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pays étranger

A Tainaron bien des choses sont différentes de ce qu'elles sont chez nous. La première qui me vient à l'esprit ce sont les yeux : beaucoup de gens ici en ont de si grands qu'ils occupent jusqu'au tiers du visage. Cela rend-il leur vision plus nette, je l'ignore, mais je suppose que, jusqu'à un certain point, ils voient leur environnement autrement que nous. De plus, leurs organes visuels sont composés d'innombrables cônes et, à la lumière du soleil, la surface de leurs lentilles brille comme des arcs-en ciel. Au début j'étais décontenancée quand il me fallait converser avec l'une de ces personnes car je ne savais jamais si son regard était fixé sur moi ou sur un point derrière moi. Cela ne me trouble plus à présent. Il est vrai qu'il existe aussi des gens aux yeux aussi petits que des pointes d'épingles mais dans ce cas ils en ont un grand nombre, que ce soit sur le front, au bout de leurs antennes ou même dans le dos.

Auteur: Krohn Leena

Info: In "Tainaron", éd. José Corti, p. 45-46 - trad. du finnois par Pierre-Alain Gendre

[ sentiment d'étrangeté ] [ morphologie ] [ insectes ] [ bizarre dépaysement ] [ extraterrestre ] [ regards ]

 
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Ajouté à la BD par Benslama

ballade

La lenteur, c'est de coller parfaitement au temps, à ce point que les secondes s'égrènent, font du goutte-à-goutte comme une petite pluie sur la pierre. Cet étirement du temps approfondit l'espace. C'est un des secrets de la marche : une approche lente des paysages qui les rend progressivement familiers. C'est comme la fréquentation régulière qui augmente l'amitié. Ainsi un profil de montagne qu'on tient avec soi tout le jour, qu'on devine sous différentes lumières, et qui se précise, s'articule. Quand on marche, rien ne bouge, ce n'est qu'imperceptiblement que les collines s'approchent, que le paysage se transforme. On voit, en train ou en voiture, une montagne venir à nous. L'oeil est rapide, vif, il croit avoir tout compris, tout saisi.
En marchant, rien ne se déplace vraiment : c'est plutôt que la présence s'installe lentement dans le corps. En marchant, ce n'est pas tant qu'on se rapproche, c'est que les choses là-bas insistent toujours davantage dans notre corps.
Le paysage est un paquet de saveurs, de couleurs, d'odeurs, où le corps infuse.

Auteur: Gros Frédéric

Info: Marcher, une philosophie

[ méditation ]

 

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traumatisme

J'ai le double de ton âge quand tu es mort. Je suis une vieille dame aujourd'hui. Je n'ai pas peur de mourir, je ne panique pas. Je ne crois pas en Dieu, ni à quoi que ce soit après la mort. Je suis l'une des 160 qui vivent encore sur les 2 500 qui sont revenus. Nous étions 76 500 juifs de France partis pour Auschwitz-Birkenau. Six millions sont morts dans les camps. Je dîne une fois par mois avec des amis survivants, nous savons rire ensemble et même du camp à notre façon. Et je retrouve aussi Simone. Je l'ai vue prendre des petites cuillères dans les cafés et les restaurants, les glisser dans son sac, elle a été ministre, une femme importante en France, une grande figure, mais elle stocke encore les petites cuillères sans valeur pour ne pas avoir à laper la mauvaise soupe de Birkenau. S'ils savaient, tous autant qu'ils sont, la permanence du camp en nous. Nous l'avons tous dans la tête et ce jusqu'à la mort.

Auteur: Loridan-Ivens Marceline Rosenberg

Info: Et tu n'es pas revenu

[ camp de concentration ]

 

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beaux-arts

Nous avons vécu deux ou trois siècles avec le sentiment que la Renaissance italienne retrouva, pour notre consolation, la voie perdue de l’art antique, et qu’il n’y avait avant elle et hors d’elle que barbarie et confusion. Quand notre besoin de les aimer nous a fait regarder passionnément l’œuvre laissée par les artistes qui précédèrent, aux derniers temps du moyen âge, l’essor italien, nous avons méconnu et calomnié l’Italie. Nous lui avons reproché l’action qu’elle exerça sur les peuples occidentaux, nous avons refusé de voir que les peuples occidentaux, après l’épuisement momentané de leurs ressources spirituelles, devaient subir la loi commune et demander à des éléments plus neufs de féconder leur esprit. Nous sommes ainsi faits qu’il nous est très difficile de nous placer hors de l’histoire pour la considérer de loin et que nous attribuons trop volontiers une valeur définitive aux sentiments que nos désirs actuels nous dictent. Ce besoin d’absolu qui est notre souffrance et notre force et notre gloire, nous refusons de l’accorder aux hommes qui prirent, pour l’assouvir, un autre chemin que nous.

Auteur: Faure Elie

Info: Histoire de l'art. L'art renaissant

[ historique ] [ intolérance ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

néo libéralisme

Les plus riches ont décidé de nous faire une guerre (...) Je fréquente des riches à Paris et leur indifférence est totale. Si tu leur dis qu'en Espagne, à 60 ans, on peut être obligé de travailler pour 2,60 euros de l'heure, ils s'en foutent. Tu te rends compte qu'ils sont déjà prêts pour ce monde-là. Dans leur tête c'est réglé: pour les pauvres, ça va être très dur, et ils s'en tamponnent. J'ai eu longtemps l'impression que les riches ne se rendaient pas bien compte, mais là, je crois que c'est pire que ça: c'est concerté, c'est ce qu'ils veulent, que les gens s'enfoncent dans une misère noire. Ils ne voient pas le travailleur comme un être humain mais comme un problème à gérer. Mais ma colère est une colère de vaincu. Dans les années 1980 quand il aurait fallu durcir le propos, quand existaient encore des structures de résistance, on aurait dû lutter beaucoup plus, mais on n'a pas compris, à l'époque, que leur idée, c'était d'en finir avec nous. Ces gens sont au delà du cynisme.

Auteur: Despentes Virginie

Info:

[ inhumain ] [ ploutocrates ]

 

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deuil

Mon bien Cher et bien Grand,
Vous savez que notre pauvre Gérard s'est suicidé ou a été assassiné.
On l'enterre demain.
Arsène Houssaye s'est chargé de tous les détails du convoi. Voici ce que je lui ai écrit hier :
"Mon cher Houssaye,
Si Victor Hugo eût été à Paris, il eût fait à notre cher Gérard l'honneur de porter un des coins du Drap.
Je crois qu'en l'absence de notre grand poète, il est de notre devoir de laisser la place d'Hugo vacante et de n'avoir que trois ou cinq porteurs.
Je propose — disposez.
A vous.
AL. DUMAS."

Houssaye a répondu : "Oui, à mardi matin." Arsène Houssaye
Vous voyez, cher, que je ne perds aucune occasion de protester contre votre absence.
Demain vous serez donc au milieu de nous.
Quand je pense à vous, je vous aime, je crois, encore plus que je ne vous admire. Quand je vous lis, je vous admire, je crois, plus que je ne vous aime — mais croyez-le bien, en tout temps et à toute heure, je vous aime comme ami et vous admire comme maître.
A vous et aux vôtres.

Auteur: Dumas Alexandre

Info: Lettre à Victor Hugo, 29 janvier 1855

[ littérature ] [ France ]

 

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superstition

J’ai oublié de vous dire, mesdames, que, lorsque les Serbes soupçonnent quelqu’un de vampirisme, ils évitent de le nommer par son nom ou de le désigner d’une manière directe, car ils pensent que ce serait l’évoquer du tombeau. Aussi, depuis quelque temps, Georges, en parlant de son père, ne l’appelait plus que le vieux.

Il se passa quelques instants de silence. Tout à coup, l’un des enfants dit à Sdenka, en la tirant par le tablier :

– Ma tante, quand donc grand-papa reviendra-t-il à la maison ?

Un soufflet de Georges fut la réponse à cette question intempestive.

L’enfant se mit à pleurer, mais son petit frère dit d’un air à la fois étonné et craintif :

– Pourquoi donc, père, nous défends-tu de parler de grand-papa ?

Un autre soufflet lui ferma la bouche. Les deux enfants se mirent à brailler et toute la famille se signa.

Nous en étions là quand j’entendis l’horloge du couvent sonner lentement huit heures. À peine le premier coup avait-il retenti à nos oreilles que nous vîmes une forme humaine se détacher du bois et s’avancer vers nous.

Auteur: Tolstoï Alekseï Konstantinovitch

Info: La famille du Vourdalak

[ spectres ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

couple

La suite, c'est le quotidien qui vous rattrape — ses calmes plats, ses soubresauts, ses habitudes, son cours ordinaire. Louise avait commencé à travailler à l'hôpital. Le jour, la nuit, les week-ends, elle se tenait en alerte comme un soldat mobilisable à tout moment. On se croisait. Elle partait quand j'arrivais. Rentrait quand je partais. Souvent c'était un jour sur deux. Comme dans un amour alterné. Parfois j'avais l'impression que nous prenions un de ces tourniquets, à l'entrée des grands magasins. Nos vies disparaissaient dans la rotation de nos emplois du temps. Alors on s'écrivait. Pour elle une lettre sur la table. Pour moi un mot collé sur le frigo. Elle s'appliquait, je me contentais de griffonner. Je me cherchais des excuses en répétant que je ne savais pas trouver les mots. Elle ne me croyait pas. Pour elle, chacun de nous est poète. Le seul témoin de ce manège épistolaire s'appelait Apollinaire : le chat qui habitait avec nous. C'est elle qui avait choisi son nom. J'aurais préféré Sonny, pour Sonny Rollins, dont les microsillons tournaient sur ma platine, mais les calligrammes de l'auteur des lettres à Lou l'avaient emporté sur les notes du saxophoniste.


Auteur: Astolfi Christian

Info: De notre monde emporté. Le Bruit du monde, pp 31-32

[ désynchronisé ] [ routine ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

se délecter

Nous savourons différentes préparations contenant chacune l’équivalent d’une cuillérée de nourriture. Leur présentation respecte des figures géométriques de base et leur poids est négligeable par rapport à celui de l’assiette. La portion la plus légère – du lièvre fumé et de l’oseille d’Åland, sous une forme presque invisible – pèse à peu près autant que la moustache dudit lièvre... Les verres de vin se multiplient devant nous. On nous sert en effet avec chaque plat une goutte du nectar recommandé par la maison pour l’accompagner, mais il est difficile d’en prolonger la dégustation quand on ne fait qu’une bouchée du mets. Et nous avons donc tous les deux devant nous une rangée de verres. Les vins sont loin d’être aussi différents les uns des autres que les descriptions que le serveur en donne. Nous croulons sous une avalanche d’adjectifs imprécis – ulmacé, flamboyant, aimable, souple, charnu, nerveux, herbacé et des dizaines d’autres – et d’informations clairement douteuses sur de petits domaines bios du nord-est de l’Italie. Je suis néanmoins conscient que le but d’un dîner aussi fortement tarifé n’est pas de relever le manque de logique de qui que ce soit ni d’exposer des arnaques, mais de rester assis face à face, et longtemps.

Auteur: Tuomainen Antti

Info: Ce matin, un lapin...  Ici deux couples sont côte à côte sur 2 tables adjacentes, l'un déguste consciencieusement alors que l'autre est absorbé pas les smartphones

[ profiter ] [ gastronomie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

deuil amoureux

Ça me plaît que vous n’ayez pas le mal de moi
Et ça me plaît que je n’aie pas le mal de vous,
Que la lourde boule terrestre n’aille pas
S’enfuir sous nos pieds tout à coup.
Ça me plaît de pouvoir être amusante –
Dévergondée – sans jeux de mots ni leurre –
Et de ne pas rougir sous la vague étouffante
Quand nos manches soudainement s’effleurent.

Ça me plaît aussi que vous enlaciez
Calmement devant moi une autre femme,
Et que, pour l’absence de mes baisers ;
Vous ne me vouiez pas à l’enfer et aux flammes.
Que jamais sur vos lèvres, mon très doux,
Jour et nuit mon doux nom – en vain – ne retentisse…
Que jamais l’on n’aille entonner pour nous :
Alléluia ! dans le silence d’une église.

Merci, de tout mon cœur et de ma main,
Pour m’aimer tellement – sans le savoir vous-même ! - ,
Pour mon repos nocturne et pour, de loin en loin,
Nos rencontres qu’un crépuscule enchaîne,
Pour nos non-promenades sous la lune parfois,
Pour le soleil qui luit – pas au-dessus de nous.
Merci de n’avoir pas – hélas – le mal de moi,
Merci de n’avoir pas – hélas – le mal de vous.

Auteur: Tsvetaeva Marina

Info: 3 mai 1915

[ tristes consolations ] [ amour impossible ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson