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science-fiction

Telle une immense lésion purulente, la jungle gisait exposée sous l’hélicoptère à cabine ouverte. De massifs bouquets de gymnospermes géants s'étendaient sur les toits des bâtiments submergés dont ils gommaient les contours blancs rectangulaires. Çà et là, un vieux château d'eau en béton jaillissait du bourbier, les restes d'une jetée de fortune flottaient près d'un immeuble de bureaux en ruines, envahis d'acacias au feuillage touffu et de tamaris fleuris. D'étroits cours d'eau, changés en tunnels de lumière verte par des voûtes végétales, s'écartaient en sinuant des grandes lagunes et finissaient par rejoindre les chenaux larges de six cents mètres qui parcouraient les anciennes banlieues. La vase recouvrait tout, s'agglomérait en de gigantesques bancs contre un viaduc de chemin de fer ou une suite d'immeubles en arc de cercle, se déversait à travers une arcade engloutie tel le contenu fétide de quelque moderne Cloaca Maxima. La plupart des petits lacs en étaient désormais emplis, disques de boue jaune recouverts de moisissures d'où émergeait un enchevêtrement touffu de formes végétales rivales - jardins murés d'un Éden aliéné.

Auteur: Ballard James Graham

Info: Le monde englouti

[ réchauffement ]

 

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démarche intellectuelle

La référence exclusive à la tradition a ordonné la forme hiératique de son écriture qui s’est voulue l’expression impersonnelle de la vérité sans âge : la "doctrine traditionnelle" exprimée en forme de "science sacrée". […] Tous [ses livres et articles] se sont présentés comme des développements particuliers de cette unique certitude dont l’exposition sous une forme littéraire avait été rendue nécessaire par l’interruption d’une transmission "normale" dans le monde occidental, à savoir un enseignement oral de maître à disciple dans le cadre des institutions religieuses propres à chaque tradition comme les confréries soufies dans le monde musulman ou des sociétés d’ésotérisme chrétien au Moyen Âge, voire encore des sociétés initiatiques de métier comme le compagnonnage et la franc-maçonnerie. Celles-là seules qui avaient communiqué sans solution de continuité leur dépôt spirituel originel pouvaient être dites traditionnelles et régulières et la rupture, à la fois volontaire et suicidaire, de l’Occident moderne avec ses racines justifiait la nouveauté de son projet littéraire public qui proclamait paradoxalement sur les toits ce qui avait été entendu dans le creux de l’oreille.

Auteur: Laurant Jean-Pierre

Info: Dans "René Guénon, les enjeux d'une lecture", pages 13-14

[ études traditionnelles ] [ brutalité rationaliste ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

mourir

Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste... Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand-chose. Ils sont partis. Ils sont devenus vieux, misérables et lents chacun dans un coin du monde.

Hier à huit heures Madame Bérenge, la concierge, est morte. Une grande tempête s'élève de la nuit. Tout en haut, où nous sommes, la maison tremble. C'était une douce et gentille fidèle amie. Demain on l'enterre rue des Saules. Elle était vraiment vieille, tout au bout de la vieillesse.
Je lui ai dit dès le premier jour quand elle a toussé : "Ne vous allongez pas surtout !... Restez assise dans votre lit !" Je me méfiais. Et puis voilà... Et puis tant pis.

Je n'ai pas toujours pratiqué la médecine, cette merde.
Je vais leur écrire qu'elle est morte Madame Bérenge à ceux qui m'ont connu, qui l'ont connue. Où sont-ils ?

Je voudrais que la tempête fasse encore bien plus de boucan, que les toits s'écroulent, que le printemps ne revienne plus, que notre maison disparaisse.

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Dans "Mort à crédit"

[ tempête intérieure ] [ colère ] [ indifférence générale ] [ consultations ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

nécropole

Des veilleuses rouges luisaient paisiblement sur des pierres tombales. Des icônes méditaient sur d'autres. Des croix de bois s'abritaient sous des toits pentus. Et les noms s’alignaient, en caractères latins ou cyrilliques, et les titres de noblesse, et les ordres de chevalerie, et les décorations, et les regiments dans lesquels les morts avaient servi, énumérés avec tant d'attendrissement et de minutie qu'on eût cru qu'ils y servaient encore. Ce cimetière, c'était un manuel d'histoire, c'était un armorial, et Sergo eût pu n'y voir que les témoignages du dernier orgueil de ceux à qui plus rien n'appartient et qui se consolent en pensant qu'eux du moins ont appartenu, mais il perçut qu'il s’agissait de bien autre chose : ces princes, ces évêques, ces généraux, et, dans les tombes plus récentes, ces cornettes et ces midships de quatre-vingts ans, ne se voulaient inséparables de leurs distinctions que parce qu'ils se préparaient à rendre compte de l'usage qu'ils en avaient fait. On devinait, sous terre, le bourdonnement de ces guerriers vaincus et désormais invincibles, qui attendaient impatiemment le premier coup de trompette de la parousie pour surgir de terre en tenue de parade. Cette Sainte-Geneviève-des-Bois, c'était déjà la vallée de Josaphat.

Auteur: Volkoff Vladimir

Info: Les Orphelins du Tsar

 

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Ajouté à la BD par miguel

indépendantisme

Le Pays Basque, notamment, se trouve à la pointe d’une forme de reconquête de sa souveraineté sociale et économique. Au cœur de cette reconquête, on peut isoler un triptyque : l’identité, la monnaie, l’énergie. L’attachement des habitants pour ce territoire marqué par des années de lutte violente en faveur de l’autonomie joue un rôle de catalyseur. L’eusko (la monnaie locale) est l’une des pièces maîtresses de cet écosystème alternatif. En cinq ans, elle est devenue la première monnaie locale d’Europe – même la mairie de Bayonne l’a intégrée comme moyen de paiement. Identité et écologie se nourrissent l’une de l’autre : c’est pour cette raison qu’une société de production d’énergie a été créée (I-ENER), détenue majoritairement par les habitants, qui sont ainsi devenus ces nouveaux capitalistes que j’appelle de mes vœux. La société I-ENER développe un parc de panneaux photovoltaïques qu’elle pose sur les toits des édifices publics, mis à disposition par les municipalités. L’engagement des conseils municipaux est fondamental. L’objectif affiché est clair : relocaliser la production d’énergie verte au Pays Basque, en faisant appel au financement citoyen. Aujourd’hui, neuf projets ont été réalisés pour un investissement de 450 000 euros. Six autres l’ont été au cours de l’année 2018, et vingt-cinq supplémentaires sont à planifier.

Auteur: Vignes Renaud

Info: https://linactuelle.fr/index.php/2019/01/31/mondialisation-alternative-economique-renaud-vignes/

[ besoins locaux ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

malbouffe

Et les saucisses… On ne prêtait jamais attention aux produits qui entraient dans leur composition. Pourtant, pour les fabriquer, on utilisait toutes celles que l’Europe avait refusées et réexpédiées en Amérique : la chair blanchâtre et moisie était traitée avec du borax et de la glycérine, puis jetée dans les trémies et proposées sur le marché national. On y ajoutait également les rognures qui avaient traîné par terre dans la sciure et la saleté, qui avaient été piétinées par les ouvriers, souillées par leurs crachats infectés de milliards de bacilles de Koch. Sans parler des monceaux de viande, stockés en d’énormes tas dans des entrepôts dont les toits fuyaient et qui grouillaient de rats. […] Les patrons luttaient contre ce fléau avec du pain empoisonné. Tout partait dans les trémies : rats morts, pain et viande. […] Quand les ouvriers chargeaient à pleine pelle la viande dans les wagonnets, ils ne prenaient pas la peine d’éliminer les cadavres des rongeurs, même s’ils les voyaient. Pourquoi l’auraient-ils fait quand, dans la fabrication des saucisses, entraient certains ingrédients en comparaison desquels un rat empoisonné était un morceau de choix ? Ainsi, comme les hommes n’avaient aucun endroit où se laver les mains avant le déjeuner, ils avaient pris l’habitude de le faire dans l’eau destinée à la saucisse.

Auteur: Sinclair Upton Beall Jr.

Info: La jungle

[ charcuterie ] [ répugnante ] [ repoussante ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

hiver

le vent est si violent qu’il arrache les toits
il fait tomber les tours
les gens se défendent du froid comme ils peuvent
avec des peaux de bêtes et des braies mal cousues
on ne voit plus que leur visage
leurs cheveux tintent quand ils les secouent
c’est le bruit des glaçons
et leur barbe blanchie de gel scintille
même purs les vins sont durs comme la pierre
ils gardent la forme du pot
les gens ne les boivent pas
ils sucent des morceaux passés de main en main
et les ruisseaux s’arrêtent
contractés par le gel
c’est à la hache qu’on puise l’eau des lacs
le Danube lui-même
large comme le Nil
et qui mange la mer de ses sept embouchures
le Danube lui-même voit durcir ses eaux bleues
elles glissent à la mer par des chemins secrets
on peut passer à pied où voguaient les bateaux
les sabots des chevaux cognent les eaux gelées
et par ces ponts nouveaux les chariots sarmates
attelés à des bœufs avancent pesamment
je sais qu’on ne me croira pas
pourtant je suis témoin de ces prodiges
j’ai vu l’immense mer arrêtée sous la glace
j’ai vu les eaux figées sous sa croûte glissante
on marche sur les flots sans se mouiller les pieds
les dauphins pris dessous se meurtrissent le dos
aucun remous

Auteur: Ovide Publius Ovidius Naso

Info: Tristes Pontiques

[ grand froid ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

décors

Les studios de Beaulieu avaient grandi dans les ruines d'un casino désaffecté. Au bord de la mer et derrière la voie ferrée et ses agaves, les hangars grignotaient peu à peu les terrains horticoles, et une cité champignon, en contreplaqué et tôle ondulée, surgissait entre les lignes bleues et pures d'un paysage grec, parmi les troncs, au tourment centenaire, d'oliviers delphiques. C'est là que Kron, la chanson de Roland en main, tournait les dernières scènes de France-la-doulce, les nécessités techniques l'ayant obligé à commencer le film par la fin. Dans le hangar n°4 étaient disposés les appartements de la belle Aude; dans le hangar n°8, le palais de Charlemagne ; à grands coups de marteau, des ouvriers s'apprêtaient à monter en plein air la piscine de l'émir de Babylone ; ce rêve fragile de Schéhérazade était fait de claires de bambous, sur lesquelles des Italiens vaporisaient au pistolet du plâtre liquide. Tout à côté, on pouvait apercevoir un porche d'hôtel Louis XV, du Marais, trois colonnes du Parthénon, une mosquée Sénégalaise, un palais palladien et un petit café de la place du Tertre, privé de toits, comme une ville bombardée. Ces édifices, restes d'anciennes productions, grillaient au soleil et se détérioraient sous les claques du mistral. Par-dessus les perspectives en trompe-l'œil, les réflecteurs, comme six gros yeux vitreux, s'essayaient à faire concurrence au soleil.

Auteur: Morand Paul

Info: France la doulce (1934, 224 p., Gallimard/pléiade)

[ cinéma ] [ architecture ]

 
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lenteur

Notre ville a été envahie par des papillons. Ils sont grands, beaux, carnivores. On n'a jamais vu tant de papillons dans la ville. Ils ont tout couvert : les rues, les toits, les voitures, les arbres. Les gens qui se trouvaient dans la rue pendant l'invasion ont été mangés. De ma fenêtre, je vois trois squelettes d'hommes et un squelette de chien parfaitement nettoyés. [...]
Pour l'instant, toute la ville est paralysée. Les gens se sont retranchés chez eux et regardent la rue couverte de papillons, par leurs fenêtres couvertes de papillons. Les bestioles semblent s'installer définitivement chez nous. Elles continuent même d'y affluer. La couche de papillons est de plus en plus épaisse, on dirait de la neige colorée.
Notre armée n'a rien pu faire contre les papillons. On a dû s'habituer à eux. On s'est finalement rendu compte que les papillons ne dévorent que les êtres vivants qui font des gestes brusques. Si on bouge très lentement, les papillons ne réagissent pas. On peut même les écraser sous les pieds, ils restent tranquilles et meurent en silence. D'ailleurs, on ne peut avancer dans la rue qu'en les écrasant. [...]
À cause de tout cela et de notre pensée ralentie, on se parle au rythme d'un mot par jour. Et quand nous faisons l'amour, tout va tout aussi lentement.

Auteur: Visniec Matéi

Info: Théâtre décomposé, ou, L'homme-poubelle: Textes pour un spectacle-dialogue de monologues, extrait de La Folle Tranquille

[ littérature ]

 

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cité imaginaire

Isaura, la ville aux mille puits, s’est élevée présume-t-on sur un profond lac souterrain. Partout où ses habitants, creusant dans la terre de longs trous verticaux, ont réussi à trouver de l’eau, jusque-là et pas plus loin, la ville s’est étendue : son périmètre verdoyant répète celui des rives obscures du lac enseveli, un paysage invisible est la condition du paysage visible, tout ce qui se meut au soleil y est poussé par l’eau qui bat enfermée sous le ciel calcaire de la roche.

Par voie de conséquence, deux sortes de religions ont cours à Isaura. Les dieux de la ville, selon les uns, habitent dans les profondeurs, dans le lac noir qui nourrit les sources souterraines. Selon les autres, les dieux demeurent dans les seaux qui remontent au bout d’une corde quand ils apparaissent sur la margelle des puits, dans les poulies qui tournent, dans les cabestans des norias, dans les leviers des pompes, dans les pales des moulins à vent qui tirent l’eau des forages, dans les constructions en treillis qui commandent le vrillement des sondeuses, dans les réservoirs suspendus sur les toits, posés sur des piquets, dans les arcs légers des aqueducs, dans toutes les colonnes d’eau, les tubes verticaux, les flotteurs, les trop-pleins, jusqu’aux girouettes qui surmontent les échafaudages aériens d’Isaura, toute une ville qui pousse vers le haut.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ religions ]

 

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