants et des cétacés se sont lancés à leur tour dans la course au gros cerveau mais ce n’est qu’au Quaternaire, il y a de cela de trois à six millions d’années, que certains primates hominoïdes développent une boîte crânienne de type néoténique à fontanelles non suturées durant les premiers temps de l’enfance, afin de permettre une croissance ultérieure de l’un des cerveaux les plus puissants du monde.
Ce processus d’encéphalisation apparaît également chez certains oiseaux – corvidés, psittacidés – à peu près vers la même époque. A chaque fois, bien sûr, des comportements très élaborés sont toujours associés à un accroissement spectaculaire du tissu cérébral.
Une si curieuse convergence de formes, la survenance simultanée ou successive de tous ces "grands fronts", pose bien évidemment question en termes darwiniens.
Le ptérodactyle, la mouche, le colibri, la chauve-souris ont des ailes pour voler, la truite, l’ichtyosaure, le marsouin ont un corps fait pour nager, le grillon fouisseur et la taupe ont des pattes en forme de pelles pour creuser, etc.
Mais à quoi rime dès lors un vaste crâne et à quelle fonction est-il dévolu ?
Essentiellement à comprendre le monde et ceux qui le composent, en ce compris les membres de sa propre espèce, avec lesquels il faut sans cesse gérer une relation équilibrée.
Même les gros cerveaux les plus solitaires vivent en fait en société : tigres, baleines bleues, panthères, orangs-outans gardent des liens étroits, bien que distants ou différés, avec leur fratrie et leurs partenaires.
L’intelligence est à coup sûr l’arme suprême contre les aléas du monde, ses mutations incessantes, puisqu’elle permet notamment de gérer un groupe comme un seul corps mais aussi de pénétrer les lois subtiles qui sont à la base du mouvement des choses.
En augmentant d’un degré supérieur ces facultés par le moyen du langage, lequel conserve le savoir des générations mortes, l’homme et le cétacé ont sans doute franchi un nouveau pas vers une plus grande adaptabilité.
Le problème de l’humain, mais nous n’y reviendrons pas davantage, c’est qu’il ne s’est servi jusqu’à ce jour que d’une partie de son intelligence et qu’il se laisse ensevelir vivants dans ses propres déchets, et avec lui les reste du monde, pour n’avoir pas su contrôler sa propre reproduction ni la saine gestion de son environnement.
Intelligents ou non ? (Le point de vue de Ken Levasseur)
Dans un courrier CFN posté en avril 2003 relatif à l’utilisation de dauphins militaires en Irak, Ken Levasseur, l’un des meilleurs spécialistes actuels de cette question, a tenu à faire le point à propos de l’intelligence réelle ou supposée de ces mammifères marins. Aux questions que lui avait adressées un étudiant sur ce thème, Ken répond ici de manière définitive, sur la base de de son expérience et de ses intimes convictions.
Eu égard aux remarquables recherches menées par Ken depuis des années et au fait qu’il a travaillé longtemps aux côtés du professeur Louis Hermann, son point de vue n’est évidemment pas négligeable ni ses opinions sans fondements. On lira d’ailleurs sur ce site même son article en anglais relatif au cerveau du dauphin
Inutile de dire que le gestionnaire de ce site partage totalement le point de vue de Ken Levasseur, dont les travaux l’inspirent depuis de nombreuses années, au même titre que ceux de Wade Doak ou de Jim Nollman : tous ont en commun d’affirmer que les dauphins ne sont pas des animaux au sens strict mais bien l’équivalent marin de l’humanité terrestre.
Q- A quel niveau d’intelligence réelle les dauphins se situent-ils ? A celui du chien ? Du grand singe ? D’un être humain ?
R- Mon meilleur pronostic est qu’un jour prochain, nous pourrons prouver que la plupart des espèces de cétacés disposent d’une intelligence équivalente ou supérieure à celle d’un humain adulte.
Q- Quelles sont les preuves nous permettant d’affirmer que les dauphins sont intelligents ?
R- Il a été démontré depuis longtemps que les dauphins peuvent développer des capacités cognitives qui équivalent ou excèdent les possibilités mentales de l’être humain. Aujourd’hui, nous sommes à même de définir exactement en quoi consiste l’intelligence humaine. Une fois que nous parviendrons à définir l’intelligence d’une manière strictement objective et valable pour toutes les autres espèces, on permettra enfin aux cétacés de faire la preuve de la leur.
Q- Quelles preuves avons-nous que les dauphins ne sont PAS intelligents ?
R- Il n’y a aucune preuve scientifique qui tendrait à prouver que l’intelligence du dauphin serait située entre celle du chien et celle du chimpanzé (comme l’affirment les delphinariums et la marine américaine) .
Q- Est-ce que les dauphins possèdent un langage propre ?
R- La définition d’une "langue", comme celle de l’intelligence, repose sur des bases subjectives définies pour et par les humains. Une fois que nous pourrons disposer d’une définition plus objective de ce qu’est un langage, et que les recherches sur la communication des dauphins ne seront plus "classifiée" par les américains, il est fort probable que les chercheurs puissent enfin conduire les recherches appropriées et qu’ils reconnaissent que les dauphins disposent de langages naturels.
Q- Est-ce leur capacité à apprendre et à exécuter des tours complexes qui les rend plus intelligents ou non ?
R- La capacité du dauphin à apprendre à exécuter des tours complexes est surtout une indication de l’existence d’un niveau élevé des capacités mentales, interprétées comme synonymes d’une intelligence élevée.
Q- Jusqu’à quel point ont été menées les recherches sur les dauphins et leur intelligence ? Que savent vraiment les scientifiques à leur propos ?
R- La US Navy a "classifié" ses recherches sur les dauphins en 1967, au moment où l’acousticien Wayne Batteau est parvenu à développer des moyens efficaces pour communiquer avec des dauphins dressés. La communication et l’intelligence des dauphins constituent donc désormais des données militaires secrètes, qui ne peuvent plus être divulguées au public.
Q- Est-ce que les dauphins disposent d’un langage propre ? Y a t-il des recherches qui le prouvent ?
R- Vladimir Markov et V. M. Ostrovskaya en ont fourni la preuve en 1990 en utilisant la "théorie des jeux" pour analyser la communication des dauphins dans un environnement contrôlé et à l’aide de moyens efficaces. Il est donc très probable que les dauphins aient une langue naturelle.
Q- Les capacités tout à fait spéciales des dauphins en matière d’écholocation ont-elles quelque chose à voir avec leurs modes de communication?
R- A mon sens, les recherches futures fourniront la preuve que le langage naturel des cétacés est fondé sur les propriétés physiques de l’écholocation, de la même manière que les langues humaines se basent sur des bruits et des représentations.
Q- Quelle est VOTRE opinion à propos de l’intelligence des dauphins ?
R- Pendant deux ans, j’ai vécu à quinze pieds (1 Pied : 30 cm 48) d’un dauphin et à trente-cinq pieds d’un autre. À mon avis, les dauphins possèdent une intelligence équivalente à celle d’un être humain. Ils devraient bénéficier dès lors de droits similaires aux Droits de l’Homme et se trouver protégé des incursions humaines dans son cadre de vie.
Q- La ressemblance entre les humains et les dauphins a-t-elle quelque chose à voir avec leur intelligence commune ?
R- Les dauphins sont très éloignés des humains à de nombreux niveaux mais les ressemblances que nous pouvons noter sont en effet fondées sur le fait que les dauphins possèdent des capacités mentales plus élevées (que la plupart des autres animaux) et sont à ce titre interprétés en tant qu’intelligence de type humain.
Q- La grande taille de leur cerveau, relativement à celle de leur corps, est-elle un indicateur de leur haute intelligence ?
R- Le volume absolu d’un cerveau ne constitue pas une preuve d’intelligence élevée. Le coefficient encéphalique (taille du cerveau par rapport à la taille de corps) n’en est pas une non plus. Néanmoins, on pourrait dire que la taille absolue du cerveau d’une espèce donnée par rapport au volume global du corps constitue un bon indicateur pour comparer les capacités mentales de différentes espèces. Souvenons-nous par ailleurs que les cétacés ne pèsent rien dans l’eau, puisqu’ils flottent et qu’une grande part de leur masse se compose simplement de la graisse. Cette masse de graisse ne devrait pas être incluse dans l’équation entre le poids du cerveau et le poids du corps car cette graisse n’est traversée par aucun nerf ni muscle et n’a donc aucune relation de cause à effet avec le volume du cerveau.
Q- Est-ce que la capacité des dauphins à traiter des clics écholocatoires à une vitesse inouïe nous laisse-t-elle à penser qu’ils sont extrêmement intelligents ?
R- On a pu montrer que les dauphins disposaient, et de loin, des cerveaux les plus rapides du monde. Lorsqu’ils les observent, les humains leur semblent se mouvoir avec une extrême lenteur en émettant des sons extrêmement bas. Un cerveau rapide ne peut forcément disposer que de capacités mentales très avancées.
Q- Pensez-vous des scientifiques comprendront un jour complètement les dauphins?
R- Est-ce que nos scientifiques comprennent bien les humains? Si tout va bien, à l’avenir, les dauphins devraient être compris comme les humains se comprennent entre eux.
Q- Le fait que les dauphins possèdent une signature sifflée est-elle une preuve de l’existence de leur langage ?
R- Non. Cette notion de signature sifflée est actuellement mal comprise et son existence même est sujette à caution.
Q- Les dauphins font plein de choses très intelligentes et nous ressemblent fort. Est-ce parce qu’ils sont vraiment intelligents ou simplement très attractifs ?
R- La réponse à votre question est une question d’expérience et d’opinion. Ce n’est une question qui appelle une réponse scientifique, chacun a son opinion personnelle sur ce point.
Q- Pouvons-nous vraiment émettre des conclusions au sujet de l’intelligence des dauphins, alors que nous savons si peu à leur propos et qu’ils vivent dans un environnement si différent du nôtre ?
R- Jusqu’à présent, ce genre de difficultés n’a jamais arrêté personne. Chacun tire ses propres conclusions. Les scientifiques ne se prononcent que sur la base de ce qu’ils savent vrai en fonction des données expérimentales qu’ils recueillent.
Q- Est-ce que nous pourrons-nous jamais communiquer avec les dauphins ou même converser avec eux ?
R- Oui, si tout va bien, et ce seront des conversations d’adulte à adulte, rien de moins.
II. DAUPHIN : CERVEAU ET MONDE MENTAL
"Parmi l’ensemble des animaux non-humains, les dauphins disposent d’un cerveau de grande taille très bien développé, dont le coefficient encéphalique, le volume du néocortex, les zones dites silencieuses (non motrices et non sensorielles) et d’autres indices d’intelligence sont extrêmement proches de ceux du cerveau humain" déclare d’emblée le chercheur russe Vladimir Markov.
Lorsque l’on compare le cerveau des cétacés avec celui des grands primates et de l’homme en particulier, on constate en effet de nombreux points communs mais également des différences importantes :
– Le poids moyen d’un cerveau de Tursiops est de 1587 grammes.
Son coefficient encéphalique est de l’ordre de 5.0, soit à peu près le double de celui de n’importe quel singe. Chez les cachalots et les orques, ce même coefficient est de cinq fois supérieur à celui de l’homme.
– Les circonvolutions du cortex cervical sont plus nombreuses que celles d’un être humain. L’indice de "pliure" (index of folding) est ainsi de 2.86 pour l’homme et de 4.47 pour un cerveau de dauphin de taille globalement similaire.
Selon Sam Ridgway, chercheur "réductionniste de la vieille école", l’épaisseur de ce même cortex est de 2.9 mm en moyenne chez l’homme et de 1.60 à 1.76 mm chez le dauphin. En conséquence, continue-t-il, on peut conclure que le volume moyen du cortex delphinien (560cc) se situe à peu près à 80 % du volume cortical humain. Ce calcul est évidemment contestable puisqu’il ne tient pas compte de l’organisation très particulière du cerveau delphinien, mieux intégré, plus homogène et moins segmenté en zones historiquement distinctes que le nôtre.
Le fait que les cétacés possèdent la plus large surface corticale et le plus haut indice de circonvolution cérébral au monde joue également, comme on s’en doute, un rôle majeur dans le développement de leurs capacités cérébrales.
D’autres scientifiques, décidément troublés par le coefficient cérébral du dauphin, tentent aujourd’hui de prouver qu’un tel développement n’aurait pas d’autre usage que d’assurer l’écholocation. Voici ce que leur répond le neurologue H. Jerison : "La chauve-souris dispose à peu de choses près des mêmes capacités que le dauphin en matière d’écholocation, mais son cerveau est gros comme une noisette. L’outillage écholocatoire en tant que tel ne pèse en effet pas lourd. En revanche, le TRAITEMENT de cette même information "sonar" par les zones associatives prolongeant les zones auditives, voilà qui pourrait expliquer le formidable développement de cette masse cérébrale. Les poissons et tous les autres êtres vivants qui vivent dans l’océan, cétacés mis à part, se passent très bien d’un gros cerveau pour survivre et même le plus gros d’entre eux, le requin-baleine, ne dépasse pas l’intelligence d’une souris…"
La croissance du cerveau d’un cétacé est plus rapide et la maturité est atteinte plus rapidement que chez l’homme.
Un delphineau de trois ans se comporte, toutes proportions gardées, comme un enfant humain de huit ans. Cette caractéristique apparemment "primitive" est paradoxalement contredite par une enfance extrêmement longue, toute dévolue à l’apprentissage. Trente années chez le cachalot, vingt chez l’homme, douze à quinze chez le dauphin et environ cinq ans chez le chimpanzé.
Les temps de vie sont du même ordre : 200 ans en moyenne chez la baleine franche, 100 ans chez le cachalot, 80 chez l’orque, 78 ans chez l’homme, 60 chez le dauphin, sous réserve bien sûr des variations favorables ou défavorables de l’environnement.
Pourquoi un gros cerveau ?
"Nous devons nous souvenir que le monde mental du dauphin est élaboré par l’un des systèmes de traitement de l’information parmi les plus vastes qui ait jamais existé parmi les mammifères" déclare H.Jerison, insistant sur le fait que "développer un gros cerveau est extrêmement coûteux en énergie et en oxygène. Cet investissement a donc une raison d’être en terme d’évolution darwinienne. Nous devons dès lors considérer la manière dont ces masses importantes de tissu cérébral ont été investies dans le contrôle du comportement et de l’expérimentation du monde, ceci en comparaison avec l’usage qu’en font les petites masses cérébrales".
Un cerveau est par essence un organe chargé de traiter l’information en provenance du monde extérieur.
Les grands cerveaux exécutent cette tâche en tant qu’ensemble élaborés de systèmes de traitement, alors que le cerveau de la grenouille ou de l’insecte, par exemple, se contente de modules moins nombreux, dont la finesse d’analyse est comparativement plus simple.
Cela ne nous empêche pas cependant de retrouver des structures neuronales étonnamment semblables d’un animal à l’autre : lorsqu’un promeneur tombe nez à nez avec un crotale, c’est le même plancher sub-thalamique dévolue à la peur qui s’allume chez l’une et l’autre des ces créatures. Quant un chien ou un humain se voient soulagés de leurs angoisses par le même produit tranquillisant, ce sont évidemment les mêmes neuromédiateurs qui agissent sur les mêmes récepteurs neuronaux qui sont la cause du phénomène.
A un très haut niveau de cette hiérarchie, le traitement en question prend la forme d’une représentation ou d’un modèle du monde (Craik, 1943, 1967, Jerison, 1973) et l’activité neuronale se concentre en "paquets d’informations" (chunks) à propos du temps et de l’espace et à propos d’objets, en ce compris les autres individus et soi-même.
" Puisque le modèle du monde qui est construit de la sorte" insiste H.Jerison, "se trouve fondé sur des variables physiquement définies issues directement du monde externe et puisque ces informations sont traitées par des cellules nerveuses et des réseaux neuronaux structurellement semblables chez tous les mammifères supérieurs, les modèles du monde construits par différents individus d’une même espèce ou même chez des individus d’espèces différentes, ont de bonnes chances d’être également similaires".
Et à tout le moins compréhensibles l’un pour l’autre.

Auteur: Internet

Info: http://www.dauphinlibre.be/dauphins-cerveau-intelligence-et-conscience-exotiques

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évolution technologique

Intelligence artificielle ou stupidité réelle ?

Bien que le battage médiatique augmente la sensibilisation à l'IA, il facilite également certaines activités assez stupides et peut distraire les gens de la plupart des progrès réels qui sont réalisés.
Distinguer la réalité des manchettes plus dramatiques promet d'offrir des avantages importants aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux consommateurs.

L'intelligence artificielle a acquis sa notoriété récente en grande partie grâce à des succès très médiatisés tels que la victoire d'IBM Watson à Jeopardy et celle de Google AlphaGo qui a battu le champion du monde au jeu "Go". Waymo, Tesla et d'autres ont également fait de grands progrès avec les véhicules auto-propulsés. Richard Waters a rendu compte de l'étendue des applications de l'IA dans le Financial Times : "S'il y a un message unificateur qui sous-tend la technologie grand public exposée [au Consumer Electronics Show] .... c'est : "L'IA partout."

Les succès retentissants de l'IA ont également capturé l'imagination des gens à un tel point que cela a suscité d'autres efforts d'envergure. Un exemple instructif a été documenté par Thomas H. Davenport et Rajeev Ronanki dans le Harvard Business Review. Ils écrirent, "En 2013, le MD Anderson Cancer Center a lancé un projet ""Moon shot " : diagnostiquer et recommander des plans de traitement pour certaines formes de cancer en utilisant le système cognitif Watson d'IBM". Malheureusement, ce système n'a pas fonctionné et en 2017 le projet fut mis en veilleuse après avoir coûté plus de 62 millions de dollars sans avoir été utilisé pour les patients.

Waters a également abordé un autre message, celui des attentes modérées. En ce qui concerne les "assistants personnels à commande vocale", note-t-elle, "on ne sait pas encore si la technologie est capable de remplacer le smartphone pour naviguer dans le monde numérique autrement autrement que pour écouter de la musique ou vérifier les nouvelles et la météo".

D'autres exemples de prévisions modérées abondent. Generva Allen du Baylor College of Medicine et de l'Université Rice a avertit , "Je ne ferais pas confiance à une très grande partie des découvertes actuellement faites qui utilisent des techniques de machine learning appliquées à de grands ensembles de données". Le problème, c'est que bon nombre des techniques sont conçues pour fournir des réponses précises et que la recherche comporte des incertitudes. Elle a précisé : "Parfois, il serait beaucoup plus utile qu'ils reconnaissent que certains sont vraiment consolidés, mais qu'on est pas sûr pour beaucoup d'autres".

Pire encore, dans les cas extrêmes, l'IA n'est pas seulement sous-performante ; elle n'a même pas encore été mise en œuvre. Le FT rapporte, "Quatre jeunes entreprises européennes sur dix n'utilisent aucun programme d'intelligence artificielle dans leurs produits, selon un rapport qui souligne le battage publicitaire autour de cette technologie.

Les cycles d'attentes excessives suivies de vagues de déception ne sont pas surprenants pour ceux qui ont côtoyé l'intelligence artificielle pendant un certain temps. Ils savent que ce n'est pas le premier rodéo de l'IA. En effet, une grande partie du travail conceptuel date des années 1950. D'ailleurs, en passant en revue certaines de mes notes récentes je suis tombé sur une pièce qui explorait les réseaux neuronaux dans le but de choisir des actions - datant de 1993.

La meilleure façon d'avoir une perspective sur l'IA est d'aller directement à la source et Martin Ford nous en donne l'occasion dans son livre, Architects of Intelligence. Organisé sous la forme d'une succession d'entrevues avec des chercheurs, des universitaires et des entrepreneurs de premier plan de l'industrie, le livre présente un historique utile de l'IA et met en lumière les principaux courants de pensée.

Deux perspectives importantes se dégagent de ce livre.

La première est qu'en dépit des origines et des personnalités disparates des personnes interrogées, il existe un large consensus sur des sujets importants.

L'autre est qu'un grand nombre des priorités et des préoccupations des principales recherches sur l'IA sont bien différentes de celles exprimées dans les médias grand public.

Prenons par exemple le concept d'intelligence générale artificielle (AGI). Qui est étroitement lié à la notion de "singularité" ce point où l'IA rejoindra celle de l'homme - avant un dépassement massif de cette dernière. Cette idée et d'autres ont suscité des préoccupations au sujet de l'IA, tout comme les pertes massives d'emplois, les drones tueurs et une foule d'autres manifestations alarmantes.

Les principaux chercheurs en AI ont des points de vue très différents ; ils ne sont pas du tout perturbés par l'AGI et autres alarmismes.

Geoffrey Hinton, professeur d'informatique à l'Université de Toronto et vice-président et chercheur chez Google, dit : "Si votre question est : Quand allons-nous obtenir un commandant-docteur Data (comme dans Star Trek ) je ne crois pas que ce sera comme çà que ça va se faire. Je ne pense pas qu'on aura des programmes uniques et généralistes comme ça."

Yoshua Bengio, professeur d'informatique et de recherche opérationnelle à l'Université de Montréal, nous dit qu'il y a des problèmes très difficiles et que nous sommes très loin de l'IA au niveau humain. Il ajoute : "Nous sommes tous excités parce que nous avons fait beaucoup de progrès dans cette ascension, mais en nous approchant du sommet, nous apercevons d'autres collines qui s'élèvent devant nous au fur et à mesure".

Barbara Grosz, professeur de sciences naturelles à l'Université de Harvard : "Je ne pense pas que l'AGI soit la bonne direction à prendre". Elle soutient que la poursuite de l'AGI (et la gestion de ses conséquences) sont si loin dans l'avenir qu'elles ne sont que "distraction".

Un autre fil conducteur des recherches sur l'IA est la croyance que l'IA devrait être utilisée pour améliorer le travail humain plutôt que le remplacer.

Cynthia Breazeal, directrice du groupe de robots personnels du laboratoire de médias du MIT, aborde la question : "La question est de savoir quelle est la synergie, quelle est la complémentarité, quelle est l'amélioration qui permet d'étendre nos capacités humaines en termes d'objectifs, ce qui nous permet d'avoir vraiment un plus grand impact dans le monde, avec l'IA."

Fei-Fei Li, professeur d'informatique à Stanford et scientifique en chef pour Google Cloud dit lui : "L'IA en tant que technologie a énormément de potentiel pour valoriser et améliorer le travail, sans le remplacer".

James Manyika, président du conseil et directeur du McKinsey Global Institute, fait remarquer que puisque 60 % des professions ont environ un tiers de leurs activités qui sont automatisables et que seulement environ 10 % des professions ont plus de 90 % automatisables, "beaucoup plus de professions seront complétées ou augmentées par des technologies qu'elles ne seront remplacées".

De plus, l'IA ne peut améliorer le travail humain que si elle peut travailler efficacement de concert avec lui.

Barbara Grosz fait remarquer : "J'ai dit à un moment donné que 'les systèmes d'IA sont meilleurs s'ils sont conçus en pensant aux gens'". Je recommande que nous visions à construire un système qui soit un bon partenaire d'équipe et qui fonctionne si bien avec nous que nous ne nous rendions pas compte qu'il n'est pas humain".

David Ferrucci, fondateur d'Elemental Cognition et directeur d'IA appliquée chez Bridgewater Associates, déclare : " L'avenir que nous envisageons chez Elemental Cognition repose sur une collaboration étroite et fluide entre l'intelligence humaine et la machine. "Nous pensons que c'est un partenariat de pensée." Yoshua Bengio nous rappelle cependant les défis à relever pour former un tel partenariat : "Il ne s'agit pas seulement de la précision [avec l'IA], il s'agit de comprendre le contexte humain, et les ordinateurs n'ont absolument aucun indice à ce sujet."

Il est intéressant de constater qu'il y a beaucoup de consensus sur des idées clés telles que l'AGI n'est pas un objectif particulièrement utile en ce moment, l'IA devrait être utilisée pour améliorer et non remplacer le travail et l'IA devrait fonctionner en collaboration avec des personnes. Il est également intéressant de constater que ces mêmes leçons sont confirmées par l'expérience des entreprises.

Richard Waters décrit comment les implémentations de l'intelligence artificielle en sont encore à un stade assez rudimentaire.

Éliminez les recherches qui monopolisent les gros titres (un ordinateur qui peut battre les humains au Go !) et la technologie demeure à un stade très primaire .

Mais au-delà de cette "consumérisation" de l'IT, qui a mis davantage d'outils faciles à utiliser entre les mains, la refonte des systèmes et processus internes dans une entreprise demande beaucoup de travail.

Ce gros travail prend du temps et peu d'entreprises semblent présentes sur le terrain. Ginni Rometty, responsable d'IBM, qualifie les applications de ses clients d'"actes aléatoires du numérique" et qualifie nombre de projets de "hit and miss". (ratages). Andrew Moore, responsable de l'intelligence artificielle pour les activités de Google Cloud business, la décrit comme "intelligence artificielle artisanale". Rometty explique : "Ils ont tendance à partir d'un ensemble de données isolé ou d'un cas d'utilisation - comme la rationalisation des interactions avec un groupe particulier de clients. Tout ceci n'est pas lié aux systèmes, données ou flux de travail plus profonds d'une entreprise, ce qui limite leur impact."

Bien que le cas HBR du MD Anderson Cancer Center soit un bon exemple d'un projet d'IA "au clair de lune "qui a probablement dépassé les bornes, cela fournit également une excellente indication des types de travail que l'IA peut améliorer de façon significative. En même temps que le centre essayait d'appliquer l'IA au traitement du cancer, son "groupe informatique expérimentait l'utilisation des technologies cognitives pour des tâches beaucoup moins ambitieuses, telles que faire des recommandations d'hôtels et de restaurants pour les familles des patients, déterminer quels patients avaient besoin d'aide pour payer leurs factures, et résoudre les problèmes informatiques du personnel".

Dans cette entreprise, le centre a eu de bien meilleures expériences : "Les nouveaux systèmes ont contribué à accroître la satisfaction des patients, à améliorer le rendement financier et à réduire le temps consacré à la saisie fastidieuse des données par les gestionnaires de soins de l'hôpital. De telles fonctions banales ne sont peut-être pas exactement du ressort de Terminator, mais elles sont quand même importantes.

Optimiser l'IA dans le but d'augmenter le travail en collaborant avec les humains était également le point central d'une pièce de H. James Wilson et Paul R. Daugherty "HBRpiece". Ils soulignent : "Certes, de nombreuses entreprises ont utilisé l'intelligence artificielle pour automatiser leurs processus, mais celles qui l'utilisent principalement pour déplacer leurs employés ne verront que des gains de productivité à court terme. Grâce à cette intelligence collaborative, l'homme et l'IA renforcent activement les forces complémentaires de l'autre : le leadership, le travail d'équipe, la créativité et les compétences sociales de la première, la rapidité, l'évolutivité et les capacités quantitatives de la seconde".

Wilson et Daugherty précisent : "Pour tirer pleinement parti de cette collaboration, les entreprises doivent comprendre comment les humains peuvent le plus efficacement augmenter les machines, comment les machines peuvent améliorer ce que les humains font le mieux, et comment redéfinir les processus commerciaux pour soutenir le partenariat". Cela demande beaucoup de travail et cela va bien au-delà du simple fait de balancer un système d'IA dans un environnement de travail préexistant.

Les idées des principaux chercheurs en intelligence artificielle, combinées aux réalités des applications du monde réel, offrent des implications utiles. La première est que l'IA est une arme à double tranchant : le battage médiatique peut causer des distractions et une mauvaise attribution, mais les capacités sont trop importantes pour les ignorer.

Ben Hunt discute des rôles de la propriété intellectuelle (PI) et de l'intelligence artificielle dans le secteur des investissements, et ses commentaires sont largement pertinents pour d'autres secteurs. Il note : "L'utilité de la propriété intellectuelle pour préserver le pouvoir de fixation des prix est beaucoup moins fonction de la meilleure stratégie que la PI vous aide à établir, et beaucoup plus fonction de la façon dont la propriété intellectuelle s'intègre dans le l'esprit du temps (Zeitgeist) dominant dans votre secteur.

Il poursuit en expliquant que le "POURQUOI" de votre PI doit "répondre aux attentes de vos clients quant au fonctionnement de la PI" afin de protéger votre produit. Si vous ne correspondez pas à l'esprit du temps, personne ne croira que les murs de votre château existent, même si c'est le cas". Dans le domaine de l'investissement (et bien d'autres encore), "PERSONNE ne considère plus le cerveau humain comme une propriété intellectuelle défendable. Personne." En d'autres termes, si vous n'utilisez pas l'IA, vous n'obtiendrez pas de pouvoir de fixation des prix, quels que soient les résultats réels.

Cela fait allusion à un problème encore plus grave avec l'IA : trop de gens ne sont tout simplement pas prêts à y faire face.

Daniela Rus, directrice du laboratoire d'informatique et d'intelligence artificielle (CSAIL) du MIT déclare : "Je veux être une optimiste technologique. Je tiens à dire que je vois la technologie comme quelque chose qui a le potentiel énorme d'unir les gens plutôt que les diviser, et de les autonomiser plutôt que de les désolidariser. Mais pour y parvenir, nous devons faire progresser la science et l'ingénierie afin de rendre la technologie plus performante et plus utilisable." Nous devons revoir notre façon d'éduquer les gens afin de nous assurer que tous ont les outils et les compétences nécessaires pour tirer parti de la technologie.

Yann Lecun ajoute : "Nous n'aurons pas de large diffusion de la technologie de l'IA à moins qu'une proportion importante de la population ne soit formée pour en tirer parti ".

Cynthia Breazeal répéte : "Dans une société de plus en plus alimentée par l'IA, nous avons besoin d'une société alphabétisée à l'IA."

Ce ne sont pas non plus des déclarations creuses ; il existe une vaste gamme de matériel d'apprentissage gratuit pour l'IA disponible en ligne pour encourager la participation sur le terrain.

Si la société ne rattrape pas la réalité de l'IA, il y aura des conséquences.

Brezeal note : "Les craintes des gens à propos de l'IA peuvent être manipulées parce qu'ils ne la comprennent pas."

Lecun souligne : " Il y a une concentration du pouvoir. À l'heure actuelle, la recherche sur l'IA est très publique et ouverte, mais à l'heure actuelle, elle est largement déployée par un nombre relativement restreint d'entreprises. Il faudra un certain temps avant que ce ne soit utilisé par une plus grande partie de l'économie et c'est une redistribution des cartes du pouvoir."

Hinton souligne une autre conséquence : "Le problème se situe au niveau des systèmes sociaux et la question de savoir si nous allons avoir un système social qui partage équitablement... Tout cela n'a rien à voir avec la technologie".

À bien des égards, l'IA est donc un signal d'alarme. En raison de l'interrelation unique de l'IA avec l'humanité, l'IA a tendance à faire ressortir ses meilleurs et ses pires éléments. Certes, des progrès considérables sont réalisés sur le plan technologique, ce qui promet de fournir des outils toujours plus puissants pour résoudre des problèmes difficiles. Cependant, ces promesses sont également limitées par la capacité des gens, et de la société dans son ensemble, d'adopter les outils d'IA et de les déployer de manière efficace.

Des preuves récentes suggèrent que nous avons du pain sur la planche pour nous préparer à une société améliorée par l'IA. Dans un cas rapporté par le FT, UBS a créé des "algorithmes de recommandation" (tels que ceux utilisés par Netflix pour les films) afin de proposer des transactions pour ses clients. Bien que la technologie existe, il est difficile de comprendre en quoi cette application est utile à la société, même de loin.

Dans un autre cas, Richard Waters nous rappelle : "Cela fait presque dix ans, par exemple, que Google a fait trembler le monde de l'automobile avec son premier prototype de voiture autopropulsée". Il continue : "La première vague de la technologie des voitures sans conducteur est presque prête à faire son entrée sur le marché, mais certains constructeurs automobiles et sociétés de technologie ne semblent plus aussi désireux de faire le grand saut. Bref, ils sont menacés parce que la technologie actuelle est à "un niveau d'autonomie qui fait peur aux constructeurs automobiles, mais qui fait aussi peur aux législateurs et aux régulateurs".

En résumé, que vous soyez investisseur, homme d'affaires, employé ou consommateur, l'IA a le potentiel de rendre les choses bien meilleures - et bien pires. Afin de tirer le meilleur parti de cette opportunité, un effort actif axé sur l'éducation est un excellent point de départ. Pour que les promesses d'AI se concrétisent, il faudra aussi déployer beaucoup d'efforts pour mettre en place des infrastructures de systèmes et cartographier les forces complémentaires. En d'autres termes, il est préférable de considérer l'IA comme un long voyage plutôt que comme une destination à court terme.

Auteur: Internet

Info: Zero Hedge, Ven, 03/15/2019 - 21:10

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solipsismes confrontés

Bonsoir tout le monde,

Question, délicate ou ridiculement évidente, c'est selon, de ce qu'on peut qualifier d'interprétation subjective et personnelle versus ce qu'on pourrait identifier comme "objectif" dans les différents plans dans lesquels on voyage astralement.. 

Pour prendre un exemple enfonçons une porte ouverte liée à nos sens basiques, la synesthésie est un phénomène neurologique qui fait qu'un sens est associé - ou fusionné - systématiquement à un autre, pour faire court. J'en suis atteinte, et dans mon cas c'est les sons qui sont associés à des formes en couleur et en texture, avec une charge émotionnelle. Par exemple, le son du piano a pour moi une forme blanche laiteuse, opaque, concave, avec des bords plus ou moins colorés, alors que le violoncelle est rouge foncé mais lumineux, convexe, trace des lignes en s'approchant dans l'espace, etc.

Les études qui ont été faites là-dessus montrent que oh surprise, si c'est systématique et stable pour chacun (le piano se présente toujours blanc opaque pour moi)  c'est aussi complètement différent en fonction des personnes - pour quelqu'un d'autre qui présente ces caractéristiques neurologiques, le piano sera toujours vert+ autres attributs constants pour elle. Et bien sûr ce phénomène est présent à des degrés plus ou moins élevés, allant de l'inaperçu a l'handicap, finalement chez pas mal de gens.

Ca a déjà été dit et répété dans le groupe, mais j'ai aussi lu pas mal de posts/commentaires qui semblent difficilement prendre ce facteur en compte, en traitant des autres plans de conscience et des diverses expériences dont on parle ici.

J'ai aussi pu expérimenter et vérifié une ou deux fois que dans les autres plans de conscience, et au niveau énergétique, la même chose s'appliquait : sans en faire une généralité, on était 2 à percevoir un même phénomène, mais de façon très différente.

Et pourtant, il y a aussi des constantes qui semblent ressortir, le plan éthérique étant décrit comme bleu à la quasi unanimité par exemple... ou les "cavernes brunes du bas-astral ou tout est lent et pèse un tonne" (bon ça c'est peut-être moins consensuel, mais vu et vécu avec, à peu de choses près, la même description).

Du coup les amis... Comment mettez-vous des repères là-dedans ? En général, et dans les fils de discussion du groupe ? Est-ce important pour vous ? Ou à valeur nulle ? Je me suis bien fait ma petite idée, mais je suis assez curieuse d'autres perspectives... 

J'en profite aussi pour remercier chaleureusement Marc Auburn et les contributeurs de ce groupe, qui défrichent avec brio ces terra incognita...

Loïc Dubuckingham@ Auteur1. Moi je dirais que c'est simplement humain de vouloir que tout soit "repérable" et contrôler. Vous avez de la chance de pouvoir effectuer ces voyages là alors prenez la chance aussi de lâcher prise en m'étant un peu de côté l'obsession humaine de vouloir tout expliquer pour mieux comprendre. Ce n'est pas un reproche que je vous fait la mais une suggestion.

Auteur 1 @ Loïc Dubuckingham. Bonjour, je ne crois pas chercher à tout repérer et contrôler, et surtout pas dans ce genre de sujet... lâcher prise, bien sûr, mais de mon côté ça ne m’empêche pas de temps à autres d’essayer de comprendre ce que je vis. Jusqu’ici, ça ne m’a pas tellement joué de mauvais tours ??

Callirhoé Déicoon @ Loïc Dubuckingham. Je pense que la curiosité et l'envie de comprendre sont plutôt des moteurs sains. De + les divers témoignages et communications avec des entités laissent entendre que ce moteur est universel en tant que base de l'évolution des consciences, et non juste humain (désolée de déterrer ce fil 1 an après)

Marc Auburn@. Oui, la synesthésie est l'état naturel du corps de lumière. Toute perception suscite une correspondance avec toutes les autres perceptions, et pourtant en même temps on fait parfaitement le distinguo.

Auteur 1@ Marc Auburn. Oui, la distinction est claire. Ce que j’en retenais surtout, c’était le côté subjectif et propre à chacun, et j’avais tendance à partir du principe que si même un son est perçu différemment selon la personne, c’était logiquement pareil puissance X dans d’autres dimensions... mais, bon... je me prends peut être un peu la tête pas dans le bon sens ??

Callirhoé Déicoon @ Auteur 1. Au contraire, vous ne vous prenez pas la tête pour rien, c'est justement une question centrale… et éminemment complexe. Je ne sais pas mais on dirait que c'est comme s'il y avait une réalité archétypale dans l'astral, c'est-à-dire que les gens y voient la "même chose" (le même concept) mais avec des apparences qui varient…

Denis Cottard. Mon approche des réalités énergétiques est avant tout une approche par le sens, par l’intensité de signification, car curieusement, bien souvent, la sensation pure n’est pas centrale. Il y a des cas où elle l’est, quand il s’agit de situations fortement reliées au plan physique et où il faut des éléments qui puissent nous faire des repères, mais sinon je sais que c’est moi qui met le truc en image parce que c’est plus simple pour se souvenir et garder, et je reste d’ailleurs conscient de le faire. Donc, je conçois que chacun puisse "imager" à sa façon car chacun a sa sensibilité, certains sont plus visuels, d’autres tactiles, etc... et qu’il y a un symbolisme de représentation qui peut être très personnel. L’important étant que çà fasse sens pour celle ou celui qui fait l’expérience.

Donc je ne me fixe pas trop sur la forme des expériences (même si pour certains, c’est encore celle-ci qui est l’aspect le plus fascinant) car dès lors qu’on quitte la réalité matérielle, on évolue dans une réalité qui n’a aucune raison d’être particulièrement objective, et qu’à partir de certains plans d’existence, il n’y a tout simplement plus de forme ou alors, il y a quelque chose mais qui ne témoigne en rien de ce que nos sens pourrait témoigner. C’est en cela que j’affectionne particulièrement les sorties en tandem car au retour, la reconstruction s’effectue à deux et c’est très amusant : c’est un peu comme peindre un tableau à deux mains. C’est également ce que j’apprécie dans les témoignages des uns et des autres dans ce groupe, c’est que çà fait autant de point de vue différents sur des expériences qui sont souvent semblables. Là encore, je trouve que le sens s’enrichit.

Auteur 1 @ Denis Cottard. J’ai un peu la même façon d’aborder ça en principe. Mais j’ai été un peu secouée en lisant Dolores Cannon, de trouver des descriptions quand même très ressemblantes entre elles, et en particulier une description vraiment très similaire à une de mes expériences de sortie... et justement, jusque dans la forme... ça fout un peu une baffe à mon approche ?? - mais sinon, qu’est ce que c’est chouette de pouvoir lire tous ces points de vue, merci !  D'ailleurs Denis Cottard comment on fait des sorties en tandem ??

Denis Cottard @ Auteur 1. Alors, pour faire une sortie en tandem, il faut utiliser un protocole de sortie qui démarre comme une projection de conscience dans laquelle on s’investit progressivement. Il est bien de faire çà avec quelqu’un qu’on connaît bien, dont on a une signature énergétique, claire car tant qu’on ne sait pas se faire un véhicule à 2 places (qui peut se résumer à une bulle de taille adéquate), on peut se perdre et partir chacun dans son coin. D’autre part, au début, on est chacun bien calé dans un fauteuil mais on peut se parler si nécessaire et c’est très aidant pour savoir où est l’autre. Au fil de l’exploration, on se fait happé par la situation, et on ne se parle plus physiquement, mais on continue de se parler mentalement, car çà maintient le lien : c’est du genre : t’es là ? Oui et toi ? ?? on se fait nos commentaires, on se donne des indications de déplacement.

J’ai appris çà en cours de parapsychologie car c’était un exercice assez ludique qu’on faisait à chaque fin de cours. Il y avait une personne qui notait sur un papier, des lieux qu’elle allait visiter en esprit, et les autres n’avaient qu’à suivre son empreinte énergétique et dire à la fin, les sites dans lesquels ils avaient été, et on pouvait vérifier avec ce qui avait été inscrit. Surprenant ! Une de mes filles était excellente à ce jeu -là. Essayez, vous allez voir, déjà, c’est sympa comme tout, et puis, c’est la base pour effectuer une sortie à deux.

Dans ces sorties à deux, on peut décider de ce qu’on veut visiter, ou se laisser aller au hasard. Je sais que nombre d’entre vous vont penser : Bof, c’est que du remote viewing ! Mais faites-le et on en reparle : vous allez voir que c’est bien plus que çà, et que, un des intérêts de la chose, en dehors du fait qu’on peut confronter les deux expériences a posteriori, c’est que la conscience y est particulièrement vive et les perceptions très claires. ( à part peut-être qu’on peut y voir à l’envers - pas systématiquement mais çà peut arriver - c’est à dire comme l’image dans un miroir ce qui rend toute lecture particulièrement fastidieuse!!).

Avec l’habitude, on peut même le faire à distance de la personne. Il faut juste fixer un jour et une heure et on s’y met. On se donne RV là où on a "parqué" la bulle qui nous sert à voyager ensemble, et on se met dedans et quand l’autre y est aussi, on bouge.

Il y a une quinzaine d’année, avec une amie on était très désireux de savoir à quoi s’en tenir à propos de la 9 eme planète, ce corps qui fou le bordel dans les orbites des planètes extérieures. On s’y est rendu de cette façon là, et à l’époque on a été très surpris de rencontrer un corps noir comme l’encre et qui semblait même absorber toute lumière. Il faut dire que dans le soit-disant  "vide spatial" c’est très éclairé parce qu’on voit mille fois plus d’étoiles et ce corps se repère parce qu’il masque les étoiles sur son passage. Nous nous sommes rapproché et très honnêtement, ce truc tout noir , un peu grouillant (il y avait du mouvement, un peu comme de l’eau ou un quelque chose de fluide) n’était pas très engageant, et courageux mais pas téméraires, dans le doute on s’est tiré de là vite fait. J’ai lu cette semaine que des astronomes très sérieux envisagent que ce corps puisse être un mini trou noir. Tiens, tiens ...

Auteur 1 @ Denis Cottard ça à l’air très chouette et ça me rend curieuse, tout en me demandant avec qui j’aurais envie de faire ça ?? ... je sais pas... merci pour le partage.

Denis Cottard@auteur 1. Il faut faire çà avec quelqu'un que vous connaissez bien, parce qu'on est vraiment à poil !!! on entend tout ce que l'autre pense ou ressent. Heureusement, quand on est en esprit, on a pas trop de pulsion sexuelles, pour ne pas dire niveau zéro. Mais enfin, çà fait partie de ces voyages où l'on garde une certaine apparence, pour ne pas se perdre, on se voit aussi. çà pourrait être gênant !! ??

Auteur1 @ Denis Cottard. Certes ??

Reinald Durand. Pour revenir à ce qui est dit plus haut, évoquer l'objectivité et des constantes, des repères qui seraient fixes nous fait entrer sur un terrain glissant. La perception, de même que la connaissance, n'est jamais neutre. La perception est orientée, colorée par nos croyances, nos intentions, nos attentes, nos états intérieurs. Comme on dit, on voit ce qu'on veut voir, même si on n'en est pas toujours conscient ou qu'on a oublié la chose. Et si on fait intervenir des petits hommes gris ou des figures sombres encapuchonnées autour de son lit, il y a peut être une raison, qui n'a pas nécessairement à être jugée d'ailleurs en termes de bien ou de mal. Maintenant, on peut surtout en prendre conscience pour changer la nature de ses aventures... C'est la même chose dans la vie de tous les jours, je pense. Il peut être utile de prendre le temps d'examiner certaines choses: est-ce que ce sont des projections, est-ce qu'on n'en rajoute pas une couche, est-ce qu'on peut relier ce qu'on voit à des croyances, des intentions, des états intérieurs? Il y a un monde intérieur d'où jaillit cette réalité qu'il faut reconnaitre, à défaut on croira que tout cela nous arrive, indépendamment de notre volonté ( innocente victime, va!) que ce soit dans le rêve, dans les sorties hors corps, dans son quotidien, et si on change l'intérieur l'extérieur se met changer...??

Denis Cottard. Je suis bien d’accord, il ne faut pas oublier le caractère hautement subjectif d’expériences de ce genre.

C’est d’ailleurs tout l’intérêt de chercher à vérifier dans "la vie réelle", ce qui est vérifiable, et même de s’efforcer d’orienter nos sorties dans ce sens afin d’avoir une idée du pourcentage d’entre elles qui est validable et trouver le juste recul qu’il convient d’avoir à cet égard, car on va tous expérimenter un jour ou l’autre, ce truc de ouf qui va nous obliger à convenir qu’il y a bien là, un outil incroyable qui nous ouvre réellement des voies de connaissance objective, mais çà n’implique pas pour autant que toutes nos sorties soient des expériences de ce type.

J’ai longtemps pratiqué la radiesthésie, et j’y retrouve le même problème, et je pense que c’est encore la même chose avec la médiumnité. Toutes ces voies provoquent réellement une amplification de notre champ de perception mais dont il faut se garder de considérer la pertinence comme acquise une fois pour toute.

Denis Cottard. C'est comme pour "vu à la télé", çà ne veux pas dire que c'est juste à tous les coups.

Reinald Durand. Oui, qu'est qui est réel, qu'est-ce qui ne l'est pas ? l'imagination pourrait être réelle... Qu'est-ce qui va faire la différence? Pour moi, ça tourne autour de consensus, de conventions, d'accords souvent tacites reposant sur des objectifs communs... et une manière de camoufler les choses, filtrage propres à chaque monde ou dimension sur quelque chose d'infini. Alors il y a peut-être simplement moins de réalité lorsqu'on se trompe, lorsqu'on s'écarte de ce qu'on est profondément et qu'on souffre... Je ne nie pas le besoin d'objectivité, mais, comme tu dis, c'est essayer de voir deux fois. ??

Sofiane Thoulon. Bonjour, comme vous j'ai des synesthesies. Chez moi elles s'expriment beaucoup par les voyelles qui sont directement reliées à des couleurs (i rouge, a blanc, etc...) j'ai aussi des mots dont la sonorité se rapportent à des formes géométriques etc...

J'ai vécu lors d'une sortie l'été dernier, un phénomène que je dirais de cet ordre : alors que j'étais en train de sortir de mon corps, des entités sont venues autour de moi, je ne les voyais pas mais je sentais qu'elles étaient plusieurs. J'ai senti qu'elles me touchaient, elles faisaient une sorte d'expérience. Bref, rien de très rassurant sur le coup, d'autant plus que j'avais parlé quelques jours auparavant, avec une personne médium qui avait subie des attaques et qui voulait m'avertir du danger. Elle m'avait donc conseillé de les insulter sans relâche jusqu'à ce qu'elles partent. J'ai donc fait ça et, non seulement elles ne partaient pas, mais j'ai alors vu dans mon ''écran visuel'' une sorte d'onde verticale faite de lumière rose-rouge en mouvement et assez anguleuse. C'était clairement pour moi, la conversion visuelle de l'onde des insultes. Je n'ai même pas vraiment voulu interpréter, mais cette info est venue immédiatement après l'expérience. Pour en conclure, derrière n'importe quel Objet physique, de quelque nature qu'il soit, il y a un champ d'information d'ordre quantique et je pense que les synesthesies sont une sorte de perception de cette information quantique, que le cerveau humain essaie de convertir pour en comprendre l'essence. Mais finalement, ce qui fait la subjectivité des synesthesies, c'est peut-être bien cette conversion faite par le cerveau de chacun, pour comprendre l'essence des choses. Haha je ne sais même pas si je suis claire ??? je crois que je m'embrouille moi même !

Claude-Samuel Levine @ Sofiane Thoulon. Si c'est clair, je comprend bien. Du fait que moi même j'ai toujours eu des synesthésies très précises.

Lettres, chiffres, nombres, heures, jours de la semaine, mois, notes de musiques et orchestrations. D'ailleurs ce n'est pas qu'une association "couleur" ,la couleur envoit à une véritable ambiance. Exemple : une musique en LA majeur : La vert, Do# jaune doré => forêt au soleil, ou lumière de l'au-delà sur paysage, et avec la joie liée à la lumière. Le "Metal" : violence, rouge sombre noir avec lignes cassantes et les barres des rythmes.

Auteur: Anonymes pseudos

Info: Fil de discussion sur Explorateurs du réel avec Marc Auburn, octobre 2019

[ réalités individuelles ] [ cerveau filtre ] [ ésotérisme ] [ occultisme ]

 

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intelligence artificielle

Apprendre l'anglais n'est pas une tâche facile, comme le savent d'innombrables étudiants. Mais lorsque l'étudiant est un ordinateur, une approche fonctionne étonnamment bien : Il suffit d'alimenter un modèle mathématique géant, appelé réseau neuronal, avec des montagnes de textes provenant d'Internet. C'est le principe de fonctionnement des modèles linguistiques génératifs tels que ChatGPT d'OpenAI, dont la capacité à tenir une conversation cohérente (à défaut d'être toujours sincère) sur un large éventail de sujets a surpris les chercheurs et le public au cours de l'année écoulée.

Mais cette approche présente des inconvénients. D'une part, la procédure de "formation" nécessaire pour transformer de vastes archives textuelles en modèles linguistiques de pointe est coûteuse et prend beaucoup de temps. D'autre part, même les personnes qui forment les grands modèles linguistiques ont du mal à comprendre leur fonctionnement interne, ce qui, à son tour, rend difficile la prévision des nombreuses façons dont ils peuvent échouer.

Face à ces difficultés, certains chercheurs ont choisi d'entraîner des modèles plus petits sur des ensembles de données plus restreints, puis d'étudier leur comportement. "C'est comme le séquençage du génome de la drosophile par rapport au séquençage du génome humain", explique Ellie Pavlick, chercheuse sur les modèles de langage à l'université de Brown.

Dans un article récemment publié sur le serveur scientifique arxiv.org, deux chercheurs de Microsoft ont présenté une nouvelle méthode pour former de minuscules modèles de langage : Les élever avec un régime strict d'histoires pour enfants.

RÉSEAUX NEURONAUX

Des chercheurs acquièrent une nouvelle compréhension à partir d'une simple IA  

Les chercheurs en apprentissage automatique ont compris cette leçon. GPT-3.5, le grand modèle linguistique qui alimente l'interface ChatGPT, compte près de 200 milliards de paramètres et a été entraîné sur un ensemble de données comprenant des centaines de milliards de mots (OpenAI n'a pas publié les chiffres correspondants pour son successeur, GPT-4).  L'entraînement de modèles aussi vastes nécessite généralement au moins 1 000 processeurs spécialisés, appelés GPU, fonctionnant en parallèle pendant des semaines. Seules quelques entreprises peuvent réunir les ressources nécessaires, sans parler de l'entraînement et de la comparaison de différents modèles.

Les deux chercheurs ont montré que des modèles linguistiques des milliers de fois plus petits que les systèmes de pointe actuels apprenaient rapidement à raconter des histoires cohérentes et grammaticalement justes lorsqu'ils étaient formés de cette manière. Leurs résultats indiquent de nouvelles pistes de recherche qui pourraient être utiles pour former des modèles plus importants et comprendre leur comportement.

"J'ai trouvé tout  ça très instructif", a déclaré Chandra Bhagavatula, chercheur sur les modèles de langage à l'Allen Institute for Artificial Intelligence de Seattle. "Le concept lui-même est très intéressant.

Il était une fois

Les réseaux neuronaux au cœur des modèles de langage sont des structures mathématiques vaguement inspirées du cerveau humain. Chacun d'entre eux contient de nombreux neurones artificiels disposés en couches, avec des connexions entre les neurones des couches adjacentes. Le comportement du réseau neuronal est régi par la force de ces connexions, appelées paramètres. Dans un modèle linguistique, les paramètres contrôlent les mots que le modèle peut produire ensuite, compte tenu d'une invite initiale et des mots qu'il a déjà générés.

Un modèle ne prend véritablement vie qu'au cours de la formation, lorsqu'il compare de manière répétée ses propres résultats au texte de son ensemble de données de formation et qu'il ajuste ses paramètres afin d'accroître la ressemblance. Un réseau non entraîné avec des paramètres aléatoires est trivialement facile à assembler à partir de quelques lignes de code, mais il ne produira que du charabia. Après l'entraînement, il peut souvent poursuivre de manière plausible un texte peu familier. Les modèles de plus grande taille sont souvent soumis à des réglages plus fins qui leur apprennent à répondre à des questions et à suivre des instructions, mais l'essentiel de la formation consiste à maîtriser la prédiction des mots.

Pour réussir à prédire des mots, un modèle linguistique doit maîtriser de nombreuses compétences différentes. Par exemple, les règles de la grammaire anglaise suggèrent que le mot suivant le mot "going" sera probablement "to", quel que soit le sujet du texte. En outre, un système a besoin de connaissances factuelles pour compléter "la capitale de la France est", et compléter un passage contenant le mot "not" nécessite une connaissance rudimentaire de la logique.

"Le langage brut est très compliqué", explique Timothy Nguyen, chercheur en apprentissage automatique chez DeepMind. "Pour que des capacités linguistiques intéressantes apparaissent, les gens ont eu recours à l'idée que plus il y a de données, mieux c'est".

(photo) Ronen Eldan s'est rendu compte qu'il pouvait utiliser les histoires d'enfants générées par de grands modèles linguistiques pour en entraîner rapidement de plus petits.

Introduction

Ronen Eldan, mathématicien qui a rejoint Microsoft Research en 2022 pour étudier les modèles de langage génératifs, souhaitait développer un moyen moins coûteux et plus rapide d'explorer leurs capacités. Le moyen naturel d'y parvenir était d'utiliser un petit ensemble de données, ce qui signifiait qu'il devait entraîner les modèles à se spécialiser dans une tâche spécifique, afin qu'ils ne s'éparpillent pas. Au départ, il voulait entraîner les modèles à résoudre une certaine catégorie de problèmes mathématiques, mais un après-midi, après avoir passé du temps avec sa fille de 5 ans, il s'est rendu compte que les histoires pour enfants convenaient parfaitement. "L'idée m'est venue littéralement après lui avoir lu une histoire", a-t-il déclaré.

Pour générer des histoires cohérentes pour les enfants, un modèle de langage devrait apprendre des faits sur le monde, suivre les personnages et les événements, et observer les règles de grammaire - des versions plus simples des défis auxquels sont confrontés les grands modèles. Mais les grands modèles formés sur des ensembles de données massives apprennent d'innombrables détails non pertinents en même temps que les règles qui comptent vraiment. Eldan espérait que la brièveté et le vocabulaire limité des histoires pour enfants rendraient l'apprentissage plus gérable pour les petits modèles, ce qui les rendrait à la fois plus faciles à former et plus faciles à comprendre.

Dans le monde des modèles de langage, cependant, le terme "petit" est relatif : Un ensemble de données mille fois plus petit que celui utilisé pour former GPT-3.5 devrait encore contenir des millions d'histoires. "Je ne sais pas combien d'argent vous voulez dépenser, mais je suppose que vous n'allez pas engager des professionnels pour écrire quelques millions de nouvelles", a déclaré M. Nguyen.

Il faudrait un auteur extraordinairement prolifique pour satisfaire des lecteurs aussi voraces, mais Eldan avait quelques candidats en tête. Qui peut mieux écrire pour un public de petits modèles linguistiques que pour de grands modèles ?

Toys stories

Eldan a immédiatement entrepris de créer une bibliothèque d'histoires synthétiques pour enfants générées par de grands modèles linguistiques. Mais il a rapidement découvert que même les modèles de pointe ne sont pas naturellement très créatifs. Si l'on demande à GPT-4 d'écrire des histoires adaptées à des enfants de 4 ans, explique Eldan, "environ un cinquième des histoires concernera des enfants qui vont au parc et qui ont peur des toboggans". C'est apparemment la quintessence des histoires pour enfants d'âge préscolaire, selon l'Internet.

La solution a consisté à ajouter un peu d'aléatoire dans le message. Tout d'abord, Eldan a utilisé le GPT-4 pour générer une liste de 1 500 noms, verbes et adjectifs qu'un enfant de 4 ans pourrait connaître - suffisamment courte pour qu'il puisse facilement la vérifier lui-même. Il a ensuite écrit un programme informatique simple qui demanderait à plusieurs reprises à GPT-3.5 ou à GPT-4 de générer une histoire adaptée à l'âge de l'enfant, comprenant trois mots aléatoires de la liste, ainsi qu'un détail supplémentaire choisi au hasard, comme une fin heureuse ou un rebondissement de l'intrigue. Les histoires obtenues, heureusement, étaient moins axées sur des diapositives effrayantes.

Eldan disposait désormais d'une procédure pour produire des données de formation à la demande, mais il n'avait aucune idée du nombre d'histoires dont il aurait besoin pour former un modèle fonctionnel, ni de la taille de ce modèle. C'est alors qu'il s'est associé à Yuanzhi Li, chercheur en apprentissage automatique chez Microsoft et à l'université Carnegie Mellon, pour essayer différentes possibilités, en tirant parti du fait que les petits modèles peuvent être formés très rapidement. La première étape consistait à décider comment évaluer leurs modèles.

Introduction

Dans la recherche sur les modèles de langage - comme dans toute salle de classe - la notation est un sujet délicat. Il n'existe pas de rubrique parfaite qui englobe tout ce que les chercheurs veulent savoir, et les modèles qui excellent dans certaines tâches échouent souvent de manière spectaculaire dans d'autres. Au fil du temps, les chercheurs ont mis au point divers critères de référence standard basés sur des questions dont les réponses ne sont pas ambiguës, ce qui est une bonne approche si vous essayez d'évaluer des compétences spécifiques. Mais Eldan et Li se sont intéressés à quelque chose de plus nébuleux : quelle doit être la taille réelle des modèles linguistiques si l'on simplifie le langage autant que possible ?

"Pour vérifier directement si le modèle parle anglais, je pense que la seule chose à faire est de laisser le modèle générer de l'anglais de manière ouverte", a déclaré M. Eldan.

Il n'y a que deux façons de mesurer les performances d'un modèle sur des questions aussi qualitatives : S'appuyer sur des évaluateurs humains ou se tourner à nouveau vers le GPT-4. Les deux chercheurs ont opté pour cette dernière solution, laissant les grands modèles à la fois rédiger les manuels et noter les dissertations.

Bhagavatula a déclaré qu'il aurait aimé voir comment les évaluations de GPT-4 se comparaient à celles des correcteurs humains - GPT-4 peut être biaisé en faveur des modèles qu'il a aidé à former, et l'opacité des modèles de langage rend difficile la quantification de tels biais. Mais il ne pense pas que de telles subtilités affecteraient les comparaisons entre différents modèles formés sur des ensembles similaires d'histoires synthétiques - l'objectif principal du travail d'Eldan et Li.

Eldan et Li ont utilisé une procédure en deux étapes pour évaluer chacun de leurs petits modèles après la formation. Tout d'abord, ils ont présenté au petit modèle la première moitié d'une histoire distincte de celles de l'ensemble des données d'apprentissage, de manière à ce qu'il génère une nouvelle fin, en répétant ce processus avec 50 histoires de test différentes. Ensuite, ils ont demandé à GPT-4 d'évaluer chacune des fins du petit modèle en fonction de trois catégories : créativité, grammaire et cohérence avec le début de l'histoire. Ils ont ensuite fait la moyenne des notes obtenues dans chaque catégorie, obtenant ainsi trois notes finales par modèle.

Avec cette procédure en main, Eldan et Li étaient enfin prêts à comparer les différents modèles et à découvrir quels étaient les étudiants les plus brillants.

Résultats des tests

Après quelques explorations préliminaires, les deux chercheurs ont opté pour un ensemble de données de formation contenant environ 2 millions d'histoires. Ils ont ensuite utilisé cet ensemble de données, baptisé TinyStories, pour entraîner des modèles dont la taille varie de 1 million à 30 millions de paramètres, avec un nombre variable de couches. Le travail a été rapide : En utilisant seulement quatre GPU, l'entraînement du plus grand de ces modèles n'a pas pris plus d'une journée.

Les plus petits modèles ont eu du mal. Par exemple, l'une des histoires testées commence par un homme à l'air méchant qui dit à une fille qu'il va lui prendre son chat. Un modèle à un million de paramètres s'est retrouvé bloqué dans une boucle où la fille répète sans cesse à l'homme qu'elle veut être son amie. Mais les modèles plus grands, qui sont encore des milliers de fois plus petits que GPT-3.5, ont obtenu des résultats surprenants. La version à 28 millions de paramètres racontait une histoire cohérente, même si la fin était sinistre : "Katie s'est mise à pleurer, mais l'homme s'en fichait. Il a emporté le chat et Katie n'a plus jamais revu son chat. Fin de l'histoire".

En plus de tester leurs propres modèles, Eldan et Li ont soumis le même défi au GPT-2 d'OpenAI, un modèle de 1,5 milliard de paramètres publié en 2019. Le résultat a été bien pire - avant la fin abrupte de l'histoire, l'homme menace d'emmener la jeune fille au tribunal, en prison, à l'hôpital, à la morgue et enfin au crématorium.

Introduction

Selon M. Nguyen, il est passionnant que des modèles aussi petits soient aussi fluides, mais il n'est peut-être pas surprenant que GPT-2 ait eu du mal à accomplir la tâche : il s'agit d'un modèle plus grand, mais loin de l'état de l'art, et il a été formé sur un ensemble de données très différent. "Un enfant en bas âge qui ne s'entraînerait qu'à des tâches d'enfant en bas âge, comme jouer avec des jouets, obtiendrait de meilleurs résultats que vous ou moi", a-t-il fait remarquer. "Nous ne nous sommes pas spécialisés dans cette chose simple.

Les comparaisons entre les différents modèles de TinyStories ne souffrent pas des mêmes facteurs de confusion. Eldan et Li ont observé que les réseaux comportant moins de couches mais plus de neurones par couche étaient plus performants pour répondre aux questions nécessitant des connaissances factuelles ; inversement, les réseaux comportant plus de couches et moins de neurones par couche étaient plus performants pour garder en mémoire les personnages et les points de l'intrigue situés plus tôt dans l'histoire. Bhagavatula a trouvé ce résultat particulièrement intriguant. S'il peut être reproduit dans des modèles plus vastes, "ce serait un résultat vraiment intéressant qui pourrait découler de ce travail", a-t-il déclaré.

Eldan et Li ont également étudié comment les capacités de leurs petits modèles dépendaient de la durée de la période de formation. Dans tous les cas, les modèles maîtrisaient d'abord la grammaire, puis la cohérence. Pour Eldan, ce schéma illustre comment les différences dans les structures de récompense entraînent des différences dans les schémas d'acquisition du langage entre les réseaux neuronaux et les enfants. Pour les modèles de langage, qui apprennent en prédisant des mots, "l'incitation pour les mots "je veux avoir" est aussi importante que pour les mots "crème glacée"", a-t-il déclaré. Les enfants, en revanche, "ne se soucient pas de savoir s'ils disent 'j'aimerais avoir de la glace' ou simplement 'glace, glace, glace'".

Qualité contre quantité

Eldan et Li espèrent que cette étude incitera d'autres chercheurs à entraîner différents modèles sur l'ensemble des données de TinyStories et à comparer leurs capacités. Mais il est souvent difficile de prédire quelles caractéristiques des petits modèles apparaîtront également dans les plus grands.

"Peut-être que les modèles de vision chez la souris sont de très bons substituts de la vision humaine, mais les modèles de dépression chez la souris sont-ils de bons modèles de la dépression chez l'homme ? a déclaré M. Pavlick. "Pour chaque cas, c'est un peu différent.

Le succès des modèles TinyStories suggère également une leçon plus large. L'approche standard pour compiler des ensembles de données de formation consiste à aspirer des textes sur l'internet, puis à filtrer les déchets. Le texte synthétique généré par des modèles de grande taille pourrait constituer une autre façon d'assembler des ensembles de données de haute qualité qui n'auraient pas besoin d'être aussi volumineux.

"Nous avons de plus en plus de preuves que cette méthode est très efficace, non seulement pour les modèles de la taille de TinyStories, mais aussi pour les modèles plus importants", a déclaré M. Eldan. Ces preuves proviennent d'une paire d'articles de suivi sur les modèles à un milliard de paramètres, rédigés par Eldan, Li et d'autres chercheurs de Microsoft. Dans le premier article, ils ont entraîné un modèle à apprendre le langage de programmation Python en utilisant des extraits de code générés par GPT-3.5 ainsi que du code soigneusement sélectionné sur l'internet. Dans le second, ils ont complété l'ensemble de données d'entraînement par des "manuels" synthétiques couvrant un large éventail de sujets, afin d'entraîner un modèle linguistique à usage général. Lors de leurs tests, les deux modèles ont été comparés favorablement à des modèles plus importants formés sur des ensembles de données plus vastes. Mais l'évaluation des modèles linguistiques est toujours délicate, et l'approche des données d'entraînement synthétiques n'en est qu'à ses balbutiements - d'autres tests indépendants sont nécessaires.

Alors que les modèles linguistiques de pointe deviennent de plus en plus volumineux, les résultats surprenants de leurs petits cousins nous rappellent qu'il y a encore beaucoup de choses que nous ne comprenons pas, même pour les modèles les plus simples. M. Nguyen s'attend à ce que de nombreux autres articles explorent l'approche inaugurée par TinyStories.

"La question est de savoir où et pourquoi la taille a de l'importance", a-t-il déclaré. "Il devrait y avoir une science à ce sujet, et cet article est, je l'espère, le début d'une riche histoire.



 



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ Ben Brubaker, 5 octobre 2023

[ synthèse ]

 

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refus

Jours, années, vies. Les arbres avaient perdu leurs parures multicolores. C’était ça : elle se trouvait pile à cette conjonction des trois boucles. L’entame du dernier quart. La journée avait dépassé sa dix-neuvième heure, l’hiver était là et Emma se préparait à fêter ses soixante et un ans. Anniversaire dont elle avait fait le symbolique début de l’hiver de sa vie.

Encore récemment elle avait le sentiment de commencer à jouir de la sérénité de son âge. Jusqu’à l’arrivée du gosse.

Emma l’albanaise n’en revenait pas.

Imaginez : vous êtes en charge du service psychiatrique d’un hôpital Suisse. On vous amène un petit garçon, noiraud aux cheveux ondulés, Jean-Sébastien. Enfant sans aucun problème apparent selon toutes les informations et surtout ses proches. Un gosse qui a été éduqué tout à fait correctement dans ce pays, dans son pays : la Suisse. Diagnostic du corps médical : anorexie mentale. Le gosse refuse de s’alimenter et même, surprise, a sa propre auto-évaluation, affirmée : je refuse de vivre mon général. Un credo presque annoncé avec humour.

Après quelques jours tout le personnel de l’immense hôpital en parlait. Une anorexie à neuf ans, c’était déjà exceptionnel, quoi qu’on commençait à en voir apparaître dans les statistiques occidentales, mais ce gosse avait une telle tranquillité, une conscience, comme si son regard et ses appréciations liquidaient d’un coup la raison d’être, l’existence même de la structure hospitalière. Et tout le reste. Une gifle pour le Monde. Pour tous. Les êtres humains. Un déni.

Le tapis de feuilles mortes rassemblées devant les escaliers par un jardinier l’obligea à faire un crochet. Elle lança un sourire à l’homme au balai qui le lui rendit.

Selon le garçonnet, la vie ne valait pas la peine d’être vécue, point. Et les bipèdes adultes de son espèce, malgré tous leurs efforts, n’y changeraient rien. L’amour conjugué de ses proches, les visites de ses camarades, l’abnégation souriante des infirmières, l’attention soutenue de la doctoresse en chef… rien n’avait pu infléchir sa décision. L’enfant au regard foncé répétait et déclinait en souriant :

- Je ne suis pas fait pour vivre.. je suis de trop, c’est évident…

Les infirmières comprenaient confusément que le gosse ne voyait pas pourquoi ce monde méritait encore d’être connu, exploré. C’était juste une non envie d’entrer en matière. Ses parents, elle secrétaire, lui mécanicien, n’avaient rien de particulier. Des gens simples, adorables. Le fiston l’assurait lui-même : il n’avait rien à leur reprocher, surtout pas de l’avoir amené à la vie, au contraire, surtout pas…. Son expérience restait irremplaçable. Il insistait : irremplaçable. Leur expliquant : vous n’y pouvez rien, mes amours, mes chéris… c’est comme ça. Il parvenait à même leur remonter le moral.

Dans le hall, l’hôtesse d’accueil lui adressa le salut matinal routinier derrière son grand vitrage.

Une semaine après l’arrivée du malade, un collègue d’Emma, Pierre B, vieux médecin, était venu trouver l’enfant sous un prétexte imaginaire. Quelques heures plus tard il prenait la doctoresse à part au détour d’un couloir :
- Je suis bouleversé, je reviens des Andes… ici les magasins, les rues, tout m’inspire une aversion irraisonnée. Les fêtes qui approchent, la foule des acheteurs, les corps pétant de cholestérol, le fric… C’est affreux, le seul endroit où je me sens mieux c’est ici, à l’hôpital. L’argent me gêne, il envahit tout… je ne vois plus des personnes, mais de petits amas de pognon, de mesquines solitudes feutrées, comme si les gens n’avaient pas besoin les uns des autres, comme s’il n’y avait plus de communauté…

La médecin chef lui répondit sur le ton de la plaisanterie, expliquant que ce n’était pas professionnel, qu’il fallait maîtriser ses émotions.

Elle se dirigeait vers la chambre du petit, ses pas étouffés par l’épais revêtement de linoléum gris. Emma, qui avait réussi, à force de volonté, à se faire sa place de médecin dans la société occidentale, se disait que dans son pays, en Albanie - elle y retournait chaque année - ce genre de syndrome n’apparaissait pas. Jamais. Encore moins chez des êtres si jeunes.

L’infirmière de garde lui indiqua que le petit venait de s’endormir.

Tous pouvaient observer, impuissants, les parents du môme déployer des trésors d’imagination pour essayer de le sortir de ce qu’ils voyaient comme une torpeur incompréhensible. Ils avaient proposé, l’air de rien, d’aller observer un volcan en éruption, d’affronter les cinquantièmes hurlants en catamaran…. Lui les remerciait d’un sourire. Il comprenait parfaitement la démarche, leur expliquait que d’autres que lui seraient enchantés d’aller suivre en direct les ébats amoureux des baleines au large de la Californie, ajoutant que ce devrait être facile d’emmener des enfants défavorisés jouer dans l’eau avec des dauphins. Pas lui.

***

Ce soir là, au sortir de son travail elle croisa la gérante du petit supermarché voisin, une femme d’âge mûr aux grands cheveux frisés, pleine d’ardeur, avec qui elle avait de bons rapports. Elle ne put s’empêcher de lui parler de l’enfant. La dame la transperça de son regard bleu. Deux vrilles sous la masse crépue.

- Mon Dieu, le pauvre chéri… il est trop intelligent….

Elle avait tout dit. Et puis elle rentra. Il fallait prendre le courrier, faire manger les enfants. Il faisait déjà nuit.

***

Le lendemain en fin de matinée la doctoresse quitta son service un peu plus tôt qu’à l’accoutumée, préoccupée. Elle était de plus en plus frustrée parce que depuis plusieurs jours le gamin sommeillait durant la journée alors qu’elle aurait vraiment voulu essayer de communiquer avec lui. Ce qui l’amena à couper la priorité à’un automobiliste, qui, après avoir ouvert sa vitre latérale lui lança, rigolard. "Je comprends maintenant pourquoi vous êtes passée devant un million de spermatozoïdes, vous êtes un hymne à la précipitation… à l’engouffrement". Elle se surprit à sourire, libérée pour un instant du monologue intérieur nourris par l’image du jeune être en train de se faner. Elle se sentait comme enceinte mentalement de lui. De cet homme. Oui, c’était bien un homme… puisqu’il était en fin de parcours, sur sa propre décision. Puisqu’il leur parlait autrement, couché dans son lit trop grand, comme une sorte d’enseignant cosmique, loin de leurs volontés absurdes de vouloir avoir une prise sur le réel. Il avait annoncé la couleur à son arrivée à l’hôpital :

- Je ne veux pas me soigner parce que plus je vais mal mieux je me porte.

Ainsi, après deux semaines d’hospitalisation il avait nettement faibli. Il fallait maintenant faire un effort d’attention pour le comprendre, lui parler doucement et distinctement. Lui restait imperturbable, ses grands yeux marrons brillants d’une sérénité de fer.

***

Emma avait accepté de dîner avec son ami Miguel, helvète de vieille souche, qu’elle appréciait pour cette raison mais aussi parce que son humour self destructeur l’amusait. Il l’accueillit, goguenard, après avoir brièvement jaugé la voiture qu’elle venait de s’acheter.

- Attention ! Je ne vais bientôt plus accepter de te voir, notre amitié va s’achever… regardes-toi un peu, tu es déjà plus Suisse que moi…. mon Dieu la bourgeoise ! J’ose pas t’imaginer dans dix piges ?
- Tu veux dire ?
- Que tu es de plus en plus organisée, aseptisée, maintenant presque riche…. Il ne te manque plus qu’un peu d’inhibition.. Peut-être aussi de réprobation dans l’attitude.
- T'es dur Miguel
- Tu sais bien que le succès et l’argent nous éloignent de l’essentiel.
- C’est quoi l’essentiel ?
- La vie
- Tu en es sûr ?

Elle ne lui parla pas du gosse.

***

De retour à l’hôpital elle aperçut Pierre B. en discussion avec les parents de Jean-Sébastien. Tous se firent un petit signe de loin. Elle monta dans son service, traversa les couloirs déserts pour aller le voir. Il somnolait et réagit mollement lorsqu’elle lui prit la main, esquissant une moue. Elle resta ainsi, assise sur le lit arrosé par l’éclairage crû.

Qui avait chanté un jour que la lumière ne fait pas de bruit ?

Son regard glissait sur les choses. Elle pensait à sa vie, à la vie. Pourquoi se retrouvait-elle médecin… dans ce pays ? Fourmi parmi les autres fourmis. Quelle était la société qui pouvait produire de tel effet sur ses petits ?… Sa pensée se fixa sur des connaissances côtoyées récemment ; une clique d’artistes quadra et quinquagénaires, presque tous issus de la bourgeoisie locale qui, malgré la mise en place de façades plus ou moins réussies, assorties de quelques petites excentricités d’habillement, représentaient pour elle la société dans laquelle elle vivait. Ils formaient un de ces clans ou les individus se rassemblent plutôt par crainte de la marginalité et de la solitude que par de réelles affinités. Sérail ou l’on se fait la bise comme les stars de la télévision ; pour marquer sa différence, son appartenance à un cercle qui serait plus humain, plus averti. Tels étaient donc les révoltés ?… Les artistes ?... quelles étaient donc leur réflexions ?. Assise sur le lit sa main autour de celle du gosse Emma se demandait s’il ne fallait pas voir chez eux une forme d’élitisme atroce, imbécile, destructeur, soumis aux conventions, aux diplômes, loin de la vie, la vraie, celle avec les excréments, les coups, le sang, les hurlements. Vivaient-ils réellement, ces gens encoconnés qu’elle avait vu ignorer ostensiblement ici une caissière édentée ou là un clodo en pleine cuite. Qui, lors des fêtes réunissant les familles, paraissaient tout de suite excédés par leurs enfants, comme s’ils ne les avaient pondus que par convention, par simple peur de la mort, par ennui. Dans son pays à elle la jeunesse était synonyme de joie, de plaisir.

… mais qu’ont-ils de différents des autres humains, somme toute... ne suis-je pas comme eux ?

Jean-Sébastien gardait les yeux fermés, la respiration régulière. Elle caressa doucement le maigre avant-bras que la perfusion prolongeait de manière incongrue.

***

Cette nuit là elle eut ce rêve : Il y avait, lors d’une grande réunion de diverses familles, une scène de discussion animée entre adultes. Les enfants présents - les siens y étaient, tout comme Jean-Sébastien - enthousiastes comme toujours amenaient continuellement des interruptions qui dérangent la continuité des phrases, si sérieuses, des adultes. Coupures qui, à la longue, entraînèrent quelques haussements de voix puis, finalement, l’enfermement de Jean-Sébastien dans une voiture. Il y eut alors un zoom arrière et les humains se transformèrent en arbres. C’étaient les mêmes individus mais qui en sapin, en hêtre, etc.. Et, dans un film accéléré, elle put alors contempler la nouvelle forêt ainsi formée endurer la douce agression des jeunes pousses qui, après s’être hardiment insinuées au pied des grands troncs, s’accrochaient ensuite au premières frondaisons, avant de vaillamment titiller les niveaux supérieurs et d’émerger au sommet pour faire partie de la Pangée. Voir le soleil.

Elle se retrouva assise sur son lit, en nage. Et l’enfant dans la voiture ?… Pourquoi ces plages temporelles mélangées ?… Pourquoi Jean-Sébastien n’avait-il plus cette volonté de monter, de toucher les crêtes… cette curiosité de la vie ?


***

Les forces du gosse déclinaient doucement, implacablement. L’esprit imperturbable et sans tristesse il continuait de communiquer au maximum de ses possibilités, c’est à dire qu’à ce stade il ne faisait plus qu’acquiescer ou rejeter. Mais il observait. Emma, incrédule, attendait quelque chose. Elle ne savait pas exactement quoi : une forme de culpabilisation du gosse, des parents… de grands transports d’émotion avec la famille. De culpabilisation elle n’en vit point. Quand à l’émotion, il y en avait. Beaucoup. Mais tout le monde se maîtrisait.

On le sentait se détacher, comme un fruit. Le temps du silence mûrissait.

***

Il y eut alors ce colloque, une journée/rencontre prévue de longue date où le professeur P., grande ponte allemand de pédopsychiatrie, fit état de l’augmentation sensible des cas d’anorexie chez les enfants en occident. Dans la continuité ils reçurent communication du travail d’une équipe de chercheurs Hindous où étaient explicitées la progression et l'incidence constante des problèmes psychiques de la jeunesse dans les sociétés industrielles. Un médecin psychiatre japonais vint ensuite parler des difficultés rencontrées dans son pays. On commençait à y voir de plus en plus de groupes de discussion sur Internet qui amenaient - et poussaient parfois - de jeunes nippons à se suicider ensemble. Puis il y eut ce rapport sur une maladie mystérieuse affectant plus de 400 enfants de requérants d'asile en Suède, issus la plupart du temps de l'ancienne union Soviétique et des états yougoslaves. Ces enfants tombaient dans une dépression profonde et perdaient la volonté de vivre. Pour finir une intervenante vint expliquer comment les résultats de son étude sociologique de la Suède montraient que la courbe des suicides était inversement proportionnelle aux difficultés économiques. En bref, lors de temps difficiles les gens se suicidaient moins….

Tout ce monde se retrouva ce soir là au milieu de la chaude et joviale l’atmosphère d’une brasserie pour un repas en commun bigarré qui concluait le colloque. Les participants à la conférence confabulèrent bruyamment de tout, sauf de problèmes professionnels. Emma aimait ce genre de brouhaha. Il était passé minuit quand elle rentra. Excitée par l’alcool elle se prépara un grand verre d’eau, prit la zappette et s’installa devant la télévision. Les informations présentaient un sujet sur les prévisions alarmistes quand au réchauffement de la planète. Apparut ensuite sur le plateau l’abbé X qui se faisait le porte-parole des voix innombrables dénonçant le petit nombre de riches - toujours plus riches - et celui, toujours plus grand, des pauvres - toujours plus pauvres. Puis ce fut l’interview d’un politicien qui exprima les craintes suscitées par le comportement paranoïaque de l’empire américain. La rubrique suivante montra une manifestation écologiste européenne. On pouvait y voir des manifestant défiler avec des pancartes qui disaient : "Ressources de la terre en danger " "Consommation galopante, Halte !". "Surpopulation, manque de contrôle !". Le journal se termina par les infos économiques et la progression boursière spectaculaire d’une entreprise pharmaceutique qui développait un médicament contre le diabète, maladie en constante progression chez l’individu moyen - trop gros - des populations américaines et européennes, phénomène qu’on voyait maintenant émerger en Asie. Tous les espoirs étaient permis pour la jeune entreprise.

Dans la salle de bain elle posa cette question muette à son reflet, dans la glace : - Jean-Sébastien entend-il la même mélodie du monde que toi ?

Son mari grogna légèrement lorsqu’elle lui imposa sa présence dans le lit, le forçant à se déplacer.


***


Elle démarrait fréquemment sa matinée par cette pensée de la tradition zen : "un jour, une vie". Après le départ des enfants pour l’école, elle pouvait profiter d’un petit printemps personnel réservé, enfance de sa journée. Moments d’énergie, de fraîcheur, d’optimisme. Tout ce que Jean-Sébastien aurait normalement du vivre en cette période matinale de son existence de jeune mammifère. Alors qu’en réalité il était comme avant d’aller se coucher. Certes son cycle d’existence, sa fin de vie coïncidaient avec la saison hivernale, mais pas avec la bonne synchronisation. Pas du tout.

Elle se confectionna un nouveau café.

Emma avait toujours perçu les mômes comme de grands initiés, dotés d’un sens aigu du mystère, au bénéfice de la fraîcheur de perception qu’ont les étrangers qui pénètrent une contrée inconnue. Confrontée à Jean-Sébastien elle en arrivait à se demander s’il n’avait apporté avec lui les souvenirs de quelque chose d’antérieur, les réminiscences d’une source fabuleuse. Quels pouvaient donc bien être ses critères de jugement ?… en avait-il ?… était-ce du pur instinct, du laisser aller ?. Il avait l’air si équilibré… Ou alors, était-ce diabolique ?… Non, il était trop jeune, trop dans le timing. Trop conscient.

Elle ne savait comment exprimer son sentiment. Ce garçon était comme au delà - ou en deçà - des mots. Un pur poète. Comme s’il avait affirmé que les bateaux ne flottent que depuis Archimède et que tout le monde ait acquiescé. Comme s’il avait décrété que le vent est créé par les arbres sans que personne n’en doute.

Elle voyait vivre ses enfants dans un monde qui n’était pas le sien, celui des grands. Ils n’avaient qu’un intérêt restreint pour la politique, la philosophie de la vie et de ce genre de choses. Leur occupation sérieuse principale c’était le jeu. En tout cas en apparence. Elle ne pouvait se résoudre à leur parler de Jean-Sébastien, d’abord pour garder sa vie privée intacte de ses activités professionnelles. Et puis quelle pouvait être la famille ou l’on aurait abordé de pareils sujets philosophique sérieusement, longuement et profondément, avec les enfants ?... Les siens posaient des questions certes, son mari et elles y répondaient, mais cela restait superficiel. Ces sujets intéressent les mômes mais leurs réflexions lui paraissaient trop courtes. Ou alors leurs forces de vies leurs interdisaient de s’arrêter sur ce genre de réflexions

Mais comment un gosse qui ne voyait plus la réalité avec aucun étonnement s’était-il forgé ?… D’où venaient ses certitudes ?… Était-ce possible qu’un de ses enfants un jour ?…

Elle rassembla ses affaire : sac, clefs, s’habilla. Il fallait en tout cas encore essayer. Encore.

***

Ce vingt décembre Jean-Sébastien dormait si profondément, en état comateux, qu’Emma invita ses parents à la cafétéria pour un café. La communication entre eux ne nécessitait presque plus de mots, artificielles constructions sans intérêt. Au réfectoire ils eurent à subir les activités sauvageonnes d’un groupe d’enfants. Jeunes excités, en mal de cette existence avérée que conforte la réaction témoin de grandes personnes prises en otage-spectateur-cible. Elles ressentit beaucoup de gratitude à l’endroit des emplâtres gesticulants et bruyants qui tentaient d’accaparer attention et champ de vision des adultes.

**

Au milieu de tous ses questionnements, Emma eut l’honnêteté de s’avouer qu’elle l’admirait. Mais quel était son secret… Qui était ce vieux maître… ce fou ?… Elle ne parvenait pas à le voir comme un malade et ressentait même quelque chose qui ressemblait à de la reconnaissance. La jeune créature lui permettait de rétablir une sorte de connexion avec un infini qu’elle avait oublié, trop absorbée par sa vie, par ses obligations. La vitesse.

Le mioche lui dilatait la conscience.

**

Jean-Sébastien mourut la veille de Noël.

Enfin pur esprit.

Auteur: Mg

Info: Jean-Sébastien. D'après une histoire vécue. 2002.

[ histoire courte ] [ automne ]

 
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big brother consumériste

Nulle part où se cacher : Les collecteurs de données sont venus pour capter votre vie privée - et ils l'ont trouvée

La manière dont vos données sont stockées et partagées évolue et votre activité en ligne peut être utilisée pour vous catégoriser d'une manière qui modifie radicalement votre vie. Il existe des moyens de reprendre le contrôle.

Un vendredi de 2021, je suis entré dans un hôtel d'Exeter, au Royaume-Uni, à 17:57:35. Le lendemain matin, j'ai fait 9 minutes de route pour me rendre à l'hôpital le plus proche. J'y suis resté trois jours. Le trajet de retour, qui dure normalement 1 heure 15 minutes, a duré 1 heure 40 minutes. La raison de cette lenteur : mon tout nouveau bébé dormait à l'arrière.

Ce ne sont pas les détails d'un journal. Il s'agit plutôt de ce que Google sait de la naissance de ma fille, sur la base de mon seul historique de localisation.

Un aperçu des données de ce week-end révèle que ce n'est pas tout ce que les entreprises savent de moi. Netflix se souvient que j'ai regardé toute une série d'émissions de bien-être, dont Gilmore Girls et How to Lose a Guy in 10 Days (Comment perdre un homme en 10 jours). Instagram a enregistré que j'ai "aimé" un post sur l'induction du travail, puis que je ne me suis pas reconnectée pendant une semaine.

Et alors ? Nous savons tous maintenant que nous sommes suivis en ligne et que les données collectées sur nous sont à la fois granulaires et constantes. Peut-être aimez-vous que Netflix et Instagram connaissent si bien vos goûts en matière de cinéma et de mode.

Mais un nombre croissant d'enquêtes et de poursuites judiciaires révèlent un nouveau paysage du suivi en ligne dans lequel la portée des entreprises qui collectent des données est plus insidieuse que beaucoup d'entre nous ne le pensent. En y regardant de plus près, j'ai découvert que mes données personnelles pouvaient avoir une incidence sur tout, depuis mes perspectives d'emploi et mes demandes de prêt jusqu'à mon accès aux soins de santé. En d'autres termes, elles peuvent façonner ma vie quotidienne d'une manière dont je n'avais pas conscience. "Le problème est énorme et il y a toujours de nouvelles horreurs", déclare Reuben Binns, de l'université d'Oxford.

On pourrait vous pardonner de penser qu'avec l'introduction d'une législation comme le règlement général sur la protection des données (RGPD) - des règles de l'Union européenne mises en œuvre en 2018 qui donnent aux gens un meilleur accès aux données que les entreprises détiennent sur eux et limitent ce que les entreprises peuvent en faire - la confidentialité des données n'est plus un vrai problème. Vous pouvez toujours refuser les cookies si vous ne voulez pas être suivi, n'est-ce pas ? Mais lorsque je dis cela à Pam Dixon, du groupe de recherche à but non lucratif World Privacy Forum, elle se met à rire d'incrédulité. "Tu y crois vraiment ?" me dit-elle.

Les gratteurs de données

Des centaines d'amendes ont été infligées pour violation du GDPR, notamment à Google, British Airways et Amazon. Mais les experts en données affirment qu'il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg. Une étude réalisée l'année dernière par David Basin de l'ETH Zurich, en Suisse, a révélé que 95 % des sites web pourraient enfreindre les règles du GDPR. Même l'objectif de la législation visant à faciliter la compréhension des données que nous acceptons de fournir n'a pas été atteint. Depuis l'entrée en vigueur de la législation, les recherches montrent que les accords de confidentialité sont devenus plus compliqués, rein de moins. Et si vous pensiez que les bloqueurs de publicité et les réseaux privés virtuels (VPN) - qui masquent l'adresse IP de votre ordinateur - vous protégeaient, détrompez-vous. Bon nombre de ces services vendent également vos données.

Nous commençons à peine à saisir l'ampleur et la complexité du paysage de la traque en ligne. Quelques grands noms - Google, Meta, Amazon et Microsoft - détiennent l'essentiel du pouvoir, explique Isabel Wagner, professeur associé de cybersécurité à l'université de Bâle, en Suisse. Mais derrière ces grands acteurs, un écosystème diversifié de milliers, voire de millions, d'acheteurs, de vendeurs, de serveurs, de traqueurs et d'analyseurs partagent nos données personnelles.

Qu'est-ce que tout cela signifie pour l'utilisateur lambda que je suis ? Pour le savoir, je me suis rendu chez HestiaLabs à Lausanne, en Suisse, une start-up fondée par Paul-Olivier Dehaye, mathématicien et lanceur d'alerte clé dans le scandale de l'utilisation des données de Facebook par la société de conseil politique Cambridge Analytica. Cette société a utilisé des données personnelles pour influencer l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016. L'enquête de Dehaye sur Cambridge Analytica a montré de manière frappante à quel point l'influence des entreprises qui achètent et vendent des données est profonde. Il a créé HestiaLabs pour changer cette situation.

(Photo : Votre téléphone suit votre position même si les données mobiles sont désactivées)

Avant d'arriver, j'ai demandé mes données personnelles à diverses entreprises, un processus plus compliqué qu'il ne devrait l'être à l'ère du RGPD. Je rencontre Charles Foucault-Dumas, le chef de projet de HestiaLabs, au siège de l'entreprise - un modeste espace de co-working situé en face de la gare de Lausanne. Nous nous asseyons et téléchargeons mes fichiers dans son portail sur mesure.

Mes données s'étalent devant moi, visualisées sous la forme d'une carte de tous les endroits où je suis allé, de tous les posts que j'ai aimés et de toutes les applications qui ont contacté un annonceur. Dans les lieux que je fréquente régulièrement, comme la crèche de ma fille, des centaines de points de données se transforment en taches semblables à de la peinture. À l'adresse de mon domicile, il y a une énorme cible impossible à manquer. C'est fascinant. Et un peu terrifiant.

L'une des plus grandes surprises est de savoir quelles applications de mon téléphone contactent des entreprises tierces en mon nom. Au cours de la semaine écoulée, c'est un navigateur web que j'utilise parce qu'il se décrit comme "le respect de la vie privée avant tout" qui a été le plus grand contrevenant, en contactant 29 entreprises. Mais pratiquement toutes les applications de mon téléphone, du service d'épicerie au bloc-notes virtuel, étaient occupées à contacter d'autres entreprises pendant que je vaquais à mes occupations.

En règle générale, une entreprise qui souhaite vendre un produit ou un service s'adresse à une agence de publicité, qui se met en relation avec des plates-formes chargées de la diffusion des publicités, qui utilisent des échanges publicitaires, lesquels sont reliés à des plates-formes d'approvisionnement, qui placent les publicités sur les sites web des éditeurs. Chaque fois que vous ouvrez un site web ou que vous survolez momentanément un message sur un média social, cette machine - dont la valeur est estimée à 150 milliards de livres sterling par an - se met en marche.

Que partageaient exactement ces entreprises à mon sujet ? Pour le savoir, il faudrait que je fasse des demandes auprès de chacune d'entre elles. Et même avec celles que j'ai contactées avec l'aide de HestiaLabs, ce n'est pas toujours clair.

Prenons l'exemple d'Instagram. Il m'a fourni des données montrant qu'il a enregistré 333 "intérêts" en mon nom. Certains d'entre eux sont très éloignés de la réalité : le rugby, le festival Burning Man, la promotion immobilière, et même "femme à chats". Lecteur, je n'ai jamais eu de chat. Mais d'autres sont plus précis, et un certain nombre d'entre eux, sans surprise, sont liés au fait que je suis devenue parent, qu'il s'agisse de marques telles que Huggies et Peppa Pig ou de sujets tels que les berceaux et le sevrage pour bébés.

Je me demande comment ces données ont pu affecter non seulement mes achats, mais aussi la vie de ma fille. Son amour pour le cochon rose de dessin animé est-il vraiment organique, ou ces vidéos nous ont-elles été "servies" en raison des informations qu'Instagram a transmises à mon sujet ? Est-ce que les posts sur le sevrage dirigé par les bébés se sont retrouvés partout dans mon fil d'actualité - et ont donc influencé la façon dont ma fille a été initiée à la nourriture - par hasard, ou parce que j'avais été ciblée ? Je n'ai pas accès à cette chaîne de causes et d'effets, et je ne sais pas non plus comment ces divers "intérêts" ont pu me catégoriser pour d'éventuels spécialistes du marketing.

Il est pratiquement impossible de démêler l'écheveau complexe des transactions de données dans l'ombre. Les données personnelles sont souvent reproduites, divisées, puis introduites dans des algorithmes et des systèmes d'apprentissage automatique. En conséquence, explique M. Dixon, même avec une législation comme le GDPR, nous n'avons pas accès à toutes nos données personnelles. "Nous avons affaire à deux strates de données. Il y a celles qui peuvent être trouvées", dit-elle. "Mais il y a une autre strate que vous ne pouvez pas voir, que vous n'avez pas le droit légal de voir - aucun d'entre nous ne l'a."

Profilage personnel

Des rapports récents donnent un aperçu de la situation. En juin, une enquête de The Markup a révélé que ce type de données cachées est utilisé par les publicitaires pour nous classer en fonction de nos convictions politiques, de notre état de santé et de notre profil psychologique. Pourrais-je être considérée comme une "mère accro au portable", une "indulgente", une "facilement dégonflée" ou une "éveillée" ? Je n'en ai aucune idée, mais je sais qu'il s'agit là de catégories utilisées par les plateformes publicitaires en ligne.

Il est troublant de penser que je suis stéréotypée d'une manière inconnue. Une autre partie de moi se demande si cela a vraiment de l'importance. Je comprends l'intérêt d'une publicité qui tient compte de mes préférences, ou de l'ouverture de mon application de cartographie qui met en évidence des restaurants et des musées qui pourraient m'intéresser ou que j'ai déjà visités. Mais croyez-moi, il y a peu de façons de faire grimacer un expert en données plus rapidement qu'avec la désinvolture de ce compromis.

D'une part, l'utilisation de ces données va bien au-delà de la vente de publicité, explique M. Dixon. Quelque chose d'apparemment anodin comme le fait de faire des achats dans des magasins discount (signe d'un revenu inférieur) ou d'acheter des articles de sport (signe que vous faites de l'exercice) peut avoir une incidence sur tout, de l'attrait de votre candidature à l'université au montant de votre assurance maladie. "Il ne s'agit pas d'une simple publicité", précise M. Dixon. "Il s'agit de la vie réelle.

Une législation récente aux États-Unis a contraint certaines de ces entreprises à entrer dans la lumière. Le Vermont's 2018 Data Broker Act, par exemple, a révélé que les courtiers en données enregistrés dans l'État - mais qui sont également actifs ailleurs - vendent des informations personnelles à des propriétaires et des employeurs potentiels, souvent par l'intermédiaire de tierces parties. En juillet, le Bureau américain de protection financière des consommateurs a appris que cette deuxième strate cachée de données comprenait également des informations utilisées pour établir un "score de consommation", employé de la même manière qu'un score de crédit. "Les choses que vous avez faites, les sites web que vous avez visités, les applications que vous utilisez, tout cela peut alimenter des services qui vérifient si vous êtes un locataire convenable ou décident des conditions à vous offrir pour un prêt ou une hypothèque", explique M. Binns.

À HestiaLabs, je me rends compte que j'ai moi aussi été concrètement affectée, non seulement par les publicités que je vois, mais aussi par la façon dont les algorithmes ont digéré mes données. Dans les "inférences" de LinkedIn, je suis identifiée à la fois comme "n'étant pas un leader humain" et "n'étant pas un leader senior". Et ce, bien que j'aie dirigé une équipe de 20 personnes à la BBC et que j'aie été rédacteur en chef de plusieurs sites de la BBC auparavant - des informations que j'ai moi-même introduites dans LinkedIn. Comment cela peut-il affecter mes opportunités de carrière ? Lorsque j'ai posé la question à LinkedIn, un porte-parole m'a répondu que ces déductions n'étaient pas utilisées "de quelque manière que ce soit pour informer les suggestions de recherche d'emploi".

Malgré cela, nous savons, grâce à des poursuites judiciaires, que des données ont été utilisées pour exclure les femmes des annonces d'emploi dans le secteur de la technologie sur Facebook. En conséquence, le propriétaire de la plateforme, Meta, a cessé d'offrir cette option aux annonceurs en 2019. Mais les experts en données affirment qu'il existe de nombreuses solutions de contournement, comme le fait de ne cibler que les personnes ayant des intérêts stéréotypés masculins. "Ces préjudices ne sont pas visibles pour les utilisateurs individuels à ce moment-là. Ils sont souvent très abstraits et peuvent se produire longtemps après", explique M. Wagner.

À mesure que les données collectées sur notre vie quotidienne prolifèrent, la liste des préjudices signalés par les journaux ne cesse de s'allonger. Des applications de suivi de l'ovulation - ainsi que des messages textuels, des courriels et des recherches sur le web - ont été utilisés pour poursuivre des femmes ayant avorté aux États-Unis depuis que l'arrêt Roe v Wade a été annulé l'année dernière. Des prêtres ont été démasqués pour avoir utilisé l'application de rencontres gay Grindr. Un officier militaire russe a même été traqué et tué lors de sa course matinale, prétendument grâce à des données accessibles au public provenant de l'application de fitness Strava. La protection des données est censée prévenir bon nombre de ces préjudices. "Mais il y a manifestement une énorme lacune dans l'application de la loi", déclare M. Binns.

Le problème réside en partie d'un manque de transparence. De nombreuses entreprises s'orientent vers des modèles "préservant la vie privée", qui divisent les points de données d'un utilisateur individuel et les dispersent sur de nombreux serveurs informatiques, ou les cryptent localement. Paradoxalement, il est alors plus difficile d'accéder à ses propres données et d'essayer de comprendre comment elles ont été utilisées.

Pour sa part, M. Dehaye, de HestiaLabs, est convaincu que ces entreprises peuvent et doivent nous rendre le contrôle. "Si vous allez consulter un site web en ce moment même, en quelques centaines de millisecondes, de nombreux acteurs sauront qui vous êtes et sur quel site vous avez mis des chaussures dans un panier d'achat il y a deux semaines. Lorsque l'objectif est de vous montrer une publicité pourrie, ils sont en mesure de résoudre tous ces problèmes", explique-t-il. Mais lorsque vous faites une demande de protection de la vie privée, ils se disent : "Oh, merde, comment on fait ça ?".

Il ajoute : "Mais il y a un moyen d'utiliser cette force du capitalisme qui a résolu un problème dans une industrie de plusieurs milliards de dollars pour vous - pas pour eux".

J'espère qu'il a raison. En marchant dans Lausanne après avoir quitté HestiaLabs, je vois un homme qui s'attarde devant un magasin de couteaux, son téléphone rangé dans sa poche. Une femme élégante porte un sac Zara dans une main, son téléphone dans l'autre. Un homme devant le poste de police parle avec enthousiasme dans son appareil.

Pour moi, et probablement pour eux, ce sont des moments brefs et oubliables. Mais pour les entreprises qui récoltent les données, ce sont des opportunités. Ce sont des signes de dollars. Et ce sont des points de données qui ne disparaîtront peut-être jamais.

Reprendre le contrôle

Grâce aux conseils de M. Dehaye et des autres experts que j'ai interrogés, lorsque je rentre chez moi, je vérifie mes applications et je supprime celles que je n'utilise pas. Je supprime également certaines de celles que j'utilise mais qui sont particulièrement désireuses de contacter des entreprises, en prévoyant de ne les utiliser que sur mon ordinateur portable. (J'ai utilisé une plateforme appelée TC Slim pour me dire quelles entreprises mes applications contactent). J'installe également un nouveau navigateur qui (semble-t-il) accorde la priorité à la protection de la vie privée. Selon M. Wagner, les applications et les navigateurs open source et à but non lucratif peuvent constituer des choix plus sûrs, car ils ne sont guère incités à collecter vos données.

Je commence également à éteindre mon téléphone plus souvent lorsque je ne l'utilise pas. En effet, votre téléphone suit généralement votre position même lorsque les données mobiles et le Wi-Fi sont désactivés ou que le mode avion est activé. De plus, en me connectant à mes préférences Google, je refuse d'enregistrer l'historique de mes positions, même si la nostalgie - pour l'instant - m'empêche de demander que toutes mes données antérieures soient supprimées.

Nous pouvons également réinitialiser notre relation avec le suivi en ligne en changeant notre façon de payer, explique Mme Dixon. Elle suggère d'utiliser plusieurs cartes de crédit et d'être "très prudent" quant au portefeuille numérique que nous utilisons. Pour les achats susceptibles de créer un signal "négatif", comme ceux effectués dans un magasin discount, il est préférable d'utiliser de l'argent liquide, si possible. M. Dixon conseille également de ne pas utiliser d'applications ou de sites web liés à la santé, si possible. "Ce n'est tout simplement pas un espace clair et sûr", dit-elle.

En réalité, quelles que soient les mesures que vous prenez, les entreprises trouveront toujours de nouveaux moyens de contourner le problème. "C'est un jeu où l'on ne peut que perdre", affirme M. Dehaye. C'est pourquoi la solution ne dépend pas des individus. "Il s'agit d'un véritable changement de société.

En réunissant suffisamment de voix individuelles, M. Dehaye pense que nous pouvons changer le système - et que tout commence par le fait que vous demandiez vos données. Dites aux entreprises : "Si vous vous dérobez, notre confiance est perdue"", déclare-t-il. "Et dans ce monde de données, si les gens ne font pas confiance à votre entreprise, vous êtes mort.

Auteur: Ruggeri Amanda

Info: https://blog.shiningscience.com/2023/08/nowhere-to-hide-data-harvesters-came.html, 26 août 2023

[ idiosyncrasie numérique ] [ capitalisme de surveillance ] [ internet marchand ]

 

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résonances organiques

Les avantages sociaux de la synchronisation de notre cerveau

Nos ondes cérébrales peuvent s'aligner lorsque nous travaillons et jouons en étroite collaboration. Le phénomène, connu sous le nom de synchronisation inter-cerveau, suggère que la collaboration est biologique.

(Photo : De plus en plus de recherches montrent comment l’activité neuronale peut se synchroniser entre plusieurs personnes, ce qui entraîne de meilleurs résultats sociaux et créatifs.)

Le célèbre duo de pianos polonais Marek et Wacek n'utilisait pas de partitions lors de ses concerts live. Et pourtant, sur scène, le duo semblait parfaitement synchronisé. Sur des pianos adjacents, ils reprenaient de manière ludique divers thèmes musicaux, mêlé musique classique et jazz et improvisé en temps réel. "Nous avons suivi le courant", a déclaré Marek Tomaszewski, qui a joué avec Wacek Kisielewski jusqu'à la mort de Wacek en 1986. "C'était un pur plaisir."

Les pianistes semblaient lire dans les pensées des autres en échangeant des regards. C’était, dit Marek, comme s’ils étaient sur la même longueur d’onde. Un nombre croissant de recherches suggèrent que cela aurait pu être littéralement vrai.

Des dizaines d'expériences récentes étudiant l'activité cérébrale de personnes qui se produisent et travaillent ensemble – pianistes en duo, joueurs de cartes, enseignants et étudiants, puzzleurs et autres – montrent que leurs ondes cérébrales peuvent s'aligner dans un phénomène connu sous le nom de synchronisation neuronale interpersonnelle, également connue sous le nom de synchronie inter-cerveau.

"De nombreuses recherches montrent désormais que les personnes qui interagissent ensemble présentent des activités neuronales coordonnées", a déclaré Giacomo Novembre, neuroscientifique cognitif à l'Institut italien de technologie de Rome, qui a publié l'été dernier un article clé sur ce sujet. Les études se sont multipliées au cours des dernières années – notamment la semaine dernière – au fur et à mesure que de nouveaux outils et des techniques améliorées ont affiné la science et la théorie.

Ils montrent que la synchronisation entre les cerveaux présente des avantages. Qui conduit à une meilleure résolution de problèmes, à un meilleur apprentissage et à une meilleure coopération, et même à des comportements qui aident les autres à leur dépens. De plus, des études récentes dans lesquelles les cerveaux ont été stimulés par un courant électrique suggèrent que la synchronisation elle-même pourrait entraîner l'amélioration des performances observée par les scientifiques.

" La cognition est quelque chose qui se produit non seulement dans le crâne, mais aussi en relation avec l'environnement et avec les autres ", a déclaré Guillaume Dumas, professeur de psychiatrie computationnelle à l'Université de Montréal. Comprendre quand et comment nos cerveaux se synchronisent pourrait nous aider à communiquer plus efficacement, à concevoir de meilleures salles de classe et à aider les équipes à coopérer.

Se synchroniser


Les humains, comme les autres animaux sociaux, ont tendance à synchroniser leurs comportements. Si vous marchez à côté de quelqu’un, vous commencerez probablement à marcher au pas. Si deux personnes s’assoient côte à côte dans des fauteuils à bascule, il y a de fortes chances qu’elles commencent à se balancer au même rythme.

Une telle synchronisation comportementale, selon les recherches, nous rend plus confiants, nous aide à créer des liens et stimule nos instincts sociaux. Dans une étude, danser de manière synchronisée permettait aux participants de se sentir émotionnellement proches les uns des autres – bien plus que pour les groupes qui se déplaçaient de manière asynchrone. Dans une autre étude, les participants qui scandaient des mots de manière rythmée étaient plus susceptibles de coopérer à un jeu d'investissement. Même une simple marche à l'unisson avec une personne issue d'une minorité ethnique peut réduire les préjugés.

" La coordination est une caractéristique de l’interaction sociale. C'est vraiment crucial " a déclaré Novembre. "Lorsque la coordination est altérée, l'interaction sociale est profondément altérée."

Lorsque nos mouvements se coordonnent, une myriade de synchronisations invisibles à l’œil nu se produisent également à l’intérieur de notre corps. Quand les gens tambourinent ensemble, leurs cœurs battent ensemble. Les fréquences cardiaques des thérapeutes et de leurs patients peuvent se synchroniser pendant les séances (surtout si la relation thérapeutique fonctionne bien), tout comme celles des couples mariés. D’autres processus physiologiques, tels que notre rythme respiratoire et nos niveaux de conductance cutanée, peuvent également correspondre à ceux d’autres personnes.

(Photo : Ce n’est qu’au cours des 20 dernières années qu’est apparue une technologie permettant aux neuroscientifiques d’étudier la synchronisation inter-cerveau. L'hyperscanning utilise la spectroscopie fonctionnelle proche infrarouge, portée sur un appareil semblable à un bonnet de bain, pour surveiller l'activité neuronale de plusieurs individus s'engageant socialement.)

L’activité de notre cerveau peut-elle se synchroniser ? En 1965, la revue Science a publié les résultats d’une expérience suggérant que c’était possible. Des scientifiques de l'Université Thomas Jefferson de Philadelphie ont testé des paires de jumeaux identiques en insérant des électrodes sous leur cuir chevelu pour mesurer leurs ondes cérébrales – une technique appelée électroencéphalographie. Les chercheurs ont rapporté que lorsque les jumeaux restaient dans des pièces séparées, si l’un d’eux fermait les yeux, les ondes cérébrales des deux reflétaient le même mouvement. Les pointes sur l'électroencéphalographe de l'un des jumeaux reflétaient celles de l'autre. L’étude était cependant erronée sur le plan méthodologique. Les chercheurs avaient testé plusieurs paires de jumeaux mais n'avaient publié les résultats que pour la paire dans laquelle ils avaient observé une synchronie. Voilà qui n’a pas aidé ce domaine universitaire en plein essor. Pendant des décennies, la recherche sur la synchronisation intercérébrale fut donc reléguée dans la catégorie des " étranges bizarreries paranormales " et n’a pas été prise au sérieux.

La réputation du domaine a commencé à changer au début des années 2000 avec la popularisation de l' hyperscanning, une technique qui permet aux scientifiques de scanner simultanément le cerveau de plusieurs personnes en interaction. Au début, cela impliquait de demander à des paires de volontaires de s'allonger dans des appareils d'IRMf séparés, ce qui limitait considérablement les types d'études que les scientifiques pouvaient réaliser. Les chercheurs ont finalement pu utiliser la spectroscopie fonctionnelle proche infrarouge (fNIRS), qui mesure l'activité des neurones dans les couches externes du cortex. Le grand avantage de cette technologie est sa facilité d'utilisation : les volontaires peuvent jouer de la batterie ou étudier dans une salle de classe tout en portant des bonnets fNIRS, qui ressemblent à des bonnets de bain avec une multitude de câbles qui dépassent.

Lorsque plusieurs personnes  interagissent tout en portant des casquettes fNIRS, les scientifiques ont commencé à découvrir une activité interneurale synchronisée dans des régions du cerveau, qui variaient selon la tâche et la configuration de l'étude. Ils ont également observé des ondes cérébrales, qui représentent des schémas électriques dans le déclenchement neuronal, se synchronisant sur plusieurs fréquences. Sur une lecture électroencéphalographique de deux cerveaux synchronisés, les lignes représentant l'activité neuronale de chaque personne fluctuent ensemble : chaque fois que l'une monte ou descend, l'autre fait de même, bien que parfois avec un décalage dans le temps. Parfois, des ondes cérébrales apparaissent dans des images en miroir – lorsque celles d’une personne montent, celles de l’autre descendent en même temps et avec une ampleur similaire – ce que certains chercheurs considèrent également comme une forme de synchronie.

Avec de nouveaux outils, il est devenu de plus en plus clair que la synchronisation inter-cerveau n’était ni un charabia métaphysique ni le produit de recherches erronées. "Le signal est définitivement là", a déclaré Antonia Hamilton , neuroscientifique sociale à l'University College de Londres. Ce qui s'est avéré plus difficile à comprendre, c'est comment deux cerveaux indépendants, dans deux corps distincts, pouvaient montrer une activité similaire dans l'espace. Maintenant, dit Hamilton, la grande question est : " Qu’est-ce que cela nous raconte ? "

La recette de la synchronisation

Novembre est fasciné depuis longtemps par la manière dont les humains se coordonnent pour atteindre des objectifs communs. Comment les musiciens – les pianistes en duo, par exemple – collaborent-ils si bien ? Pourtant, c'est en pensant aux animaux, comme les lucioles synchronisant leurs flashs, qu'il s'est mis sur la voie de l'étude des ingrédients nécessaires à l'apparition de la synchronisation inter-cerveau.

Étant donné que la synchronie est " si répandue parmi tant d’espèces différentes ", se souvient-il, " je me suis dit : OK, alors il pourrait y avoir un moyen très simple de l’expliquer. "

Novembre et ses collègues ont mis en place une expérience, publiée l'été dernier , dans laquelle des paires de volontaires ne faisaient que s'asseoir l'un en face de l'autre tandis qu'un équipement photographique suivait les mouvements de leurs yeux, de leur visage et de leur corps. Parfois, les volontaires pouvaient se voir ; à d'autres moments, ils étaient séparés par une cloison. Les chercheurs ont découvert que dès que les volontaires se regardaient dans les yeux, leurs ondes cérébrales se synchronisaient instantanément. Le sourire s’est avéré encore plus puissant pour aligner les ondes cérébrales.

" Il y a quelque chose de spontané dans la synchronisation", a déclaré Novembre.

Le mouvement est également lié à l’activité synchronisée des ondes cérébrales. Dans l'étude de Novembre, lorsque les gens bougeaient leur corps de manière synchronisée – si, par exemple, l'un levait la main et que l'autre faisait de même – leur activité neuronale correspondait, avec un léger décalage. Cependant, la synchronisation intercérébrale va au-delà de la simple reproduction des mouvements physiques. Dans une étude publiée l'automne dernier sur des pianistes jouant en duo, une rupture de la synchronisation comportementale n'a pas provoqué la désynchronisation des deux cerveaux.

Un autre ingrédient important de la synchronisation neuronale "face à face" semble être la prédiction mutuelle : anticiper les réponses et les comportements d'une autre personne. Chaque personne " bouge ses mains, son visage ou son corps, ou parle ", a expliqué Hamilton, " et réagit également aux actions de l'autre personne ". Par exemple, lorsque les gens jouaient au jeu de cartes italien Tressette, l'activité neuronale des partenaires se synchronisait, mais le cerveau de leurs adversaires ne s'alignait pas avec eux.

Le partage d’objectifs et l’attention commune semblent souvent cruciaux pour la synchronisation inter-cerveau. Dans une expérience menée en Chine, des groupes de trois personnes ont dû coopérer pour résoudre un problème. Se présenta un problème : l'un des membres de l'équipe était un chercheur qui faisait seulement semblant de s'engager dans la tâche, hochant la tête et commentant lorsque c'était approprié, mais ne se souciant pas vraiment du résultat. Son cerveau ne se synchronisait pas avec celui des véritables membres de l'équipe.

Cependant, certains critiques affirment que l’apparition d’une activité cérébrale synchronisée n’est pas la preuve d’une quelconque connexion, mais peut plutôt s’expliquer par la réaction des personnes à un environnement partagé. " Imaginez deux personnes écoutant la même station de radio dans deux pièces différentes ", a écrit Clay Holroyd, neuroscientifique cognitif à l'Université de Gand en Belgique qui n'étudie pas la synchronisation intercérébrale, dans un article de 2022 . "La synchronisation inter-cerveau pourrait augmenter pendant les chansons qu'ils apprécient  ensemble par rapport aux chansons qu'ils trouvent tous deux ennuyeuses, mais cela ne serait pas une conséquence d'un couplage direct de cerveau à cerveau."

Pour tester cette critique, des scientifiques de l'Université de Pittsburgh et de l'Université Temple ont conçu une expérience dans laquelle les participants travaillaient différemment sur une tâche ciblée : terminer un puzzle . Les volontaires ont soit assemblé un puzzle en collaboration, soit travaillé sur des puzzles identiques séparément, côte à côte. Même s’il existait une certaine synchronisation interneurale entre les chercheurs travaillant de manière indépendante, elle était bien plus importante chez ceux qui collaboraient.

Pour Novembre, ces découvertes et d’autres similaires suggèrent que la synchronisation intercérébrale est plus qu’un artefact environnemental. "Tant que vous mesurerez le cerveau lors d'une interaction sociale, vous devrez toujours faire face à ce problème", a-t-il déclaré. "Les cerveaux en interaction sociale seront exposés à des informations similaires."

(Photo : La Mutual Wave Machine, qui a fait le tour des villes du monde entier de 2013 à 2019, permet aux passants d'explorer la synchronisation intercérébrale par paires tout en générant des données pour la recherche en neurosciences.)

À moins qu’ils ne soient à des endroits différents, bien sûr. Pendant la pandémie, les chercheurs se sont intéressés à comprendre comment la synchronisation intercérébrale pourrait changer lorsque les gens parlent face à face par vidéo. Dans une étude, publiée fin 2022 , Dumas et ses collègues ont mesuré l'activité cérébrale des mères et de leurs préadolescents lorsqu'ils communiquaient par vidéo en ligne. Les cerveaux des couples étaient à peine synchronisés, bien moins que lorsqu'ils parlaient en vrai. Une telle mauvaise synchronisation inter-cerveau en ligne pourrait aider à expliquer pourquoi les réunions Zoom ont tendance à être si fatigantes, selon les auteurs de l'étude.

"Il manque beaucoup de choses dans un appel Zoom par rapport à une interaction en face à face", a déclaré Hamilton, qui n'a pas participé à la recherche. " Votre contact visuel est un peu différent parce que le positionnement de la caméra est incorrect. Plus important encore, votre attention commune est différente."

Identifier les ingrédients nécessaires à l'apparition de la synchronisation inter-cerveau – qu'il s'agisse d'un contact visuel, d'un sourire ou du partage d'un objectif – pourrait nous aider à mieux profiter des avantages de la synchronisation avec les autres. Lorsque nous sommes sur la même longueur d’onde, les choses deviennent tout simplement plus faciles.

Avantages émergents

La neuroscientifique cognitive Suzanne Dikker aime exprimer son côté créatif en utilisant l'art pour étudier le fonctionnement du cerveau humain. Pour capturer la notion insaisissable d’être sur la même longueur d’onde, elle et ses collègues ont créé la Mutual Wave Machine : mi-installation artistique, mi-expérience neurologique. Entre 2013 et 2019, les passants de diverses villes du monde – Madrid, New York, Toronto, Athènes, Moscou et autres – ont pu faire équipe avec une autre personne pour explorer la synchronisation interneurale. Ils sont assis dans deux structures en forme de coquille se faisant face tout en portant un casque électroencéphalographe pour mesurer leur activité cérébrale. Pendant qu’ils interagissent pendant 10 minutes, les coquilles s’éclairent avec des projections visuelles qui servaient de neurofeedback : plus les projections sont lumineuses, plus leurs ondes cérébrales sont couplées. Cependant, certaines paires n'étaient pas informées que la luminosité des projections reflétait leur niveau de synchronisation, tandis que d'autres voyaient de fausses projections.

Lorsque Dikker et ses collègues ont analysé les résultats, publiés en 2021, ils ont découvert que les couples qui savaient qu'ils voyaient du neurofeedback se synchronisaient davantage avec le temps – un effet motivé par leur motivation à rester concentrés sur leur partenaire, ont expliqué les chercheurs. Plus important encore, leur synchronisation accrue a augmenté le sentiment de connexion sociale entre les deux. Il est apparu qu’être sur la même longueur d’onde cérébrale pourrait aider à établir des relations.

Dikker a également étudié cette idée dans un cadre moins artistique : la salle de classe. Dans une salle de classe de fortune dans un laboratoire, un professeur de sciences du secondaire encadrait des groupes de quatre élèves maximum pendant que Dikker et ses collègues enregistraient leur activité cérébrale. Dans une étude publiée sur le serveur de prépublication biorxiv.org en 2019, les chercheurs ont rapporté que plus les cerveaux des étudiants et de l'enseignant étaient synchronisés, plus les étudiants retenaient le matériel lorsqu'ils étaient testés une semaine plus tard. Une analyse de 2022 portant sur 16 études a confirmé que la synchronisation intercérébrale est effectivement liée à un meilleur apprentissage.

" La personne qui prête le plus d'attention ou qui s'accroche le mieux au signal de l'orateur sera également la plus synchronisée avec d'autres personnes qui accordent également la plus grande attention à ce que dit l'orateur ", a déclaré Dikker.

Ce n'est pas seulement l'apprentissage qui semble stimulé lorsque nos cerveaux sont synchronisés, mais également les performances et la coopération de l'équipe. Dans une autre étude réalisée par Dikker et ses collègues, des groupes de quatre personnes ont réfléchi à des utilisations créatives d'une brique ou classé des éléments essentiels pour survivre à un accident d'avion. Les résultats ont montré que plus leurs ondes cérébrales étaient synchronisées, mieux ils effectuaient ces tâches en groupe. Entre-temps, d'autres études ont montré que les équipes neuronales synchronisées non seulement communiquent mieux, mais surpassent également les autres dans les activités créatives telles que l'interprétation de la poésie .

Alors que de nombreuses études ont établi un lien entre la synchronisation intercérébrale et un meilleur apprentissage et de meilleures performances, la question reste de savoir si la synchronisation entraîne réellement de telles améliorations. Serait-ce plutôt une mesure d’engagement ? "Les enfants qui prêtent attention à l'enseignant feront preuve d'une plus grande synchronisation avec cet enseignant parce qu'ils sont plus engagés", a déclaré Holroyd. "Mais cela ne signifie pas que les processus synchrones contribuent réellement d'une manière ou d'une autre à l'interaction et à l'apprentissage."

Pourtant, les expériences sur les animaux suggèrent que la synchronisation neuronale peut effectivement conduire à des changements de comportement. Lorsque l’activité neuronale des souris était mesurée en leur faisant porter de minuscules capteurs en forme de chapeau haut de forme, par exemple, la synchronisation inter-cerveau prédisait si et comment les animaux interagiraient dans le futur. "C'est une preuve assez solide qu'il existe une relation causale entre les deux", a déclaré Novembre.

Chez l’homme, les preuves les plus solides proviennent d’expériences utilisant la stimulation électrique du cerveau pour générer une synchronisation interneurale. Une fois les électrodes placées sur le cuir chevelu des personnes, des courants électriques peuvent passer entre les électrodes pour synchroniser l’activité neuronale du cerveau des personnes. En 2017, Novembre et son équipe ont réalisé la première de ces expériences. Les résultats suggèrent que la synchronisation des ondes cérébrales dans la bande bêta, liée aux fonctions motrices, améliore la capacité des participants à synchroniser les mouvements de leur corps – dans ce cas, en frappant un rythme avec leurs doigts.

Plusieurs études ont récemment reproduit les conclusions de Novembre. Fin 2023, des chercheurs ont découvert qu'une fois les ondes cérébrales synchronisées par stimulation électrique, leur capacité à coopérer dans un jeu informatique simple s'améliorait considérablement. Et l'été dernier d'autres scientifiques ont montré qu'une fois que deux cerveaux sont synchronisés, les gens parviennent mieux à transférer des informations et à se comprendre.

La science est nouvelle, donc le jury ne sait toujours pas s'il existe un véritable lien de causalité entre la synchronie et le comportement humain coopératif. Malgré cela, la science de la synchronisation neuronale nous montre déjà à quel point nous bénéficions lorsque nous faisons les choses en synchronisation avec les autres. Sur le plan biologique, nous sommes programmés pour nous connecter.


Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Marta Zaraska, 28 mars 2024

[ intelligence collective ] [ manipulation du public ] [ collectives réverbérations ] [ implication ] [ rapports humains ] [ transe ] [ attention partagée ] [ murmurations ]

 

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Comment réguler l’exploitation de notre attention ? Dans Les marchands d’attention (The Attention Merchants, 2017, Atlantic Books, non traduit), le professeur de droit, spécialiste des réseaux et de la régulation des médias, Tim Wu (@superwuster), 10 ans après avoir raconté l’histoire des télécommunications et du développement d’internet dans The Master Switch (où il expliquait la tendance de l’industrie à créer des empires et le risque des industries de la technologie à aller dans le même sens), raconte, sur 400 pages, l’histoire de l’industrialisation des médias américains et de la publicité de la fin du XIXe siècle à aujourd’hui. En passant d’une innovation médiatique l’autre, des journaux à la radio, de la télé à l’internet, Wu tisse une très informée histoire du rapport de l’exploitation commerciale de l’information et du divertissement. Une histoire de l’industrialisation des médias américains qui se concentre beaucoup sur leurs innovations et leurs modèles d’affaires, c’est-à-dire qui s’attarde à montrer comment notre attention a été convertie en revenus, comment nous avons été progressivement cédés à la logique du commerce – sans qu’on n’y trouve beaucoup à redire d’ailleurs.

"La compétition pour notre attention n’a jamais cherché à nous élever, au contraire."

Tout le long de cette histoire, Tim Wu insiste particulièrement sur le fait que la capture attentionnelle produite par les médias s’est faite par-devers nous. La question attentionnelle est souvent présentée comme le résultat d’une négociation entre l’utilisateur, le spectateur, et le service ou média qu’il utilise… mais aucun d’entre nous n’a jamais consenti à la capture attentionnelle, à l’extraction de son attention. Il souligne notamment que celle-ci est plus revendue par les médias aux annonceurs, qu’utilisée par les médias eux-mêmes. Il insiste également à montrer que cette exploitation vise rarement à nous aider à être en contrôle, au contraire. Elle ne nous a jamais apporté rien d’autre que toujours plus de contenus insignifiants. Des premiers journaux à 1 cent au spam publicitaire, l’exploitation attentionnelle a toujours visé nos plus vils instincts. Elle n’a pas cherché à nous élever, à nous aider à grandir, à développer nos connaissances, à créer du bien commun, qu’à activer nos réactions les plus instinctives. Notre exploitation commerciale est allée de pair avec l’évolution des contenus. Les journaux qui ont adopté le modèle publicitaire, ont également inventé des rubriques qui n’existaient pas pour mieux les servir : comme les faits divers, les comptes-rendus de procès, les récits de crimes… La compétition pour notre attention dégrade toujours les contenus, rappelle Tim Wu. Elle nous tourne vers "le plus tapageur, le plus sinistre, le plus choquant, nous propose toujours l’alternative la plus scandaleuse ou extravagante". Si la publicité a incontestablement contribué à développer l’économie américaine, Wu rappelle qu’elle n’a jamais cherché à présenter une information objective, mais plutôt à déformer nos mécanismes de choix, par tous les moyens possibles, même par le mensonge. L’exploitation attentionnelle est par nature une course contre l’éthique. Elle est et demeure avant tout une forme d’exploitation. Une traite, comme disait le spécialiste du sujet Yves Citton, en usant volontairement de ce vocabulaire marqué au fer.

Wu souligne que l’industrie des contenus a plus été complice de cette exploitation qu’autre chose. La presse par exemple, n’a pas tant cherché à contenir ou réguler la publicité et les revenus qu’elle générait, qu’à y répondre, qu’à évoluer avec elle, notamment en faisant évoluer ses contenus pour mieux fournir la publicité. Les fournisseurs de contenus, les publicitaires, aidés des premiers spécialistes des études comportementales, ont été les courtiers et les ingénieurs de l’économie de l’attention. Ils ont transformé l’approche intuitive et improvisée des premières publicités en machines industrielles pour capturer massivement l’attention. Wu rappelle par exemple que les dentifrices, qui n’existaient pas vraiment avant les années 20, vont prendre leur essor non pas du fait de la demande, mais bien du fait de l’offensive publicitaire, qui s’est attaquée aux angoisses inconscientes des contemporains. Plus encore que des ingénieurs de la demande, ces acteurs ont été des fabricants de comportements, de moeurs…

L’histoire de l’exploitation de notre attention souligne qu’elle est sans fin, que "les industries qui l’exploitent, contrairement aux organismes, n’ont pas de limite à leur propre croissance". Nous disposons de très peu de modalités pour limiter l’extension et la croissance de la manipulation attentionnelle. Ce n’est pas pour autant que les usagers ne se sont pas régulièrement révoltés, contre leur exploitation. "La seule dynamique récurrente qui a façonné la course des industries de l’attention a été la révolte". De l’opposition aux premiers panneaux publicitaires déposés en pleine ville au rejet de services web qui capturent trop nos données ou exploitent trop notre attention, la révolte des utilisateurs semble avoir toujours réussi à imposer des formes de régulations. Mais l’industrie de l’exploitation attentionnelle a toujours répondu à ces révoltes, s’adaptant, évoluant au gré des rejets pour proposer toujours de nouvelles formes de contenus et d’exploitation. Parmi les outils dont nous nous sommes dotés pour réguler le développement de l’économie de l’attention, Wu évoque trop rapidement le travail des associations de consommateurs (via par exemple le test de produits ou les plaintes collectives…) ou celui des régulateurs définissant des limites au discours publicitaire (à l’image de la création de la Commission fédérale du commerce américaine et notamment du bureau de la protection des consommateurs, créée pour réguler les excès des annonceurs, que ce soit en améliorant l’étiquetage des produits ou en interdisant les publicités mensongères comme celles, nombreuses, ventant des produits capables de guérir des maladies). Quant à la concentration et aux monopoles, ils ont également toujours été surveillés et régulés, que ce soit par la création de services publics ou en forçant les empires des médias à la fragmentation.

L’attention, un phénomène d’assimilation commercial et culturel L’invention du prime time à la radio puis à la télé a été à la fois une invention commerciale et culturelle, fusionnant le contenu au contenant, l’information/divertissement et la publicité en inventant un rituel d’attention collective massive. Il n’a pas servi qu’à générer une exposition publicitaire inédite, il a créé un phénomène social, une conscience et une identité partagée, tout en rendant la question de l’exposition publicitaire normale et sociale.

Dans la succession des techniques qu’ont inventés les médias de masse pour mobiliser et orienter les foules que décrit Tim Wu, on constate qu’une sorte de cycle semble se reproduire. Les nouvelles technologies et les nouveaux formats rencontrent des succès très rapides. Puis, le succès rencontre des résistances et les audiences se délitent vers de nouvelles techniques ou de nouveaux formats proposés par des concurrents. On a l’impression d’être dans une course poursuite où chaque décennie pourrait être représentée par le succès d’un support phare à l’image des 28 courts chapitres qui scandent le livre. L’essor de la télévision par exemple est fulgurant : entre 1950 et 1956 on passe de 9% à 72% des maisons équipées et à la fin des années 50, on l’a regarde déjà 5 heures par jour en moyenne. Les effets de concentration semblent très rapides… et dès que la fatigue culturelle pointe, que la nouveauté s’émousse, une nouvelle vague de propositions se développe à la fois par de nouveaux formats, de nouvelles modalités de contrôle et de nouveaux objets attentionnels qui poussent plus loin l’exploitation commerciale des publics. Patiemment, Wu rappelle la très longue histoire des nouveaux formats de contenus : la naissance des jeux, des journaux télé, des soirées spéciales, du sport, des feuilletons et séries, de la télé-réalité aux réseaux sociaux… Chacun ayant généré une nouvelle intrication avec la publicité, comme l’invention des coupures publicitaires à la radio et à la télé, qui nécessitaient de réinventer les contenus, notamment en faisant monter l’intrigue pour que les gens restent accrochés. Face aux outils de révolte, comme l’invention de la télécommande ou du magnétoscope, outils de reprise du contrôle par le consommateur, les industries vont répondre par la télévision par abonnement, sans publicité. Elles vont aussi inventer un montage plus rapide qui ne va cesser de s’accélérer avec le temps.

Pour Wu, toute rébellion attentionnelle est sans cesse assimilée. Même la révolte contre la communication de masse, d’intellectuels comme Timothy Leary ou Herbert Marcuse, sera finalement récupérée.

De l’audience au ciblage

La mesure de l’audience a toujours été un enjeu industriel des marchands d’attention. Notamment avec l’invention des premiers outils de mesure de l’audimat permettant d’agréger l’audience en volumes. Wu prend le temps d’évoquer le développement de la personnalisation publicitaire, avec la socio-géo-démographie mise au point par la firme Claritas à la fin des années 70. Claritas Prizm, premier outil de segmentation de la clientèle, va permettre d’identifier différents profils de population pour leur adresser des messages ciblés. Utilisée avec succès pour l’introduction du Diet Coke en 1982, la segmentation publicitaire a montré que la nation américaine était une mosaïque de goûts et de sensibilités qu’il fallait adresser différemment. Elle apporte à l’industrie de la publicité un nouvel horizon de consommateurs, préfigurant un ciblage de plus en plus fin, que la personnalisation de la publicité en ligne va prolonger toujours plus avant. La découverte des segments va aller de pair avec la différenciation des audiences et la naissance, dans les années 80, des chaînes câblées qui cherchent à exploiter des populations différentes (MTV pour la musique, ESPN pour le sport, les chaînes d’info en continu…). L’industrie du divertissement et de la publicité va s’engouffrer dans l’exploitation de la fragmentation de l’audience que le web tentera de pousser encore plus loin.

Wu rappelle que la technologie s’adapte à ses époques : "La technologie incarne toujours l’idéologie, et l’idéologie en question était celle de la différence, de la reconnaissance et de l’individualité". D’un coup le spectateur devait avoir plus de choix, plus de souveraineté… Le visionnage lui-même changeait, plus inattentif et dispersé. La profusion de chaînes et le développement de la télécommande se sont accompagnés d’autres modalités de choix comme les outils d’enregistrements. La publicité devenait réellement évitable. D’où le fait qu’elle ait donc changé, devenant plus engageante, cherchant à devenir quelque chose que les gens voudraient regarder. Mais dans le même temps, la télécommande était aussi un moyen d’être plus branché sur la manière dont nous n’agissons pas rationnellement, d’être plus distraitement attentif encore, à des choses toujours plus simples. "Les technologies conçues pour accroître notre contrôle sur notre attention ont parfois un effet opposé", prévient Wu. "Elles nous ouvrent à un flux de sélections instinctives et de petites récompenses"… En fait, malgré les plaintes du monde de la publicité contre la possibilité de zapper, l’état d’errance distrait des spectateurs n’était pas vraiment mauvais pour les marchands d’attention. Dans l’abondance de choix, dans un système de choix sans friction, nous avons peut-être plus perdu d’attention qu’autre chose.

L’internet a démultiplié encore, par de nouvelles pratiques et de nouveaux médiums, ces questions attentionnelles. L’e-mail et sa consultation sont rapidement devenus une nouvelle habitude, un rituel attentionnel aussi important que le prime time. Le jeu vidéo dès ses débuts a capturé toujours plus avant les esprits.

"En fin de compte, cela suggère aussi à quel point la conquête de l’attention humaine a été incomplète entre les années 1910 et les années 60, même après l’entrée de la télévision à la maison. En effet, même s’il avait enfreint la sphère privée, le domaine de l’interpersonnel demeurait inviolable. Rétrospectivement, c’était un territoire vierge pour les marchands d’attention, même si avant l’introduction de l’ordinateur domestique, on ne pouvait pas concevoir comment cette attention pourrait être commercialisée. Certes, personne n’avait jamais envisagé la possibilité de faire de la publicité par téléphone avant même de passer un appel – non pas que le téléphone ait besoin d’un modèle commercial. Ainsi, comme AOL qui a finalement opté pour la revente de l’attention de ses abonnés, le modèle commercial du marchand d’attention a été remplacé par l’un des derniers espaces considérés comme sacrés : nos relations personnelles." Le grand fournisseur d’accès des débuts de l’internet, AOL, a développé l’accès aux données de ses utilisateurs et a permis de développer des techniques de publicité dans les emails par exemple, vendant également les mails de ses utilisateurs à des entreprises et leurs téléphones à des entreprises de télémarketing. Tout en présentant cela comme des "avantages" réservés à ses abonnés ! FB n’a rien inventé ! "

La particularité de la modernité repose sur l’idée de construire une industrie basée sur la demande à ressentir une certaine communion". Les célébrités sont à leur tour devenues des marchands d’attention, revendant les audiences qu’elles attiraient, à l’image d’Oprah Winfrey… tout en transformant la consommation des produits qu’elle proposait en méthode d’auto-récompense pour les consommateurs.

L’infomercial a toujours été là, souligne Wu. La frontière entre divertissement, information et publicité a toujours été floue. La télé-réalité, la dernière grande invention de format (qui va bientôt avoir 30 ans !) promettant justement l’attention ultime : celle de devenir soi-même star.

Le constat de Wu est amer. "Le web, en 2015, a été complètement envahi par la malbouffe commerciale, dont une grande partie visait les pulsions humaines les plus fondamentales du voyeurisme et de l’excitation." L’automatisation de la publicité est le Graal : celui d’emplacements parfaitement adaptés aux besoins, comme un valet de chambre prévenant. "Tout en promettant d’être utile ou réfléchi, ce qui a été livré relevait plutôt de l’intrusif et pire encore." La télévision – la boîte stupide -, qui nous semblait si attentionnellement accablante, paraît presque aujourd’hui vertueuse par rapport aux boucles attentionnelles sans fin que produisent le web et le mobile.

Dans cette histoire, Wu montre que nous n’avons cessé de nous adapter à cette capture attentionnelle, même si elle n’a cessé de se faire à notre détriment. Les révoltes sont régulières et nécessaires. Elles permettent de limiter et réguler l’activité commerciale autour de nos capacités cognitives. Mais saurons-nous délimiter des frontières claires pour préserver ce que nous estimons comme sacré, notre autonomie cognitive ? La montée de l’internet des objets et des wearables, ces objets qui se portent, laisse supposer que cette immixtion ira toujours plus loin, que la régulation est une lutte sans fin face à des techniques toujours plus invasives. La difficulté étant que désormais nous sommes confrontés à des techniques cognitives qui reposent sur des fonctionnalités qui ne dépendent pas du temps passé, de l’espace ou de l’emplacement… À l’image des rythmes de montage ou des modalités de conception des interfaces du web. Wu conclut en souhaitant que nous récupérions "la propriété de l’expérience même de la vie". Reste à savoir comment…

Comment répondre aux monopoles attentionnels ?

Tim Wu – qui vient de publier un nouveau livre The Curse of Bigness : antitrust in the new Gilded age (La malédiction de la grandeur, non traduit) – prône, comme d’autres, un renforcement des lois antitrusts américaines. Il y invite à briser les grands monopoles que construisent les Gafam, renouvelant par là la politique américaine qui a souvent cherché à limiter l’emprise des monopoles comme dans le cas des télécommunications (AT&T), de la radio ou de la télévision par exemple ou de la production de pétrole (Standard Oil), pour favoriser une concurrence plus saine au bénéfice de l’innovation. À croire finalement que pour lutter contre les processus de capture attentionnels, il faut peut-être passer par d’autres leviers que de chercher à réguler les processus attentionnels eux-mêmes ! Limiter le temps d’écran finalement est peut-être moins important que limiter la surpuissance de quelques empires sur notre attention !

La règle actuelle pour limiter le développement de monopoles, rappelle Wu dans une longue interview pour The Verge, est qu’il faut démontrer qu’un rachat ou une fusion entraînera une augmentation des prix pour le consommateur. Outre, le fait que c’est une démonstration difficile, car spéculative, "il est pratiquement impossible d’augmenter les prix à la consommation lorsque les principaux services Internet tels que Google et Facebook sont gratuits". Pour plaider pour la fragmentation de ces entreprises, il faudrait faire preuve que leur concentration produit de nouveaux préjudices, comme des pratiques anticoncurrentielles quand des entreprises absorbent finalement leurs concurrents. Aux États-Unis, le mouvement New Brandeis (qui fait référence au juge Louis Brandeis acteur majeur de la lutte contre les trusts) propose que la régulation favorise la compétition.

Pour Wu par exemple, la concurrence dans les réseaux sociaux s’est effondrée avec le rachat par Facebook d’Instagram et de WhatsApp. Et au final, la concurrence dans le marché de l’attention a diminué. Pour Wu, il est temps de défaire les courtiers de l’attention, comme il l’explique dans un article de recherche qui tente d’esquisser des solutions concrètes. Il propose par exemple de créer une version attentionnelle du test du monopoleur hypothétique, utilisé pour mesurer les abus de position dominante, en testant l’influence de la publicité sur les pratiques. Pour Tim Wu, il est nécessaire de trouver des modalités à l’analyse réglementaire des marchés attentionnels.

Dans cet article, Wu s’intéresse également à la protection des audiences captives, à l’image des écrans publicitaires des pompes à essence qui vous délivrent des messages sans pouvoir les éviter où ceux des écrans de passagers dans les avions… Pour Wu, ces nouvelles formes de coercition attentionnelle sont plus qu’un ennui, puisqu’elles nous privent de la liberté de penser et qu’on ne peut les éviter. Pour lui, il faudrait les caractériser comme un "vol attentionnel". Certes, toutes les publicités ne peuvent pas être caractérisées comme telles, mais les régulateurs devraient réaffirmer la question du consentement souligne-t-il, notamment quand l’utilisateur est captif ou que la capture cognitive exploite nos biais attentionnels sans qu’on puisse lutter contre. Et de rappeler que les consommateurs doivent pouvoir dépenser ou allouer leur attention comme ils le souhaitent. Que les régulateurs doivent chercher à les protéger de situations non consensuelles et sans compensation, notamment dans les situations d’attention captive ainsi que contre les intrusions inévitables (celles qui sont augmentées par un volume sonore élevé, des lumières clignotantes, etc.). Ainsi, les publicités de pompe à essence ne devraient être autorisées qu’en cas de compensation pour le public (par exemple en proposant une remise sur le prix de l’essence)…

Wu indique encore que les réglementations sur le bruit qu’ont initié bien des villes peuvent être prises pour base pour construire des réglementations de protection attentionnelle, tout comme l’affichage sur les autoroutes, également très réglementé. Pour Tim Wu, tout cela peut sembler peut-être peu sérieux à certain, mais nous avons pourtant imposé par exemple l’interdiction de fumer dans les avions sans que plus personne aujourd’hui n’y trouve à redire. Il est peut-être temps de prendre le bombardement attentionnel au sérieux. En tout cas, ces défis sont devant nous, et nous devrons trouver des modalités pour y répondre, conclut-il.

Auteur: Guillaud Hubert

Info: 27 décembre 2018, http://internetactu.blog.lemonde.fr

[ culture de l'epic fail ] [ propagande ] [ captage de l'attention ]

 

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rapetissement

Des mathématiciens identifient le seuil à partir duquel les formes cèdent. Une nouvelle preuve établit la limite à laquelle une forme devient si ondulée qu'elle ne peut être écrasée plus avant.

En ajoutant un nombre infini de torsions aux courbes d'une sphère, il est possible de la réduire en une minuscule boule sans en déformer les distances.

Dans les années 1950, quatre décennies avant qu'il ne remporte le prix Nobel pour ses contributions à la théorie des jeux et que son histoire n'inspire le livre et le film "A Beautiful Mind", le mathématicien John Nash a démontré l'un des résultats les plus remarquables de toute la géométrie. Ce résultat impliquait, entre autres, que l'on pouvait froisser une sphère pour en faire une boule de n'importe quelle taille sans jamais la déformer. Il a rendu cela possible en inventant un nouveau type d'objet géométrique appelé " inclusion ", qui situe une forme à l'intérieur d'un espace plus grand, un peu comme lorsqu'on insère un poster bidimensionnel dans un tube tridimensionnel.

Il existe de nombreuses façons d'encastrer une forme. Certaines préservent la forme naturelle - comme l'enroulement de l'affiche dans un cylindre - tandis que d'autres la plissent ou la découpent pour l'adapter de différentes manières.

De manière inattendue, la technique de Nash consiste à ajouter des torsions à toutes les courbes d'une forme, rendant sa structure élastique et sa surface ébouriffée. Il a prouvé que si l'on ajoutait une infinité de ces torsions, on pouvait réduire la sphère en une minuscule boule. Ce résultat avait étonné les mathématiciens qui pensaient auparavant qu'il fallait des plis nets pour froisser la sphère de cette manière.

Depuis, les mathématiciens ont cherché à comprendre précisément les limites des techniques pionnières de Nash. Il avait montré que l'on peut froisser la sphère en utilisant des torsions, mais n'avait pas démontré exactement la quantité de torsions nécessaire, au minimum, pour obtenir ce résultat. En d'autres termes, après Nash, les mathématiciens ont voulu quantifier le seuil exact entre planéité et torsion, ou plus généralement entre douceur et rugosité, à partir duquel une forme comme la sphère commence à se froisser.

Et dans une paire de parutions récentes ils l'ont fait, au moins pour une sphère située dans un espace de dimension supérieure. Dans un article publié en septembre 2018 et en mars 2020, Camillo De Lellis, de l'Institute for Advanced Study de Princeton, dans le New Jersey, et Dominik Inauen, de l'université de Leipzig, ont identifié un seuil exact pour une forme particulière. Des travaux ultérieurs, réalisés en octobre 2020 par Inauen et Wentao Cao, aujourd'hui de l'Université normale de la capitale à Pékin, ont prouvé que le seuil s'appliquait à toutes les formes d'un certain type général.

Ces deux articles améliorent considérablement la compréhension des mathématiciens des inclusions de Nash. Ils établissent également un lien insolite entre les encastrements et les flux de fluides.

"Nous avons découvert des points de contact étonnants entre les deux problèmes", a déclaré M. De Lellis.

Les rivières tumultueuses peuvent sembler n'avoir qu'un vague rapport avec les formes froissées, mais les mathématiciens ont découvert en 2009 qu'elles pouvaient en fait être étudiées à l'aide des mêmes techniques. Il y a trois ans, des mathématiciens, dont M. De Lellis, ont utilisé les idées de Nash pour comprendre le point auquel un écoulement devient turbulent. Ils ont ré-imaginé un fluide comme étant composé d'écoulements tordus et ont prouvé que si l'on ajoutait juste assez de torsions à ces écoulements, le fluide prenait soudainement une caractéristique clé de la turbulence.

Les nouveaux travaux sur les inclusion(embeddings) s'appuient sur une leçon cruciale tirée de ces travaux antérieurs sur la turbulence, suggérant que les mathématiciens disposent désormais d'un cadre général pour identifier des points de transition nets dans toute une série de contextes mathématiques. 

Maintenir la longueur

Les mathématiciens considèrent aujourd'hui que les formes, comme la sphère, ont leurs propres propriétés géométriques intrinsèques : Une sphère est une sphère quel que soit l'endroit où vous la trouvez.

Mais vous pouvez prendre une forme abstraite et l'intégrer dans un espace géométrique plus grand. Lorsque vous l'intégrez, vous pouvez vouloir préserver toutes ses propriétés. Vous pouvez également exiger que seules certaines propriétés restent constantes, par exemple, que les longueurs des courbes sur sa surface restent identiques. De telles intégrations sont dites "isométriques".

Les incorporations isométriques conservent les longueurs mais peuvent néanmoins modifier une forme de manière significative. Commencez, par exemple, par une feuille de papier millimétré avec sa grille de lignes perpendiculaires. Pliez-la autant de fois que vous le souhaitez. Ce processus peut être considéré comme un encastrement isométrique. La forme obtenue ne ressemblera en rien au plan lisse de départ, mais la longueur des lignes de la grille n'aura pas changé.

(En illustration est montré  un gros plan de la forme sinueuse et ondulante d'un encastrement de Nash., avec ce commentaire - Les encastrements tordus de Nash conservent un degré surprenant de régularité, même s'ils permettent de modifier radicalement une surface.)

Pendant longtemps, les mathématiciens ont pensé que les plis nets étaient le seul moyen d'avoir les deux caractéristiques à la fois : une forme froissée avec des longueurs préservées.

"Si vous permettez aux plis de se produire, alors le problème est beaucoup plus facile", a déclaré Tristan Buckmaster de l'université de Princeton.

Mais en 1954, John Nash a identifié un type remarquablement différent d'incorporation isométrique qui réussit le même tour de force. Il utilisait des torsions hélicoïdales plutôt que des plis et des angles vifs.

Pour avoir une idée de l'idée de Nash, recommencez avec la surface lisse d'une sphère. Cette surface est composée de nombreuses courbes. Prenez chacune d'entre elles et tordez-la pour former une hélice en forme de ressort. Après avoir reformulé toutes les courbes de la sorte, il est possible de comprimer la sphère. Cependant, un tel processus semble violer les règles d'un encastrement isométrique - après tout, un chemin sinueux entre deux points est toujours plus long qu'un chemin droit.

Mais, de façon remarquable, Nash a montré qu'il existe un moyen rigoureux de maintenir les longueurs même lorsque l'on refabrique des courbes à partir de torsades. Tout d'abord, rétrécissez la sphère de manière uniforme, comme un ballon qui se dégonfle. Ensuite, ajoutez des spirales de plus en plus serrées à chaque courbe. En ajoutant un nombre infini de ces torsions, vous pouvez finalement redonner à chaque courbe sa longueur initiale, même si la sphère originale a été froissée.

Les travaux de Nash ont nécessité une exploration plus approfondie. Techniquement, ses résultats impliquent que l'on ne peut froisser une sphère que si elle existe en quatre dimensions spatiales. Mais en 1955, Nicolaas Kuiper a étendu les travaux de Nash pour qu'ils s'appliquent à la sphère standard à trois dimensions. À partir de là, les mathématiciens ont voulu comprendre le point exact auquel, en tordant suffisamment les courbes d'une sphère, on pouvait la faire s'effondrer.

Fluidité de la forme

Les formes pliées et tordues diffèrent les unes des autres sur un point essentiel. Pour comprendre comment, vous devez savoir ce que les mathématiciens veulent dire lorsqu'ils affirment que quelque chose est "lisse".

Un exemple classique de régularité est la forme ascendante et descendante d'une onde sinusoïdale, l'une des courbes les plus courantes en mathématiques. Une façon mathématique d'exprimer cette régularité est de dire que vous pouvez calculer la "dérivée" de l'onde en chaque point. La dérivée mesure la pente de la courbe en un point, c'est-à-dire le degré d'inclinaison ou de déclin de la courbe.

En fait, vous pouvez faire plus que calculer la dérivée d'une onde sinusoïdale. Vous pouvez également calculer la dérivée de la dérivée ou, la dérivée "seconde", qui saisit le taux de changement de la pente. Cette quantité permet de déterminer la courbure de la courbe - si la courbe est convexe ou concave près d'un certain point, et à quel degré.

Et il n'y a aucune raison de s'arrêter là. Vous pouvez également calculer la dérivée de la dérivée de la dérivée (la "troisième" dérivée), et ainsi de suite. Cette tour infinie de dérivées est ce qui rend une onde sinusoïdale parfaitement lisse dans un sens mathématique exact. Mais lorsque vous pliez une onde sinusoïdale, la tour de dérivées s'effondre. Le long d'un pli, la pente de la courbe n'est pas bien définie, ce qui signifie qu'il est impossible de calculer ne serait-ce qu'une dérivée première.

Avant Nash, les mathématiciens pensaient que la perte de la dérivée première était une conséquence nécessaire du froissement de la sphère tout en conservant les longueurs. En d'autres termes, ils pensaient que le froissement et la régularité étaient incompatibles. Mais Nash a démontré le contraire.

En utilisant sa méthode, il est possible de froisser la sphère sans jamais plier aucune courbe. Tout ce dont Nash avait besoin, c'était de torsions lisses. Cependant, l'infinité de petites torsions requises par son encastrement rend la notion de courbure en dérivée seconde insensée, tout comme le pliage détruit la notion de pente en dérivée première. Il n'est jamais clair, où que ce soit sur une des surfaces de Nash, si une courbe est concave ou convexe. Chaque torsion ajoutée rend la forme de plus en plus ondulée et rainurée, et une surface infiniment rainurée devient rugueuse.

"Si vous étiez un skieur sur la surface, alors partout, vous sentiriez des bosses", a déclaré Vincent Borrelli de l'Université de Lyon, qui a travaillé en 2012 avec des collaborateurs pour créer les premières visualisations précises des encastrements de Nash.

Les nouveaux travaux expliquent la mesure exacte dans laquelle une surface peut maintenir des dérivés même si sa structure cède.

Trouver la limite

Les mathématiciens ont une notation précise pour décrire le nombre de dérivées qui peuvent être calculées sur une courbe.

Un encastrement qui plie une forme est appelé C0. Le C représente la continuité et l'exposant zéro signifie que les courbes de la surface encastrée n'ont aucune dérivée, pas même une première. Il existe également des encastrements avec des exposants fractionnaires, comme C0,1/2, qui plissent encore les courbes, mais moins fortement. Puis il y a les incorporations C1 de Nash, qui écrasent les courbes uniquement en appliquant des torsions lisses, conservant ainsi une dérivée première.

(Un graphique à trois panneaux illustre les différents degrés de lissage des lettres O, U et B. DU simple au complexe)

Avant les travaux de Nash, les mathématiciens s'étaient principalement intéressés aux incorporations isométriques d'un certain degré d'uniformité standard, C2 et plus. Ces encastrements C2 pouvaient tordre ou courber des courbes, mais seulement en douceur. En 1916, l'influent mathématicien Hermann Weyl a émis l'hypothèse que l'on ne pouvait pas modifier la forme de la sphère à l'aide de ces courbes douces sans détruire les distances. Dans les années 1940, les mathématiciens ont résolu le problème de Weyl, en prouvant que les encastrements isométriques en C2 ne pouvaient pas froisser la sphère.

Dans les années 1960, Yurii Borisov a découvert qu'un encastrement C1,1/13 pouvait encore froisser la sphère, alors qu'un encastrement C1,2/3 ne le pouvait pas. Ainsi, quelque part entre les enrobages C1 de Nash et les enrobages C2 légèrement courbés, le froissement devient possible. Mais pendant des décennies après les travaux de Borisov, les mathématiciens n'ont pas réussi à trouver une limite exacte, si tant est qu'elle existe.

"Une nouvelle vision fondamentale [était] nécessaire", a déclaré M. Inauen.

Si les mathématiciens n'ont pas pu progresser, ils ont néanmoins trouvé d'autres applications aux idées de Nash. Dans les années 1970, Mikhael Gromov les a reformulées en un outil général appelé "intégration convexe", qui permet aux mathématiciens de construire des solutions à de nombreux problèmes en utilisant des sous-structures sinueuses. Dans un exemple, qui s'est avéré pertinent pour les nouveaux travaux, l'intégration convexe a permis de considérer un fluide en mouvement comme étant composé de nombreux sous-flux tordus.

Des décennies plus tard, en 2016, Gromov a passé en revue les progrès progressifs réalisés sur les encastrements de la sphère et a conjecturé qu'un seuil existait en fait, à C1,1/2. Le problème était qu'à ce seuil, les méthodes existantes s'effondraient.

"Nous étions bloqués", a déclaré Inauen.

Pour progresser, les mathématiciens avaient besoin d'un nouveau moyen de faire la distinction entre des incorporations de douceur différente. De Lellis et Inauen l'ont trouvé en s'inspirant de travaux sur un phénomène totalement différent : la turbulence.

Une énergie qui disparaît

Tous les matériaux qui entrent en contact ont un frottement, et nous pensons que ce frottement est responsable du ralentissement des choses. Mais depuis des années, les physiciens ont observé une propriété remarquable des écoulements turbulents : Ils ralentissent même en l'absence de friction interne, ou viscosité.

En 1949, Lars Onsager a proposé une explication. Il a supposé que la dissipation sans frottement était liée à la rugosité extrême (ou au manque de douceur) d'un écoulement turbulent : Lorsqu'un écoulement devient suffisamment rugueux, il commence à s'épuiser.

En 2018, Philip Isett a prouvé la conjecture d'Onsager, avec la contribution de Buckmaster, De Lellis, László Székelyhidi et Vlad Vicol dans un travail séparé. Ils ont utilisé l'intégration convexe pour construire des écoulements tourbillonnants aussi rugueux que C0, jusqu'à C0,1/3 (donc sensiblement plus rugueux que C1). Ces flux violent une règle formelle appelée conservation de l'énergie cinétique et se ralentissent d'eux-mêmes, du seul fait de leur rugosité.

"L'énergie est envoyée à des échelles infiniment petites, à des échelles de longueur nulle en un temps fini, puis disparaît", a déclaré Buckmaster.

Des travaux antérieurs datant de 1994 avaient établi que les écoulements sans frottement plus lisses que C0,1/3 (avec un exposant plus grand) conservaient effectivement de l'énergie. Ensemble, les deux résultats ont permis de définir un seuil précis entre les écoulements turbulents qui dissipent l'énergie et les écoulements non turbulents qui conservent l'énergie.

Les travaux d'Onsager ont également fourni une sorte de preuve de principe que des seuils nets pouvaient être révélés par l'intégration convexe. La clé semble être de trouver la bonne règle qui tient d'un côté du seuil et échoue de l'autre. De Lellis et Inauen l'ont remarqué.

"Nous avons pensé qu'il existait peut-être une loi supplémentaire, comme la [loi de l'énergie cinétique]", a déclaré Inauen. "Les enchâssements isométriques au-dessus d'un certain seuil la satisfont, et en dessous de ce seuil, ils pourraient la violer".

Après cela, il ne leur restait plus qu'à aller chercher la loi.

Maintenir l'accélération

La règle qu'ils ont fini par étudier a trait à la valeur de l'accélération des courbes sur une surface. Pour la comprendre, imaginez d'abord une personne patinant le long d'une forme sphérique avant qu'elle ne soit encastrée. Elle ressent une accélération (ou une décélération) lorsqu'elle prend des virages et monte ou descend des pentes. Leur trajectoire forme une courbe.

Imaginez maintenant que le patineur court le long de la même forme après avoir été incorporé. Pour des encastrements isométriques suffisamment lisses, qui ne froissent pas la sphère ou ne la déforment pas de quelque manière que ce soit, le patineur devrait ressentir les mêmes forces le long de la courbe encastrée. Après avoir reconnu ce fait, De Lellis et Inauen ont ensuite dû le prouver : les enchâssements plus lisses que C1,1/2 conservent l'accélération.

En 2018, ils ont appliqué cette perspective à une forme particulière appelée la calotte polaire, qui est le sommet coupé de la sphère. Ils ont étudié les enchâssements de la calotte qui maintiennent la base de la calotte fixe en place. Puisque la base de la calotte est fixe, une courbe qui se déplace autour d'elle ne peut changer d'accélération que si la forme de la calotte au-dessus d'elle est modifiée, par exemple en étant déformée vers l'intérieur ou l'extérieur. Ils ont prouvé que les encastrements plus lisses que C1,1/2 - même les encastrements de Nash - ne modifient pas l'accélération et ne déforment donc pas le plafond. 

"Cela donne une très belle image géométrique", a déclaré Inauen.

En revanche, ils ont utilisé l'intégration convexe pour construire des enrobages de la calotte plus rugueux que C1,1/2. Ces encastrements de Nash tordent tellement les courbes qu'ils perdent la notion d'accélération, qui est une quantité dérivée seconde. Mais l'accélération de la courbe autour de la base reste sensible, puisqu'elle est fixée en place. Ils ont montré que les encastrements en dessous du seuil pouvaient modifier l'accélération de cette courbe, ce qui implique qu'ils déforment également le plafond (car si le plafond ne se déforme pas, l'accélération reste constante ; et si l'accélération n'est pas constante, cela signifie que le plafond a dû se déformer).

Deux ans plus tard, Inauen et Cao ont prolongé l'article précédent et prouvé que la valeur de C1,1/2 prédite par Gromov était en fait un seuil qui s'appliquait à toute forme, ou "collecteur", avec une limite fixe. Au-dessus de ce seuil, les formes ne se déforment pas, au-dessous, elles se déforment. "Nous avons généralisé le résultat", a déclaré Cao.

L'une des principales limites de l'article de Cao et Inauen est qu'il nécessite l'intégration d'une forme dans un espace à huit dimensions, au lieu de l'espace à trois dimensions que Gromov avait en tête. Avec des dimensions supplémentaires, les mathématiciens ont gagné plus de place pour ajouter des torsions, ce qui a rendu le problème plus facile.

Bien que les résultats ne répondent pas complètement à la conjecture de Gromov, ils fournissent le meilleur aperçu à ce jour de la relation entre l'aspect lisse et le froissement. "Ils donnent un premier exemple dans lequel nous voyons vraiment cette dichotomie", a déclaré M. De Lellis.

À partir de là, les mathématiciens ont un certain nombre de pistes à suivre. Ils aimeraient notamment résoudre la conjecture en trois dimensions. En même temps, ils aimeraient mieux comprendre les pouvoirs de l'intégration convexe.

Cet automne, l'Institute for Advanced Study accueillera un programme annuel sur le sujet. Il réunira des chercheurs issus d'un large éventail de domaines dans le but de mieux comprendre les idées inventées par Nash. Comme l'a souligné Gromov dans son article de 2016, les formes sinueuses de Nash ne faisaient pas simplement partie de la géométrie. Comme cela est désormais clair, elles ont ouvert la voie à un tout nouveau "pays" des mathématiques, où des seuils aigus apparaissent en de nombreux endroits.

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/mathematicians-identify-threshold-at-which-shapes-give-way-20210603/Mordechai Rorvig, rédacteur collaborateur, , 3 juin 2021

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aliénisme

La cause de la dépression n’est probablement pas celle que vous pensez

La dépression a souvent été imputée à de faibles niveaux de sérotonine dans le cerveau. Cette réponse est insuffisante, mais des alternatives apparaissent et modifient notre compréhension de la maladie.

Les gens pensent souvent savoir ce qui cause la dépression chronique. Des enquêtes indiquent que plus de 80 % de la population attribue la responsabilité à un " déséquilibre chimique " dans le cerveau. Cette idée est répandue dans la psychologie populaire et citée dans des documents de recherche et des manuels de médecine. L'écoute de Prozac, un livre qui décrit la valeur révolutionnaire du traitement de la dépression avec des médicaments visant à corriger ce déséquilibre, a passé des mois sur la liste des best-sellers du New York Times.

La substance chimique cérébrale déséquilibrée en question est la sérotonine, un neurotransmetteur important aux effets légendaires de " bien-être ". La sérotonine aide à réguler les systèmes cérébraux qui contrôlent tout, de la température corporelle au sommeil, en passant par la libido et la faim. Depuis des décennies, il est également présenté comme le produit pharmaceutique le plus efficace dans la lutte contre la dépression. Les médicaments largement prescrits comme le Prozac (fluoxétine) sont conçus pour traiter la dépression chronique en augmentant les niveaux de sérotonine.

Pourtant, les causes de la dépression vont bien au-delà de la carence en sérotonine. Les études cliniques ont conclu à plusieurs reprises que le rôle de la sérotonine dans la dépression avait été surestimé. En effet, l’ensemble de la théorie du déséquilibre chimique pourrait être erroné, malgré le soulagement que le Prozac semble apporter à de nombreux patients.

Une revue de la littérature parue dans Molecular Psychiatry en juillet a sonné le glas le plus récent et peut-être le plus fort de l’hypothèse de la sérotonine, du moins dans sa forme la plus simple. Une équipe internationale de scientifiques dirigée par Joanna Moncrieff de l'University College London a examiné 361 articles dans six domaines de recherche et en a soigneusement évalué 17. Ils n’ont trouvé aucune preuve convaincante que des niveaux plus faibles de sérotonine provoquaient ou étaient même associés à la dépression. Les personnes souffrant de dépression ne semblaient pas avoir une activité sérotoninergique inférieure à celle des personnes non atteintes. Les expériences dans lesquelles les chercheurs abaissaient artificiellement les niveaux de sérotonine des volontaires n’entraînaient pas systématiquement une dépression. Les études génétiques semblaient également exclure tout lien entre les gènes affectant les niveaux de sérotonine et la dépression, même lorsque les chercheurs essayaient de considérer le stress comme un cofacteur possible.

" Si vous pensez toujours qu'il s'agissait simplement d'un déséquilibre chimique de la sérotonine, alors oui, c'est assez accablant", a déclaré Taylor Braund , neuroscientifique clinicien et chercheur postdoctoral au Black Dog Institute en Australie, qui n'a pas participé à l'étude. nouvelle étude. (" Le chien noir " était le terme utilisé par Winston Churchill pour désigner ses propres humeurs sombres, que certains historiens pensent être une dépression.)

La prise de conscience que les déficits de sérotonine en eux-mêmes ne provoquent probablement pas la dépression a amené les scientifiques à se demander ce qui pouvait en être la cause. Les faits suggèrent qu’il n’y a peut-être pas de réponse simple. En fait, cela amène les chercheurs en neuropsychiatrie à repenser ce que pourrait être la dépression.

Traiter la mauvaise maladie

L’intérêt porté à la sérotonine dans la dépression a commencé avec un médicament contre la tuberculose. Dans les années 1950, les médecins ont commencé à prescrire de l’iproniazide, un composé développé pour cibler la bactérie Mycobacterium tuberculosis vivant dans les poumons. Le médicament n’était pas particulièrement efficace pour traiter les infections tuberculeuses, mais il a béni certains patients avec un effet secondaire inattendu et agréable. "Leur fonction pulmonaire et tout le reste ne s'améliorait pas beaucoup, mais leur humeur avait tendance à s'améliorer", a déclaré Gerard Sanacora, psychiatre clinicien et directeur du programme de recherche sur la dépression à l'Université de Yale.

(Photo : Pour évaluer les preuves selon lesquelles les déséquilibres en sérotonine provoquent la dépression, la chercheuse en psychiatrie Joanna Moncrieff de l'University College London a organisé une récapitulation qui a examiné des centaines d'articles dans six domaines de recherche.) 

Perplexes face à ce résultat, les chercheurs ont commencé à étudier le fonctionnement de l'iproniazide et des médicaments apparentés dans le cerveau des rats et des lapins. Ils ont découvert que les médicaments empêchaient le corps des animaux d'absorber des composés appelés amines, parmi lesquels se trouve la sérotonine, un produit chimique qui transmet les messages entre les cellules nerveuses du cerveau.

Plusieurs psychologues éminents, parmi lesquels les regrettés cliniciens Alec Coppen et Joseph Schildkraut, se sont emparés de l'idée que la dépression pourrait être causée par un déficit chronique de sérotonine dans le cerveau. L’hypothèse de la dépression liée à la sérotonine a ensuite inspiré des décennies de développement de médicaments et de recherche neuroscientifique. À la fin des années 1980, cela a conduit à l’introduction de médicaments inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), comme le Prozac. (Ces médicaments augmentent les niveaux d'activité de la sérotonine en ralentissant l'absorption du neurotransmetteur par les neurones.)  Aujourd'hui, l'hypothèse de la sérotonine reste l'explication la plus souvent donnée aux patients souffrant de dépression lorsqu'on leur prescrit des ISRS.

Mais des doutes sur le modèle sérotoninergique circulaient au milieu des années 1990. Certains chercheurs ont remarqué que les ISRS ne répondaient souvent pas aux attentes et n’amélioraient pas de manière significative les performances de médicaments plus anciens comme le lithium. " Les études ne concordaient pas vraiment ", a déclaré Moncrieff.

Au début des années 2000, peu d’experts pensaient que la dépression était causée uniquement par un manque de sérotonine, mais personne n’a jamais tenté une évaluation complète de ces preuves. Cela a finalement incité Moncrieff à organiser une telle étude, " afin que nous puissions avoir une idée si cette théorie était étayée ou non ", a-t-elle déclaré.

Elle et ses collègues ont découvert que ce n’était pas le cas, mais l’hypothèse de la sérotonine a toujours des adeptes. En octobre dernier – quelques mois seulement après la parution de leur étude – un article publié en ligne dans Biological Psychiatry prétendait offrir une validation concrète de la théorie de la sérotonine. D'autres chercheurs restent cependant sceptiques, car l'étude n'a porté que sur 17 volontaires. Moncrieff a rejeté les résultats comme étant statistiquement insignifiants.

Un déséquilibre chimique différent

Bien que les niveaux de sérotonine ne semblent pas être le principal facteur de dépression, les ISRS montrent une légère amélioration par rapport aux placebos dans les essais cliniques. Mais le mécanisme à l’origine de cette amélioration reste insaisissable. "Ce n'est pas parce que l'aspirine soulage les maux de tête que les déficits en aspirine dans le corps provoquent des maux de tête", a déclaré John Krystal , neuropharmacologue et directeur du département de psychiatrie de l'Université de Yale. " Comprendre pleinement comment les ISRS produisent des changements cliniques est encore un travail en cours. "

Les spéculations sur la source de ce bénéfice ont donné naissance à des théories alternatives sur les origines de la dépression.

Malgré le terme " sélectif " dans leur nom, certains ISRS modifient les concentrations relatives de produits chimiques autres que la sérotonine. Certains psychiatres cliniciens pensent que l’un des autres composés pourrait être la véritable force induisant ou soulageant la dépression. Par exemple, les ISRS augmentent les niveaux circulants de tryptophane, un acide aminé, un précurseur de la sérotonine qui aide à réguler les cycles de sommeil. Au cours des 15 dernières années, ce produit chimique est devenu un candidat sérieux pour prévenir la dépression. "Les études sur la déplétion en tryptophane fournissent des preuves assez solides", a déclaré Michael Browning , psychiatre clinicien à l'Université d'Oxford.

Un certain nombre d' études sur l'épuisement du tryptophane ont révélé qu'environ les deux tiers des personnes récemment remises d'un épisode dépressif rechuteront lorsqu'elles suivront un régime artificiellement pauvre en tryptophane. Les personnes ayant des antécédents familiaux de dépression semblent également vulnérables à une carence en tryptophane. Et le tryptophane a pour effet secondaire d’augmenter les niveaux de sérotonine dans le cerveau.

Des preuves récentes suggèrent également que le tryptophane et la sérotonine pourraient contribuer à la régulation des bactéries et autres microbes se développant dans l’intestin, et que les signaux chimiques émis par ce microbiote pourraient affecter l’humeur. Bien que les mécanismes exacts liant le cerveau et l’intestin soient encore mal compris, ce lien semble influencer le développement du cerveau. Cependant, comme la plupart des études sur la déplétion en tryptophane ont jusqu’à présent été limitées, la question est loin d’être réglée.

D'autres neurotransmetteurs comme le glutamate, qui joue un rôle essentiel dans la formation de la mémoire, et le GABA, qui empêche les cellules de s'envoyer des messages, pourraient également être impliqués dans la dépression, selon Browning. Il est possible que les ISRS agissent en modifiant les quantités de ces composés dans le cerveau.

Moncrieff considère la recherche d'autres déséquilibres chimiques à l'origine de la dépression comme une tentative de changement de marque plutôt que comme une véritable nouvelle ligne de recherche. " Je dirais qu’ils souscrivent toujours à quelque chose comme l’hypothèse de la sérotonine ", a-t-elle déclaré – l’idée selon laquelle les antidépresseurs agissent en inversant certaines anomalies chimiques dans le cerveau. Elle pense plutôt que la sérotonine a des effets si répandus dans le cerveau que nous pourrions avoir du mal à dissocier son effet antidépresseur direct des autres changements dans nos émotions ou sensations qui remplacent temporairement les sentiments d’anxiété et de désespoir.

Réponses génétiques

Toutes les théories sur la dépression ne reposent pas sur des déficits en neurotransmetteurs. Certains recherchent des coupables au niveau génétique.

Lorsque la première ébauche de séquence à peu près complète du génome humain a été annoncée en 2003, elle a été largement saluée comme le fondement d’une nouvelle ère en médecine. Au cours des deux décennies qui ont suivi, les chercheurs ont identifié des gènes à l’origine d’un large éventail de troubles, dont environ 200 gènes associés à un risque de dépression. (Plusieurs centaines de gènes supplémentaires ont été identifiés comme pouvant augmenter le risque.)

"Il est vraiment important que les gens comprennent qu'il existe une génétique à la dépression", a déclaré Krystal. "Jusqu'à très récemment, seuls les facteurs psychologiques et environnementaux étaient pris en compte."

Notre connaissance de la génétique est cependant incomplète. Krystal a noté que des études sur des jumeaux suggèrent que la génétique pourrait expliquer 40 % du risque de dépression. Pourtant, les gènes actuellement identifiés ne semblent expliquer qu’environ 5 %.

De plus, le simple fait d’avoir les gènes de la dépression ne garantit pas nécessairement qu’une personne deviendra déprimée. Les gènes doivent également être activés d’une manière ou d’une autre, par des conditions internes ou externes.

"Il existe parfois une fausse distinction entre les facteurs environnementaux et les facteurs génétiques", a déclaré Srijan Sen, neuroscientifique à l'Université du Michigan. "Pour les caractères d'intérêt les plus courants, les facteurs génétiques et environnementaux jouent un rôle essentiel."

Le laboratoire de Sen étudie les bases génétiques de la dépression en cartographiant le génome des sujets et en observant attentivement comment les individus présentant des profils génétiques différents réagissent aux changements dans leur environnement. (Récemment, ils se sont penchés sur le stress provoqué par la pandémie de Covid-19.) Différentes variations génétiques peuvent affecter la réaction des individus à certains types de stress, tels que le manque de sommeil, la violence physique ou émotionnelle et le manque de contact social, en devenant déprimé.

Les influences environnementales comme le stress peuvent aussi parfois donner lieu à des changements " épigénétiques " dans un génome qui affectent l’expression ultérieure des gènes. Par exemple, le laboratoire de Sen étudie les changements épigénétiques dans les capuchons situés aux extrémités des chromosomes, appelés télomères, qui affectent la division cellulaire. D'autres laboratoires examinent les modifications des étiquettes chimiques appelées groupes de méthylation qui peuvent activer ou désactiver les gènes. Les changements épigénétiques peuvent parfois même se transmettre de génération en génération. "Les effets de l'environnement sont tout aussi biologiques que les effets des gènes", a déclaré Sen. " Seule la source est différente. "

Les études de ces gènes pourraient un jour aider à identifier la forme de traitement à laquelle un patient répondrait le mieux. Certains gènes peuvent prédisposer un individu à de meilleurs résultats avec une thérapie cognitivo-comportementale, tandis que d'autres patients pourraient mieux s'en sortir avec un ISRS ou de la kétamine thérapeutique. Cependant, il est beaucoup trop tôt pour dire quels gènes répondent à quel traitement, a déclaré Sen.

Un produit du câblage neuronal

Les différences dans les gènes d’une personne peuvent la prédisposer à la dépression ; il en va de même pour les différences dans le câblage neuronal et la structure de leur cerveau. De nombreuses études ont montré que les individus diffèrent dans la manière dont les neurones de leur cerveau s’interconnectent pour former des voies fonctionnelles, et que ces voies influencent la santé mentale.

Lors d'une récente conférence, une équipe dirigée par Jonathan Repple, chercheur en psychiatrie à l'Université Goethe de Francfort, en Allemagne, a décrit comment elle a scanné le cerveau de volontaires gravement déprimés et a découvert qu'ils différaient structurellement de ceux d'un groupe témoin non déprimé. Par exemple, les personnes souffrant de dépression présentaient moins de connexions au sein de la " substance blanche " des fibres nerveuses de leur cerveau. (Cependant, il n'y a pas de seuil de matière blanche pour une mauvaise santé mentale : Repple note que vous ne pouvez pas diagnostiquer la dépression en scannant le cerveau de quelqu'un.)

Après que le groupe déprimé ait subi six semaines de traitement, l'équipe de Repple a effectué une autre série d'échographies cérébrales. Cette fois, ils ont constaté que le niveau général de connectivité neuronale dans le cerveau des patients déprimés avait augmenté à mesure que leurs symptômes diminuaient. Pour obtenir cette augmentation, le type de traitement que les patients recevaient ne semblait pas avoir d'importance, du moment que leur humeur s'améliorait.

Une explication possible de ce changement est le phénomène de neuroplasticité. "La neuroplasticité signifie que le cerveau est réellement capable de créer de nouvelles connexions, de modifier son câblage", a déclaré Repple. Si la dépression survient lorsqu'un cerveau a trop peu d'interconnexions ou en perd certaines, alors exploiter les effets neuroplastiques pour augmenter l'interconnexion pourrait aider à améliorer l'humeur d'une personne.

Inflammation chronique

Repple prévient cependant qu'une autre explication des effets observés par son équipe est également possible : peut-être que les connexions cérébrales des patients déprimés ont été altérées par l'inflammation. L'inflammation chronique entrave la capacité du corps à guérir et, dans le tissu neuronal, elle peut progressivement dégrader les connexions synaptiques. On pense que la perte de ces connexions contribue aux troubles de l’humeur.

De bonnes preuves soutiennent cette théorie. Lorsque les psychiatres ont évalué des populations de patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques comme le lupus et la polyarthrite rhumatoïde, ils ont constaté que " tous présentaient des taux de dépression supérieurs à la moyenne ", a déclaré Charles Nemeroff, neuropsychiatre à l'Université du Texas Austin. Bien sûr, savoir qu'ils souffrent d'une maladie dégénérative incurable peut contribuer aux sentiments de dépression du patient, mais les chercheurs soupçonnent que l'inflammation elle-même est également un facteur.

Des chercheurs médicaux ont découvert que provoquer une inflammation chez certains patients peut déclencher une dépression. L'interféron alpha, qui est parfois utilisé pour traiter l'hépatite C chronique et d'autres affections, provoque une réponse inflammatoire majeure dans tout le corps en inondant le système immunitaire de protéines appelées cytokines, des molécules qui facilitent les réactions allant d'un léger gonflement au choc septique. L’afflux soudain de cytokines inflammatoires entraîne une perte d’appétit, de la fatigue et un ralentissement de l’activité mentale et physique – autant de symptômes d’une dépression majeure. Les patients prenant de l’interféron déclarent souvent se sentir soudainement, parfois sévèrement, déprimés.

Si une inflammation chronique négligée est à l’origine de la dépression chez de nombreuses personnes, les chercheurs doivent encore déterminer la source de cette inflammation. Les maladies auto-immunes, les infections bactériennes, le stress élevé et certains virus, dont celui qui cause le Covid-19, peuvent tous induire des réponses inflammatoires persistantes. L’inflammation virale peut s’étendre directement aux tissus du cerveau. La mise au point d’un traitement anti-inflammatoire efficace contre la dépression peut dépendre de la connaissance de laquelle de ces causes est à l’œuvre.

On ne sait pas non plus si le simple traitement de l’inflammation pourrait suffire à soulager la dépression. Les cliniciens tentent encore de déterminer si la dépression provoque une inflammation ou si l’inflammation conduit à la dépression. "C'est une sorte de phénomène de poule et d'œuf", a déclaré Nemeroff.

La théorie du parapluie

De plus en plus, certains scientifiques s’efforcent de recadrer le terme " dépression " pour en faire un terme générique désignant un ensemble de pathologies connexes, tout comme les oncologues considèrent désormais le " cancer " comme faisant référence à une légion de tumeurs malignes distinctes mais similaires. Et tout comme chaque cancer doit être prévenu ou traité de manière adaptée à son origine, les traitements de la dépression peuvent devoir être adaptés à chaque individu. 

S’il existe différents types de dépression, ils peuvent présenter des symptômes similaires – comme la fatigue, l’apathie, les changements d’appétit, les pensées suicidaires et l’insomnie ou un sommeil excessif – mais ils peuvent résulter de mélanges complètement différents de facteurs environnementaux et biologiques. Les déséquilibres chimiques, les gènes, la structure cérébrale et l’inflammation pourraient tous jouer un rôle à des degrés divers. "Dans cinq ou dix ans, nous ne parlerons plus de la dépression comme d'un phénomène unitaire", a déclaré Sen.

Pour traiter efficacement la dépression, les chercheurs en médecine devront peut-être développer une compréhension nuancée de la manière dont elle peut survenir. Nemeroff s'attend à ce qu'un jour, la référence en matière de soins ne soit pas seulement un traitement, mais un ensemble d'outils de diagnostic capables de déterminer la meilleure approche thérapeutique pour la dépression d'un patient individuel, qu'il s'agisse d'une thérapie cognitivo-comportementale, de changements de style de vie, de neuromodulation, d'évitement. déclencheurs génétiques, thérapie par la parole, médicaments ou une combinaison de ceux-ci.

Cette prédiction pourrait frustrer certains médecins et développeurs de médicaments, car il est beaucoup plus facile de prescrire une solution universelle. Mais " apprécier la véritable complexité de la dépression nous amène sur un chemin qui, en fin de compte, aura le plus d’impact ", a déclaré Krystal. Dans le passé, dit-il, les psychiatres cliniciens étaient comme des explorateurs qui atterrissaient sur une petite île inconnue, installaient leur campement et s’installaient confortablement. "Et puis nous avons découvert qu'il y avait tout un continent énorme."



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/ - Joanna Thompson, 26 janvier 2023

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