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marketing

Son appellation ne trompe pas : le magazine, c’est le magasin chez soi. À la mobilité physique des marchandises dans l’entrepôt – le magasin – répond la mobilité visuelle et mentale des marchandises et de leurs images dans le magazine. Le magazine est le premier média de masse entièrement dédié à la consommation. C’est le lieu où les marchandises sont discutées : leur circulation symbolique y est travaillée, en préparation de leur circulation physique. Ce type de périodique émerge et se massifie aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. Entre 1890 et 1905, les périodiques mensuels passent de 18 à 64 millions d’exemplaires par numéro. Le Ladies’ Home Journal, champion toutes catégories, passe d’un tirage de 100 000 exemplaires en 1884 à 1 million en 1904. À la suite des États-Unis, divers pays occidentaux adoptent la formule du magazine féminin avec plus ou moins d’empressement. En France, les premiers périodiques du genre – Votre Beauté et Marie-Claire – apparaissent dans les années 1930.

Comme le grand magasin, le magazine est "départementalisé" ; il s’organise en rubriques : histoires, reportages, voyages, conseils domestiques… Les lecteurs de magazines vont et viennent à travers les rubriques, ils se comportent dans les pages du magazine comme dans les allées du magasin : en ignorant presque certains linéaires et en nidifiant dans les rubriques de leurs marchandises préférées.

Auteur: Galluzzo Anthony

Info: Dans "La fabrique du consommateur", éd. La découverte, Paris, 2020

[ historique ] [ réclame chic ] [ publicité ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

personnalité

Ce qui fait d'une bibliothèque un reflet de son propriétaire, c'est non seulement le choix des titres, mais aussi le réseau d'associations qu'implique ce choix. Notre expérience se construit sur l'expérience, nos souvenirs sur d'autres souvenirs. Nos livres se construisent sur d'autres livres qui les modifient ou les enrichissent, qui leur confèrent une chronologie différente de celle des dictionnaires de littérature. Je suis aujourd'hui, après tout ce temps, incapable de trouver seul la trace de ces connexions. J'oublie, ou je ne sais même pas, quelles sont les relations entre beaucoup de ces livres. Si je pars dans une direction - les récits africains de Margaret Laurence me remettent en mémoire La Ferme Africaine d'Isaac Dinesen, qui me fait à son tour penser à ses Sept contes gothiques, lesquels me ramènent à Edgardo Cozarinsky (qui m'a fait découvrir l'oeuvre de Dinesen) et à son livre et son film sur Borges et, plus loin encore, aux romans de Rose Macaulay, dont nous avons discuté un après-midi déjà lointain à Buenos Aires, surpris l'un et l'autre que quelqu'un d'autre les connût -, je perds alors les autres fils de cette toile complexe et je me demande comment, à la façon d'une araignée, j'ai réussi à en lancer un à travers la distance apparemment incommensurable qui sépare, par exemple, les Tristes d'Ovide des poèmes d'Abd Al-Rahman, exilé de son Espagne natale en Afrique du nord.

Auteur: Manguel Alberto

Info: La Bibliothèque, la nuit

[ littérature ] [ classification ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ]

 

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hommage

Oui, le dandy est un ascète, mais personne ne s'en aperçoit.

C'est un ascète qui recherche l'illusion qu'il a eue au départ, probablement l'illusion de regards de mère et de père conjoints, par rapport à son apparition au monde.

Il recherche d'être reconnu comme fils valeureux de quelqu'un de valeureux, mais il n'a jamais eu quelqu'un de valeureux à imiter.

D'ailleurs, ce sont probablement des enfants précoces, et ils pourraient frôler la folie s'ils n'étaient pas dandys.

Les enfants précoces sont ceux qui deviennent fous et arriérés, ceux qui ne sont pas reconnus comme tels, et qui sont découragés quelques fois à trois ou quatre semaines, et encore plus à trois ou quatre mois.

La folie, ça commence à trois, quatre mois, par déception de ne pas avoir d'interlocuteur qui vous comprenne.

Et l'arriération vient du découragement de ne pas avoir été compris, de ne pas avoir rencontré un sujet.

C'est ça le désir maximum de l'être humain, de rencontrer un sujet qui vous fait être sujet, alors que la plupart d'entre nous, bébés, nous rencontrons des sujets qui nous prennent pour des objets.

Le dandy a tenu, il a réussi à tenir, il n'est pas devenu un délinquant, il n'est pas devenu un arriéré, il n'est pas devenu un psychotique, il est devenu une comète dans sa société, il est discuté et fascinant.

Je pensais aussi un peu à Lacan.

Lacan était un dandy.

Il est mort comme un dandy.

Auteur: Dolto Françoise

Info:

[ singularité ] [ pas-de-côté ] [ développement infantile ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

essai

Mais enfin je vais partir, puisqu’il faut bien faire une transition, je vais partir d’une question idiote qui m’a été posée.

Ce que j’appelle une question idiote n’est pas ce qu’on pourrait croire, je veux dire : quelque chose qui d’aucune façon me déplairait – j’adore les questions idiotes – j’adore aussi les idiotes, j’adore aussi les idiots d’ailleurs, ce n’est pas un privilège du sexe. Pour tout dire, ce que j’appelle idiot, est quelque chose, à l’occasion, de tout simplement naturel et propre. Un idiotisme c’est quelque chose qu’on confond trop vite avec la singularité, c’est quelque chose de naturel, de simple, et pour tout dire, de très souvent lié à la situation. La personne en question, par exemple, n’avait pas ouvert mon livre, elle m’a posé la question suivante :

"Quel est le lien entre vos Écrits ?"

Je dois dire que c’est une question qui ne me serait pas venue à l’idée, à moi tout seul. Bien sûr, je dois dire aussi que c’est une question dont il ne pouvait pas me venir à l’idée qu’elle viendrait à l’idée de personne. Mais c’est une question très intéressante à la vérité, à laquelle j’ai fait tous mes efforts pour répondre. Et répondre, eh bien mon Dieu, comme elle m’était posée.

[…] pour dire les choses de façon qu’elles résonnent, le départ, et qui reste un lien jusqu’au terme de ce recueil, est bien ce quelque chose de profondément discuté, c’est le moins qu’on puisse dire, tout au long de ces Écrits et qui s’exprime sous cette formule, qui vient à tous et qui s’y maintient, je dois dire, avec une regrettable certitude, et qui s’exprime ainsi : "moi, je suis moi" !

Auteur: Lacan Jacques

Info: 14 décembre 1966, La logique du fantasme

[ résumé ] [ thème ] [ idiotie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

fantasme

Même si la plupart de ces femmes recherchent surtout de l'affection, de la compagnie et de la communication, certaines font plus volontiers part de leurs exigences sexuelles. Les phantasmes s'avèrent de tout ordre. Benoît a dû répondre quelques fois à des demandes à tendances masochistes. Par exemple, celles d'une femme qui exigeait d'être fouettée, frappée et injuriée. Ils peuvent aussi être à tendances sadiques, comme le démontre l'aventure de Jeff: "Une femme voulait me battre. J'ai discuté avec elle afin de l'en dissuader, mais elle m'a répondu qu'elle m'avait payé, qu'elle ne voulait pas me frapper durement, qu'elle voulait seulement "voir ce que ça fait". J'ai finalement accepté. Au début, elle n'y allait pas très fort, mais ensuite, elle s'est mise à cogner brutalement et elle m'a fait mal. Ses coups ont même laissé des marques." Les fantasmes visent parfois plus simplement à satisfaire une certaine curiosité, comme l'illustre bien une autre aventure de Jeff, plus agréable celle-là: "Deux jeunes filles hétérosexuelles de 19 ou 20 ans, nous rapporte-t-il, voulaient les services d'un homme pour tenter l'expérience de faire l'amour à trois". Un autre fantasme assez répandu concerne l'homosexualité. Quoique la majorité des clientes fassent appel aux services d'un homme, certaines requièrent plutôt les services d'une femme, probablement pour combler une tendance bisexuelle difficilement avouable ou pour essayer une nouvelle expérience. II arrive fréquemment qu'une femme mariée, mais néanmoins lesbienne, comble ses besoins spécifiques en faisant appel à des prostituées. Dans certains cas, des femmes font appel aux services d'un couple pour réaliser, cette fois, un autre genre de fantasme. "II est facile pour une femme de "lever" un homme dans un bar, mais il lui est plus difficile de trouver une femme ou un couple pour coucher avec elles ", explique le directeur de l'agence H. Les femmes n'osent pas avouer ces fantasmes à leurs amis et relations, les considérant comme inadmissibles dans le contexte amoureux, mais ils les habitent tellement qu'elles vont payer pour les réaliser.

Auteur: Internet

Info: http://www.canoe.qc.ca/artdevivresociete/juil17_chair_g-can.html

[ désir ]

 

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xénophobie

Des Français dits de souche, en particulier des collégiens, dénoncent des violences racistes à leur encontre. Exemple à Pierrefitte-sur-Seine.
"Au collège, il y a beaucoup de violence. Mais si tu es Français de souche, alors cette violence est plus souvent dirigée contre toi.
Guillaume est élève dans un collège ZEP de Pierrefitte-sur-Seine. Il se plaint de l'intolérance de certains de ses camarades qui, dit-il, manifestent une agressivité envers lui en raison de son appartenance à "l'ethnie française". Maintenant qu'il est en troisième, il dit être moins victime de violence verbale que dans les classes précédentes : "Je n'ai pas tellement vécu ce racisme lorsque j'étais en primaire même si c'est déjà arrivé. Mais dès mon entrée en sixième, j'y ai tout de suite été confronté, presque quotidiennement !"
En parlant de racisme, il désigne donc, par analogie avec le sens premier du terme, une hostilité contre le groupe qu'il représente. Ce groupe est celui des "Français de souche", des "Blancs".
Il se sent exclu et marginalisé au collège. Bastien, désormais en seconde, va dans son sens : "Mes années collège ont été les pires de ma vie ! Depuis la rentrée et mon passage au lycée, ça va quand même bien mieux parce que c'est plus mélangé, même s'il y a encore des réflexions me renvoyant à mes origines françaises."
Lui aussi affirme subir une forme de racisme. Il dit souffrir du fait de ne pas pouvoir l'exprimer aussi facilement que s'il s'agissait d'un racisme dirigé envers des individus issus de l'immigration.
Sa mère, Anne, explique : - Il est arrivé qu'il soit le seul "Gaulois" de sa classe. On parle souvent de diversité, mais justement, la diversité c'est aussi le fait de ne pas avoir que des gens issus de l'immigration en banlieue." Elle déplore la situation, mais elle veut se battre pour rester à Pierrefitte : - Bien des familles ont déménagé. Mes parents et mes grands-parents vivaient déjà ici. Je ne veux pas habiter autre part même si on s'est déjà posé la question. Elle aimerait que le problème soit pris au sérieux et en a déjà discuté avec certains enseignants du collège de son fils.

Auteur: Yildiz Tarik

Info: Ne pas parler du racisme anti-blanc : un déni de réalité, Article publié sur Terre d'avenir, en partenariat avec le Bondy Blog, le 3 novembre 2010

[ inversion ] [ Gaule ]

 

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femmes-par-hommes

L'enseignement de l'improvisation chez les jeunes, disons entre 10 et 20 ans, a fait partie des principales compétences et centres d'intérêt de ma profession de musicien de jazz. (Le jazz est la musique des musiciens, ces derniers étant en principe beaucoup plus ouverts que ce mot implique. En fait dans le jazz on s'amuse, on mélange un peu tout, les styles, les tonalités, signatures rythmiques, timbres... souvent avec bcp de notes... ce qui génère souvent un résultat désagréables pour un public habitué à des choses plus simples.).
Educateur durant près de 25 ans, puis directeur quelques années d'une institution de près de 1000 élèves, mon expérience est aussi nourrie de nombreuses discussions avec les enseignants d'ici ou d'ailleurs. Pour en sortir avec un poncif, qui résume un point de vue bien sûr subjectif. Subjectif puisque, probablement par crainte de certaines tensions, je n'ai jamais poussé plus que ça le dialogue sur ce sujet avec mes collègues enseignantes.
Bref voilà la parole d'un gars qui a principalement discuté avec d'autres gars sur le sujet.
Ce poncif le voilà.
Dans le cadre d'un cours de musique, d'un cours d'instrument, les filles aiment coller à la partition, elles préfèrent un cadre précis, qu'on leur dise quoi faire, de A à Z, le demandent en quelque sorte, se rassurent.
Les mecs auront eux beaucoup plus tendance à vouloir s'amuser - parfois très longtemps. Par exemple en jouant et improvisant avec deux accords posés sur un motif rythmique simple, en explorant les variations... en se mettant en transe, ai-je envie d'écrire ici.
Fin du poncif.
Les quelques extraits de cette chaîne ont donc été retenus au cours du temps parce qu'ils me paraissent expliciter cette idée d'une "différence" fondamentale entre les genres sexuels dans le monde animal et donc humain. Différences ayant pour roche-mère le "rôle", la fonction nidificatrice, reproductrice... de la femelle. Rôle bien différent de celui du mâle, plutôt vagabond polygame, destiné à exister à tout prix devant elle jusqu'à ce que cette dernière, (devenue compagne chez certaines espèces au fonctionnement moins "mécanique"), accepte de se faire parasiter par d'autres gènes.
Parce que : une fois cette mission menée à bien, il y a pas mal de races où on a l'impression que le rôle de l'inséminateur s'arrête.

Auteur: Mg

Info: 23 août 2017

[ mâles-femelles ]

 
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totalitarisme

Quand la société impose à l'homme des sacrifices supérieurs aux services qu'elle lui rend, on a le droit de dire qu'elle cesse d'être humaine, qu'elle n'est plus faite pour l'homme, mais contre l'homme. Dans ces conditions, s'il arrive qu'elle se maintienne, ce ne peut être qu'aux dépens des citoyens ou de leur liberté! Imbéciles, ne voyez-vous pas que la civilisation des machines exige en effet de vous une discipline chaque jour plus stricte?

Elle exige au nom du Progrès, c'est à dire au nom d'une conception nouvelle de la vie, imposée aux esprits par son énorme machinerie de propagande et de publicité. Imbéciles! [...]

Avez vous jamais imaginé que dans une une société où les dépendances naturelles ont pris le caractère rigoureux, implacable, des rapports mathématiques, vous pourrez aller et venir, acheter ou vendre, travailler ou ne pas travailler, avec la même tranquille bonhomie que vos ancêtres? Politique d'abord disait Maurras. La Civilisation des Machines a aussi sa devise: "Technique d'abord! technique partout! Imbéciles! [...]

Dans un monde tout entier voué à l'Efficience, au Rendement, n'importe-t-il pas que chaque citoyen, dès sa naissance, soit consacré aux mêmes dieux? La Technique ne peut être discutée, les solutions qu'elle impose étant par définition les plus pratiques. Une solution pratique n'est pas esthétique ou morale. Imbéciles!

La Technique ne se reconnaît-elle pas déjà le droit, par exemple, d'orienter les jeunes enfants vers telle ou telle profession? N'attendez pas qu'elle se contente toujours de les orienter, elle les désignera. Ainsi à l'idée morale, et même surnaturelle de la vocation s'oppose peu à peu celle d'une simple disposition physique et mentale, facilement contrôlable par les Techniciens.

Croyez-vous, imbéciles, qu'un tel système, et si rigoureux, puisse subsister par le simple consentement? Pour l'accepter comme il veut qu'on l'accepte, il faut y croire, il faut y conformer entièrement non seulement ses actes, mais sa conscience. [...]

Il n'y a rien de plus mélancolique que d'entendre les imbéciles donner encore au mot de Démocratie son ancien sens. Imbéciles! Comment diable pouvez-vous espérer que la Technique tolère un régime ou le téchnicien serait désigné par le moyen du vote, c'est-à-dire non pas selon son expérience technique garantie par des diplomes, mais selon le degré de sympathie qu'il est capable d'inspirer à l'électeur? La société moderne est désormais un ensemble de problèmes techniques à résoudre. Quelle place le politicien roublard, comme d'ailleurs l'électeur idéaliste peuvent-ils avoir là-dedans? Imbéciles!

Auteur: Bernanos Georges

Info: Dans "La France contre les robots"

[ asservissement ] [ déshumanisation ] [ anti-technologie ] [ question ] [ coup de gueule ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

consensus mou

Il faudrait ne jamais débattre. Le débat, comme le reste, dans notre univers d’intransitivité galopante, a perdu son complément d’objet. On débat avant de se demander de quoi : l’important est de se rassembler. Le débat est devenu une manie solitaire qu’on pratique à dix, à cinquante, à cent, un stéréotype célibataire en même temps que grégaire, une façon d’être ensemble, un magma d’entregloses qui permet de se consoler sans cesse de jamais atteindre, seul, à rien de magistral. Il faudrait ne jamais débattre ; ou, si l’on y tient vraiment, ne débattre que de la nécessité de faire des débats. Se demander à l’infini, jusqu’à épuisement, quelle est l’idéologie du débat en soi et de sa nécessité jamais remise en cause ; et comment il se fait que le réel multiple dont le débat prétend débattre s’efface au rythme même où il est débattu. Mais aucun débat ne peut s’élaborer sur une telle question, car c’est précisément cette évaporation du réel qui est le véritable but impensé de tout débat. On convoque les grands problèmes et on les dissout au fur et à mesure qu’on les mouline dans la machines de la communication. Et plus il y a de débat, moins il y a de réel. Il ne reste, à la fin, que le mirage d’un champ de bataille où s’étale l’illusion bavarde et perpétuelle que l’on pourrait déchiffrer le monde en le débattant ; ou, du moins, qu’on le pourra peut-être au prochain débat. C’est de cette illusion-là dont se nourrit le débatteur. Pourquoi faut-il débattre ? Tout argument dont on débat est supposé faible, par définition, puisqu’il peut être démoli ou entamé par un autre argument. Toute pensée que l’on est obligée de soutenir mérite de s’écrouler. Et d’ailleurs la véritable pensée, la pensée magistrale, ne commence que là où le débat s’achève (ou devient silencieux). Or, il n’y a que le magistral qui compte, parce qu’il ouvre à la pleine connaissance de la réalité humaine, et il n’est jamais obtenu en frottant l’une contre l’autre des idées hétéroclites comme, dans les contes orientaux, on frotte des babouches pour en faire sortir des génies. Une nouvelle pensée, une pensée magistrale du monde ne peut pas être discutée, pesée tranquillement, soupesée entre gens de bonne compagnie, amendée, corrigée, nuancée, tripotée, faisandée de pour et de contre jusqu’à ce qu’elle ressemble à une motion de compromis dans une assemblée syndicale ou à la misérable synthèse terminale d’un congrès du parti socialiste. Toute proposition originale est menacée dans le débat, par ce qui peut lui arriver de pire : un protocole d’accord. Une nouvelle pensée du monde peut et doit être assénée comme un dissentiment irrémédiable, comme une incompatibilité d’humeur. Il ne faut pas argumenter, il faut trancher dans le vif. Penser, c’est présenter la fracture.

Auteur: Muray Philippe

Info:

[ opium du peuple ] [ mise en scène démocratique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

psychanalyse

Il vous suffit d’ouvrir ce petit livre qui s’appelle Moïse et le monothéisme sur lequel FREUD, après l’avoir mijoté depuis quelques dix ans - à partir de Totem et Tabou il ne pensait qu’à ça, à cette histoire de Moïse et de la religion de ses pères - articule ce qui concerne le monothéisme. [...]

Rien ne me paraît en tout cas plus fermement articulé, plus conforme à toute la pensée antérieure de FREUD que ce Moïse et le monothéisme. Autour de quoi porte la question de Moïse et le monothéisme ? Il s’agit évidemment, de la façon la plus claire, du message monothéiste comme tel. C’est cela qui intéresse FREUD. C’est cela d’ailleurs qui d’emblée n’a pas besoin pour lui d’être discuté dans l’ordre de la connotation de valeur.

Je veux dire que pour lui il ne fait pas de doute que le message monothéiste comporte en soi-même un accent incontestable de valeur supérieure à tout autre. Le fait que FREUD soit athée ne change rien à ceci. Il reste que pour un athée, celui qui est FREUD - je ne dis pas pour tout athée : c’est à voir - en tout cas pour lui la visée du message monothéiste saisie dans son fondement radical, est quelque chose qui a une valeur décisive. [...]

[...] dans l’atmosphère païenne, alors qu’on ne l’appelait pas comme cela, qu’elle était en pleine floraison, le numen surgit à chaque pas, si l’on peut dire, à tous les coins des routes, surgit dans la grotte, à la croisée des chemins. Ce numen tisse l’expérience humaine. Nous pouvons encore apercevoir les traces de ce mode de véhicule, beaucoup de champs en existent encore dans l’existence humaine. C’est là quelque chose qui, par rapport à la manifestation, à la profession monothéiste, est dans un certain rapport de contraste. Je dis que le "numineux" surgit à chaque pas et inversement je dirais que chaque pas du "numineux" laisse une trace, engendre, si je puis dire, un mémorial.

Il n’en faut pas beaucoup pour qu’un temple s’élève, qu’un nouveau culte s’instaure. Le "numineux" pullule et agit de partout dans l’existence humaine, si abondant d’ailleurs que quelque chose à la fin doit se manifester tout de même par l’homme de maîtrise qui ne se laisse pas déborder. C’est ce formidable enveloppement, et en même temps une dégradation dans la fable, ces fables antiques, si riches de sens, dont nous pouvons encore nous bercer, et dont nous avons peine à concevoir comment elles étaient compatibles avec quoi que ce soit qui comportât une foi à ces dieux, puisqu’aussi bien ces fables, qu’elles soient héroïques, épiques ou vulgaires sont tout de même marquées : de je ne sais quel désordre, de je ne sais quelle ivresse, de je ne sais quel anarchisme, si l’on peut dire, des passions divines. [...]

En face de cela qu’avons-nous ? Nous avons donc le message monothéiste et c’est à cela que FREUD consacre son examen.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 16 mars 1960

[ paganisme ] [ résumé ] [ contextualisation ]

 
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