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philosophe

Un homme, dans l’Europe de ce temps, incarnait puissamment ces tendances [humanistes] ; un homme salué, révéré comme un maître par les Français aussi bien que par les Anglais, par les Allemands, les Flamands, les Polonais, les Espagnols, les Italiens même : l’auteur d’une œuvre latine de langue, universelle d’esprit, savante et pratique à la fois : Érasme.

Un tribun ? un meneur d’hommes ? Il était bien trop fin, trop mesuré et raisonnable pour pouvoir exercer, en dehors des milieux cultivés où l’on savait le prix d’une vaste science et d’une ironie subtile, l’influence d’un chef d’offensive prêt à donner l’assaut. Et d’ailleurs, un assaut du dehors, brutal, direct, violent ? Connaissant les hommes et l’échiquier compliqué d’une Europe en gestation, comment aurait-il cru au succès final d’une semblable aventure ?

Cette Europe, il l’avait parcourue. Il avait séjourné, successivement, dans ses grandes capitales. Il avait eu l’audience non de ses savants seulement, mais de ses maîtres véritables : les grands, les politiques. En particulier, il savait ce qu’était l’Église romaine avec ses ressorts robustes et cachés, ses prises diplomatiques sur les souverains, ses ressources matérielles et morales infinies. Il n’avait garde d’en sous-estimer la puissance. Et il se rendait compte que, pour changer comme il le désirait — mais à sa façon, qui n’était pas celle d’un Luther — les bases traditionnelles de la vie chrétienne ; il sentait avec force que, pour faire triompher cette Philosophie du Christ, cette religion de l’esprit qu’il exposait et prêchait avec une conviction dont il faut se garder de douter, et une ardeur qui n’était point sans péril — la condition préalable, absolument nécessaire, c’était de rester dans le giron de l’Église, de la travailler du dedans avec continuité mais sans brutalité ni fracas — et de ne jamais s’en séparer ou s’en laisser expulser par une rupture violente, qui d’ailleurs répugnait à ses sentiments, autant qu’à son esprit.

Or, lorsque parurent les premiers écrits de Luther, lorsque son nom vola de bouche en bouche à travers toute l’Europe, ce furent les gens d’étude, d’abord, qui se sentirent émus. Les humanistes tressaillirent quand l’Augustin opposa à la doctrine adultérée des prôneurs d’indulgence ses 95 thèses retentissantes ; ils s’arrachèrent les protestations, les exhortations de Luther quand le propre éditeur d’Érasme, Froben, en eut fait à Bâle un recueil qu’il dut rééditer en février, puis en août 1519 ; et sur l’heure, non sans ingénuité, ils firent du moine une sorte de second, d’auxiliaire d’Érasme.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 80-81

[ christianisme ] [ stratégie ] [ affiliation supposée ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

anecdote

Lors d’un examen, Niels Bohr, étudiant à l’université, doit expliquer comment mesurer la hauteur d’un immeuble avec un baromètre. Il y répond avec justesse mais le correcteur pense lui mettre zéro. En effet, il s’attendait à une explication fondée sur l’altitude et la pression atmosphérique*. Or, Niels Bohr a répondu : "On monte le baromètre en haut de l’immeuble, on l’attache avec une longue corde, on le fait glisser jusqu’au sol, […], et on mesure la longueur de la corde qui correspond à la hauteur de l’immeuble". Il a bien répondu à la question, mais mérite-t-il un diplôme de physique avec une telle réponse ?

Pour se mettre d’accord, on fait appel à un autre professeur : Ernest Rutherford. Celui-ci repose alors la même question en imposant d’utiliser des savoirs de science physique.

Niels Bohr hésite sur la réponse à donner, il a plusieurs solutions, toutes correctes. Il finit par répondre : "On place le baromètre à la hauteur h du toit. On le laisse tomber en mesurant son temps de chute t avec un chronomètre. Ensuite en utilisant la loi de la chute des corps : h = gt2/2, on trouve la hauteur de l’immeuble".

Il obtient finalement une bonne note. Mais voici les autres solutions qu’il avait trouvées :

– on place le baromètre dehors un jour de soleil, on mesure la hauteur de son ombre ainsi que celle de l’immeuble, et en proportion avec celle du baromètre, on détermine la hauteur de l’immeuble (propriété de Thalès),

– monter les étages avec le baromètre et, au fur et à mesure, marquer un trait sur le mur dès qu’on s’élève de la hauteur du baromètre. On multiplie alors le nombre de marques par la hauteur du baromètre,

– suspendre le baromètre placé au ras du sol à une corde en étant au dessus de l’immeuble, le balancer et mesurer sa période d’oscillation. Cette période dépend de la longueur L de la corde et vaut 2πgL. En chronométrant la période, on en déduit L qui est aussi la hauteur de l’immeuble,

– aller frapper à la porte du concierge et lui dire : "J’ai pour vous un superbe baromètre si vous me dites quelle est la hauteur de l’immeuble".

La légende, car c'en est une, raconte qu'au final Bohr reconnut qu'il savait exactement ce qu'on attendait de lui mais qu'il en avait marre qu'on lui impose une façon de penser.

Auteur: Internet

Info: Compilé de plusieurs source, dont : L’eau au quotidien, de Michel Laguës, Editions O.Jacob, pages 24-25 * Un baromètre mesure la pression atmosphérique. Or, celle-ci est divisée par deux quand on s’élève de cinq kilomètres. On peut donc mesurer la hauteur d’un immeuble en mesurant la variation de pression, ce qui n'est pas une méthode précise avec un baromètre classique.

[ sciences ] [ liberté ] [ créativité ] [ exploration ] [ perspectivisme ] [ indépendance ] [ humour ] [ déclinaisons ]

 

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sciences

Pourquoi un bruit strident de craie est-il insupportable ?
Des bruits stridents tels que celui d'une fourchette sur une assiette ou celui d'une craie sur un tableau provoquent chez la majorité des gens des réactions de frissonnement ou de chair de poule. L'étude menée par un chercheur de l'Institut de Musicologie de l'Université de Vienne et un chercheur de l'Université Macromedia pour les Médias et la Communication de Cologne révèle que cela est dû à la fois à des raisons psychologiques et à des raisons physiologiques.
Les fréquences moyennes sont en cause
Dans un premier temps, les chercheurs Christoph Reuter et Michael Oehler ont regroupé une centaine de volontaires afin de sélectionner les bruits stridents (ongles sur un tableau, fourchette sur une assiette...) les plus crispants. D'autres volontaires ont ensuite été soumis à cette sélection de sons au cours des expériences. Deux groupes ont été formés avec ces volontaires ; le premier a été informé qu'ils entendraient des extraits de musique moderne, l'autre groupe savait qu'il allait écouter des bruits de raclement.
Durant la lecture des sons, le niveau de stress des participants a été mesuré (sur la base de la pulsation, de la tension artérielle, de la température et de la résistance électrique de la peau), puis leurs avis concernant l'évaluation du bruit ont été recueillis. Il s'avère que ceux qui pensaient écouter de la musique ressentent les bruits de façon nettement moins désagréable ; mais les réactions corporelles liées au stress étaient cependant comparables dans les deux groupes.
Par la suite, les chercheurs ont modifié les sons avec un programme informatique, en enlevant ou amplifiant certaines fréquences ou en supprimant certaines parties. Il s'est avéré que ce sont principalement les fréquences du bruit comprises entre 2.000 et 4.000 Herz qui sont perçues comme désagréables: sans ces composantes, les bruits ne sont plus aussi mal ressentis. Une étude de 1986 par le chercheur Randolph Blake, lauréat du prix IgNobel en 2006 pour cette raison, avait déjà conclu que c'étaient principalement les bruits de fréquence moyenne qui provoquaient cette sensation.
Cette gamme de fréquence joue un rôle particulier dans la communication humaine: même les enfants en bas âge pleurent surtout dans cette gamme. Or le canal auditif humain, en raison de sa longueur et de sa forme, permet la résonance des sons de ces fréquences. Les chercheurs font donc l'hypothèse que le caractère désagréable des sons de raclement est encore renforcé par l'anatomie humaine. Ils envisagent à présent de mieux comprendre les spécificités de ces bruits, afin que les ingénieurs puissent réduire la nuisance causée par exemple par les aspirateurs ou les équipements de construction.

Auteur: Internet

Info: 23 nov 2011

[ écoute ] [ musique ]

 

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femmes-entre-elles

Parmi les femmes qui composaient la société de***, Mélanide était la moins aimable, et l'une des plus remarquables par son esprit ; mais personne encore n'avait poussé plus loin l'enivrement et l'aveuglement de l'amour-propre. Ce qui entraîne le défaut de goût, et produit toujours les ridicules les plus saillants.
Avec des traits et une taille hommasse, Mélanide ne pouvait se trouver jolie ; mais elle se persuadait qu'elle était belle, et d'après cette opinion, elle avait toute la recherche de la parure, toutes les mines d'une coquette uniquement occupée de sa figure. Il y avait dans sa personne et dans ses manières quelque chose de si affecté, de si bizarre, que dès qu'elle paraissait, tous les yeux se fixaient sur elle. Et, prenant alors l'étonnement et la curiosité pour de l'admiration, elle se disait tout bas, "nulle femme n'a produit cet effet"; et cette comique illusion de son orgueil était parfaitement exprimée par la mâle assurance de son maintien, par son air intrépide et conquérant : elle ignorait que les hommes qui aiment le mieux les femmes, ne regardent jamais fixement celles qui sont jeunes, jolies, et modestes. La galanterie à cet égard ressemble à l'amour: elle craint de blesser et de profaner son objet ; elle n'ose le contempler qu'à la dérobée; et c'est ainsi qu'en admirant la beauté elle rend hommage à la pudeur.
Mélanide avait infiniment d'esprit, mais un esprit absolument dénué de grâce; et le désir ardent et continuel de briller le rendait souvent faux. Ne pensant qu'à elle, rapportant tout à elle, ne parlant que d'elle, directement ou indirectement, elle ne savait ni écouler, ni répondre. Quand on ne voyait pas clairement sa vanité, on la sentait; on en était toujours ou frappé ou importuné. Les amis de Mélanide faisaient d'elle, sans le vouloir, la critique la plus piquante; ils avouaient qu'elle contait mal, qu'elle était dépourvue du charme, du naturel et de la naïveté, de celui de la gaîté. Mais ils prétendaient qu'elle avait dans la conversation "de la force et de l'éloquence".
Cette singulière admiration ressemblait plus à une épigramme qu'à un éloge. Sans doute on peut être éloquent en tête-à-tête avec ce qu'on aime, tandis que dans la conversation il faut, non les talents d'un orateur, mais de la grâce et du naturel. Dans la société la plus intime, un entretien agréable est toujours un dialogue vif et serré : l'usage du monde en exclut les "longues tirades", et par conséquent l'éloquence; rien n'y doit être approfondi : la variété, la légèreté en font le charme ; la force y serait déplacée, elle n'y paraîtrait que comme de la pesanteur.

Auteur: Genlis Madame de

Info: à propos de Mme de Staël

[ vacherie ] [ haine ] [ mondanités ]

 

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homme-machine

ChatGPT : Qu’est-ce qui se passe de si spécial dans un transformer ?

Sebastien Bubeck explique cela très bien : la machine, contrairement à nous, ne succombe pas au biais inductif. Si dans une série qui semble à première vue homogène, il existe certaines configurations qui permettent un raccourci vers la solution, la machine le découvrira, alors que nous, pauvres humains, victimes du biais inductif, nous allons considérer que comme la série a l’air homogène, elle l’est nécessairement et … nous ne trouverons pas les raccourcis cachés dans certaines configurations … faute d’avoir même supposé que de tels raccourcis pouvaient exister.

 (explication vidéo des transformers)

Ok, j’explique ce que cela veut dire sur deux exemples.

Vous vous souvenez sans doute (ou seulement peut-être) de cette vidéo historique de 2014 où Demis Hassabis, fondateur de DeepMind, présentait une IA jouant à casse-briques ? Ce qu’il nous montrait, c’était que l’IA découvrait au bout d’un moment que la tactique la plus payante, ce n’était pas d’attaquer le mur de front, mais de le prendre à revers en passant latéralement et en allant faire rebondir le projectile sur lui à partir du plafond. À cela, les humains n’avaient pas pensé*, ils imaginaient que les configurations étaient homogènes : qu’elles se valaient toutes.

Un bon exemple de biais inductif, ce serait de généraliser en disant : "Quand on examine la suite des nombres entiers, 1, 2, 3 …, on observe que pour chacun de ces nombres …", alors que certains d’entre eux ont des propriétés particulières que les autres n’ont pas. Ainsi, 1, 2, 3, 5, 7… ne sont divisibles que par 1 et par eux-mêmes : ce sont des nombres premiers ; 4 et 9 sont des carrés, ils résultent de la multiplication par lui-même d’un nombre avant eux dans la liste ; 8 est un cube : un nombre avant lui dans la liste multiplié par lui-même à deux reprises, etc.

Le premier à avoir noté cela à notre connaissance, c’est Diophante (200-284). Il est le premier à avoir laissé entendre à propos de la suite des entiers : "Ne vous y fiez pas : certains d’entre eux sont des gens très ordinaires, mais d’autres sont de drôles de paroissiens !". Diophante, le premier à avoir attiré notre attention sur le fait que 4, 8, 9… permettent des raccourcis qui sont fermés aux autres entiers. Or aux yeux de l’IA d’aujourd’hui, avec le temps dont elle dispose en quantité quasi-illimité, il n’y a pas de raccourci nous étant resté inaperçu, qu’elle ne  parvienne à découvrir. Du coup, elle nous fait honte. Nous pouvons lui rappeler : "N’oublie pas que je suis ton père (ou ta mère) !", mais vous connaissez les enfants…

Auteur: Jorion Paul

Info: Sur son blog, 14 avril 2023 à propos des transformers. * Il y a bien eu sur le Blog de PJ quelques commentateurs fanfarons pour dire : "Fastoche ! Même ma grand-mère savait ça !", mais ce sont les mêmes frimeurs qui, neuf ans plus tard, sévissent toujours sur le blog [a https://www.toupie.org/Biais/Probleme_induction.htm]

[ intelligence artificielle ] [ surhumaine compréhension ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sémiotique

"Le soleil est situé dans la zone externe de la Voie lactée, et il faut environ deux cent millions d'années pour qu'il accomplisse une révolution de la Galaxie. "
Exact, c'est ce qu'il lui faut, pas moins - dit Qfwfq -, moi, une fois, en passant, je fis un signe en un point de l'espace, tout exprès afin de pouvoir le retrouver deux cent millions d'années plus tard, quand nous serions repassés par là au tour suivant. Un signe comment ? C'est difficile à dire parce que si je vous dis un signe, vous pensez aussitôt à quelque chose qui se distinguerait de quelque chose, et en la circonstance, il n'y avait rien qui pût se distinguer de quoi que ce fût ; vous pensez aussitôt à un signe marqué avec un outil quelconque ou même avec les mains, et on enlève l'outil ou bien les mains tandis que le signe au contraire demeure, mais en ce temps-là il n'y avait pas encore d'outils, ni même de mains, il n'y avait pas non plus de dents, ni de nez, toutes choses qui vinrent par la suite, mais bien plus tard. Pour ce qui est de la forme à donner à un signe, vous dites que ce n'est pas un problème, parce que, quelque forme qu'il ait, il suffit qu'un signe serve de signe, c'est-à-dire qu'il soit différent d'autres signes ou qu'il leur soit semblable : là encore vous parlez un peu vite, car moi à cette époque je n'avais pas d'exemples auxquels me référer pour dire : je le fais semblable, ou différent, parce qu'il n'y avait rien qu'on pût copier, pas même une ligne, droite ou courbe, au choix, on ne savait pas ce que c'était, ou un point, ou une saillie ou son contraire. J'avais l'intention de faire un signe, oui, bien sûr, ou si vous voulez j'avais l'intention de considérer comme un signe n'importe quoi qu'il me viendrait à l'esprit de faire ; d'où il résulte qu'ayant fait quelque chose, en un point quelconque de l'espace, et non en un autre, avec l'intention de faire un signe, il s'ensuivit que j'y avais fait un signe pour de bon.
En somme, étant donné que c'était le premier signe qu'on faisait dans l'univers, ou tout au moins sur le circuit de la Voie lactée, je devais me dire que ça n'était pas si mal. Visible ? Non mais, vraiment, et qui donc avait des yeux pour voir, en ces temps-là ? Rien n'avait jamais été vu par rien, la question ne se posait même pas. Mais qu'il fût reconnaissable sans le moindre risque d'erreur, cela, oui : parce que tous les autres points de l'espace étaient pareils et impossibles à distinguer tandis qu'au contraire celui-là avait un signe.

Auteur: Calvino Italo

Info: In "Cosmicomics", éd. du Seuil, p. 53-54

[ cosmique ] [ singularité ] [ commencement ] [ vide ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

question

Un homme s'est assis dans une station de métro de Washington DC et a commencé à jouer du violon par une froide matinée de janvier ; il a joué six morceaux de Bach pendant environ 45 minutes. Pendant ce temps, comme c'était l'heure de pointe, on estime que 1 100 personnes ont traversé la gare, la plupart se rendant au travail. 

Trois minutes se sont écoulées lorsqu'un homme d'âge moyen a remarqué le musicien, a ralenti et s'est arrêté quelques secondes, mais a ensuite continué sa route pour ne pas être en retard.

Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar, une dame a jeté l'argent sans même s'arrêter et a continué son chemin.

Quelques minutes plus tard, quelqu'un s'est arrêté au mur pour l'écouter, mais en regardant l'horloge, il a repris sa marche. Il était clairement en retard pour le travail.

Celui qui a fait le plus attention était un garçon de 3 ans. Maman le tenait par la main, pressée, mais le garçon s'est arrêté pour regarder le violoniste. Finalement, maman l'a sorti avec plus de force et le garçon a continué à marcher, en tournant plusieurs fois la tête pour regarder le violoniste. Cette action a été répétée par plusieurs autres enfants. Tous les parents, sans exception, ont forcé les enfants à continuer.

Pendant les 45 minutes où le musicien a joué, seules 6 personnes se sont arrêtées un moment. Une vingtaine d'entre eux lui ont donné de l'argent mais ont continué à leur rythme normal. Il a pris environ 32 dollars. Quand il a arrêté de jouer et que le silence s'est installé, personne n'a remarqué. Personne n'a applaudi, et il n'y a eu aucun remerciement.

Personne ne savait que ce violoniste était Joshua Bell, l'un des musiciens les plus talentueux. Il a joué certains des morceaux les plus élaborés jamais écrits sur un violon de 3,5 millions de dollars.

Deux jours avant de jouer à cette occasion, Joshua Bell a fait salle pleine dans un théâtre de Boston, où chaque siège coûte en moyenne 100 dollars.

C'est une histoire vraie, Joshua Bell a joué incognito dans une station de métro lors d'un événement organisé par le Washington Post qui faisait partie d'une expérience sociale sur la perception, les goûts et les priorités.

Lînterrogation était la suivante : dans un lieu ordinaire, à une heure inappropriée, sommes-nous capables de percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour apprécier ? Reconnaissons-nous le talent dans un contexte inattendu ?

L'une des conclusions possibles de cette expérience pourrait être la suivante : "Si nous ne prenons pas le temps de nous arrêter pour écouter l'un des meilleurs musiciens du monde jouer de la belle musique, combien d'autres choses manquons-nous ?"

Auteur: Anonyme

Info: sur info.fr, février 2022

[ beauté ] [ célébrité hommes-femmes ] [ femmes-par-homme ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

lectures

Je lus tous les livres de D.H. Lawrence. Cela m'amena à d'autres. Cela m'amena à H.D. la poétesse. Et puis à Huxley - le plus jeune, l'ami de Lawrence. Tous ces livres qui m'arrivaient dessus ! Un livre conduisait à un autre. Arriva Dos Passos. Pas très bon, non, vraiment, mais assez bon quand même. Il me fallut plus d'une journée pour avaler sa trilogie sur les U.S.A. Dreiser ne me fit rien. Mais Sherwood Anderson, alors là, si ! Et puis ce fut Hemingway. Quels frissons ! En voilà un qui savait pondre ses lignes. Quel plaisir ! Les mots n'étaient plus ternes, les mots étaient des choses qui pouvaient vous faire chantonner l'esprit. Il suffisait de les lire et de se laisser aller à leur magie pour pouvoir vivre sans douleur et garder l'espoir, quoi qu'il arrive.

Mais retour à la maison

"EXTINCTIONS DES FEUX ! " hurlait mon père.

C'était les Russes que je lisais maintenant, Gorki et Tourgueniev. Mon père avait pour règle que toutes les lumières devaient être éteintes à huit heures du soir : il voulait pouvoir dormir pour être frais et dispo au boulot le lendemain. A la maison il ne parlait que de ça. Il en causait à ma mère dès l'instant où il franchissait la porte et jusqu'au moment où ils s'endormaient enfin. Il était fermement décidé à monter dans la hiérarchie.

"Bon alors, maintenant, ça suffit, ces putains de bouquins ! Extinction des feux !"

Pour moi, tous ces types qui débarquaient dans ma vie du fin fond de nulle part étaient la seule chance que j'avais d'en sortir. C'étaient les seuls qui savaient me parler.

"D'accord ! D'accord !" lui répondais-je.

Après quoi, je prenais la lampe de chevet, me faufilait sous la couverture, y ramenais l'oreiller et continuais de lire mes dernières acquisitions en les appuyant contre l'oreiller, là, en plein sous la couvrante. Au bout d'un moment, la lampe se mettait à chauffer, ça devenait étouffant et j'avais du mal à respirer. Je soulevais la couverture pour reprendre un bol d'air.

"Mais qu'est-ce qui se passe ? Ca serait-y que je verrais de la lumière ? Henry, tu m'éteins tout ça !"

Je rabaissais la couverture à toute vitesse et attendais le moment où mon père se mettait à ronfler.

Tourgueniev était un mec très sérieux mais qui arrivait à me faire rire parce qu'une vérité sur laquelle on tombe pour la première fois, c'est souvent très amusant. Quand en plus la vérité du monsieur est la même que la vôtre et qu'il vous donne l'impression d'être en train de la dire à votre place, ça devient génial.

Je lisais mes livres la nuit, comme ça, sous la couverture et à la lumière d'une lampe qui chauffait. Tous ces bons passages, je les lisais en suffoquant. Pure magie.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Souvenirs d'un pas grand-chose

[ enfance ] [ hiérarchie ] [ réflexivité ] [ littérature ] [ écrivains ]

 

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cénacle

Au fil des journées Emma devenait toujours plus critique, surtout avec ses amis locaux, principalement la bande d'André, un musicien, ami de Miguel, pivot d'une clique d'artistes quadragénaires, tous issus de la bourgeoisie. Elle les analysait, les jaugeant maintenant comme de tristes êtres, qui se croyaient métamorphosés parce qu'après avoir vécu ces expériences - par lesquelles ils avaient eu l'impression de se faire peur - ils étaient simplement intégrés. Des petits bourgeois, ridicules par cette mise en place progressive et étudiée de façades plus ou moins réussies, plus ou moins souriantes, assorties de quelques petites excentricités d'habillement, de tournures verbales supposément originales. Elle voyait à présent des cadres moyens du fin tissu social helvétique, un de ces rassemblement de gens qui craignent toute forme de marginalité. Sérail dérisoire ou l'on se fait la bise comme les stars de la télévision pour marquer sa différence, pour montrer son appartenance à un cercle qui serait plus humain, plus averti, éclairé, mais qui, quand il existe, elle ne le savait que trop, n'a que le fonctionnement d'un groupe de pression. Elle riait presque en se remémorant qu'ils avaient créé une structure à but artistique baptisée "Les gars sympas " c'était à n'y pas croire.

Telle était donc l'intelligentsia, les révoltés de cet endroit ?... en était-ce de même pour la culture occidentale en général ?... Etaient-ce eux les artistes ?... Emma se surprenait à fulminer intérieurement. Traumatisée par l'enfant elle ne voyait plus chez eux qu'une forme d'élitisme atroce, imbécile, soumis aux conventions, aux diplômes, loin de la vie, la vraie, celle avec des excréments, des bleus, du sang, des cris. Elle aurait préféré ne pas les juger mais c'était impossible, elle les voyait si distants, si étriqués, prenant brusquement conscience qu'elle n'en n'avait jamais vu un plaisanter ou simplement discuter avec une caissière édentée ou un clodo en pleine cuite. Oui, c'était ça, égoïstes : lors des fêtes qui réunissaient les familles, elle voyait bien que leurs enfants leur cassaient les pieds, comme s'ils ne les avaient pondus que par convention, par simple peur de la mort, ou pire, par ennui. Pas comme dans son pays où la jeunesse était synonyme de joie, de plaisir... de folie qui se développe.

Elle les dépréciait, ils étaient froids, pédants. Elle analysait leurs postures, leurs attitudes - vues par elle comme un mélange de classe et de réserve étudiées - des limitations quoi, y voyant pour preuve que l'humour grossier, même sciemment provocateur, les faisaient se raidir immédiatement. Comprenant aussi qu'il fallait bien qu'ils conservent la cohérence de leur statut social. Ils étaient carrément bridés, oui, c'était ça : sans ouverture... s'auto bombardaient non racistes... tolérants... ne semblaient pas supporter par ailleurs qu'on fasse part de la moindre forme de non allégeance à leur endroit, empêtrés dans leurs représentations, leur foutu confort. Mais stop. Il fallait revenir sur terre, être positive. Qu'avaient-ils de différents des autres humains, somme toute ?... N'était-elle pas comme eux ?.

Auteur: MG

Info: In Jean-Sébastien, 1999

[ sociologie ] [ suisse ]

 

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exposition

Dès le débarquement en ville [Avignon], c’est par la laideur que l’on est saisi. Des fanions de kermesse rose corail sèchent grotesquement aux branches des platanes de la rue de la République, achevant de transformer en musée des horreurs une ville déjà malmenée chaque année par un festival de théâtre qui n’a que trop duré. Des bus boursouflés de peinturlure, hérissés de cabochons de toutes les couleurs, accablés de barbouillages atroces, inspireraient le plus sain effroi si l’on ne savait, grâce aux documents qui vous ont été remis au début de l’épreuve, qu’ils ont été décorés par un "atelier d’hôpital psychiatrique". L’art contemporain use de toutes les armes, et jusqu’au chantage lâche à la compassion, pour rendre sa propre misère, sa misère bien à lui, intouchable et incritiquable, en l’accrochant sadiquement à la remorque d’une vraie misère involontaire et subie. "Votre idée du beau est-elle définitive ?" vous interpellent les mêmes prospectus. Ma réponse est : oui. Bien entendu. Mon idée du beau est définitivement définitive. Mais il est évident qu'on attend que vous répondiez non, si vous voulez avoir l'air d'un honnête moderne, c'est-à-dire d'un esclave de bonne volonté qui a appris à ânonner en rampant, dans les sombres écoles des avant-gardes, que tout est relatif.

Mais c’est dans le palais des Papes, soi-disant livré à "la Beauté in fabula", qu’éclatent véritablement le malheur et la solitude spécifiques de ce qui se prétend encore "art" et qui n’est que "contemporain" au plus haut point. […]

Là-dedans déambulent des hommes et des femmes qui sont des ombres parce que ce sont des touristes, et qui pourraient se trouver n’importe où ailleurs, jouer n’importe quel autre rôle que celui de spectateurs ou de consommateurs de cette incohérence misérable (otages à Jolo, par exemple ?), et qui le feraient avec la même bonne volonté hébétée, la même soumission flottante, molle, la même timidité obscène vis-à-vis de quelque chose de tellement absurde que ça doit bien tout de même, croient-ils sans doute, avoir un sens. Mais ça n’en a aucun, et la seule chose qui en a, dans ce calvaire, c’est l’audioguide qu’ils tiennent tous collé contre l’oreille et qui leur rappelle, en un peu plus gros, le portable sur lequel ils vont se ruer dès qu’ils en auront fini avec leur foutu parcours initiatique. […]

Dans les âges farouches, c’est-à-dire il y a une centaine d’années, un autre public se bousculait pour rire des impressionnistes, s’indigner devant l’Olympia, trouver burlesques les cubistes, les fauves, Picasso. C’est peu dire que le public actuel n’entretient pas le moindre lien de filiation avec ces foules de jadis, vibrantes de conviction généralement réactionnaire, et donc parfaitement analysables, et qui, en un sens, maintenaient vivant l’art par leur action négatrice, et même, en un sens encore plus profond, l’inventaient par leur hostilité […]. Le public content et morne d’aujourd’hui a depuis longtemps abdiqué ce droit à l’action négatrice où résidait sa liberté.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, pages 375-378

[ description ] [ dépossession du discours critique ] [ bienveillance obligatoire ]

 

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