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interactions

L'épigénétique, l'hérédité au-delà de l'ADN
Des mécanismes ne modifiant pas notre patrimoine génétique jouent un rôle fondamental dans le développement de l'embryon. Ils pourraient expliquer comment l'environnement induit des changements stables de caractères, voire des maladies, éventuellement héritables sur plusieurs générations.

L'épigénétique, c'est d'abord cette idée que tout n'est pas inscrit dans la séquence d'ADN du génome. "C'est un concept qui dément en partie la "fatalité" des gènes", relève Michel Morange, professeur de biologie à l'ENS. Plus précisément, "l'épigénétique est l'étude des changements d'activité des gènes - donc des changements de caractères - qui sont transmis au fil des divisions cellulaires ou des générations sans faire appel à des mutations de l'ADN", explique Vincent Colot, spécialiste de l'épigénétique des végétaux à l'Institut de biologie de l'Ecole normale supérieure (ENS-CNRS-Inserm, Paris).

Est-ce la fin de l'ère du "tout-ADN", qui a connu son apogée vers l'an 2000 avec les grandes manoeuvres du séquençage du génome humain ? "L'organisme reste construit à partir de ses gènes, même si l'activité de ceux-ci peut être modulée", tempère Michel Morange.

Mais le séquençage des génomes l'a révélé avec éclat : la connaissance seule de la séquence de l'ADN ne suffit pas à expliquer comment les gènes fonctionnent. C'était pourtant prévisible : si cette connaissance suffisait, comment expliquer que malgré leur génome identique, les différents types de cellules d'un individu développent des caractères aussi différents que ceux d'un neurone, d'une cellule du foie, des muscles ou de la peau ?

L'épigénétique répond en partie à cette interrogation - mais elle en soulève de nombreuses autres. "Le cadre classique de l'épigénétique, c'est le développement de l'embryon et la différenciation des cellules de l'organisme", indique Vincent Colot. Mais ses enjeux concernent également la médecine et la santé publique... et les théories sur l'évolution. Elle jette le soupçon sur l'environnement, qui pourrait moduler l'activité de certains de nos gènes pour modifier nos caractères, voire induire certaines maladies qui pourraient être transmis(es) à la descendance.

La première question, cependant, est celle de la définition de ce fascinant concept. Un certain flou persiste, même chez les scientifiques. "Ces ambiguïtés tiennent au fait que le terme a été introduit à plusieurs reprises dans l'histoire de la biologie, avec à chaque fois un sens différent", raconte Michel Morange, qui est aussi historien des sciences. Précurseur absolu, Aristote invente le terme "épigenèse" - de épi-, "au-dessus de", et genèse, "génération" - vers 350 avant notre ère.

"Observant des embryons de poulet, Aristote découvre que les formes ne préexistent pas dans le germe, mais sont, au contraire, progressivement façonnées au cours du développement embryonnaire", rapporte Edith Heard, qui dirige une équipe (Institut Curie-Inserm-CNRS) sur l'épigénétique du développement des mammifères. Une vision admirablement prémonitoire, qui ne se verra confirmée qu'avec l'invention du microscope à la fin du XVIIe siècle.

Quant au mot "épigénétique", il apparaît en 1942 : on le doit au généticien anglais Conrad Waddington, qui s'attache à comprendre le rôle des gènes dans le développement. Comment s'opère le passage du génotype (l'ensemble des gènes) au phénotype (l'ensemble des caractères d'un individu) ? A l'époque, on ignorait que l'ADN est le support de l'hérédité. Mais les liens entre génotype et phénotype se précisent peu à peu, à mesure qu'on découvre la structure des gènes et leur mode de régulation. Une étape décisive est franchie avec les travaux de François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff, Prix Nobel en 1965 : ils montrent l'importance d'un facteur de l'environnement (la présence d'un sucre, le lactose) dans le contrôle de l'expression d'un gène et la détermination d'un caractère (la capacité de la bactérie E. coli à utiliser le lactose comme source d'énergie).

Le concept d'épigénétique tombe ensuite en relative déshérence, pour renaître dans les années 1980 avec son sens moderne. "Un chercheur australien, Robin Holliday, observe dans des cellules en culture des changements de caractères qui sont transmis au fil des divisions cellulaires, relate Vincent Colot. Mais ces changements semblaient trop fréquents pour pouvoir être causés par des mutations de l'ADN." Holliday découvre le rôle, dans cette transmission, de certaines modifications de l'ADN qui n'affectent pas la séquence des "nucléotides", ces lettres qui écrivent le message des gènes.

Plus largement, on sait aujourd'hui que les gènes peuvent être "allumés" ou "éteints" par plusieurs types de modifications chimiques qui ne changent pas la séquence de l'ADN : des méthylations de l'ADN, mais aussi des changements des histones, ces protéines sur lesquelles s'enroule l'ADN pour former la chromatine. Toutes ces modifications constituent autant de "marques épigénétiques". Elles jalonnent le génome en des sites précis, modulant l'activité des gènes localisés sur ces sites.

Quelle est la stabilité de ces marques épigénétiques ? La question est centrale. Certaines sont très transitoires, comme les marques qui régulent les gènes liés aux rythmes du jour et de la nuit. "Au moins 15 % de nos gènes sont régulés d'une façon circadienne : leur activité oscille sur un rythme de 24 heures. Il s'agit de gènes qui gouvernent notre métabolisme, assurant par exemple l'utilisation des sucres ou des acides gras", indique Paolo Sassone-Corsi, qui travaille au sein d'une unité Inserm délocalisée, dirigée par Emiliana Borrelli à l'université de Californie (Irvine). "Pour réguler tant de gènes d'une façon harmonieuse, il faut une logique commune. Elle se fonde sur des processus épigénétiques qui impliquent des modifications des histones."

D'autres marques ont une remarquable pérennité. "Chez un individu multicellulaire, elles peuvent être acquises très tôt lors du développement, sous l'effet d'un signal inducteur, rapporte Vincent Colot. Elles sont ensuite transmises au fil des divisions cellulaires jusque chez l'adulte - bien longtemps après la disparition du signal inducteur." Les marques les plus stables sont ainsi les garantes de "l'identité" des cellules, la vie durant. Comme si, sur la partition d'orchestre de l'ADN du génome - commune à toutes les cellules de l'organisme -, chaque instrument - chaque type de cellule - ne jouait que la partie lui correspondant, n'activant que les gènes "tagués" par ces marques.

Un des plus beaux exemples de contrôle épigénétique chez les mammifères est "l'inactivation du chromosome X". "Ce processus a lieu chez toutes les femelles de mammifères, qui portent deux exemplaires du chromosome X, explique Edith Heard. L'inactivation d'un des deux exemplaires du X, au cours du développement précoce, permet de compenser le déséquilibre existant avec les mâles, porteurs d'un seul exemplaire du X."

Si l'inactivation du X est déficiente, l'embryon femelle meurt très précocement. Cette inactivation est déclenchée très tôt dans le développement de l'embryon, "dès le stade "4 cellules" chez la souris et un plus tard pour l'espèce humaine, puis elle est stabilisée par des processus épigénétiques tout au long de la vie", poursuit Edith Heard. Par ailleurs, son équipe vient de publier un article dans Nature mis en ligne le 11 avril, montrant que les chromosomes s'organisent en "domaines", à l'intérieur desquels les gènes peuvent être régulés de façon concertée, et sur lesquels s'ajoutent des marques épigénétiques.

Les enjeux sont aussi médicaux. Certaines "épimutations", ou variations de l'état épigénétique normal, seraient en cause dans diverses maladies humaines et dans le vieillissement. Ces épimutations se produisent par accident, mais aussi sous l'effet de facteurs environnementaux. Le rôle de ces facteurs est très activement étudié dans le développement de maladies chroniques comme le diabète de type 2, l'obésité ou les cancers, dont la prévalence explose à travers le monde.

Les perspectives sont également thérapeutiques, avec de premières applications qui voient le jour. "Les variations épigénétiques sont finalement assez plastiques. Elles peuvent être effacées par des traitements chimiques, ce qui ouvre d'immenses perspectives thérapeutiques. Cet espoir s'est déjà concrétisé par le développement de premières "épidrogues" pour traiter certains cancers", annonce Edith Heard.

Le dernier défi de l'épigénétique, et non des moindres, renvoie aux théories de l'évolution. "Alors que le génome est très figé, l'épigénome est bien plus dynamique", estime Jonathan Weitzman, directeur du Centre épigénétique et destin cellulaire (université Paris-Diderot-CNRS). "L'épigénome pourrait permettre aux individus d'explorer rapidement une adaptation à une modification de l'environnement, sans pour autant graver ce changement adaptatif dans le génome", postule le chercheur. L'environnement jouerait-il un rôle dans la genèse de ces variations adaptatives, comme le croyait Lamarck ? Reste à le démontrer. Epigénétique ou non, le destin est espiègle : le laboratoire qu'anime Jonathan Weitzman n'a-t-il pas été aléatoirement implanté... dans le bâtiment Lamarck ? Internet,

Auteur: Internet

Info: Rosier Florence, https://www.lemonde.fr/sciences/ 13 avril 2012

[ interférences ] [ mutation acquise ]

 

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mnémonique

La meilleure stratégie d'apprentissage peut-elle dépendre de ce dont on essaye de se souvenir ?

Différentes approches peuvent prendre en charge diverses formes de mémoire

La répétition est un élément clé de l’apprentissage. Si vous voulez vous souvenir de quelque chose, revenez-y encore et encore. Mais le moment et la manière dont vous revisitez les informations sont importants. Des décennies de recherche ont montré que les gens se souviennent mieux des informations à long terme lorsqu'ils y reviennent au fil du temps, plutôt que d'essayer de tout mémoriser rapidement et consécutivement. Il s’agit de " l’effet d’espacement ", l’une des découvertes les plus solides et les plus renouvelée des recherches sur la mémoire.

La plupart des études antérieures sur l’effet d’espacement se sont concentrées sur l’apprentissage qui implique la répétition exacte du même contenu encore et encore. Pourtant, à l'exception de la préparation d'un examen, les environnements et les situations dans lesquels nous apprenons de nouvelles choses sont généralement beaucoup moins contrôlés. Imaginez  une rencontre avec un nouveau collègue. La prochaine fois que vous vous rencontrerez, ce sera peut-être dans un autre endroit ou avec un groupe de personnes, ou le nouveau collègue aura peut-être une coupe de cheveux différente. Comment cette variabilité influe-t-elle quant aux avantages  mémoriels associés à pareil effet d'espacement ?

Dans deux expériences récemment publiées dans les Actes de la National Academy of Sciences USA , nous avons examiné comment l'effet d'espacement profite à la mémoire lorsque le matériel répété contient un mélange réel de caractéristiques stables et variables. Nous avons constaté que ce type de variation peut faire une différence dans ce qu'on apprend et dans la qualité de notre apprentissage. Et même si l’espacement reste une excellente stratégie pour certains types de connaissances, d’autres tactiques peuvent également améliorer cette capacité à mémoriser des informations.

Dans les deux expériences, nous avons évalué dans quelle mesure les gens pouvaient se souvenir de paires d'images visuelles : un élément, tel qu'un personnage de dessin animé, un animal ou un outil, et une scène, telle qu'un lieu célèbre ou une photographie d'une pièce. Par exemple, les participants pourraient voir un homme vert moustachu côte à côte avec une photographie de la Tour Eiffel ou l'image d'un marteau avec une cuisine. Nos participants ont observé plus de 40 de ces appariements au cours de ce que nous appelons des " séances d’apprentissage ".

Nous avons présenté chaque paire d'images quatre fois au cours des sessions. Pour créer un mélange de fonctionnalités stables et variables, les paires ont été soit présentées de manière identique, avec le même élément et la même scène toujours affichés ensemble, soit l'élément est apparu à côté d'une nouvelle scène à chaque fois. (Par exemple, l'homme vert pourrait apparaître à nouveau avec la Tour Eiffel ou à côté d'un autre monument, comme les pyramides de Gizeh ou la Maison Blanche.) Pour examiner comment la variabilité influence l'effet d'espacement, nous avons contrôlé la distance entre les quatre répétitions de les paires ont été visualisées, soit rapprochées, soit espacées dans le temps.

Dans la première expérience, qui a porté sur 157 participants, ces derniers ont participé à quatre séances d’apprentissage par jour pendant une période de 24 jours, en utilisant le navigateur de leur téléphone portable. Tirant parti de la longue période de cette expérience, nous avons espacé l’apparition des paires d’éléments et de scènes répétées de quelques heures à quelques jours. Nous avons demandé aux participants d’étudier les paires en leur envoyant des SMS leur demandant de commencer chaque séance d’apprentissage. Le 25e jour, les participants ont passé un test pour voir dans quelle mesure ils avaient bien assimilé et mémorisé les images.

Dans notre deuxième expérience, 136 personnes ont participé via une plateforme informatique plutôt que via un téléphone portable. Cette fois, nous avons compressé tout l’apprentissage en une seule session sur une seule journée. Nous pouvions toujours répéter les paires cohérentes et variables soit dos à dos, soit avec un espacement, mais ici l'apprentissage n'était distribué que par secondes ou minutes.

Ensemble, les résultats de nos deux expériences suggèrent que l'espacement et la variabilité peuvent tous deux bénéficier à la mémoire, en fonction de l'aspect d'une expérience dont vous essayez de vous souvenir. Nos études nous ont permis d'examiner deux formes de mémoire : la mémoire d'objet, la capacité de rappeler un élément isolé (comme l'homme vert), et la mémoire associative, les composants liés ou les relations entre les éléments (comme l'homme vert avec la tour Eiffel). Ces deux types de mémoire constituent des aspects essentiels mais différents de la façon dont nous nous souvenons des expériences. Et bien qu’ils soient clairement liés, les neuroscientifiques pensent que le cerveau stocke et organise les éléments et les associations de manière distincte.

Conformément aux recherches précédentes, nous avons constaté que l’espacement des séances d’apprentissage permettait une meilleure mémorisation des éléments que des séances consécutives. En d’autres termes, les participants se rappelaient mieux s’ils avaient déjà rencontré l’homme vert, par exemple, lorsque les répétitions de cette image avaient été espacées.

Mais les gens se souvenaient également mieux des éléments lorsqu'ils les avaient vus associés à des scènes différentes à chaque répétition, par rapport aux éléments toujours présentés avec la même scène. Il est intéressant de noter que cette différence était plus prononcée lorsqu’il y avait moins d’espacement entre les répétitions, par exemple lorsque les paires étaient vues dans un temps rapproché.

Cela suggère un raccourci potentiel pour les personnes essayant de se souvenir d'un détail ou d'une fonctionnalité spécifique dans un laps de temps limité. Supposons que vous essayiez de vous rappeler que le nom d'une nouvelle collègue est Sarah. Il pourrait être utile de penser à vous-même : " Sarah a les cheveux bruns ", " J'ai rencontré Sarah au travail ", " Sarah a un chien ", " Sarah est allergique aux cacahuètes ", etc., plutôt que d'essayer simplement de faire en sorte que Sarah ait les cheveux bruns. le nom reste dans votre esprit en le répétant. Vous ne vous souvenez peut-être pas de tous ces détails, mais votre mémorisation du nom de votre collègue s'améliorera.

Dans les deux expériences, nous avons constaté que la mémoire associative bénéficiait de la cohérence. En d’autres termes, les gens associaient plus facilement l’homme vert et la Tour Eiffel à condition que cette association soit réapparue de manière fiable au fil des sessions d’apprentissage. L'espacement a aidé les personnes à former ces souvenirs associatifs uniquement lorsque les paires étaient les mêmes à chaque répétition et que l'espacement entre les répétitions des paires était suffisamment long (comme dans les heures ou les jours de notre première expérience).

En d'autres termes, si vous souhaitez vous rappeler à la fois que le nom de votre collègue est Sarah et qu'elle a un chien, il n'y a pas vraiment de raccourci : vous devrez répéter cette information dans son intégralité au fil du temps pour la rendre mémorable. Il est possible que la distinction entre mémoire d'objet et mémoire associative reflète des différences dans la façon dont notre cerveau renforce et construit des souvenirs. Autrement dit, le cerveau pourrait utiliser le changement pour cimenter les caractéristiques isolées et stables de la mémoire tout en s’appuyant sur la cohérence pour relier plusieurs caractéristiques associées.

Dans l’ensemble, nos travaux suggèrent que les gens peuvent utiliser la variabilité et la répétition pour améliorer la mémoire de divers aspects de leur expérience. Bien que nous n’ayons pas étudié directement les milieux éducatifs, ces travaux ont des implications passionnantes pour lênseignement ainsi que pour notre vie quotidienne. Par exemple, en fonction de ce qu'un enseignant souhaite que son élève apprenne, le matériel pédagogique peut soit être répété de manière identique d'une leçon à l'autre, soit être intégré à chaque fois dans un nouveau plan de cours, offrant ainsi une source de variabilité.

Ces résultats renforcent l’idée selon laquelle ce que nous conservons en mémoire reflète la nature multiforme de nos expériences du monde réel. Nous ne pouvons pas nous souvenir de tout ce que nous vivons, et ces expériences sont rarement aussi contrôlées que dans nos conceptions expérimentales. Tirer parti de cette complexité peut ouvrir la porte à de nouvelles recherches pour comprendre comment et ce que nous apprenons et mémorisons.

Auteur: Internet

Info: https://www.scientificamerican.com/ - 21 Juin 2024 - EMILY T. COWAN , VISHNU P. MURTY , BENJAMIN M. ROTTMAN ET YIWEN ZHANG

[ combinatoire ]

 

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polémique évolutionniste

L'épigénétique, qui existe depuis 50 ans, n'est pas un nouvel acteur majeur de l'évolution. Dans la mesure où son importance avérée est d'ordre génétique. L'évolution culturelle et comportementale est un phénomène réel, mais ce n'est pas une évolution biologique.

Synthèse moderne

La variation génétique est aléatoire. Les mutations qui se produisent n'améliorent pas nécessairement la condition physique. Si les mutations donnent lieu à des caractéristiques qui améliorent la capacité des organismes à survivre et à prospérer, il s'agit d'un simple hasard.

Synthèse évolutionniste élargie (Laland)

La variation phénotypique n'est pas aléatoire. Les individus se développent en réponse aux conditions locales, de sorte que les nouvelles caractéristiques qu'ils possèdent sont souvent bien adaptées à leur environnement.

Presque toute l'évolution est finalement due à une mutation d'une sorte ou d'une autre. Nombreux sont ceux qui pensent que le hasard des mutations est le thème dominant de l'évolution. L'affirmation concernant la synthèse moderne est parfaitement correcte, en première approximation. (On peut ergoter sur les détails.)

L'idée que les phénotypes changent en fonction des conditions locales - par exemple, l'opéron lac s'exprime en présence de lactose - n'est guère révolutionnaire et n'exige pas de changement dans notre compréhension de la théorie moderne de l'évolution.

Synthèse moderne

L'évolution se produit généralement par le biais de multiples petites étapes, conduisant à un changement graduel. C'est parce qu'elle repose sur des changements progressifs provoqués par des mutations aléatoires.

Synthèse évolutive élargie (Laland)

L'évolution peut être rapide. Les processus de développement permettent aux individus de répondre aux défis environnementaux ou aux mutations par des changements coordonnés dans des ensembles de traits.

Est-il possible que Kevin Laland ignore totalement le débat sur le gradualisme, l'hybridation, la symbiose, le transfert horizontal de gènes, les mutations homéotiques, la saltation et les macromutations ? Est-il possible qu'il n'ait jamais pensé aux équilibres ponctués et à la théorie hiérarchique ?

Il est vrai que les vues démodées d'Ernst Mayr et compagnie ("Synthèse moderne") rejetaient toutes ces idées, mais l'évolution a évolué depuis les années 1950. Elle ne se limite plus à de petites étapes graduelles.

Les "révolutionnaires" pensent que les mutations peuvent être dirigées dans un but ultime. L'idée de base d'une augmentation des taux de mutation dans certaines conditions est débattue activement depuis très longtemps (avant 1996). On ne pense pas qu'il s'agisse d'une caractéristique majeure de l'évolution, sauf dans le sens d'une augmentation du taux de mutations "aléatoires".

Synthèse moderne

La perspective est centrée sur les gènes : l'évolution nécessite des changements dans la fréquence des gènes par le biais de la sélection naturelle, de la mutation, de la migration et de la perte aléatoire de variantes génétiques.

Synthèse évolutionniste élargie

La perspective est centrée sur l'organisme, avec des conceptions plus larges des processus évolutifs. Les individus s'adaptent à leur environnement au fur et à mesure qu'ils se développent et modifient les pressions de sélection.

Cette description de la synthèse moderne est la seule fois où j'ai vu Kevin Laland mentionner quelque chose qui ressemble à la dérive génétique aléatoire. Cela ne fait manifestement pas partie de sa vision normale du monde.

Je reconnais que la théorie moderne de l'évolution est "centrée sur les gènes" à cet égard. C'est parce que nous DÉFINISSONS l'évolution comme un changement dans la fréquence des allèles au sein d'une population. Je ne sais pas ce que cela signifie de passer à un point de vue "centré sur l'organisme" comme le décrit Laland. Il est certainement vrai que les cyanobactéries individuelles s'adaptent à leur environnement au fur et à mesure qu'elles grandissent et se développent, et il est certainement vrai qu'elles peuvent modifier l'environnement. Dans le cas présent, elles ont provoqué une augmentation des niveaux d'oxygène qui a affecté toutes les espèces vivantes.

Les cyanobactéries ont évolué pour s'adapter à leur environnement par le biais de mutations aléatoires et de changements dans la fréquence des allèles au sein de la population, en partie sous l'effet de la sélection. Beaucoup d'entre elles se sont éteintes. En quoi est-ce un changement dans notre vision de l'évolution ?

Synthèse moderne

Les processus micro-évolutifs expliquent les schémas macro-évolutifs. Les forces qui façonnent les individus et les populations expliquent également les changements évolutifs majeurs au niveau des espèces et au-delà.

Synthèse évolutionniste élargie

D'autres phénomènes expliquent les changements macro-évolutifs en augmentant l'évolutivité, c'est-à-dire la capacité à générer une diversité adaptative. Il s'agit notamment de la plasticité du développement et de la construction de niches.

L'un des principes de base de la synthèse moderne était que la macroévolution peut être expliquée efficacement comme étant simplement une multitude de microévolutions cumulatives. Les manuels modernes de biologie évolutive abordent d'autres caractéristiques de la macroévolution qui nécessitent un apport supplémentaire, notamment en ce qui concerne la spéciation. La vieille idée selon laquelle la microévolution suffit à expliquer la macroévolution n'est plus un axiome en biologie évolutive, et ce depuis plusieurs décennies [voir Macroévolution].

Les manuels modernes traitent de toutes sortes de choses qui influencent l'histoire à long terme de la vie (= macroévolution). Des éléments tels que les extinctions massives, la stase, la spéciation allopatrique, les contraintes, etc. L'évolutivité a été activement débattue pendant un demi-siècle et elle est bien couverte dans la plupart des manuels. (Voir Futuyma, 2e édition, p. 599). L'évolutivité n'est pas une idée nouvelle qui va révolutionner la théorie de l'évolution. En fait, le consensus, après de nombreux débats et discussions, est que l'évolutivité échoue sur les bancs de la téléologie. La théorie ne résiste tout simplement pas à un examen approfondi.

La sélection organisationnelle pour des caractéristiques qui confèrent un succès reproductif différentiel dans le moment écologique ne peut tout simplement pas générer, de manière active ou directe, un ensemble de caractéristiques qui n'acquièrent une importance évolutive qu'en conférant une flexibilité pour des changements dans un avenir lointain. Nous ne pouvons pas nier que ces caractéristiques d'évolutivité "comptent" profondément dans l'histoire des lignées ; mais comment des avantages pour l'avenir peuvent-ils découler d'un processus causal ici et maintenant ? (Gould, 2002 p. 1274)

Il est malhonnête de laisser entendre, dans un article destiné au lecteur moyen, qu'un sujet comme l'évolutivité est récent et n'a pas été examiné en profondeur, et rejeté, dans la littérature théorique sur l'évolution. Il en va de même pour les concepts de plasticité et de construction de niche. Ce ne sont pas des concepts nouveaux. Les experts compétents en matière d'évolution - ceux qui ont lu et écrit les manuels - ont examiné ces idées et les ont rejetées en tant que facteurs majeurs de la théorie de l'évolution.

Kevin Laland peut ne pas être d'accord avec ces analyses, mais en tant que scientifique, il a l'obligation de les mentionner au moins lorsqu'il écrit des articles promouvant un changement radical de la théorie de l'évolution. Il a la responsabilité de déclarer sa partialité.

Mais je fais une supposition qui n'est peut-être pas justifiée. Peut-être ne sait-il pas que ses opinions ont déjà été débattues, discutées et, pour la plupart, rejetées. Dans ce cas, son omission n'est pas due au fait qu'il induit délibérément ses lecteurs en erreur au sujet de la controverse. Il y a une autre raison.

1. L'accent mis sur les changements héréditaires (allèles) fait partie de la définition minimale actuelle de l'évolution. Elle est très différente de la perspective du "gène égoïste" défendue par Richard Dawkins. Ceux qui ne voient pas la différence ne sont tout simplement pas attentifs.

2. Je me demande comment "l'évolution culturelle" fonctionne chez les cyanobactéries et les érables ? Les principaux participants à la réunion de la Royal Society ont un penchant extrême pour l'évolution des organismes multicellulaires complexes - essentiellement des animaux et surtout des mammifères. Cela influence grandement leur point de vue sur l'évolution. Ils ont tendance à utiliser des exemples qui ne s'appliquent qu'à l'espèce qui les intéresse comme des leviers pour faire basculer l'ensemble de la théorie de l'évolution.

King, J. L., et Jukes, T. H. (1969) Non-darwinian evolution. Science, 164:788-798. PDF (en anglais)

Auteur: Moran Laurence A.

Info: A propos de la nouvelle vision de l'évolution de Kevin Laland, 4 décembre 2016

[ tâtonnements ] [ biogénétique ] [ auto-domestication ]

 

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laxisme

Les conservateurs ne veulent pas abandonner la guerre contre la drogue. Ils sont convaincus que des seigneurs de la drogue mènent une guerre contre d'innocentes victimes, qui commence avec les adolescents, et ils ne s'intéressent pas aux arguments pour la dépénalisation.

Les conservateurs veulent que l'État dépense des centaines de millions de dollars pour créer des prisons afin d'y mettre les revendeurs de drogue reconnus coupables - après les faits. À gauche, on veut que l'État dépense un montant au moins égal pour traiter et réhabiliter - après les faits.

Moi, je cherche à fermer le marché des drogues illégales. Je dis qu'il faut être deux pour danser le tango - vendeurs et acheteurs - et je veux fermer la piste de danse.

Nous savons où elle se trouve. Il y en a une dans votre ville. Il y en a probablement plus d'une. Ells sont les sombres lieux de l'âme. Les usagers viennent, cherchant désespérément un nouveau trip ou peut-être uniquement un moyen pour arrêter de trembler. Les vendeurs viennent, avides d'un revenu issu de la vente de leurs articles destructeurs, malgré la misère qu'ils sèment.

Et puis il y a les innocents - des enfants qui ont de l'argent dans leurs poches et du temps à perdre. Ils viennent en bande, cherchant de nouvelles sensations dans un milieu ennuyeux, dénué de sens.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un grand coup de balai. Nous devons envoyer la police locale, les agents de la DEA [Agence de lutte contre la drogue] et les medias dans ces bouges et les fermer une fois pour toute.

Je veux parler des écoles publiques.

Chaque jour, votre gouvernement local envoie des douzaines ou des centaines de bus jaunes pour recruter la nouvelle génération de drogués. Ces individus psychologiquement faibles, soigneusement choisis comme victimes, sont amenés au grand magasin central du cartel de la drogue, où les vendeurs peuvent faire leur offre initiale et compétitive - "Le premier est gratuit !" - et leur incantation subversive, "Essayer : vous aimerez !". Seul le directeur adjoint se trouve entre les usagers et la source de leur dépendance.

Les vendeurs vont où se trouve l'argent, et où les gens qui en ont sont rassemblés pendant sept heures par jour en un lieu pratique et sans loyer.

Les usagers et les usagers potentiels sont conduits vers des pièces où ils doivent rester assis des heures sur des sièges durs, en bois, et sont obligés d'écouter le cours d'un endoctrinateur dont le travail, pour respecter la loi fédérale, est de persuader les enfants que la vie peut avoir un sens et être pleine d'espoir sans : (1) l'idée que Dieu ait une place dans la classe, dans l'isoloir ou dans le jardin public ; (2) l'idée qu'il y aura un jugement final (sauf pour Adolf Hitler) qui ait des conséquences éternelles ; (3) l'idée que l'Humanité est le fruit de Dieu plutôt que celui des forces sans but, aléatoires de la nature impersonnelle ; (4) l'idée que l'Homme a été mis sur Terre par Dieu pour y exercer sa domination sur la création, plutôt que pour être une simple espèce de primate avec l'avantage compétitif unique d'avoir des pouces en opposition ; (5) l'idée que les individus soient responsables légalement et moralement de leurs actes, y compris de l'obligation d'épargner pour leurs années de retraite et de payer pour leurs soins médicaux ; (6) l'idée qu'il y a des réponses finales aux questions morales décisives (sauf en ce qui concerne Hitler) ; (7) l'idée qu'une éducation pertinente et créatrice de toute la vie peut être donnée dans une institution qui n'emploie pas de professeurs à plein temps. (Techniquement, le point 7 n'est pas rendu obligatoire par la loi fédérale ; il y a plutôt une obligation due au aux électeurs locaux, qui feront pression sur le conseil de direction de l'école, pour virer le directeur si l'équipe de football a de nouveau un résultat de 2 victoires et 9 défaites cette saison).

Les éducateurs savent que la vie ne peut pas être vécue uniquement en termes négatifs. Il y a aussi des questions positives qui sont traitées dans les classes des écoles publiques, parmi elles : (1) le droit à un avortement gratuit, avec le conseil de professionnels agréés par l'école et sans consultation des parents ; (2) le droit pour tout mode de vie sexuelle de voir sa position - intellectuelle, bien sûr - présentée en classe comme un choix légitime parmi beaucoup d'autres ; (3) le droit pour tout groupe minoritaire (sauf les Nazis) à avoir au moins un paragraphe positif dans le manuel d'études sociales ; (4) le droit pour chaque élève à avoir un certain sens d'estime de soi, sauf dans les équipes sportives ; et (5) le droit pour les étudiants d'informer tout professeur des idées de leurs parents sur les sujets ayant une importance sociale ou psychologique pour le quartier de l'école.

Là, entre les cours, les élèves se rencontrent pour discuter des implications sur leurs vies de tout cela. "Le premier est gratuit. Essayez : vous aimerez."

Quelle est la dernière fois que vous avez vu, sur la chaîne de télévision locale, un reportage sur une prise de drogue dans une école privée ?

Quelle est la dernière fois où vous avez lu dans les journaux un article sur un élève victime d'une overdose d'héroïne dans une école privée ?

En allant un peu plus loin, quelle est la dernière fois que la police a été envoyée pour arrêter une bagarre dans une école privée ? (J'imagine le reportage. "La bataille a commencé quand un groupe de Catholiques ont apparamment commencé à chanter, 'infused grace, infused grace' durant la période obligatoire des prières matinales [je renonce à traduire ou à trouver des équivalents français en raison de mes faibles connaissances des subtilités religieuses associées au texte anglais. Si quelqu'un peut m'aider. NdT]. On dit que les Baptistes se sont vengés au cri de 'imputed grace, imputed grace'. "Je parlais de plus en plus fort," raconte Mr. Brubaker, qui enseigne le calcul et est également le directeur de l'école. "Nous avons finalement dû appeler la police quand les Méthodistes ont commencé à crier 'prevenient grace'. C'était tout simplement terrible. Mais je peux rassurer le public : nous allons prendre des mesures pour régler ces problèmes.")

Conclusion

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une guerre totale contre la drogue qui prenne pour cible le principal centre de recrutement des revendeurs de drogue, les points de vente de choix du cartel de la drogue colombien : les écoles publiques américaines subventionnées par les impôts.

Si j'entendais un jour des membres du Congrès réclamer ce type de guerre bipartisane contre la drogue, je les prendrais bien plus au sérieux. J'aurais une bonne impression si j'en entendais un se dresser devant la chambre du Congrès et dire la chose suivante. "Comme mesure de lutte contre la drogue, je propose aujourd'hui une loi pour arrêter tout financement fédéral de l'éducation." Alors, son collègue de l'autre bord se lèverais et dirais : "je suis prêt à soutenir cette proposition si le gentleman distingué du Texas se déclare prêt à soutenir ma proposition de supprimer toutes les institutions d'éducation de la juridiction du National Labor Relations Board."

Quand la demande de drogues illégales est en fin de compte analysée en termes de catégories qui demandent un traitement - et cherchent des calmants qui sont un soulagement chimique de la douleur - alors nous commencerons à venir à bout du problème continuel américain de la drogue. La guerre contre les drogues devrait commencer par un programme systématique d'élimination des sources initiales de la souffrance des usagers, ces institutions subventionnées qui sont également les principaux supermarchés de la vente des drogues. Jusqu'à ce qu'il en soit ainsi, je ne pense pas que la guerre contre la drogue ait une grande chance de réduire le niveau de stupéfiants.

Jusque là, à chaque fois que vous verrez un bus jaune de l'école publique sur l'autoroute, dites-vous "Transport gratuit vers le centre de cocaïne". À l'arrière de chaque bus scolaire de l'Amérique, on devrait voir clairement ces mots : "recommandé par Medellin".

Auteur: North Gary

Info: Comment gagner la guerre contre la drogue. 15 janvier 2001, traduit par Hervé de Quengo.

[ sécularisation ] [ banalisation ]

 

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père-fille

Notre pauvre enfant, Annie, née à Gower St le 2 mars 1841 est décédée à Malvern le 23 avril 1851 à midi. J'écris ces quelques pages, car je pense que dans les années à venir, si nous vivons, les impressions que je viens d'écrire me rappelleront plus vivement ses principales caractéristiques. De quelque point de vue que je la regarde, le trait principal de son caractère qui s'impose immédiatement à moi est sa joie de vivre tempérée par deux autres caractéristiques, à savoir sa sensibilité, qui aurait pu facilement passer inaperçue aux yeux d'un étranger, et sa grande affection. Sa joie et son esprit animal rayonnaient sur tout son visage et rendaient chacun de ses mouvements élastiques, pleins de vie et de vigueur. C'était un plaisir et une joie de la voir. Son cher visage se dresse maintenant devant moi, comme elle avait l'habitude de descendre les escaliers en courant avec une pincée de tabac à priser volée pour moi, son attitude entière rayonnant du plaisir de donner du plaisir. Même lorsqu'elle jouait avec ses cousins et que sa joie se transformait presque en turbulence, un seul regard de ma part, non pas de mécontentement (car je remercie Dieu de n'en avoir presque jamais jeté sur elle), mais de manque de sympathie, modifiait pendant quelques minutes toute sa physionomie. Cette sensibilité au moindre reproche la rendait très facile à gérer et très bonne : elle n'avait presque jamais besoin d'être prise en défaut et n'était jamais punie de quelque manière que ce soit. Sa sensibilité e manifesta très tôt dans la vie, en pleurant amèrement sur toute histoire un tant soit peu mélancolique, ou en se séparant d'Emma, même pour un court laps de temps. Une fois, alors qu'elle était très jeune, elle s'est exclamée "Oh Mamma, que ferions-nous si tu venais à mourir".

L'autre point de son caractère, qui rendait sa joie de vivre et son esprit si délicieux, était sa forte affection, qui était d'une nature très attachante et caressante. Lorsqu'elle était encore un bébé, cela se manifestait par le fait qu'elle ne pouvait jamais se passer de toucher Emma lorsqu'elle était au lit avec elle, et dernièrement, lorsqu'elle était mal en point, elle caressait pendant un certain temps l'un des bras d'Emma. Lorsqu'elle était très malade, le fait qu'Emma s'allonge à côté d'elle semblait l'apaiser d'une manière tout à fait différente de ce qu'elle aurait fait pour n'importe lequel de nos autres enfants. De même, elle passait presque toujours une demi-heure à arranger mes cheveux, à les "rendre", comme elle disait, "beaux", ou à lisser, le pauvre chéri, mon col ou mes manchettes, bref à me caresser. Elle aimait être embrassée ; en fait, chaque expression de son visage rayonnait d'affection et de bonté, et toutes ses habitudes étaient influencées par sa disposition affectueuse.

Outre sa gaieté ainsi tempérée, elle était dans ses manières remarquablement cordiale, franche, ouverte, d'un naturel direct et sans aucune nuance de réserve. Tout son esprit était pur et transparent. On avait l'impression de la connaître parfaitement et de pouvoir lui faire confiance : J'ai toujours pensé que, quoi qu'il arrive, nous aurions eu dans notre vieillesse au moins une âme aimante, que rien n'aurait pu changer. Elle était généreuse, belle et sans méfiance dans toute sa conduite ; elle était exempte d'envie et de jalousie ; elle avait bon caractère et n'était jamais passionnée. Elle était donc très populaire dans toute la maison, les étrangers l'aimaient et l'appréciaient rapidement. La manière même dont elle serrait la main de ses connaissances témoignait de sa cordialité.

Sa silhouette et son apparence étaient clairement influencées par son caractère : ses yeux brillaient, elle souriait souvent, son pas était élastique et ferme, elle se tenait droite et rejetait souvent la tête un peu en arrière, comme si elle défiait le monde dans sa joie de vivre. Pour son âge, elle était très grande, pas mince et forte. Ses cheveux étaient d'un beau brun et longs ; son teint légèrement brun ; ses yeux, gris foncé ; ses dents grandes et blanches. Le Daguerrotype lui ressemble beaucoup, mais l'expression lui fait entièrement défaut : ayant été fait deux ans plus tard, son visage s'était allongé et était devenu plus beau. Tous ses mouvements étaient vigoureux, actifs et généralement gracieux : llorsque nous faisions le tour du chemin de sable ensemble, bien que je marche vite, elle avait souvent l'habitude de me précéder en pirouettant de la manière la plus élégante, son cher visage brillant tout le temps, avec les sourires les plus doux.

De temps en temps, elle avait une attitude coquette envers moi, dont le souvenir est charmant : elle utilisait souvent un langage exagéré, et lorsque je la questionnais en exagérant ce qu'elle avait dit, je revois clairement le petit mouvement de tête et l'exclamation "Oh Papa, quelle honte". - Elle avait un intérêt vraiment féminin pour l'habillement et était toujours soignée : une satisfaction non dissimulée, échappant en quelque sorte à toute teinte de vanité, rayonnait sur son visage lorsqu'elle avait mis la main sur un ruban ou un mouchoir gai de sa mère. Un jour, elle s'est habillée d'une robe de soie, d'un bonnet, d'un châle et de gants d'Emma, ressemblant à une petite vieille femme, mais avec sa couleur exacerbée, ses yeux pétillants et ses sourires bridés, elle était, je m'en rappelle, tout à fait charmante.

Elle admirait cordialement les plus jeunes enfants ; combien de fois l'ai-je entendue déclarer avec emphase. "Quel petit canard cette Betty, n'est-ce pas ?

Elle était très adroite, faisant tout proprement avec ses mains : elle apprenait facilement la musique, et j'en suis sûr, en observant son visage quand elle écoutait les autres jouer, qu'elle avait un goût prononcé pour la musique. Elle avait un certain goût pour le dessin, et pouvait copier les visages très joliment. Elle dansait bien et aimait beaucoup cela. Elle aimait la lecture, mais ne manifestait aucun goût particulier. Elle avait une habitude singulière qui, je présume, aurait fini par se transformer en une activité quelconque, à savoir un grand plaisir à chercher des mots ou des noms dans les dictionnaires, les annuaires, les gazetiers et, dans ce dernier cas, à trouver les lieux sur la carte : de même, elle prenait un intérêt étrange à comparer mot à mot deux éditions du même livre ; et encore, elle passait des heures à comparer les couleurs de n'importe quel objet avec un de mes livres, dans lequel toutes les couleurs sont classées et nommées.

Sa santé s'est légèrement détériorée pendant environ neuf mois avant sa dernière maladie ; mais elle ne lui a donné qu'occasionnellement un de l'inconfort : dans ces moments-là, elle n'a jamais été le moins du monde fâchée, irritable ou impatiente ; c'était merveilleux de voir, à mesure que l'inconfort passait, avec quelle rapidité ses esprits élastiques lui rendaient sa gaieté et son bonheur. Pendant la dernière courte maladie, sa conduite fut tout simplement angélique ; elle ne s'est jamais plainte, ne s'est jamais énervée, a toujours eu de la considération pour les autres et a été reconnaissante de la manière la plus douce et la plus pathétique pour tout ce qui a été fait pour elle. Lorsqu'elle était si épuisée qu'elle pouvait à peine parler, elle louait tout ce qu'on lui donnait, et disait qu'un thé "était merveilleusement bon". Lorsque je lui ai donné de l'eau, elle m'a dit : "Je vous remercie beaucoup" ; et je crois que ce sont là les derniers mots précieux que ses chères lèvres m'ont jamais adressés.

Mais en regardant en arrière, c'est toujours l'esprit de joie qui se dresse devant moi comme son emblème et sa caractéristique : elle semblait formée pour vivre une vie de bonheur : ses esprits étaient toujours retenus par une sensibilité, une peur de déplaire à ceux qu'elle aimait, et son tendre amour ne cessait jamais de se manifester par des caresses et tous les autres petits actes d'affection.

Nous avons perdu la joie du ménage et le réconfort de notre vieillesse : elle devait savoir à quel point nous l'aimions ; oh, si elle pouvait maintenant savoir à quel point nous aimons encore et aimerons toujours son cher visage joyeux, profondément et tendrement. Bénédictions pour elle.

Le 30 avril 1851

Auteur: Darwin Charles

Info: Il a écrit ce mémorial pour sa fille une semaine après sa mort

[ deuil ] [ eulogie ]

 

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femmes-hommes

L'esprit pourrait affecter les machines selon les sexes
Pendant 26 ans, des conversations étranges ont eu lieu dans un laboratoire du sous-sol de l'université de Princeton. On utilise des ordinateurs au rendement aléatoire et les expériences font se concentrer des participants sur le contrôle d'une ou de plusieurs machines. Après plusieurs million d'épreuves on peut détecter de petits signes "statistiquement significatifs" comme quoi les esprits semblent pouvoir agir sur les machines. Cependant les chercheurs font attention à ne pas annoncer que les esprits ont cet effet ou qu'ils connaissent la nature de cette communication.
Les services secrets, la défense et les agences de l'espace ont également montré de l'intérêt pour cette recherche. Le premier support que les chercheurs ont employé était un bruit aléatoire à haute fréquence. Les chercheurs ont branché des circuits au dispositif pour traduire ce bruit en code binaire. Chaque participant, après un protocole pré-enregistré, devait développer une intention dans son esprit pour faire que le générateur ait plus ou moins de zéros. Les effets furent faibles mais mesurables. Depuis les mêmes résultats se sont reproduits avec d'autres expériences, telles qu'en impliquant un pendule relié à un mécanisme commandé par ordinateur. Quand la machine libère le pendule pour qu'il se balance, les participants se concentrent sur modifier le taux avec lequel le pendule ralentit. D'autres expériences impliquent une machine à tambour que les participants essayent de commander et une machine de cascade mécanique dans laquelle un dispositif laisse tomber des milliers de petites boules noires de polystyrène, le but est que ces boules tombent dans une rangée de fentes. Les participants essayent alors de les diriger pour les faire tomber d'un côté de ou de l'autre. Au final les participants ont pu "diriger " un bit sur 10.000 issus des données mesurées dans tous les essais. Ce qui pourrait sembler petit, mais le doyen Radin, scientifique à l'institut des sciences de Noetic et ancien chercheur aux laboratoires Bell et de AT&T, dit que c'était prévisible. Radin compare l'état actuel de cette recherche avec celui où les scientifiques commencèrent à étudier l'électricité statique et ne surent pas, au début, que les niveaux d'humidité pouvaient affecter la quantité de l'électricité statique produite.
Les chercheurs ne comprennent pas grand-chose sur ce phénomène, mais ils savent que les résultats ne sont pas affectés par la distance ou le temps. Les participants, par exemple, peuvent avoir le même impact sur une machine de l'extérieur de la salle ou d'ailleurs dans le pays. Ils peuvent également avoir le même effet s'ils ont une intention avant qu'elle soit allumée ou même s'ils lisent un livre ou écoutent la musique tandis alors que la machine fonctionne. Les conditions environnementales - telles que la température ambiante - n'importent pas, mais l'humeur et l'attitude des gens qui contrôlent l'appareil oui. Cela aide, si par exemple le participant croit qu'il peut affecter la machine. Jahn dit que la résonance avec la machine est un autre facteur important. Il la compare à ce qui se produit quand un grand musicien semble faire un avec son violon. Le sexe importe aussi. Les hommes tendent à obtenir des résultats assortis à leurs intentions, bien que le degré de l'effet soit souvent petit. Les femmes tendent à obtenir un plus grand effet, mais pas nécessairement celui qu'elles prévoient. Par exemple, elles voudraient diriger des boules dans la machine aléatoire de cascade pour une chute vers la gauche, mais elles tombent plutôt vers la droite. Les résultats qui sont également plus grands si un mâle et une femelle travaillent ensemble, les couple de même sexe ne produisent aucun résultat significatif. Les couple de sexe opposé qui sont impliqué de manière romantique donnent de bien meilleurs résultats - souvent sept fois plus grands que quand les mêmes individus sont examinés seuls.
Brenda Dunne, psychologue développementaliste et directrice du laboratoire dit que dans ces cas les résultats reflètent souvent le styles des deux modèles de sexes. Les effets sont plus grands, en accord avec ce que seule la femelle tendrait à produire, et plus ciblés, en accord avec ce que seul le mâle produirait.
"C'est presque comme si il y avait deux modèles ou deux variables et qu'elles étaient complémentaires" dit Dunne." le modèle masculin est associé à l'intention, le modèle féminin est plus associé à la résonance."
Que signifie tout ceci ? Personne ne le sait. Radin et Jahn indiquent que ce n'est pas parce qu'il y a une corrélation entre l'intention du participant et les actions de la machine que cela signifie qu'un cause l'autre. " Il y a une inférence (qui les deux sont connexes) mais aucune évidence directe" dit Radin qui indique que le phénomène pourrait être semblable à l'indétermination d'Heisenberg dans lequel deux particules séparées l'une de l'autre semblent être reliées sans qu'on sache comment... sous quelle forme de communication.
"la différence est nous ne parlons pas en envoyant des signaux du cerveau à la machine par un circuit" dit Jahn au sujet de ces essais. "quoi qu'il se passe, se passe par un itinéraire que nous ne connaissons pas. Nous savons seulement quelque chose au sujet des conditions qui la favorisent.." Bien que les effets produits dans ces expériences soient faibles, ils ont toujours été répétés, cependant pas toujours de façon prévisible. Un participant peut avoir un effet un jour et répéter l'expérience le jour suivant sans résultats.
Le laboratoire a beaucoup de détracteurs qui pointent sur des défauts de la méthode et écartent ce travail le traitant de divertissement, comparant ses résultats aux automobilistes qui souhaitent qu'une lumière rouge passe au vert et pensent que le changement de lumière est causé par eux.
Stanley Jeffers, professeur de physique à l'université d'York à Toronto, a tenté des expériences semblables, mais il ne put pas répliquer les résultats. Les chercheurs de deux laboratoires allemands, fonctionnant en coopération avec Pegg, ne purent également pas répliquer ces résultats à l'aide du même équipement utilisé par Pegg.
"Si leurs annonces veulent être prises au sérieux par la science elles doivent être répliquées" dit Jeffers. "Si elles ne peuvent pas être répliquées, cela ne signifie pas qu'elles sont fausses, mais la science y perdra rapidement son intérêt."
Dunne, psychologue développementaliste dit que Pegg a répété ses propres expériences et a obtenu des résultats significatifs. Et ces méta-analyses - une douzaine - faites depuis les années 80 ont donné une base pour les résultats de Pegg dans les expériences faites par d'autres chercheurs. La Méta-analyse utilise de grands stocks de données à travers de beaucoup d'expériences et les combine statistiquement pour voir si les effets répètent la même combinaison. "Nous analysons les déviations statistiques par rapport à la chance au travers de cette batterie d'expériences" dit Jahn... "quand on fait assez de ces expériences, les effets analysés ont un poids statistique. Il n'y a aucun doute sur la validité de ces effets."
Radin, qui n'est pas affilié au Pegg, écarte les critiques qui disent que ce groupe ne pratique pas de science solide. "Ce domaine a reçu bien plus d'examen minutieux et critique que beaucoup d'autres, ordinaires... les personnes qui font ce genre de recherche sont bien conscientes du fait que leur recherche doit être faite au mieux. Le laboratoire de Pegg a pris les meilleurs principes de science rigoureuse et s'est appliqué a des questions extrêmement difficiles et a proposé quelques jolies réponses intéressantes."
Jahn pense que les critiques s'attendent à ce que les phénomènes suivent les règles habituelles de la cause et de l'effet. Au lieu de cela, il pense qu'ils appartiennent à la catégorie de ce que Karl Jung a appelé "des phénomènes acausal," qui incluent des choses comme la synchronicité. "Cela se joue par des règles plus compliquées, plus lunatiques, évasives... ... mais cela joue." dit Jahn
Jeffers est sceptique " cela ne peut se passer de deux manières - dire qu'on est des scientifiques honorables et avoir des affirmations pour un effet particulier dans des conditions contrôlées, et ensuite quand les résultats ne marchent pas, dire que les méthodes scientifiques rigoureuses ne s'appliquent pas." Mais Jahn dit que justement que puisque que les scientifiques ne peuvent pas expliquer ces phénomènes cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas vrais. "si ces choses existent... je pense que notre société a le droit de demander à la science d'y faire attention et de fournir un certain outillage pour avoir affaire avec de manière constructive.

Auteur: Zetter Kim

Info: Juillet 2005, Fortean Times

[ mâles-femelles ] [ vus-scientifiquement ] [ parapsychologie ] [ femmes-hommes ]

 

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géopolitique

L’Allemagne était [au début du 16e siècle] un pays sans unité : voilà l’essentiel. Il y avait, nombreux, forts, actifs, des Allemands, beaucoup d’Allemands parlant des dialectes voisins les uns des autres, ayant dans une large mesure des mœurs, des usages, des façons d’être et de penser communes. Ces Allemands formaient une "nation" au sens médiéval du mot. Ils n’étaient point groupés, tous, solidement, dans un État bien unifié et centralisé, corps harmonieux aux mouvements commandés par un unique cerveau.

Dans une Europe qui, partout, s’organisait autour des rois, l’Allemagne restait sans souverain national. Il n’y avait pas de roi d’Allemagne, comme il y avait, et depuis bien longtemps, un roi de France, un roi d’Angleterre, riches, bien servis, prestigieux, et sachant rallier aux heures de crise toutes les énergies du pays autour de leur personne et de leur dynastie. Il y avait un empereur, qui n’était plus qu’un nom, et un Empire qui n’était plus qu’un cadre. Dans ce cadre démesuré, le nom, le trop grand nom écrasait de son poids un homme faible, un homme pauvre — parfois un pauvre homme — qu’un vote, disputé comme un marché de foire, élevait finalement à la dignité suprême, mais impuissante.

En un temps où se révélait la valeur de l’argent, au temps décrit dans le livre classique d’Ehrenberg, l’empereur en tant que tel était un indigent. De son Empire il ne tirait plus rien de substantiel. La valeur d’une noisette, disait Granvelle — moins que, de leur évêché, certains évêques allemands. Fondus, les immenses domaines impériaux qui avaient fait la force des Saxons et des Franconiens. Concédés, aliénés, usurpés les droits régaliens, les droits de collation, tout ce qui aurait pu nourrir un budget régulier. Et cependant, plus que tout autre souverain de son temps, le prince au titre retentissant mais à qui les diètes, s’ingéniant, refusaient tout subside, aurait eu pour agir besoin d’être riche. Car, titulaire d’une dignité éminente et qui ne se transmettait pas, comme un royaume, par hérédité ; né d’un vote en faveur d’un prince chrétien qui n’était pas plus obligatoirement allemand que le pape n’était forcément italien   — l’empereur, courbé sous le poids d’une couronne lourde d’un trop lourd passé, devait courir partout, et veiller au monde en même temps qu’à l’Allemagne. Si, dans ce pays, son autorité de jour en jour périclitait — c’est que sa grandeur même empêchait d’agir ce souverain d’un autre âge. Elle le tenait enchaîné devant les véritables maîtres des pays germaniques : les princes, les villes.

Les princes avaient sur l’empereur une grande supériorité. Ils étaient les hommes d’un seul dessein. Et d’une seule terre. Ils n’avaient pas de politique mondiale à suivre, eux — pas de politique "chrétienne" à conduire. L’Italie ne les sollicitait pas. Ils ne dédaignaient point, certes, d’y faire de temps à autre un voyage fructueux. Mais ils n’allaient point là-bas, comme les empereurs, poursuivre des chimères vieillies ou d’illusoires mirages. Tandis que les Césars fabriqués à Francfort par les soins diligents de quelques-uns d’entre eux, se ruinaient en de folles et stériles aventures, une seule chose tenait les princes en souci : la fortune de leur maison, la grandeur et la richesse de leur dynastie. Précisément, à la fin du XVe siècle, au début du XVIe siècle, on les voit opérer un peu partout, en Allemagne, un vigoureux effort de concentration politique et territoriale. Plusieurs d’entre eux, profitant de circonstances favorables, de hasards heureux, s’employaient à constituer des états solides, moins morcelés qu’auparavant. Dans le Palatinat, en Wurtemberg, en Bavière, en Hesse, dans le Brandebourg et le Mecklembourg, ailleurs encore, la plupart des maisons qui, à l’époque moderne, joueront dans l’histoire allemande un rôle de premier plan, affirment dès le début du XVIe siècle une vigueur nouvelle et unifient leurs forces pour de prochaines conquêtes.

On va donc vers une Allemagne princière. On y va seulement. N’ayant point à sa tête de chef souverain vraiment digne de ce nom, l’Allemagne paraît tendre à s’organiser sous huit ou dix chefs régionaux, en autant d’états solides, bien administrés, soumis à un vouloir unique. Mais cette organisation, elle n’existe point encore. Au-dessus des princes il y a toujours l’empereur. Ils ne sont souverains que sous sa souveraineté. Et au-dessous d’eux, ou plutôt, à côté d’eux, il y a (pour ne point parler des nobles indisciplinés et pillards), les villes.

Les villes allemandes au seuil du XVIe siècle : une splendeur. Et telle, que les étrangers ne voient qu’elles lorsqu’ils visitent l’Allemagne, comme si l’éclat des cités éblouissait leurs yeux. Vingt capitales, chacune possédant en propre ses institutions, ses industries, ses arts, ses costumes, son esprit. Celles du Sud : l’Augsbourg des Fugger, porte d’entrée et de sortie du trafic italo-germain, préface pittoresque avec ses maisons peintes à fresque, du monde ultramontain. Mieux encore, Nuremberg, la patrie de Durer, de Fischer, d’Hans Sachs, de Martin Behaim, assise au pied de son Burg à mi-chemin entre Main et Danube. Mais celles du Nord aussi : l’industrieuse et réa-iste Hambourg, légère de scrupules et commençant sa magnifique ascension ; Lübeck, reine déjà déclinante de la Hanse ; Stettin, la ville du blé, et, tout au loin, Dantzig, ses vastes édifices, ses grandes églises de brique, enseignes d’une propriété sans défaillance. Sur le front oriental, Francfort-sur-l’Oder, entrepôt du trafic polonais ; Breslau, porte naturelle de la Silésie. Et à l’Ouest, sur le grand fleuve fougueux, la brillante pléiade des villes rhénanes, de Cologne à Bâle ; par-derrière, l’énorme marché francfortois ; et par-derrière encore Leipzig, un carrefour, au vrai cœur de cette Allemagne multiple. 

[…] Implantées au milieu des domaines princiers, elles [les villes] les trouent, les déchiquettent, limitent leur expansion, les empêchent de se constituer fortement. Elles-mêmes, peuvent-elles s’étendre ? Non. Se fédérer ? Non plus. Autour de leurs murailles, le plat pays : des campagnes soumises à un droit dont le droit de la ville est la négation. Là, sous des maîtres avides, des paysans incultes et grossiers, parfois misérables, prêts à se révolter et grondant sous le joug, étrangers en tout cas à la culture urbaine, si particuliers que les artistes peintres et graveurs ne se lassent pas de décrire leurs aspects sauvages, leurs mœurs primitives. Les villes veulent-elles s’entendre, collaborer ? Ce ne peut être que par-dessus de larges étendues, de vastes territoires hétérogènes qui contrastent avec elles, vigoureusement, en tout. Ces civilisations urbaines, si prestigieuses : des civilisations d’oasis. Ces villes : des prisonnières, vouées à l’isolement, et que guettent les princes, et qui se guettent l’une l’autre.

Leurs ressources, leurs richesses, à quoi vont-elles ? Aux arsenaux dont elles s’enorgueillissent, mais qui les ruinent. Aux canonniers, techniciens exigeants, qu’il faut payer très cher. Aux remparts, aux bastions sans cesse à réparer, parfois à modifier de fond en comble... Et encore, ces ressources, elles vont aux ambassades, aux missions diplomatiques lointaines, aux courriers sans cesse sur les hauts chemins et pour quelles randonnées furieuses ! Villes libres, elles payent leur liberté : trop cher. Car malgré tous les sacrifices, elles sont faibles, à la merci du prince qui s’installe sur le fleuve, en amont, en aval, pour barrer le trafic ; à la merci du hobereau qui les détrousse et les nargue, du haut de son nid d’aigle imprenable pour des milices bourgeoises, à la merci de la cité rivale, qui, rompant les accords, se retourne contre la voisine jalousée.

Faiblesse, sous des apparences de prospérité ; surprenante faiblesse politique contrastant avec tant de puissance économique. Ces cités si brillantes et qui offusquent de leur éclat nos villes françaises du temps, comme leurs bourgeois sont loin de ce sens national, de ce sens politique qui, aux époques de crise, groupe autour du roi toutes les bonnes villes de France empressées à maintenir Louis XI contre les hommes du Bien public, ou, contre les princes, Charles VIII ! Parties d’un tout bien ordonné, les cités françaises d’où la culture rayonne sur les campagnes qu’elles "urbanisent" à leur image. Les villes allemandes : des égoïsmes furieux, en lutte sans répit contre d’autres égoïsmes.

D’une telle situation, si fiers de leurs fortunes, de leur sens des affaires, de leurs belles réussites, les Allemands souffraient. Ils souffraient de ne former qu’un pays divisé, fait de pièces et de morceaux, sans chef, sans tête : un amalgame confus de villes autonomes et de dynasties plus ou moins puissants.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 64 à 67

[ historique ] [ teutons ] [ renaissance ]

 

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univers vibratoire

Les hippies avaient raison : Tout est vibrations, mec !

Pourquoi certaines choses sont-elles conscientes et d'autres apparemment pas ? Un oiseau est-il conscient ? Une batte ? Un cafard ? Une bactérie ? Un électron ?

Toutes ces questions sont autant d'aspects du récurrent problème sur l'âme et le corps, qui résiste depuis des milliers d'années à une conclusion généralement satisfaisante.

La problématique du corps et de l'esprit a fait l'objet d'un important changement de nom au cours des deux dernières décennies et est généralement reconnue aujourd'hui comme une "grande difficulté quand à la conscience", après que le philosophe David Chalmers de l'Université de New York ait travaillé sur ce concept dans un article devenu classique en 1995 et avec son ouvrage "The Conscious Mind : In Search of a Fundamental Theory", en 1996.

Posons-nous la question maintenant : Les hippies ont-ils vraiment résolu ce problème ? Mon collègue Jonathan Schooler de l'Université de Californie, Santa Barbara, et moi pensons que oui, avec cette intuition radicale qu'il s'agit bien de vibrations...

Au cours de la dernière décennie, nous avons développé une "théorie de la résonance de la conscience" qui suggère que la résonance, autrement dit les vibrations synchronisées, est au coeur non seulement de la conscience humaine mais aussi de la réalité physique en général.

Et les hippies là-dedans ? Eh bien, nous sommes d'accord que les vibrations, la résonance, représente le mécanisme clé derrière la conscience humaine, ainsi que la conscience animale plus généralement. Et, comme on le verra plus loin, c'est le mécanisme de base de toutes les interactions physiques.

Toutes les choses dans notre univers sont constamment en mouvement, vibrantes. Même les objets qui semblent stationnaires vibrent, oscillent, résonnent à différentes fréquences. La résonance est un type de mouvement, caractérisé par une oscillation entre deux états. Et en fin de compte, toute matière n'est qu'une vibration de divers domaines sous-jacents.

Un phénomène intéressant se produit lorsque différents objets/processus vibrants se rapprochent : ils commencent souvent, après un certain temps, à vibrer ensemble à la même fréquence. Ils se "synchronisent", parfois d'une manière qui peut sembler mystérieuse. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui le phénomène d'auto-organisation spontanée. L'examen de ce phénomène conduit à une compréhension potentiellement profonde de la nature de la conscience et de l'univers en général.

TOUTES LES CHOSES RÉSONNENT À CERTAINES FRÉQUENCES

Stephen Strogatz donne divers exemples tirés de la physique, biologie, chimie et des neurosciences pour illustrer ce qu'il appelle la "synchronisation" dans son livre de 2003 également titré "Sync". Notamment :

- Les lucioles de certaines espèces se mettent à clignoter leurs petits feux en synchronisation lors de grands rassemblements de lucioles, d'une manière qui est être difficile à expliquer avec les approches traditionnelles.

- Les neurones "s'allument" à grande échelle dans le cerveau humain à des fréquences spécifiques, la conscience des mammifères étant généralement associée à divers types de synchronisation neuronale.

- Les lasers sont produits lorsque des photons de même puissance et de même fréquence sont émis ensemble.

- La rotation de la lune est exactement synchronisée avec son orbite autour de la Terre, de sorte que nous voyons toujours la même face. La résonance est un phénomène véritablement universel et au coeur de ce qui peut parfois sembler être des tendances mystérieuses vers l'auto-organisation.

Pascal Fries, neurophysiologiste allemand de l'Institut Ernst Strüngmann, a exploré dans ses travaux très cités au cours des deux dernières décennies la façon dont divers modèles électriques, en particulier les ondes gamma, thêta et bêta, travaillent ensemble dans le cerveau pour produire divers types de conscience humaine.

Ces noms font référence à la vitesse des oscillations électriques dans les différentes régions du cerveau, mesurée par des électrodes placées à l'extérieur du crâne. Les ondes gamma sont généralement définies comme étant d'environ 30 à 90 cycles par seconde (hertz), les thêta de 4 à 7 Hz et les bêta de 12,5 à 30 hz. Il ne s'agit pas de limites strictes - ce sont des règles empiriques - et elles varient quelque peu d'une espèce à l'autre.

Ainsi, thêta et bêta sont significativement plus lentes que les ondes gamma. Mais les trois travaillent ensemble pour produire, ou au moins faciliter (la relation exacte entre les schémas électriques du cerveau et la conscience est encore bien en débat), les différents types de conscience humaine.

Fries appelle son concept "communication par la cohérence" ou CTC. Pour Fries, c'est une question de synchronisation neuronale. La synchronisation, en termes de taux d'oscillation électrique partagés, permet une communication fluide entre les neurones et les groupes de neurones. Sans cohérence (synchronisation), les entrées arrivent à des phases aléatoires du cycle d'excitabilité des neurones et sont inefficaces, ou du moins beaucoup moins efficaces, pour communiquer.

Notre théorie de la résonance de la conscience s'appuie sur le travail de Fries et de beaucoup d'autres, dans une approche plus large qui peut aider à expliquer non seulement la conscience humaine et mammifère, mais aussi la conscience plus largement. Nous spéculons aussi métaphysiquement sur la nature de la conscience comme phénomène général pour toute matière.

EST-CE QUE TOUT EST AU MOINS UN PEU CONSCIENT ?

D'après le comportement observé des entités qui nous entourent, des électrons aux atomes en passant par les molécules, les bactéries, les paramécies, les souris, les chauves-souris, les rats, etc. Cela peut paraître étrange à première vue, mais le "panpsychisme" - l'idée que toute matière a une certaine conscience associée - est une position de plus en plus acceptée par rapport à la nature de la conscience.

Le panpsychiste soutient que la conscience (subjectivité) n'a pas émergé ; au contraire, elle est toujours associée à la matière, et vice versa (les deux faces d'une même médaille), mais l'esprit associé à la plupart de la matière dans notre univers est généralement très simple. Un électron ou un atome, par exemple, ne jouissent que d'une infime quantité de conscience. Mais comme la matière "se complexifie", l'esprit se complexifie, et vice versa.

Les organismes biologiques ont accéléré l'échange d'information par diverses voies biophysiques, y compris les voies électriques et électrochimiques. Ces flux d'information plus rapides permet d'atteindre des niveaux de conscience à l'échelle macroscopique plus élevés que ceux qui se produiraient dans des structures d'échelle similaire comme des blocs rocheux ou un tas de sable, simplement parce qu'il y a une connectivité beaucoup plus grande et donc plus "en action" dans les structures biologiques que dans un bloc ou un tas de sable. Roches et les tas de sable n'ont que des voies thermiques avec une bande passante très limitée.

Les blocs rocheux et les tas de sable sont de "simples agrégats" ou collections d'entités conscientes plus rudimentaires (probablement au niveau atomique ou moléculaire seulement), plutôt que des combinaisons d'entités micro-conscientes qui se combinent en une entité macro-consciente de niveau supérieur, ce qui est la marque de la vie biologique.

Par conséquent, le type de communication entre les structures résonnantes est essentiel pour que la conscience s'étende au-delà du type rudimentaire de conscience que nous nous attendons à trouver dans des structures physiques plus fondamentales.

La thèse centrale de notre approche est la suivante : les liens particuliers qui permettent à la macro-conscience de se produire résultent d'une résonance partagée entre de nombreux composants micro-conscients. La vitesse des ondes de résonance présentes est le facteur limitant qui détermine la taille de chaque entité consciente.

Au fur et à mesure qu'une résonance partagée s'étend à de plus en plus de constituants, l'entité consciente particulière devient plus grande et plus complexe. Ainsi, la résonance partagée dans un cerveau humain qui atteint la synchronisation gamma, par exemple, comprend un nombre beaucoup plus important de neurones et de connexions neuronales que ce n'est le cas pour les rythmes bêta ou thêta.

Des structures résonnantes qui résonnent de haut en bas.

Notre théorie de la résonance de la conscience tente de fournir un cadre unifié qui inclut la neuroscience et l'étude de la conscience humaine, mais aussi des questions plus fondamentales de neurobiologie et de biophysique. Elle va au cœur des différences qui comptent quand il s'agit de la conscience et de l'évolution des systèmes physiques.

C'est une question de vibrations, mais c'est aussi une question de type de vibrations et, surtout, de vibrations partagées.

Mets tout ça dans ta pipe. Et fume, mon pote.

Auteur: Tam Hunt

Info: https://blogs.scientificamerican.com, 5 décembre 2018

[ chair-esprit ] [ spéculation ]

 
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anthropomorphisme

Les plantes sont-elles frigides?

La plante évoque l'inertie. On dit "végéter" pour "stagner". Mais il y a quelques siècles encore, "végéter" signifiait le contraire. En latin, ce mot désigne la surabondance d'énergie qui pousse une plante à jaillir. Plus on la coupe, plus elle reverdit : la plante, c'est l'énergie sexuelle incarnée. Sur le plan étymologique en tout cas. Les termes latins dont le mot "végétal" dérive désignent à l'origine "force et croissance". Le mot silva (forêt) est attesté dès Cicéron dans le sens de "grande quantité" et d'"abondance de matière". Le mode d'être de la plante est celui d'une prolifération virtuellement infinie, en constante expansion. Quel plus beau modèle prendre pour l'humain que celui du lierre ou du lichen? A la différence des végétaux dont la vie se confond avec la croissance, la plupart des bêtes, une fois adultes atteignent leurs dimensions définitives, explique Dominique Brancher, ce qui explique peut-être pourquoi les plantes font si peur. Elles ne connaissent pas de limites. Elles ne respectent pas l'ordre. Est-ce la cause du stigmate qui les frappe en Occident ? Les plantes sont-elles victimes de spécisme, de sexisme ou de racisme?

Chercheuse à l'Université de Bâle, Dominique Brancher est l'auteure d'un livre qui entend rendre justice au règne végétal : on en a fait un règne dormant, voué à l'immobilité, à l'absence de pensée, de sentiments, de sensations... Quel dommage d'avoir ainsi perverti ce qui - à l'origine de notre culture - était considéré comme une forme de débordement vital. Trop vital. "Eclipsé par l'attention exclusive donnée au vaste débat sur la distinction entre l'animal et l'homme, [...] le végétal s'est vu relégué au rang de tiers-exclu", dit-elle, regrettant que le mot végéter soit devenu synonyme d'inertie. Mais pourquoi un tel revirement? Pour quelle raison notre culture a-t-elle ainsi châtré la plante? Dans un livre au titre explicite Quand l'esprit vient aux plantes (allusion ironique au poème de La Fontaine "Comment l'esprit vient aux filles"), Dominique Brancher retrace l'histoire de ce qu'elle désigne comme l'invention d'un sexisme anti-flore. Nous avons discriminé les végétaux comme l'ont été les femmes : en leur déniant tout désir. Comme l'ont été les "sauvages" : en leur déniant toute intelligence. Comme le sont encore les animaux : en les parquant dans des réserves. C'est pourquoi il faut lire son enquête sur la sexualité des plantes comme un révélateur de nos choix de vie.

Quand les plantes étaient humaines...

Aux origines présocratiques de notre culture, les cosmogonies imaginées par Thalès (né en 640 av. J.-C.), Héraclite (504 av. J.-C.) ou Empédocle (492 av. J.-C.) reposent sur un principe d'équation : nous sommes faits de la même matière que tout ce qui existe, fleur ou astres. Cette règle d'analogie poétique "dit la trame vitale qui tisse les êtres et confond leurs attributs et leurs formes. Les arbres "pondent" leurs fruits et les êtres humains se développent comme des plantes." Pour Empédocle, qui rédige sa théorie en vers fabuleux face au paysage volcanique de sa Sicile natale, il n'y a ni naissance ni mort. Tout chose se renouvelle sous l'effet d'une ardeur brûlante qui traverse la matière. "Toute chose pense", dit-il. Toute chose aime et hait. "Dans ses transmigrations, l'âme humaine épouse les métamorphoses de la matière car elle a "déjà été autrefois garçon et fille, buisson, oiseau ou poisson cheminant à la surface de l'eau" (Empédocle, VIII).". Dans cet univers foisonnant, les plantes ont du plaisir et souffrent comme les humains qui, eux-mêmes, viennent au monde mouillés par la rosée de leur larmes. Empédocle résume ainsi leur première apparition : "Or donc voici comment des hommes et des femmes trempés de pleurs, Feu, se séparant, fit jaillir les pousses dans la nuit" (Empédocle III, Les Origines).

Avec la "raison" vient l'inégalité

Mais cette vision-là du monde est trop poétique sans doute. Dès le 1er siècle avant J.-C., Nicolas de Damas écrit dans son ouvrage De Plantis : "Il faut rejeter ces idées grossières et nous mettre à dire la vérité". Platon (427 av. J.-C.), deux siècles avant lui, n'accorde aux plantes qu'une âme inférieure et en fait des animaux immobiles. Mais c'est Aristote (384 av. J.-C.) qui "réduit encore plus considérablement la dignité du végétal en lui laissant seulement une sorte d'âme (De Anima, A5, 411)". La classification qu'Aristote met en place devient le modèle dominant d'une pensée occidentale qui place l'homme au sommet de la hiérarchie. Dans ce nouvel ordre moral, "les plantes jouissent seulement d'une âme végétative", désormais privées d'entendement. Avec le christianisme, leur statut ne s'améliore pas, au contraire. "Selon l'agenda cloisonné de la Genèse, Dieu créa les plantes le troisième jour, les animaux le cinquième et l'homme le sixième". Dans l'échelle des êtres, le végétal est en bas. Deux attitudes prévalent à son égard. La première repousse les plantes du côté du péché. Le seconde, guère plus enviable, du côté du paradis. Dans les deux cas, la plante est vue comme une créature frigide.

La plante comme symbole du péché de gourmandise Bien qu'ils lui dénient toute capacité de percevoir et donc de jouir, les théologiens estiment en effet que la plante est gourmande. Ne passe-t-elle pas son temps à sucer la terre? Voilà pourquoi elle est au bas de cette Scala Naturae ("échelle de la nature") que de nombreux ouvrages du XVIe siècle décrivent en termes de menace : attention de ne pas tomber ! Chaque échelon figure un degré de déchéance. Quand l'homme commet le péché de luxure (sensualis), il est ravalé au rang d'animal. Quand il a trop d'appétit (vitalis), le voilà végétal. Quand il sombre dans la tristesse (acédie), il rétrograde en minéral. Le christianisme "est une religion qui déconsidère la vie organique au profit de la pensée rationnelle", rappelle Dominique Brancher. Aux yeux des chrétiens, l'homme ne peut prétendre à son statut supérieur qu'à la condition de ne rien avoir en commun avec la (vile) matière. Les bêtes qui forniquent, les rivières qui ondoient et les plantes qui têtent la glaise sans penser, avec une gloutonnerie "stupide et insensible" (Jean Pic de la Mirandole) sont des choses détestables, qui renvoient à la chute.

La plante comme symbole de l'asexualité

Mais il existe une autre attitude vis à vis des plantes : pour certains chrétiens, elles présentent cet avantage sur les animaux d'être "pures". Cela commence au XIIIe siècle, avec Innocent III : dans un texte intitulé De Contemptu mundi, le pape attribue aux plantes la "candeur de l'âme végétative". La plante n'est pas sexuée, dit-il (ignorant qu'il existe des espèces végétales où les mâles et les femelles sont distincts). "Dégagés des ardeurs charnelles qui abêtissent et abrutissent, les végétaux offrent ainsi la rédemption d'un nouvel Eden. Combien d'auteurs de la Contre-Réforme ne célèbrent-ils pas la pureté de la reproduction végétale?". Dominique Brancher cite par exemple Thomas Browne qui, dans les années 1630, déclare : "Je serais heureux, si nous pouvions procréer comme les arbres sans union et s'il existait un moyen de perpétuer le monde sans passer par le coït vulgaire et trivial. C'est l'acte le plus sot qu'un homme sage puisse commettre dans sa vie". Edifiant. La chercheuse enfonce le clou : "Aux yeux de la mystique flamande, la perfection végétale figure une complétude originelle que la Faute, en modifiant le corps physique des premiers hommes, a définitivement dérobé à l'humanité : "Au lieu d'hommes qu'ils devaient être, ils sont devenus des monstres divisés en deux sexes imparfaits, impuissants à produire leurs semblables seuls, comme se produisent les arbres et les plantes".

Savez-vous planter des choux?

Dans la tradition ouverte par Innocent III, tout un imaginaire puritain se cristallise aux XVIe et XVIe siècles autour des plantes. La botanique devient "une technique de maîtrise des instincts, explique Dominique Brancher. On en trouve les répercussions jusque chez Rousseau, "persuadé qu'à tout âge l'étude de la nature émousse le goût des amusements frivoles, prévient le tumulte des passions". "La campagne a toujours été considérée comme le séjour de l'innocence", renchérit Trembley. L'herborisation devient l'activité favorite des puritains. On associe le curé de campagne à un brave jardinier, expert en sirops pour la gorge. "La méconnaissance concertée de la sexualité des plantes, depuis Aristote jusqu'aux naturalistes de la Renaissance, entretient cette vision angélique." Heureusement, il existe à toute époque des empêcheurs de tourner en rond. Au XVIe siècle, en particulier, des voix dissidentes s'élèvent : non, la plante n'est pas sage. Nous ferions bien d'en prendre de la graine.

Auteur: Giard Agnes

Info: 4 janvier 2016

[ historique ] [ Grèce antique ]

 

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fric

Faut-il réduire la taille des établissements bancaires ? Une stricte séparation entre banque de dépôt et banque d'investissement est-elle nécessaire ? Qu'en est-il des relations entre les pouvoirs publics et les banques ?
La Lettre des Académies, une publication commune de l'Académie royale de Belgique, l'Académie royale de Médecine de Belgique, l'Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique, The Royal Academies for Science and the Arts of Belgium et l'Union Académique internationale, me pose la question mise en titre. Ma réponse sera publiée dans le N° 31.
Une réponse a été offerte indirectement à ces questions d'actualité, le 6 mars 2013, par Eric Holder, l'Attorney General des États-Unis, l'équivalent de notre Ministre de la justice.
Le cadre de sa déclaration était une audition du Comité judiciaire du Sénat américain. Les questions posées visaient à comprendre pourquoi aucun dirigeant d'établissement bancaire n'avait été poursuivi à la suite des événements qui avaient conduit à l'effondrement du système financier international en septembre 2008, le fait étant patent que l'origine de ce séisme se trouve au sein-même du système bancaire américain, et plus particulièrement dans l'émission de titres adossés à des prêts immobiliers résidentiels de qualité médiocre, les fameux prêts "subprime".
Répondant au Sénateur Chuck Grassley (républicain de l'Iowa), qui l'interrogeait sur l'apathie du ministère de la Justice dans la recherche de coupables, Eric Holder déclaraot ceci :
"Je crains que la taille de certains de ces établissements ne soit devenue si grande qu'il est devenu difficile de les poursuivre en justice, parce que des indications nous parviennent qui si nous les poursuivions - si nous procédions à des inculpations - cela aurait un impact négatif sur l'économie nationale, voire même sur l'économie mondiale, et il me semble que ceci est la conséquence du fait que certains de ces établissements sont devenus trop importants [...] Ceci a une influence inhibitoire sur, ou impacte, notre capacité à prendre les mesures qui seraient selon moi les plus adéquates..."
Holder ne dit pas explicitement qu'il existe entre le secteur bancaire et le ministère de la Justice un rapport de force et qu'au sein de celui-ci, le ministère de la Justice est en position défavorable, mais c'est bien ainsi que ses propos furent interprétés par les sénateurs qui l'interrogeaient. C'est également la manière dont sa réponse fut rapportée par la presse unanime.
* * *
Lorsqu'il était devenu manifeste à l'automne 2008 que certaines banques étaient à ce point stratégiques que leur chute, comme celle de Lehman Brothers qui venait d'intervenir, entraînerait celle du secteur financier tout entier, l'expression "Too Big to Fail" se répandit : trop grosse pour faire défaut. Elle s'emploie toujours, en concurrence avec l'expression officielle de "banque systémique", en référence au risque systémique : la mise en péril du système financier dans son ensemble.
En février 2013, dans une tribune libre du Financial Times, Neil Barofsky, qui avait été l'Inspecteur-général du Troubled Asset Relief Programme (TARP), le programme de sauvetage du système financier américain, employa une nouvelle expression calquée sur la première : "Too Big to Jail", trop grosse pour être mise en prison.
S'il était donc apparu en 2008 que certains établissements bancaires étaient à ce point cruciaux que leur faillite se répercuterait sur l'ensemble du système financier, il était devenu évident en 2013, et c'est ce que les propos du ministre de la Justice américain confirmaient, que le rapport de force entre ces mêmes banques et le gouvernement était tel qu'elles disposaient du pouvoir de maintenir le statu quo. Les banques systémiques disposaient désormais du pouvoir de faire obstacle à ce qu'on les empêche de mettre en péril l'ensemble du système financier, et ce pouvoir, elles l'exerçaient.
Trois approches étaient envisageables vis-à-vis des banques systémiques :
1) les démanteler, jusqu'à ce que la taille des unités recomposées soit telle que leur défaut n'entraîne plus d'effet domino ;
2) décourager ou interdire celles de leurs activités qui génèrent du risque systémique, à savoir les paris sur les variations de prix (ce qu'on désigne habituellement du terme trop vague de "spéculation").
3) accroître les réserves par rapport à leur niveau d'avant-crise, en espérant que le calcul soit cette fois fait correctement.
À chaud, à l'automne 2008, les deux premières options uniquement étaient sérieusement prises en considération, la troisième était écartée du fait de sa touchante naïveté. Seule cette dernière pourtant serait adoptée en juillet 2011 avec les normes Bâle III, qui devraient être mises en vigueur entre 2016 et 2019, du moins si les efforts des lobbies qui cherchent aujourd'hui à les bloquer devaient échouer.
Dans une approche en termes de réserves, rien n'est fait - il faut le souligner - pour endiguer le risque systémique : on s'efforce seulement d'évaluer les pertes éventuelles. Bâle III ne distingue pas non plus les risques inévitables, dus aux impondérables d'un avenir incertain, et les risques encourus délibérément par les banques quand elles font des paris sur les variations de prix.
* * *
Dans trois cas récents, les efforts du secteur bancaire pour faire obstacle à ce qu'on l'empêche de mettre à l'avenir l'ensemble du système financier en péril, furent couronnés de succès.
Un tribunal à Washington invalidait le 29 septembre 2012 des mesures prises par la CFTC (Commodity Futures Trading Commission), le régulateur américain du marché des produits dérivés, règles qui auraient plafonné le volume des positions qu'un intervenant peut prendre sur le marché à terme des matières premières, afin qu'il ne puisse à lui seul le déséquilibrer. Le secteur s'était opposé à de telles mesures, noyant la commission sous un flot d'avis défavorables, s'assurant ensuite - grâce au parti républicain - que le budget de l'organe de contrôle prévu ne soit pas voté, assignant enfin la CFTC devant les tribunaux. Cette dernière stratégie s'avérerait payante.
On avait appris quelques jours auparavant, le 24 septembre 2012, que l'IOSCO (International Organisation of Securities Commissions), organisme fédérant les régulateurs nationaux sur le marché des matières premières, et à qui le G20 avait confié le soin de réguler le marché du pétrole, jetait l'éponge. Lors de la réunion qui venait de se tenir, les contreparties : l'Agence Internationale de l'énergie, l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et les compagnies Total et Shell, avaient constitué un front du refus. Les compagnies pétrolières avaient affirmé qu'en cas de réglementation du secteur, elles cesseraient de communiquer à leurs organismes de supervision les données relatives aux prix pratiqués.
Le mois précédent, le 22 août 2012, alors que la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur des marchés boursiers américains, avait mis au point un ensemble de mesures en vue d'empêcher que ne se reproduise un effondrement du marché des capitaux à court terme (money market), tel celui qui l'avait dévasté en septembre 2008, elle n'était pas parvenue à réunir une majorité en son sein, l'un des membres du comité - très lié au secteur - ayant refusé son aval.
Je concluais ainsi ma chronique dans le quotidien Le Monde, où je rapportais ces trois illustrations (°) :
"La finance dispose donc des moyens de neutraliser toute tentative de réduire la nocivité de ses pratiques. Elle s'est immunisée contre les efforts engagés par la communauté pour se protéger contre un nouvel effondrement, efforts motivés bien entendu par le souci de se prémunir contre les conséquences économiques et sociales d'une telle catastrophe. Toute mesure préventive d'un nouveau désastre étant systématiquement désamorcée, celui-ci devient inéluctable".
J'avais donné pour titre à ma chronique elle-même, une citation d'Arnold J. Toynbee : "Les civilisations ne meurent pas assassinées, elles se suicident".
Tous les efforts menés en vue d'une nouvelle régulation de la finance recourent à la même stratégie : le monde financier est consulté par les autorités, se tient ensuite une négociation visant à ce que se dégage un compromis entre les exigences des uns et des autres. La condition essentielle pour qu'une telle stratégie réussisse est que l'industrie financière s'identifie à l'intérêt général, qu'elle reconnaisse et promeuve la nécessité de garantir un cadre qui maintienne la pérennité des institutions financières sans affecter pour autant la bonne santé de l'économie. Cette condition-là n'est hélas pas remplie.
John Maynard Keynes écrivait en 1926 dans un essai consacré à "La fin du laisser-faire" : "Suggérer à la City de Londres une action sociale en vue du bien public est du même ordre d'idée que discuter L'origine des espèces avec un évêque il y a soixante ans". La remarque n'a rien perdu de son actualité, et notre tolérance, à nous citoyens, face à ce scandale, toujours aussi grande, suggérant que nous nous sommes faits une raison devant un rapport de force entre le secteur bancaire et nous qui semble destiné à nous demeurer éternellement défavorable.

Auteur: Jorion Paul

Info: 13 AOÛT 2013

[ société ] [ pouvoir ] [ profit ]

 

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