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hommage
Sa date de naissance sa date de décès ce fut langage chiffré Il connaissait la musique il savait la mécanique les mathématiques toutes les techniques et les autres avec On disait de lui qu'il n'en faisait qu'à sa tète on avait beau dire il en faisait surtout à son cœur Et son cœur lui en fit voir de toutes les couleurs son cœur révélateur Il savait trop vite il riait trop vrai il vivait trop fort son cœur l'a battu Alors il s'est tu Et il a quitté son amour il a quitté ses amis mais ne leur a pas faussé compagnie .
Auteur: Prévert Jacques
Années: 1900 - 1977
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info: Boris Vian
[ posthume ] [ poème ]
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déclaration d'amour
Cet amour Si violent Si fragile Si tendre Si désespéré Cet amour Beau comme le jour Et mauvais comme le temps Quand le temps est mauvais Cet amour si vrai Cet amour si beau Si heureux Si joyeux Et si dérisoire Tremblant de peur comme un enfant dans le noir Et si sûr de lui Comme un homme tranquille au milieu de la nuit Cet amour qu faisait peur aux autres Qui les faisait parler Qui les faisait blêmir Cet amour guetté Parce que nous le guettions Traqué blessé piétiné achevé nié oublié Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié Cet amour tout entier Si vivant encore Et tout ensoleillé C'est le tien C'est le mien Celui qui a été Cette chose toujours nouvelle Et qui n'a pas changé Aussi vrai qu'une plante Aussi tremblante qu'un oiseau Aussi chaude aussi vivant que l'été Nous pouvons tous les deux Aller et revenir Nous pouvons oublier Et puis nous rendormir Nous réveiller souffrir vieillir Nous endormir encore Rêver à la mort, Nous éveiller sourire et rire Et rajeunir Notre amour reste là Têtu comme une bourrique Vivant comme le désir Cruel comme la mémoire Bête comme les regrets Tendre comme le souvenir Froid comme le marbre Beau comme le jour Fragile comme un enfant Il nous regarde en souriant Et il nous parle sans rien dire Et moi je l'écoute en tremblant Et je crie Je crie pour toi Je crie pour moi Je te supplie Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment Et qui se sont aimés Oui je lui crie Pour toi pour moi et pour tous les autres Que je ne connais pas Reste là Lá où tu es Lá où tu étais autrefois Reste là Ne bouge pas Ne t'en va pas Nous qui sommes aimés Nous t'avons oublié Toi ne nous oublie pas Nous n'avions que toi sur la terre Ne nous laisse pas devenir froids Beaucoup plus loin toujours Et n'importe où Donne-nous signe de vie Beaucoup plus tard au coin d'un bois Dans la forêt de la mémoire Surgis soudain Tends-nous la main.
Info: Cet Amour
[ poème ]
impassible gaïa
Il y a de grandes flaques de sang sur le monde où s'en va-t-il tout ce sang répandu est-ce la terre qui le boit et qui se saoule drôle de soûlographie alors si sage... si monotone... Non la terre ne se saoule pas la terre ne tourne pas de travers elle pousse régulièrement sa petite voiture ses quatre saisons la pluie... la neige... la grêle... le beau temps... jamais elle n'est ivre c'est à peine si elle se permet de temps en temps un malheureux petit volcan Elle tourne la terre elle tourne avec ses arbres... ses jardins... ses maisons... elle tourne avec ses grandes flaques de sang et toutes les choses vivantes tournent avec elle et saignent... Elle elle s'en fout la terre elle tourne et toutes les choses vivantes se mettent à hurler elle s'en fout elle tourne elle n'arrête pas de tourner et le sang n'arrête pas de couler... Où s'en va-t-il tout ce sang répandu le sang des meurtres... le sang des guerres... le sang de la misère... et le sang des hommes torturés dans les prisons... le sang des enfants torturés tranquillement par leur papa et leur maman... Et le sang des hommes qui saignent de la tête dans les cabanons... et le sang du couvreur quand le couvreur glisse et tombe du toit Et le sang qui arrive et qui coule à grands flots avec le nouveau-né... avec l'enfant nouveau... la mère qui crie... l'enfant pleure... le sang coule... la terre tourne la terre n'arrête pas de tourner le sang n'arrête pas de couler Où s'en va-t-il tout ce sang répandu le sang des matraqués... des humiliés... des suicidés... des fusillés... des condamnés... et le sang de ceux qui meurent comme ça... par accident Dans la rue passe un vivant avec tout son sang dedans soudain le voilà mort et tout son sang est dehors et les autres vivants font disparaître le sang ils emportent le corps mais ils est têtu le sang et là où était le mort beaucoup plus tard tout noir un peu de sang s'étale encore... sang coagulé rouille de la vie rouille des corps sang caillé comme le lait comme le lait quand il tourne quand il tourne comme la terre comme la terre qui tourne avec son lait... avec ses vaches... avec ses vivants... avec ses morts... la terre qui tourne avec ses arbres... ses vivants... ses maisons... la terre qui tourne avec les mariages... les enterrements... les coquillages... les régiments... la terre qui tourne et qui tourne avec ses grands ruisseaux de sang.
Info: Chanson dans le sang
[ impersonnelle ] [ neutre ] [ humaine barbarie ]