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mourir
[...] Il entend le claquement sourd de l'arbalète et se dit, en un éclair, qu'il doit s'écarter de la trajectoire du trait ; mais il sait qu'un carreau court plus vite qu'un homme. Et il sent que son âme laisse couler lentement une plainte amère tandis qu'il cherche dans sa mémoire un Dieu à qui confier son repentir. Et il découvre avec surprise qu'il ne se repent de rien, même si à dire vrai il n'est plus très clair qu'il y ait, en ce moment où la nuit tombe, un Dieu pour l'écouter. Alors il sent le coup. Il y en a eu d'autres auparavant, comme en témoignent ses cicatrices ; mais il sait que celui-ci n'en laissera pas. Il ne fait pas mal non plus ; à peine si l'âme semble s'échapper par la bouche. Alors tombe soudain la nuit irrémédiable et, avant de s'enfoncer en elle, il comprend que cette fois elle sera éternelle. Quand Roger d'Arras lance son cri, il n'est déjà plus capable d'entendre sa propre voix. [...]
Auteur:
Pérez-Reverte Arturo
Années: 1951 - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: journaliste
Continent – Pays: Europe - Espagne
Info:
Le tableau du Maître flamand
[
lenteur
]
[
littérature
]
punition
34) A partir d'Abydos, deux ponts furent établis en direction de cette pointe par les équipes chargées de ce service, - l'un par les Phéniciens, avec des câbles de filasse, l'autre par les Égyptiens, avec des câbles de papyrus (il y a sept stades d'Abydos à l'autre rive) : mais, les ponts jetés sur le détroit, une violente tempête s'éleva, qui les rompit et les balaya.
35) A cette nouvelle Xerxès indigné ordonna d'infliger à l'Hellespont* trois cent coups de fouets et de jeter dans ses eaux une paire d'entraves. J'ai entendu dire aussi qu'il avait envoyé d'autres gens encore pour marquer l'Hellespont au fer rouge. En tout cas, il enjoignit à ses gens de dire, en frappant de verges l'Hellespont, ces mots plein de l'orgueil insensé d'un barbare : "Onde amère, notre maître te châtie, parce que tu l'as offensé quand il ne t'a jamais fait de tort. Le roi Xerxès te franchira, que tu le veuilles où non ; et c'est justice que personne ne t'offre de sacrifices, car tu n'est qu'un courant d'eau trouble et saumâtre".
Auteur:
Hérodote
Années: -0486 env -0420 av. J.-C.
Epoque – Courant religieux: Grèce antique
Sexe: H
Profession et précisions: historien
Continent – Pays: Europe - Grèce
Info:
L'Epopée, livre VII, p 194, Classique Folio. *Détroit des Dardanelles
[
mer
]
[
océan
]
[
absurde
]
océanique
Dans cette île, nous n'avons jamais beaucoup aimé la mer, persuadés qu'elle nous a amené tous nos malheurs. Je ne suis donc allée qu'une ou deux fois m'y baigner, cet été là, mais j'ai longtemps imaginé ses grondements durant le jour et les soirs sa plainte hagarde roulant dans l'épaisseur de la nuit. J'aimais marcher le long de la dentelle des algues sur le sable et sentir la mer me lécher les pieds. J'aimais la mer comme la danse, j'aimais le risque physique et le plaisir. J'aimais ses mystères d'écume, de sel et d'eau. Les yeux grands ouverts je rêvais de son désordre fantasque et violent tout au loin. De sa poésie si amère. De son ventre d'eau pleine de toutes sortes d'animaux vivants et morts, de vieilles carcasses à la dérive, de sables mouvants et fins, d'algues de toutes les couleurs, de coraux étranges. L'idée de la vie et de la mort dans ce ventre d'eau du monde devenait un songe bienfaisant qui m'enchantait. Et quand le songe ne trouvait plus où s'arrêter, je le laissais filer au-dessus de l'eau, m'enivrant d'air et de sel.
Auteur:
Lahens Yanick
Années: 1953 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: F
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Iles - Haîti
Info:
Dans la maison du père
[
amniotique
]
dernières paroles
Mes pauvres Parents chéris,
On va m'arracher cette vie que vous m'avez donnée et à laquelle je tenais tant.
C'est infiniment dur pour moi et pour vous ! J'ai eu la chance de savoir avant de mourir que vous étiez courageux. Restez-le. Surtout ma petite maman, que j'embrasse de tout mon pauvre coeur. Mes pauvres chéris. J'ai accepté le combat, vous le savez. Je serai courageux jusqu'au bout. La guerre sera bientôt finie. Vous serez quand même heureux dans la paix, un peu grâce à moi. Je veux retourner à Douchy à côté de Pépère et Mémère. J'aurai voulu encore vivre pour vous aimer beaucoup. Hélas, je ne peux pas. La surprise est amère. J'ai eu les journaux. Nous mourons en pleine victoire *. Exécution ce matin à 11 heures. Je penserai à vous. A Nicole. Hélas, nos beaux projets d'avenir ! Qu'elle ne m'oublie pas non plus, ni mes Parents. Mais surtout la vie continue pour elle. Qu'elle profite de sa jeunesse. Papa, Maman, mes chéris, qui m'avez tant aimé. Adieu. Je vous étreins bien fort tous trois. Courage. Vivez. Je vous embrasse le plus tendrement pour la vie. Adieu Papa, Maman. Adieu Nicole. Vive la France !
Votre Jacques.
Auteur:
Baudry Jacques
Années: 1922 - 1943
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: étudiant fusillé
Continent – Pays: Europe - France
Info:
* Allusion à la capitulation de l'armée allemande à Stalingrad
[
exécution
]
gauche-droite
Considérons le cas du socialiste ardent. Il trouve qu'il y a beaucoup de mal dans notre monde et nous serons tous sans doute d'accord avec lui. Sa conclusion enthousiaste est que "le capitalisme" doit être remplacé par le "socialisme". Mais il est plus sûr de dire que, dans la plupart des cas, pour ce socialiste ce sera très difficile de définir l'un comme l'autre. L'idée la plus haute dans son esprit est qu'actuellement c'est "l'anarchie" ou la "jungle" et que par la suite il y aura ordre, justice et planification. Son adversaire, qui défend non pas le "capitalisme" mais l'économie de marché, expliquera que la théorie et une vaste expérience démontrent que le socialisme est plutôt susceptible d'être une amère déception. Il est fort probable qu'ils passeront leur temps à parler de manière antagonistique parce que le socialiste a à l'esprit des problèmes à résoudre tout à fait différents alors que son adversaire n'a jamais pensé que l'économie de marché devait être la réponse à tous ces problèmes, mais seulement l'une d'elles, en l'occurence le problème particulier de l'ordre économique. Il dira comme Shaw qu'"aucune personne saine d'esprit refuse de porter des lunettes parce qu'elle souffre d'un mal de dents".
Auteur:
Röpke Wilhelm
Années: 1899 - 1966
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: philosophe et économiste
Continent – Pays: Europe - Allemagne
Info:
Freedom and Inflation
[
lucidité
]
culpabilité teutonne
Il y a en effet en Allemagne un nombre non négligeable d'antinazis sincères qui sont plus déçus, plus apatrides et plus vaincus que les sympathisants nazis ne l'ont jamais été. Déçus parce que la libération n'a pas été aussi complète qu'ils se l'étaient imaginé, apatrides parce qu'ils ne veulent se solidariser ni avec le mécontentement allemand – dans la composition duquel ils croient reconnaître un peu trop de nazisme camouflé – ni avec la politique alliée – dont ils contemplent avec consternation l'indulgence envers les anciens nazis – et enfin vaincus parce que, d'un côté, ils se demandent si, en tant qu'Allemands, ils peuvent avoir une part quelconque à la victoire finale des alliés et, de l'autre, ils ne sont pas absolument persuadés qu'en tant qu'antinazis ils n'ont pas une part de responsabilité dans la défaite allemande. Ils se sont condamnés à une passivité totale parce que l'activité impliquait la collaboration avec des individus douteux qu'ils ont appris à haïr pendant douze années d'oppression.
Ces gens-là sont les plus belles ruines de l'Allemagne mais, pour l'instant, elles sont aussi inhabitables que toutes ces maisons démolies entre Hasselbrook et Landwehr qui dégagent une odeur âcre et amère d'incendies éteints dans le crépuscule humide de cet automne.
Auteur:
Dagerman Stig
Années: 1923 - 1954
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: journaliste
Continent – Pays: Europe - Suède
Info:
Automne allemand, p. 40
[
après-guerre
]
[
ww2
]
[
psycho-sociologie
]
végétal
La communication des plantes par voie chimique commence à être un sujet d'étude. En effet, certains éléments laissent penser que les plantes sécrètent des substances grâce auxquelles elles peuvent se transmettre des informations entre elles. Le cas des acacias d'Afrique est un exemple connu de ce phénomène : lorsqu'une antilope commence à brouter le feuillage de l'acacia, celui-ci sécrète aussitôt des tanins (polyphénols ) dans ses feuilles basses, ce qui les rend amères et indigestes. En parallèle, il diffuse un message d'alerte en émettant des molécules volatiles, principalement de l'éthylène, qui sont dispersées par le vent et captées par les arbres voisins. Ceux-ci synthétisent alors à leur tour des tanins protecteurs. Les antilopes se sont adaptées et ne se nourrissent plus que du feuillage inoffensif des arbres situés dans le sens contraire du vent, n'ayant pas reçu les émissions gazeuses de leurs voisins. Lorsqu'il y a quelques décennies les hommes ont voulu construire des parcs pour les antilopes, celles-ci n'ont plus été en mesure de remonter contre le vent et ont du brouter les feuillages toxiques, provoquant leur mort. C'est un bel exemple de l'autodéfense végétale. L'acacia tue quand il est trop la proie des brouteurs, il sécrète alors plus de tanin, ce qui tue les êtres vivant qui l'on consommé... Même les acacias voisins qui n'ont pas été agressés sont avertis par message chimique des autres acacias.
Auteur:
Baluska Frantisek
Années: 19?? - 20??
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: neurobiologiste
Continent – Pays: Europe - Allemagne
Info:
[
animal
]
[
interaction
]
[
défense
]
ignorance
Dans la nature humaine il n’y a pas de loi, il n’y a pas de destinée, il n’y a pas de fatalité. Comment peut-il y avoir une loi dans l’infinité ? La liberté est sa devise. La liberté est sa nature et son héritage. Soyez libre et ayez alors autant de personnalités que vous voudrez. Alors nous jouerons comme l’acteur qui vient sur la scène jouer le rôle d’un mendiant. Comparez-le avec le vrai mendiant qui déambule dans la rue. La scène est peut-être la même dans les deux cas, les mots sont peut-être les mêmes, et pourtant quelle différence ! L’un jouit de la misère tandis que l’autre en souffre amèrement. Qu’est-ce qui fait la différence ? L’un est libre et l’autre ne l’est pas. L’acteur sait que son dénuement n’est pas réel et qu’il ne l’a assumé que pour le spectacle, tandis que le vrai mendiant y voit un état déjà trop familier qu’il doit supporter bon gré mal gré. Telle est la loi. Tant que nous n’avons aucune connaissance de notre nature réelle, nous sommes des mendiants, poussés de-ci de-là par toutes les forces de la nature et rendus esclaves de tout ce qui est dans la nature ; dans le monde entier nous crions au secours, mais le secours n’arrive jamais ; nous nous adressons à des êtres imaginaires et il ne vient pas davantage. Mais nous espérons toujours qu’il viendra, et ainsi une vie se passe à pleurer, à se lamenter, à espérer, et la même pièce se répète encore et toujours.
Auteur:
Vivekânanda Swâmi
Années: 1863 - 1902
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: patriote
Continent – Pays: Asie - Inde
Info:
Dans "Jnâna-Yoga", pages 319-320
[
samsâra
]
[
mâyâ
]
[
identification
]
révolte
La misère et la pauvreté sont si fondamentalement dégradantes, et exercent sur la nature humaine un effet si paralysant, qu'aucune classe de la population n'est jamais vraiment consciente des souffrances qu'elle endure. Il faut que d'autres le lui disent, et souvent elle refuse catégoriquement de les croire. Ce que les gros employeurs de main-d'oeuvre disent des agitateurs est indéniablement vrai. Les agitateurs sont des gens indiscrets se mêlant de ce qui ne les regarde pas, qui fondent sur une partie de la population parfaitement satisfaite de son sort et sèment en son sein les graines du mécontentement. C'est bien pour cela que les agitateurs sont absolument indispensables. Sans eux, au stade inachevé qui est le nôtre, il n'y aurait nul progrès vers la civilisation. Si l'esclavage a été aboli aux Etats-Unis, ce n'est pas à la suite d'actions menées par les esclaves, ni même parce qu'ils auraient exprimé un désir explicite d'être libérés. Il a été aboli uniquement grâce aux pratiques totalement illégales de certains agitateurs de Boston et d'ailleurs, qui eux-mêmes n'étaient ni esclaves, ni propriétaires d'esclaves, et qui en vérité n'avaient rien à voir avec la question. Ce sont indéniablement les abolitionnistes qui ont mis le feu aux poudres, c'est par eux que tout a commencé. Et il est très curieux de noter que les esclaves eux-mêmes leur apportèrent bien peu d'aide, et même bien peu de sympathie ; et lorsqu'à la fin de la guerre les esclaves se retrouvèrent libres, et même si totalement libres qu'ils étaient libres de mourir de faim, nombre d'entre eux regrettèrent amèrement leur nouvelle situation.
Auteur:
Wilde Oscar
Années: 1854 - 1900
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Angleterre
Info:
l'âme de l'homme sous le socialisme, Oeuvres, la Pléiade, nrf Gallimard 1996<p.933>
prière
L'étoile allait sur sa fin,
le couvre-feu aussi avait sonné
les cieux ouverts chantaient.
Que savaient de destruction
les cieux ?
Que savaient-ils
des larmes amères ?
Que sait le Printemps
du muguet en pleurs ?
Et assigné à résidence
dans la caverne des vallées
j'ai proféré des mots,
j'ai dit des injures,
j'ai prononcé des discours
sur la désolation,
des blasphèmes, des blasphèmes
qui parlaient de la Mort femelle.
Et les cieux grands ouverts chantaient :
regarde-le, il est tout efféminé,
il crie ses amours
et quels bruyants
amours !
Oh, amours,
pauvres amours,
dans cette vallée de larmes,
dans la grotte
trop pleine de pleurs !
… Vient ensuite un temps cruel
qui punit la douceur.
Survient un visage sans visage,
survient une voix sans voix,
un timbre sas timbre,
une face sans face
survient la crapule lumineuse
pourvue d'un millier d'ailes.
Et quelle texture
quelle écriture cunéiforme
– mystérieuse, mystérieuse ! –
quels piquants de hérisson
dans un affreux battement d'ailes.
Pouce, je ne lutte pas avec toi
comme Jacob avec l'ange,
ne me fauche pas, ne me moissonne pas
ne m'appelle pas Jacob
je suis un autre.
Les créatures de mon rêve
sont immaculées
mes mains sont lasses
croisées sur ma poitrine.
Le couvre-feu a sonné
et se fait silence silence.
Et puis plus rien que des cristaux
plus rien que du minéral
dans la grotte de la vallée.
Auteur:
Botta Emil
Années: 1911 - 1977
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: acteur
Continent – Pays: Europe - Roumanie
Info:
En regardant le tableau de Delacroix : la lutte de Jacob avec l'ange. traduit du roumain par Pierre Drogi
[
poème
]