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Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
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prolétariat

5 février 1912 : Hier, à l'usine. Les jeunes filles dans leurs vêtements défaits et sales d'une saleté en soit insupportable, avec leurs cheveux emmêlés comme si elles venaient de se réveiller, leur expression figée sur le visage par le bruit incessant des transmissions et celui, isolé, des machines qui marchent certes automatiquement, mais s'arrêtent quand on ne le prévoit pas, ces jeunes filles ne sont pas des êtres humains ; on ne les salue pas, on ne s'excuse pas quand on les bouscule, si on leur donne un petit travail à faire, elles l'exécutent, mais se hâtent de revenir à leur machine, on leur montre d'un signe de tête l'endroit où elles doivent engrener, elles sont là, en jupon, livrées à la plus dérisoire des puissances, et n'ont même pas assez de sens rassis pour reconnaître cette puissance et se la concilier par des regards et des courbettes. Mais qu'il soit six heures, qu'elles se crient, qu'elles ôtent le mouchoir qui couvre leur cou et leur cheveux, qu'elles se débarrassent de la poussière avec une brosse qui fait le tour de la salle et est réclamée par les impatientes, qu'elles arrivent tant bien que mal à se nettoyer les mains, - et ce sont tout de même des femmes, elles peuvent rire en dépit de leur pâleur et de leurs mauvaises dents, elles secouent leur corps engourdi, on ne peut plus les bousculer, les dévisager ou ne plus les voir, on se presse contre les caisses graisseuses pour leur laisser le chemin libre, on garde le chapeau à la main quand elles vous disent bonsoir et si l'une d'elle vous aide à mettre votre pardessus, on ne sait pas comment il faut prendre son geste.

Auteur: Kafka Franz

Info: Journal, Le Livre de Poche Biblio 3001 p. 219

[ femmes-par-hommes ] [ littérature ]

 

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lecture FLP

Ces quelques lignes sont pour ceux - peu nombreux - qui trouvent plaisir à approfondir leur réflexion d'étiqueteur. Et qui n'ont pas peur de prendre le temps.

Les autres pourront éviter ces lignes et participer tout aussi utilement au projet.

Une fois qu'il est séléctionné pour les "Fils de La Pensée" lire et relire un texte afin de l'étiqueter implique une forme de " verticalité ". Chaque terme important pour la classification étant d'abord sorti de son contexte pour analyse et vérification de son sens/pertinence. Ensuite, si on a choisi plusieurs mots/tags, il ne faudra pas hésiter à les utiliser pour une recherche FLP combinée afin de voir le résultat rétroactif de cette recherche et le comparer avec ses idées propres. 

Il s'agit vraiment de  s'arrêter sur quelques phrases à fin d'analyse. Un peu comme en musique on stoppe, ou ralentit, un passage particulier pour mieux intégrer/comprendre/percevoir une situation donnée, par exemple le détail du rythme et de ses intervalles, son contrepoint, ou l'harmonie (les accords) qui s'en dégagent. On sort de la continuité mélodique pour examiner la verticalité d'un agencement.

Une partition, un texte, voire même un film, permettent pareils arrêts sur image. Pour un footbaleur - qui voudrait exercer une reprise de volée au ralenti - c'est beaucoup plus difficile. 

Ainsi, via le langage, le grand carrousel des existences dans lequel nous sommes embringué, peut pareillement être stoppé, en tous cas freiné, même si c'est de façon vicariale, et ainsi être examiné, décomposé, disséqué. 

Alors que faire un arrêt sur image pour sonder la danse des particules élémentaires, qui couplent-miroitisent nos esprits-corps cognitifs avec un réel qui semble les avoir créés, parait encore bien aventuré.

Auteur: Mg

Info: 1 août 2021

[ analogie ] [ méthodologie ] [ citation s'appliquant à ce logiciel ] [ intelligence non-séquentielle ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

citation s'appliquant à ce logiciel

Nouvel outil qui privilégie la lecture courte, le surf sur des idées ou des concepts, la découverte d'embranchements inattendus, de synonymes étonnants, d'auteurs nouveaux, d'un vocabulaire singulier... On peut s'y promener sur un mot, plusieurs mots, un auteur, une période-époque, une profession, un pays, un continent... et toutes les possibilités de mélanges de ces termes-paramètres.
Bref "lire comme avant" disparaît puisqu'on peut choisir et affiner un sujet - sans être simplement guidé par un auteur qui vous mène où il veut. Et donc rester AUSSI à la merci de ses propres instincts, amusements, curiosités...
De manière plus réflexive, pour ceux que "le sens" amuse ou intéresse, les extraits et leur étiquetage demanderont parfois, souvent... idéalement : une relecture. (Voire un retour en arrière sur des extraits précédents, chose aisée avec l'informatique.)
Ici - ce qui fera le bonheur des concepteurs de cette application - le lecteur/miroir, titillé, tente alors de "se situer" par rapport à l'extrait.
Donc s'arrête, médite. Le "sens" ? Que ce soit d'un mot, d'une phrase... Suis-je en accord ou pas ? Pourquoi ? Quelles sont les nuances que j'aurai envie d'apporter à tel ou tel extrait/formulation - ou à son étiquetage .... s'y j'y songe ?...
Délibération personnelle qui pourra amener à proposer une autre citation pertinente en regard de l'extrait, et pourquoi pas ensuite s'amuser à construire une chaîne pour tenter de développer, d'articuler, cette réflexion.
Mieux encore : le participant en vient à formuler sa propre pensée, pour l'intégrer dans la chaîne - après son acceptation par la modération du site bien sûr. (Sous-entendu : si la réflexion en cause est une redite, il vaut mieux user de la formulation originale, ou antérieure, pour compléter la chaîne en question.)
Là nous semble se profiler l'embryon d'une réflexion collective.

Auteur: Mg

Info: 8 juillet 2017

[ réfléchir ] [ révasser ]

 

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interactions

A Chloé, grande ville, les gens qui circulent dans les rues sont tous des inconnus. À chaque rencontre, ils imaginent mille choses les uns sur les autres ; des rencontres qui pourraient avoir lieu entre eux, des conversations, des surprises, des caresses, des morsures. Mais personne ne salue personne ; les yeux se bloquent une seconde, puis s'éloignent, cherchent d'autres yeux, ne s'arrêtent jamais. Une jeune fille s'avance, qui fait tournoyer une ombrelle sur son épaule, faisant aussi légèrement tournoyer ses hanches arrondies. Une femme en noir déboule, affichant son âge, yeux agités sous son voile, lèvres tremblantes. Un géant tatoué arrive ; un jeune homme aux cheveux blancs ; une femme naine ; deux filles, des jumelles, habillées de corail. Quelque chose court entre eux, échanges de regards comme des lignes qui relient une figure à une autre et dessinent des flèches, des étoiles, des triangles, jusqu'à ce que toutes les combinaisons soient épuisées en un instant, alors que d'autres personnages entrent en scène : un aveugle avec un guépard en laisse, une courtisane avec un éventail à plumes d'autruche, un éphèbe, une grosse femme. Et ainsi, lorsque quelques personnes se trouvent par hasard réunies, s'abritant de la pluie sous une arcade, ou se pressent sous un auvent de bazar, ou arrêtées pour écouter des musiciens, des rencontres, séductions, copulations, des orgies se consomment entre elles sans qu'un mot soit échangé, sans qu'un doigt ne touche quoi que ce soit, presque sans qu'un œil soit levé.

Une vibration voluptueuse agite constamment Chloé, la plus chaste des villes. Si les hommes et les femmes commençaient à vivre leurs rêves éphémères, chaque fantôme deviendrait une personne avec laquelle débuter une histoire de poursuites, de faux-semblants, de malentendus, de heurts, d'oppressions, et le carrousel des fantasmes s'arrêterait.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ foule ] [ mégapole ] [ rapports humains ] [ fugacité ] [ potentialités ] [ anonymat ] [ cité imaginaire ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

parlêtre

"L'inconscient est le discours de l'autre", ce n'est pas le discours de l'autre abstrait, de l'autre dans la diade, de mon correspondant, ni même simplement de mon esclave; c'est le discours de tout un certain circuit dans lequel je suis intégré, parce que je suis un des chaînons. C'est le discours qui est celui de mon père par exemple, en tant que mon père a fait des fautes que je suis absolument condamné à reproduire; je suis condamné à les reproduire parce qu'il faut que je reprenne ce discours qu'il m'a légué, non pas simplement parce que je suis son fils, mais parce qu'on n'arrête pas la chaîne du discours, et que je suis chargé de le transmettre dans toute sa forme aberrante et mal posée, à quelqu'un d'autre, c'est-à-dire à poser à quelqu'un d'autre le problème d'une situation vitale où il y a toutes les chances qu'il achoppe également, c'est-à-dire que ce discours fasse enfin cette sorte de petit circuit, où se trouve pris toute une famille, toute une coterie, voire tout un camp, toute une nation ou la moitié du globe, et qu'on appelle cette forme circulaire d'une certaine parole, précisément pour autant qu'elle est à la fois juste à cette limite de sens et de non-sens, qui fait que c'est une parole problématique, c'est-à-dire que quelque chose est posé qui est un problème, qui est la solution d'une question symboliquement posée.

Ce que nous trouvons dans le besoin de répétition, tel que nous le voyons surgir au-delà du principe de plaisir, c'est cela qui vacille au-delà de tous les mécanismes d'équilibration, d'harmonisation et d'accord, sur le plan biologique, c'est quelque chose qui est introduit par le registre du langage, la fonction du symbole, et la problématique de la question dans l'ordre humain.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Séminaire du 19 janvier 1955

[ structure ] [ logos ] [ racines culturelles ] [ indicible ]

 
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castrateurs

(...) Ceux qui font autorité dans un domaine ou dans un autre soulèvent deux problèmes.

D'abord, leurs résultats sont souvent décevants.

Ils sont environ un million d'économistes diplômés sur cette planète, et aucun n'a été capable de prévoir l'arrivée de la crise financière (...)

Aucun groupe d'experts n'a jamais essuyé d'échec aussi spectaculaire.

Le bilan du corps médical n'est guère meilleur : jusqu'en 1900, il était préférable de s'abstenir d'aller chez le médecin lorsqu'on était malade si l'on ne voulait pas voir son état s'aggraver (absence d'hygiène, saignées et autres pratiques nuisibles).

Mais ce premier problème n'est pas le plus grave. Que les spécialistes se trompent souvent ... après tout, l'erreur est humaine.

Non, le pire, c'est que nous n'osons presque plus penser par nous-mêmes en présence d'une figure d'autorité. (...)

Les experts veulent être reconnus. C'est pourquoi ils ont absolument besoin de signes distinctifs pour montrer qui ils sont. Les médecins et les chercheurs ont leur blouse blanche, les directeurs de banque leur costume-cravate.

La cravate n'est rien d'autre qu'un signe extérieur d'autorité. Les rois portent des couronnes. Les militaires des insignes. Et les plus hauts représentants de l'Eglise catholique ne sont pas en reste.

Aujourd'hui, il faudrait y ajouter le fait d'être invité à des talk-shows et de publier des best-sellers.

Chaque époque a ses icônes, ses symboles de prestige et d'autorité.

Les prêtres, les souverains, les guerriers, les papes, les philosophes et les poètes ont connu leur heure de gloire, puis ont laissé la place aux stars du rock, aux animateurs de télévision, aux fondateurs d'entreprise de la nouvelle économie basée sur Internet, aux gérants de fonds spéculatifs et aux présidents de banques centrales.

Auteur: Dobelli Rolf

Info: Arrêtez de vous tromper : 52 erreurs de jugement qu'il vaut mieux laisser aux autres...  Le biais d'autorité

[ modèles ] [ soumission ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

métropolisation

Bref, on se modernisait, à part les retardataires, ceux des générations "sacrifiées" : qu’ils se cachent, ceux-là ! et qu’on les oublie… sauf, bien entendu, pour le payement des impôts. […] Payez pour les sanatoriums et les hôpitaux de Modernopolis – de toute Modernopolis -, qui, de plus en plus, aura besoin de retaper le matériel humain qu’elle abîme, les poumons qu’elle essouffle, les reins qu’elle use, les cerveaux qu’elle fatigue. […] Ne nous laissons pas arrêter par de si mesquines apparences, écoutons les prometteurs, les bâtisseurs, les artisans d’urbanisme, de modernisme – ceux qui voient grand, et vaste, et riche, et "cher" ! Recrutons de la main d’œuvre, renouvelons les villes, élevons des gratte-ciel, remplaçons les vieilles rues par deux ou trois voies superposées ; après quoi, tout sera encore plus complexe, plus coûteux, plus épuisant pour les reins, pour les cerveaux, pour les finances : mais au moins, si nous devons en crever, nous en crèverons au nom du Progrès !
[…]
Car il en avait, des projets grandioses : non seulement pour l’Urbanisme, l’Hygiène, les Sanatoriums, Préventoriums, et pour la modernisation du Travail – "tayloriser", "standardiser", "américaniser" - , mais aussi, et surtout, dans son domaine spécial de technicien, pour l’exploitation rationnelle, intégrale, de toute la Houille blanche du Dauphiné. C’était un cerveau "géométrique" et "mécanique" : l’irrégularité géographique l’exaspérait ; eh bien ! il la ramènerait à la logique et à la raison. Discipliner les chutes d’eau, étager les réservoirs avec une régularité de godets ou de monte-charge, convergeant tous vers le bassin de Grenoble, creuser et cimenter le lit de l’Isère, du Drac, de la Romanche, ménager d’immenses champs d’inondation – l’Agriculture dût-elle en crever -, supprimer les boucles qui gênent l’écoulement normal des crues… que sais-je encore ? rogner les angles, tailler des pans de montagne…

Auteur: Lote René

Info: Dans "Modernopolis. La comédie humaine et le progrès"

[ urbanisation ] [ absurde ] [ homme-nature ] [ fuite en avant ]

 

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écrivain-sur-éditeur

Je me fous énormément de ce que l'éditeur peut penser de mes livres. Il n'est pas même question de solliciter son avis.

Son goût est mauvais forcément - autrement il ne ferait pas ce métier de semi-épicier semi-maquereau. Que voulez-vous qu'il connaisse ce Jean-foutre ?

Je suis de l'avis de ce pauvre Élie Faure (juif) : Lorsqu'on demande au conservateur d'un musée d'exposer le meilleur de ses Rembrants, invariablement il choisit le plus mauvais, celui qui répond à ses goûts, à son goût de sale vieux con.

Kif des éditeurs, critiques, et toute cette clique.

Leurs avis sont peut-être utiles en effet aux auteurs merdeux dans leur genre dont ils feraient eux-mêmes à peu près les livres s'ils étaient un peu moins fainéants, mais là s'arrête la compétence des éditeurs, pour la bonne raison qu'il est impossible à un être humain d'excéder son aire psychique... il comprend tout ce qui tombe dans son rayon... tout ce qui le dépasse il l'excècre... ainsi du singe qui tend à massacrer tout ce qu'il ne comprend pas... et tout de suite ! Ainsi le critique, ainsi l'éditeur.

Ce que veut le con c'est un miroir pour son âme de con où il puisse s'admirer - d'où le cinéma et les romans d'immenses tirages - "miroirs pour les âmes du plus grand nombre de cons possibles".

Cette loi vaut aussi pour la psychologie, la graphologie etc...

Comment comprendre ce qui vous dépasse ? Impossible. Alors en avant pour le bla-bla-bla...!

Il y a moins de fous qu'on le pense écrivait Vauvernagues, il y a surtout des gens qui ne se comprennent pas. Pardi !

Quant à l'éditeur au surplus il est abruti par tout ce qu'il lit, qu'il se croit obligé de lire.

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Lettre à Milton Hindus, 28/07/1947

[ vacheries ] [ stupides ] [ limites ] [ commerciaux ]

 
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femmes-hommes

Je crois qu'un homme est un nomade. Il est fait pour se promener, pour aller voir de l'autre côté de la colline. Je parle de l'homme, du mâle. Je crois vraiment ça. Et je crois que par essence la femme l'arrête. Alors l'homme s'arrête près d'une femme et puis la femme a envie qu'on lui ponde un oeuf, toujours, toutes les femmes du monde ont envie qu'on lui ponde un oeuf, et je comprends ça. Et puis on pond l'oeuf.
Alors l'homme il est bien bon - mais il est gentil, il calcule infiniment moins que la femme. Je ne dis pas que la femme est méchante, je dis que l'homme est con. Voilà ce que je dis. Et l'homme, il reste près de cet oeuf. Et alors il faut de la paille en dessous. Alors on met de la paille. L'homme il va chercher de la paille pour mettre en dessous de l'oeuf. Et puis un jour il pleut. Alors là, il va chercher de la paille, et il fait un toit. Et puis après il y a des courants d'air, alors il bâtit des murs. Et puis après il reste là. Et l'homme est un nomade. Et toute sa vie l'homme - je crois - un homme normal rêve de foutre le camp... vers des espèces d'aventures quelle qu'elles soient, même si le gars est fonctionnaire depuis quarante ans ; quand on le voit un soir et qu'il essaie de se libérer un peu, il vous dit : " J'aurais voulu être pilote, j'aurais voulu être machin". Tous les hommes ont envie de faire quelque chose. Et les hommes ne sont malheureux que dans la mesure où ils n'assument pas les rêves qu'ils ont. Alors que la femme a un rêve, c'est de garder le gars. C'est pas méchant, c'est un ennemi.

Auteur: Brel Jacques

Info: interview donnée à Henry Lemaire en avril 1971 à Knokke-le-Zoute

[ hommes-par-hommes ]

 
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triades

" Tu as écrit un recueil de tercets, brefs et condensés comme ta vie. Tu n'en parlas à personne. Ta femme les découvrit après ta mort dans le tiroir de ton bureau: [...] Le jour m'éblouit, Le soir m'apaise, La nuit m'enveloppe. Dominer m'oppresse, Subir m'asservit, Etre seul me libère. La chaleur me gêne, La pluie m'enferme, Le froid m'éveille. Le tabac m'irrite, L'alcool m'endort, La drogue m'isole. Le mal me surprend, L'oubli me manque, Le rire me sauve. L'envie me porte, Le plaisir me déçoit, Le désir me reprend. [...] L'équilibre me tient, La chute me révèle, Le rétablissement me coûte. [...] Le temps me manque, L'espace me suffit, Le vide m'attire. [...] Le bord me tente, Le trou m'aspire, Le fond m'effraie. Le vrai m'émeut, L'incertain me gêne, Le faux me fascine. Le bavardage m'égare, La polémique m'enflamme, Le silence me rachète. L'obstacle m'élève, L'échec m'endurcit, Le succès m'adoucit. [...] L'offense me surprend, La répartie me tarde, L'affection me rédime. [...] Le sermon m'irrite, L'exemple me persuade, L'acte me prouve. Nettoyer m'ennuie, Ranger m'apaise, Jeter me délivre. [...] Savoir me grandit, Ignorer me nuit, Oublier me libère. Perdre m'énerve, Gagner m'indiffère, Jouer me déçoit. Nier me tente, Affirmer m'exalte, Suggérer me contente. [...] Dire m'engage, Ecouter m'apprend, Taire me tempère. Naître m'advient, Vivre m'occupe, Mourir m'achève. Monter m'est difficile, Descendre m'est facile, Stationner m'est inutile. [...] La menace me trompe, L'angoisse me meut, La peur m'exalte. [...] La fatigue me calme, La lassitude me décourage, L'épuisement m'arrête. Construire m'obsède, Conserver m'apaise, Détruire m'allège. [...] Le groupe m'oppresse, La solitude me tient, La folie me guette. Plaire me plaît, Déplaire me déplaît, Indifférer m'indiffère. L'âge me gagne, La jeunesse me quitte, La mémoire me reste. Le bonheur me précède, La tristesse me suit, La mort m'attend.

Auteur: Levé Edouard

Info: Suicide

[ autodestruction ] [ dernières paroles ]

 

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