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rationalité

Le croyant est en effet placé entre deux impossibilités : impossibilité de croire au Dieu de la Révélation traditionnelle, impossibilité de croire au "Dieu des philosophes et des savants". Car, et c'est là la première et la plus définitive victoire du rationalisme physiciste, le croyant lui-même adhère suffisamment à la philosophie nouvelle pour se convaincre que le Dieu anthropomorphe ou cosmique de la lettre des Écritures n'est plus recevable en sa créance. Pour l'admettre, il lui faudrait précisément une autre philosophie, une métaphysique des degrés de réalité, à laquelle il a justement renoncé. Désormais la philosophie, c'est-à-dire la connaissance intelligible et synthétique, a définitivement déserté l'ordre du sacré et du religieux, et il doit être suffisamment évident que ce divorce ne peut être que mortel, mortel sans doute pour le religieux, mortel aussi pour le philosophe, nous le montrerons. Mais le croyant peut-il pour autant adhérer au "Dieu des philosophes et des savants" ? Certainement pas. Non pas, comme on le dit trop souvent, parce que sa foi exclurait la science : la foi abrahamique, juive, chrétienne, islamique, s'est parfaitement accommodée du Dieu de Platon et d'Aristote, pendant de nombreux siècles. Mais le "Dieu des philosophes et des savants", c'est le Dieu construit par une certaine philosophie et une certaine science, contre le Dieu des Écritures, dont la raison scientifique a montré l'impossibilité. La philosophie naturelle de Galilée ayant ruiné le fondement ontologique du symbolisme traditionnel, il ne lui reste plus qu'à élaborer, en lieu et place, un autre Dieu du cosmos : Dieu-Horloger, Mécanicien céleste que l'on réduit à la condition de cause première. Ce théisme abstrait n'est pas contraire à la raison. Il se présente même à elle comme la seule solution possible. Mais sa négation ou sa réfutation s'accorde également, quoique d'une autre manière, avec les exigences de la logique. La foi ne peut donc y trouver l'absolu dont elle a besoin. C'est pourquoi elle se sent profondément étrangère à ce Dieu rationnel et se réclame d'un autre Dieu, celui d'Abraham, d'Isaac, et de Jacob. Ce faisant, elle renonce à l'intellectualité sacrée, elle entérine le partage du champ théologique que la nouvelle philosophie religieuse a établi, et paraît même revendiquer pour elle l'obscurité de son engagement. Car le Dieu d'Abraham, c'est celui qui s'adresse à notre personne, Dieu de notre existence et de notre vie, qui parle, non pour enseigner la nature des choses, mais pour susciter notre liberté. Le Dieu du cosmos est rejeté, soit dans l'imaginaire d'une mythologie à jamais disparue, soit dans l'aliénation théoricienne d'une mensongère conceptualisation du divin. Penser Dieu, c'est le soumettre aux catégories de l'entendement, c'est nier son irréductible présence existentielle.

Auteur: Borella Jean

Info: La crise du symbolisme religieux, 1re partie, ch. II, art. 3, sect. 4, pp. 114-115, éd. L'Âge d'Homme, 1990

[ modernité ] [ intuition intellectuelle ]

 
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mondes du dessous

En géologie, le terme "monde souterrain" peut faire référence à des espaces souterrains tels que des grottes, des cavernes ou des réseaux d'eau souterrains. Ces domaines cachés existent sous la surface de la Terre et sont étudiés pour comprendre les formations géologiques, les systèmes d'eau souterraine ou les habitats des espèces souterraines.

En astronomie, le concept d'infra-monde souterrain métaphoriquement à des régions situées sous l'univers observable, comme d'hypothétiques univers parallèles ou des dimensions qui restent invisibles ou inaccessibles pour nous.

Dans les contextes religieux ou mythiques, le concept d'inframonde souterrain fait souvent référence à un royaume ou à un lieu associé à l'au-delà, généralement séparé du monde des vivants. Cette croyance est répandue dans diverses cultures et religions, comme l'Hadès de la mythologie grecque, l'Hel de la mythologie nordique ou le concept de Naraka dans l'hindouisme et le bouddhisme. Dans les approches religieuses imaginaires, ce monde d'en-dessous est souvent dépeint comme un lieu où les âmes des défunts se rendent après la mort, subissant un jugement ou une punition en fonction de leurs actes durant leur vie.

Il est important de noter que les interprétations scientifiques et religieuses-imaginaires du terme "monde souterrain" diffèrent considérablement. Alors que la science cherche à expliquer les phénomènes naturels par des preuves empiriques et l'observation, les croyances religieuses ou mythiques sont basées sur la foi, les expériences spirituelles ou les traditions culturelles.

Métaphoriquement, le monde d'en dessous et le nanomonde partagent des similitudes en termes de nature cachée, mystérieuse et invisible. Tout comme on imagine un royaume caché sous la surface, le nanomonde représente un monde secret qui existe à une échelle beaucoup plus petite que celle que nous pouvons observer, hors de portée de notre perception normale et nécessitant des outils et des techniques spécialisés pour être explorés et compris.

En outre, inframonde et nanomonde sont souvent associés à la notion de découverte et de mise au jour de connaissances inédites. Dans de nombreuses mythologies, l'exploration de ce monde "au-dessous" était considérée comme un voyage permettant de comprendre les mystères de la vie, de la mort et de l'au-delà. De même, l'exploration du nano-monde permet aux scientifiques et aux chercheurs d'explorer et de manipuler la matière au niveaux atomique et moléculaire, ce qui conduit à de nouvelles découvertes et à des avancées dans divers domaines, notamment la médecine, l'électronique, la science des matériaux et bien d'autres encore.

Il est important de noter que ce lien entre cet underworld et le micro-monde est une interprétation allégorique, qui souligne les similitudes de leur nature cachée et le besoin d'exploration et de recherche plutôt qu'une compréhension scientifique ou religieuse littérale.

Auteur: Chatgpt3.5

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[ définitions ] [ linguistique ] [ basses vibrations ] [ énigme ] [ enfer ] [ micromonde ]

 

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science profane

Si le freudisme affirme que la rationalité n’est qu’un camouflage hypocrite d’une animalité refoulée, cette affirmation - évidemment rationnelle — tombe sous le même verdict ; le freudisme, s’il avait raison, ne serait lui-même pas autre chose qu’une dénaturation symbolisante d’instincts physico-psychiques. Sans doute, les psychanalystes diront que dans leur cas, le raisonnement n’est pas fonction de refoulements inavouables ; mais nous ne voyons pas du tout, premièrement en vertu de quoi cette exception serait admissible sur la base de leur propre doctrine, et deuxièmement pourquoi cette loi d’exception ne jouerait qu’en leur faveur et non en faveur des doctrines spirituelles qu’ils rejettent haineusement, et avec un révoltant manque du sens des proportions. Au demeurant, rien n’est plus absurde qu’un homme se faisant l’accusateur, non de quelque accident psychologique, mais de l’homme comme tel ; d’où vient donc ce demi-dieu qui accuse, et d’où vient sa faculté d’accuser ? Si l’accusateur a raison, c’est que l’homme n’est pas si mauvais et qu’il y a en lui une capacité d’adéquation ; sinon il faudrait admettre que les protagonistes de la psychanalyse soient des dieux tombés imprévisiblement du ciel, ce dont on ne voit pas ombre de vraisemblance, pour dire le moins. La psychanalyse, d’abord élimine les facteurs transcendants essentiels à l’homme et ensuite remplace les complexes d’infériorité ou de frustration par des complexes d’aisance et d’égoïsme ; elle permet de pécher calmement, avec assurance, et de se damner avec sérénité. Comme toutes les philosophies de démolition - celle de Nietzsche par exemple - le freudisme attribue une portée absolue à une situation relative ; comme toute la pensée moderne, il ne sait que tomber d’un extrême à l’autre, incapable qu’il est de se rendre compte que la vérité - et la solution - se trouve dans la nature la plus profonde de l’homme, dont les religions et les sagesses traditionnelles sont, précisément, les porte-parole, les conservatrices et les garantes. En fait, la mentalité créée et diffusée par la psychanalyse consiste à refuser le dialogue logique ou intellectuel - seul digne d’êtres humains et à répondre par le biais de conjectures insolentes ; on ne cherche plus à savoir si l’interlocuteur a raison ou non, on demande qui étaient ses parents ou quelle est sa pression sanguine - pour nous borner à des exemples symboliques et encore assez anodins -, comme si de tels arguments ne pouvaient pas se retourner aisément contre leurs auteurs, ou comme si, en changeant même d’arguments, il n’était pas facile de répondre à une analyse par une autre analyse. Les pseudo-critères de l’analyse sont de préférence physiologiques ou sociologiques, conformément à la manie de l’époque ; il ne serait pas difficile de trouver des contre-critères et de faire l’analyse sérieuse de l’analyse imaginaire.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Logique et transcendance", éditions Sulliver, 2007, pages 16-17

[ critique ] [ réfutation ] [ égocentrisme ]

 
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décompensation psychotique

Quel est le signifiant qui est mis en suspens dans sa crise inaugurale [du président Schreber] ? C'est le signifiant procréation dans sa forme la plus problématique, celle que Freud lui-même évoque à propos des obsessionnels, qui n’est pas la forme être mère, mais la forme être père.

Il convient ici de vous arrêter un instant pour méditer sur ceci, que la fonction d’être père n’est absolument pas pensable dans l’expérience humaine sans la catégorie du signifiant.

Que peut vouloir dire être père ? […] La question est que la sommation de ces faits - copuler avec une femme, qu'elle porte ensuite quelque chose pendant un certain temps dans son ventre, que ce produit finisse par être éjecté - n'aboutira jamais à constituer la notion de ce que c'est qu'être père. Je ne parle même pas de tout le faisceau culturel impliqué dans le terme être père, je parle simplement de ce que c’est qu’être père au sens de procréer.

Il faut un effet de retour pour que le fait pour l’homme de copuler reçoive le sens qu’il a réellement, mais auquel aucun accès imaginaire n’est possible, que l’enfant soit de lui autant que de la mère. Et pour que cet effet d’action en retour se produise, il faut que l’élaboration de la notion d’être père ait été, par un travail qui s’est produit par tout un jeu d’échanges culturels, portée à l’état de signifiant premier, et que ce signifiant ait sa consistance et son statut. Le sujet peut très bien savoir que copuler est réellement à l’origine de procréer, mais la fonction de procréer en tant que signifiant est autre chose. [...]

Le signifiant être père est ce qui fait la grand-route entre les relations sexuelles avec une femme. Si la grand-route n'existe pas, on se trouve devant un certain nombre de petits chemins élémentaires, copuler et ensuite la grossesse d'une femme.

Le président Schreber manque selon toute apparence de ce signifiant fondamental qui s’appelle être père. C’est pourquoi il a fallu qu’il commette une erreur, qu’il s’embrouille, jusqu’à penser porter lui-même comme une femme. Il lui a fallu s’imaginer lui-même femme, et réaliser dans une grossesse la deuxième partie du chemin nécessaire pour que, s’additionnant l’un à l’autre, la fonction être père soit réalisée.

[...] comment font-ils, ceux qu’on appelle les usagers de la route, quand il n’y a pas la grand-route, et qu’il s’agit de passer par de petites routes pour aller d’un point à un autre ? Ils suivent les écriteaux mis au bord de la route. C’est-à-dire que, là où le signifiant ne fonctionne pas, ça se met à parler tout seul au bord de la route, des mots écrits apparaissent sur des écriteaux.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 459-460

[ analyse ] [ forclusion ] [ hallucination ] [ réel-symbolique-imaginaire ] [ fonction paternelle ]

 

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bipolarité

L’une des questions qui me paraissent les plus intéressantes sur ce sujet est celle de l’éventuelle dissolution du moi que peut entraîner l’empathie : quand on éprouve de l’empathie, qu’en est-il des frontières du moi ? Si l’on imagine une politique fondée sur l’empathie, qu’en est-il du désir individuel ? Peut-il continuer à avoir du sens ? La science-fiction explore régulièrement ce territoire, en recourant à différentes formes et degrés imaginaires d’empathie, de télépathie, voire de symbiose : le collectif Gaïa dans le "Cycle de Fondation" (1942-1993) d’Isaac Asimov ; divers télépathes et empathes dans L’Oreille interne (1972) de Robert Silverberg, Chroniques du pays des mères (1992) et le "Cycle de Tyranaël" (1994-1997) d’Élisabeth Vonarburg ou la série Babylon 5 (1994-1998) de J. Michael Straczynski ; le symbiote Solstice/Paramètre dans Le Canal Ophite (1977) de John Varley, quelques passages saisissants de Starship Troopers (1997) de Paul Verhoeven, Connectés et Mécanistes dans Étoiles Mourantes (1999) d’Ayerdhal et Jean-Claude Dunyach, la drogue empathique dans Code 46 (2003) de Michael Winterbottom ; enfin, Vulcains, Bétazoïdes ou Trills dans les différentes séries Star Trek depuis 1966 (Next Generation, Deep Space Nine, Voyager, etc.), avec notamment l’idée que la télépathie pourrait être l’unique forme possible de communication avec des espèces extraterrestres par trop différentes, autrement dit authentiquement alien (épisode "The Devil in the Dark2 (1967) dans la série Star Trek originale), idée qu’on retrouve également dans Maître des arts (1974) de William Rotsler. Mais si je me suis concentrée jusque-là sur ce qu’on pourrait appeler "l’empathie passive ou réceptrice", qui correspond à la signification la plus courante du terme, nous n’avons en fait cessé de rencontrer une possible forme symétrique, que l’on pourrait désigner comme "empathie active ou émettrice", et qui désignerait la faculté de transmettre à autrui ses émotions et ses désirs (casque sensoriel dans Strange Days (1995) de Kathryn Bigelow), et plus généralement de le manipuler ("Persuasion de Force" dans Star Wars - 1977 - de George Lucas). Or cette forme d’empathie joue certainement un rôle crucial dans les sociétés humaines et animales, car elle pose la question de la manipulation des individus et des foules, et, de façon générale, celle de l’art, de la politique, et de leurs liens (cf. l’art du kineïrat dans le cycle "La Bohême et l’Ivraie" (1990) d’Ayerdhal). La philosophie n’est d’ailleurs pas en reste sur cette question, puisque c’est déjà ce qui occupe Platon, centralement dans Ion, La République ou Les Lois (IVe siècle av. J.-C.), mais aussi dans l’ensemble de sa démarche, la philosophie se donnant précisément pour but de convaincre autrui par la raison, par opposition au sophiste qui persuade par l’émotion, c’est-à-dire la transmission empathique – avec tous les dangers que ce dernier procédé présente, et que l’histoire des hommes ne cesse de rappeler.

Auteur: Allouche Sylvie

Info: https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-1-page-149.htm, dernière partie de "Communication empathique, télépathique et symbiotique"

[ charisme ] [ pouvoir ] [ identification ] [ rationalisme vs emoi ]

 

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nom-du-père

Qu’est-ce que le père ? Je ne dis pas dans la famille – car dans la famille, il est tout ce qu’il veut, il est une ombre, il est un banquier, il est tout ce qu’il doit être, il l’est ou il ne l’est pas, cela a toute son importance à l’occasion, mais cela peut aussi bien n’en avoir aucune. Toute la question est de savoir ce qu’il est dans le complexe d’Œdipe.

Eh bien, le père n’y est pas un objet réel, même s’il doit intervenir en tant qu’objet réel pour donner corps à la castration. S’il n’est pas un objet réel, qu’est-il donc ?

Il n’est pas uniquement non plus un objet idéal parce que, de ce côté-là, il ne peut arriver que des accidents. Or, le complexe d’Œdipe n’est tout de même pas uniquement une catastrophe, puisque c’est le fondement de notre relation à la culture, comme on dit.

[...] le père est une métaphore.

[...] Je dis exactement – le père est un signifiant substitué à un autre signifiant. Là est le ressort, le ressort essentiel, l’unique ressort de l’intervention du père dans le complexe d’Œdipe. Et si ce n’est pas à ce niveau que vous cherchez les carences paternelles, vous ne les trouverez nulle part ailleurs.

La fonction du père dans le complexe d’Œdipe est d’être un signifiant substitué au premier signifiant introduit dans la symbolisation, le signifiant maternel. [...]

C’est la mère qui va, qui vient. C’est parce que je suis un petit être déjà pris dans le symbolique, et que j’ai appris à symboliser, que l’on peut dire qu’elle va, qu’elle vient. Autrement dit, je la sens ou je ne la sens pas, le monde varie avec son arrivée, et peut s’évanouir.

La question est – quel est le signifié ? Qu’est-ce qu’elle veut, celle-là ? Je voudrais bien que ce soit moi qu’elle veuille, mais il est bien clair qu’il n’y a pas que moi qu’elle veut. Il y a autre chose, qui la travaille. Ce qui la travaille, c’est le x, le signifié. Et le signifié des allées et venues de la mère, c’est le phallus.

[...] L’enfant, avec plus ou moins d’astuce ou de chance, peut arriver très tôt à entrevoir ce qu’est le x imaginaire, et, une fois qu’il l’a compris, à se faire phallus. Mais la voie imaginaire n’est pas la voie normale. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle entraîne ce que l’on appelle des fixations. Et puis, elle n’est pas normale parce qu’en fin de compte, elle n’est jamais pure, elle n’est pas complètement accessible, elle laisse toujours quelque chose d’approximatif et d’insondable, voire de duel, qui fait tout le polymorphisme de la perversion.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre V", "Les formations de l'inconscient (1957-1958)", éditions du Seuil, 1998, pages 174-175

[ réel-symbolique-imaginaire ]

 

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homme-animal

Nous avons l'honneur de solliciter votre bienveillance envers cet individu : Elle communique au moyen du langage des signes et utilise un vocabulaire de plus de 1000 mots. Elle comprend aussi l'anglais parlé, et mène souvent des conversations "bilingues", dans lesquelles elle répond par signes aux questions qui lui sont posées en anglais. Elle apprend les lettres de l'alphabet, elle sait lire certains mots imprimés, parmi lesquels son propre nom. Elle a obtenu des scores entre 85 et 95 au test d'intelligence de Stanford-Binet. Elle fait preuve d'une évidente conscience d'elle-même, dans ses comportements spontanés devant un miroir, lorsqu'elle prend des poses ou lorsqu'elle examine ses dents, ou bien lorsqu'elle utilise, à bon escient, un langage autodescriptif. Elle ment pour éviter les conséquences auxquelles l'exposent ses propres écarts de conduite, et elle anticipe les réactions des autres à ses propres actes. Elle s'adonne à des jeux imaginaires, tantôt seule, tantôt en groupe. Elle a déjà réalisé des peintures et des dessins figuratifs. Elle se souvient d'événements passés de sa vie, et est capable d'en parler. Elle comprend des termes relatifs au temps et sait les employer à bon escient, comme par exemple "avant", "après", "plus tard" et "hier". Elle rit de ses propres blagues et de celles des autres. Elle gémit si elle est blessée ou si on la laisse seule, et elle hurle lorsqu'elle est effrayée ou en colère. Elle parle de ses sentiments, en tuilisant des mots tels que "contente", "triste", "peur", "s'amuser", "envie", "déception", "dingue", et, très souvent, "amour". Elle pleure les proches qu'elle a perdus - un chat bien-aimé qui est mort, un ami qui est parti. Elle peut parler de ce qui se passe quand quelqu'un meurt, mais elle devient agitée et mal à l'aise quand on l'interroge sur sa propre mort ou sur la mort de ses compagnons. Elle se montre d'une adorable gentillesse avec les chatons et autres petits animaux. Il lui est même arrivé d'exprimer de la sympathie pour d'autres êtres qu'elle ne voyait que sur des photos. Cet individu peut-il revendiquer des droits moraux élémentaires ? D'après la description qui précède, il paraît difficile d'imaginer un quelconque argument rationnel pour lui dénier ses droits. Elle possède la conscience d'elle-même, a des émotions, elle est intelligente, communicative, elle a ses propres souvenirs et ses propres objectifs, et elle est certainement capable de souffrir profondément. Il n'y a aucune raison de remettre en cause cet accord concernant son statut moral si j'ajoute une information supplémentaire : à savoir, qu'elle ne fait pas partie de l'espèce humaine. La personne que je viens de décrire - et elle n'est rien moins qu'une personne pour ceux qui l'ont déjà approchée - s'appelle Koko, et il s'agit d'un gorille de plaine âgé de vingt ans. Pour que soit reconnue la personnalité des gorilles.

Auteur: Patterson Francine

Info: écrit avec Gordon Wendy

[ racisme ] [ éthique ]

 

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nom-du-père

Le père n’est pas simplement le générateur. Il est aussi celui qui possède de droit la mère, et, en principe, en paix. Sa fonction est centrale dans la réalisation de l’Œdipe, et conditionne l’accession du fils – qui est aussi une fonction, et corrélative de la première – au type de la virilité. Que se passe-t-il si un certain manque s’est produit dans la fonction formatrice du père ?

Le père a pu avoir effectivement un certain mode de relation tel que le fils prend bien une position féminine, mais ce n’est pas par crainte de la castration. [fils délinquants ou psychotiques qui prolifèrent à l’ombre d’une personnalité paternelle de caractère exceptionnel, avec de l’unilatéral et du monstrueux]. [...]

Supposons que cette situation comporte précisément pour le sujet l'impossibilité d'assumer la réalisation du signifiant père au niveau symbolique. Que lui reste-t-il ? Il lui reste l'image à quoi se réduit la fonction paternelle. C'est une image qui ne s'inscrit dans aucune dialectique triangulaire, mais dont la fonction de modèle, d'aliénation spéculaire, donne tout de même au sujet un point d'accrochage, et lui permet de l’appréhender sur le plan imaginaire.

Si l’image captatrice est démesurée, si le personnage en question se manifeste simplement dans l’ordre de la puissance et non dans celui du pacte, c’est une relation de rivalité qui apparaît, l’agressivité, la crainte, etc. Dans la mesure où le rapport reste sur le plan imaginaire, duel et démesuré, il n'a pas la signification d'exclusion réciproque que comporte l'affrontement spéculaire, mais l'autre fonction, qui est celle de la capture imaginaire. L'image prend en elle-même et d'emblée la fonction sexualisée, sans avoir besoin d'aucun intermédiaire, d'aucune identification à la mère ni à qui que ce soit. Le sujet adopte alors cette position intimidée que nous observons chez le poisson ou le lézard. La relation imaginaire s’instaure toute seule, sur un plan qui n’a rien de typique, qui est déshumanisant, parce qu’il ne laisse pas place à la relation d’exclusion réciproque qui permet de fonder l’image du moi sur l’orbite que donne le modèle de l’autre, plus achevé.

L'aliénation est ici radicale, elle n'est pas liée à un signifié néantisant […] mais à un anéantissement du signifiant. Cette véritable dépossession primitive du signifiant, il faudra que le sujet en porte la charge et en assume la compensation […] par une série d’identifications purement conformistes à des personnages qui lui donneront le sentiment de ce qu'il faut faire pour être un homme.

C’est ainsi que la situation peut se soutenir longtemps, que des psychotiques vivent compensés, ont apparemment les comportements ordinaires considérés comme normalement virils, et tout d’un coup, mystérieusement, Dieu sait pourquoi, se décompensent. Qu’est-ce qui rend soudainement insuffisantes les béquilles imaginaires qui permettaient au sujet de compenser l’absence du signifiant ?

Auteur: Lacan Jacques

Info: Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 324 à 326

[ réel-symbolique-imaginaire ] [ entrée en psychose ] [ psychanalyse ]

 

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désir

En se souriant, ils se réjouissaient mutuellement de leur présence, une pure présence, à laquelle on ne pouvait réfléchir, qu’on ne pouvait même connaître. Mais les yeux de Birkin avaient une grimace légèrement ironique.

Elle était étrangement attirée vers lui, comme par un charme. S’agenouillant sur le tapis devant lui, elle noua ses mains derrière ses reins et appuya la tête contre ses cuisses. Richesse ! Richesse ! Elle se sentait submergée par tout un ciel plein de richesses.

- Nous nous aimons, dit-elle, ravie.

- Mieux que cela, répondit-il, en la regardant, le visage rayonnant de plaisir.

Inconsciemment, du bout de ses doigts sensibles, elle suivait la ligne de ses cuisses, y poursuivant un mystérieux courant de vie. Elle avait découvert quelque chose de plus merveilleux que la vie elle-même. C’était l’étrange mystère du mouvement vital, là, sur le derrière de ses cuisses, le long de ses flancs. C’était une étrange réalité de Birkin, l’étoffe même de son être, là sur la chute bien droite de ses cuisses. C’est là qu’elle découvrit qu’il était l’un des fils de Dieu tels qu’ils vivaient au commencement du monde, pas un homme, mais quelque chose d’autre, quelque chose de plus.

C’était un soulagement, enfin. Elle avait eu des amoureux. Elle avait connu la passion ; mais ceci n’était ni l’amour ni la passion. C’était le retour des filles des hommes vers les fils de Dieu, les fils de Dieu étranges et inhumains qui furent au commencement du monde.

Maintenant, son visage était un éblouissement de libre lumière dorée, tandis qu’elle levait les yeux vers lui, et appuyait ses mains en plein sur ses cuisses, par-derrière, comme il se tenait debout devant elle. Il la regardait et ses sourcils épais brillaient comme un diadème au-dessus de ses yeux. Elle était belle comme une fleur merveilleuse nouvellement ouverte à ses genoux, fleur paradisiaque, et non plus une femme, mais une fleur de clarté. Pourtant, il y avait encore en lui un certain embarras. Il n’aimait pas ce rayonnement, cet agenouillement, du moins pas entièrement.

Pour elle, tout était terminé. Elle avait trouvé un fils de Dieu du Commencement du Monde, et lui, il avait trouvé une des plus lumineuses filles des hommes.

Elle suivait avec les mains la ligne de ses reins et de ses cuisses et un feu vivant se transmettait ténébreusement de lui à elle. C’était un flux obscur de passion électrique que, mis en liberté en lui, elle attirait en elle. Elle avait créé un circuit riche et nouveau, un nouveau courant d’énergie passionnelle qui allait de l’un à l’autre depuis les pôles les plus obscurs du corps, en formant un circuit parfait. C’était un sombre feu d’électricité qui jaillissait de lui à elle et les inondait tous deux de satisfaction et de paix somptueuse.

Auteur: Lawrence David Herbert

Info: Femmes amoureuses, traduit de l’anglais par Maurice Rancès et Georges Limbour, éditions Gallimard, 1949, pages 451 à 453

[ homme-femme ] [ imaginaire ] [ sensations ] [ volupté ]

 

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philosophes comparés

[...] le Marquis de SADE nous propose, avec une extrême cohérence, de prendre en effet pour maxime universelle de notre conduite le contre-pied - vue la ruine des autorités en quoi consiste dans les prémisses de cet ouvrage, l’avènement d’une véritable république - le contre-pied de ce qui a pu toujours jusque là être considéré comme, si l’on peut dire, le minimum vital d’une vie morale viable et cohérente. Et à la vérité, il ne le soutient pas mal. Ce n’est point par hasard si nous voyons dans La philosophie dans le boudoir - d’abord et avant tout - être fait l’éloge de la calomnie.

La calomnie, nous dit-il, ne saurait être en aucun cas nocive, car en tout cas, si elle impute à notre prochain quelque chose de beaucoup plus mauvais que ce qu’on peut lui attribuer, elle aura pour mérite de nous mettre en garde en toute occasion contre ses entreprises. Et c’est ainsi qu’il poursuit, point par point, justifiant, sans en excepter aucune, le renversement de tout ce qui est considéré comme les impératifs fondamentaux de la loi morale, continuant par l’inceste, l’adultère, le vol et tout ce que vous pouvez y ajouter. Prenez simplement le contre-pied de toutes les lois du Décalogue et vous aurez ainsi l’exposé cohérent de quelque chose dont le dernier ressort s’articule en somme ainsi : nous pouvons prendre comme loi, comme maxime universelle de notre action, quelque chose qui s’articule comme le droit à jouir d’autrui quel qu’il soit, comme instrument de notre plaisir.

SADE démontre avec beaucoup de cohérence que cette loi étant universelle, universalisée, c’est-à-dire : que par exemple, si elle permet aux libertins la libre disposition de toutes les femmes, indistinctement et quel que soit ou non leur consentement, inversement il libère les femmes de tous les devoirs qu’une société vivante et civilisée leur impose dans leurs relations conjugales, matrimoniales et autres, et que quelque chose est concevable, qui ouvre toutes grandes les vannes qu’il propose imaginairement à l’horizon du désir qui fait que tout un chacun est sollicité de porter à son plus extrême les exigences de sa convoitise et de les réaliser. Si même ouverture est donnée à tous, alors on verra ce que donne une société naturelle. Notre répugnance, après tout, pouvant très légitimement être assimilée à ce que KANT prétend lui-même éliminer, retirer des critères de ce qui pour nous fait la loi morale, à savoir un élément sentimental.

Si KANT entend éliminer tout élément sentimental de la morale, nous retirer comme non valable tout guide qui soit dans notre sentiment, à l’extrême le monde sadiste est concevable comme étant - même s’il en est l’envers et la caricature - un des accomplissements possibles du monde gouverné par une éthique radicale, par l’éthique kantienne telle qu’elle s’inscrit, telle qu’elle se date en 1788.

Auteur: Lacan Jacques

Info: 23 décembre 1959, L'Ethique

[ mise en pratique ]

 

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