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dévotes

C’est à elles, en effet, qu’il faut faire remonter la moisissure qui envahit les églises et les chapelles du pays. Elles sont en effet arrivées à diriger les prêtres et non à être dirigées par eux. Et cela se conçoit : elles seules donnent de l’argent, remplissent les églises et occupent les prêtres. Les hommes assidus aux offices sont rares et par le phénomène que j’expliquais au commencement, ils sont d’une mentalité spéciale, ce sont de vieux enfants de chœur. Ils ont le même état de cervelle, les mêmes goûts que les femmes.
Ils ont poussé de toutes leurs forces aux dévotionnettes, aux saint Antoine de Padoue, aux Expedit, aux prières vocales communes des chapelets. Voyez-les le dimanche à la messe. Il n’en est pas trois qui sachent quelle est la messe du jour, qui la suivent. Ils lisent des prières en français, pendant que le prêtre officie, tout comme les femmes. C’est une chose incroyable que le clergé n’ait pas réagi contre ces pratiques et n’ait pas enseigné à ces gens les premiers éléments de la liturgie. Mais non, il s’est laissé, lui-même, influencer par cette clientèle, il a abondé dans son sens ; de là, ces prônes vraiment creux et puérils, nigauderies, ces ponts-neufs, dans un style assisté, ces sermons fades, aux périodes prévues, ces appels perpétuels au Sacré-Cœur ; cette rage de chanter au lieu des hymnes de l’Eglise, de bas cantiques.
Ils se sont efféminés, dévirilisés avec leur clientèle qui a déteint sur eux. A force de ne fréquenter que ces gens-là, les prêtres qui étaient peut-être intelligents à leurs débuts, sont devenus nigauds. Ils ont fait du catholicisme on ne sait quoi, ils ont dénaturé la religion, en la sucrant. Ce n’est plus un sentiment d’âme, une substance nutritive et cordiale, c’est de la confiture de cerise.

Auteur: Huysmans Joris-Karl

Info: Dans "Les rêveries d'un croyant grincheux", pages 26-27

[ décadence ] [ mièvre ] [ édulcorée ] [ bigotes ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

rapports humains

(...) Il y a bien des frontières entre les gens. L'argent, par exemple. Cette frontière-là, entre les lecteurs et les autres, est encore plus fermée que celle de l'argent. Celui qui est sans lecture manque du manque. La muraille entre les riches et les pauvres est visible. Elle peut se déplacer ou s'effondrer par endroits. La muraille entre les lecteurs et les autres est bien plus enfoncée dans la terre, sous les visages. Il y a des riches qui ne touchent aucun livre. Il y a des pauvres qui sont mangés par la passion du livre. Où sont les pauvres, où sont les riches. Où sont les morts où sont les vivants. C'est impossible à dire. Ceux qui ne lisent jamais forment un peuple taciturne. Les objets leur tiennent lieu de mots : les voitures avec sièges en cuir quand il y a de l'argent, les bibelots sur les napperons quand il n'y en a pas. Dans la lecture on quitte sa vie, on l'échange contre l'esprit du songe, la flamme du vent. Une vie sans lecture est une vie que l'on ne quitte jamais, une vie entassée, étouffée de tout ce qu'elle retient comme dans ces histoires du journal, quand on force les portes d'une maison envahie jusqu'aux plafonds par les ordures. Il y a la main blanche de ceux qui ont pour eux l'argent. Il y a la main fine de ceux qui ont pour eux le songe. Et il y a tous ceux qui n'ont pas de mains - privés d'or, privés d'encre. C'est pour ça qu'on écrit. Ce ne peut être que pour ça, et quand c'est pour autre chose c'est sans intérêt : pour aller les uns vers les autres. Pour en finir avec le morcellement du monde, pour en finir avec le système des castes et enfin toucher aux intouchables.

Auteur: Bobin Christian

Info: Une petite robe de fête, préface

[ lecteurs ]

 

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Etats-Unis

À Los Angeles, vous ne serez jamais arrêté pour vagabondage si vous portez un polo fantaisie et des lunettes de soleil. Mais si vous avez le malheur d’avoir un peu de poussière aux chaussures et un tricot épais comme ces tricots qu’on porte dans les coins où il neige l’hiver, alors vous pouvez être sûr qu’ils ne vous rateront pas. Vous ne tarderez pas à vous faire coffrer. Alors un conseil les gars, trouvez-vous un polo, une paire de lunettes noires et des chaussures blanches si possible. Le genre étudiant. De toute manière, vous finirez par vous y mettre vous aussi. Avec le temps, quand vous aurez votre dose de "Times" et d’ "Examiner", vous vous y mettrez aussi à faire l’article sur le Sud ensoleillé. Vous mangerez des hamburgers toute l’année, année après année; vous serez là à croupir dans des chambres ou des appartements cradingues et infestés de bestioles, mais tous les matins vous verrez le beau soleil, le sempiternel ciel bleu, et les rues seront pleines de femmes que vous ne posséderez jamais, et les nuits chaudes semi-tropicales sentiront bon la romance que vous ne connaîtrez jamais, mais ça fait rien les gars, vous serez quand même au paradis, au pays du soleil.
Et les gens qui sont restés à la maison, vous pourrez toujours leur mentir et leur en mettre plein la vue, parce qu’ils ont horreur de la vérité de toute manière, ils ne veulent rien savoir; parce qu’ils veulent y aller aussi, au paradis, tôt ou tard. On ne la leur fait pas, à ceux qui sont restés derrière; faut bien vous mettre ça dans le crâne, les gars, ceux qui sont restés au pays savent comment c’est, la Californie. Après tout, ils lisent les journaux comme tout le monde et les magazines, les étals en sont pleins, à tous les coins de rue de l’Amérique. Ils les ont bien vues les maisons des vedettes de cinéma, en photo. On peut rien leur apprendre sur la Californie.

Auteur: Fante John

Info: Dans "Demande à la poussière

[ mirage ] [ misère ] [ american way of life ] [ west-coast ]

 

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climatosceptiques

Ils savent, ils entendent, mais au fond, ils n'y croient pas. C'est là, je crois, qu'il faut aller chercher l'origine profonde du climato-scepticisme. Ce n'est pas un scepticisme qui porte sur la solidité des connaissances mais un scepticisme sur la position dans l'existence. S'ils doutent ou s'ils dénient, c'est parce qu'ils prennent ceux qui crient à temps et à contre temps qu'il faut changer totalement et radicalement de mode de vie pour des zozos dans plus de crédit que Philippus le Prophète qui effraie Tintin dans l'Etoile Mystérieuse avec son gong et son drap blanc. "Le changement de vie total et radical", mais ils l'ont déjà accompli, justement, en devenant résolument modernes ! Si la modernité n'était pas si profondément religieuse, l'appel à s'ajuster à la Terre serait facilement entendu. Mais comme elle a hérité de l'Apocalypse simplement décalée d'un cran dans le futur, elle ne suscite qu'un haussement d'épaules ou qu'une réponse indignée. "Comment pouvez-vous venir nous prêcher encore une fois l'Apocalypse. Où est-il écrit dans les Livres qu'il y aura une apocalypse après la première ? La modernité est ce qu'on nous a promis, ce que nous avons conquis, parfois par la violence, et vous prétendez nous l'arracher ? Nous dire que nous nous sommes trompés sur le sens de la promesse ? Que la Terre promise de la modernité devrait rester promise ! C'est insensé".

Et en effet, il n'est écrit nulle part que l'Apocalypse puisse être suivie d'une autre. D'où cette certitude indéracinable, ce calme total, cette froideur de marbre, de ceux qui lisent pourtant tous les jours l'annonce de catastrophes diverses. Il semble qu'ils aient droit à cett terre qu'on leur a en effet promise, mais cette terre n'a rien de terrestre, puisque ce qui est nié, justement, c'est qu'elle ait une histoire, une historicité, une rétroaction, des capacités, bref, des puissances d'agir. Tout tremble, mais pas eux, pas le sol sur lequel ils ont les pieds posés. Le cadre où se déroule leur histoire est forcément stable. La fin du monde n'est qu'une idée.

Auteur: Latour Bruno

Info: Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique

[ anthropocène ]

 

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anecdote

Au Brésil, les prisonniers peuvent sortir plus tôt de prison s'ils lisent des livres, rapporte Reuters.
Le Brésil vient en effet de créer une nouvelle sorte de remise de peine. Les détenus des prisons fédérales pourront réduire la longueur de leur peine grâce à la lecture. La décision du gouvernement prévoit quatre jours par livre lu.
Les 473.627 prisonniers du pays pourront ainsi lire jusqu'à 12 oeuvres de littérature, de philosophie ou de science par an, gagnant ainsi jusqu'à 48 jours de détention en moins sur une année.
Le gouvernement brésilien explique que les prisonniers auront quatre semaines pour lire un livre et ensuite rédiger une dissertation sur le sujet. Un panel décidera ensuite si le prisonnier peut obtenir sa remise de peine.
Sur le site du Guardian, Erwin James, un ancien détenu, dresse la liste des livres que devraient consulter les prisonniers brésiliens. L'éditorialiste, qui a passé vingt ans en prison, conseille notamment Crime et Châtiment de Fiodor Dostoïevski.
Erwin James détaille les raisons qui l'ont poussé à inclure ce livre dans sa liste:
"L'auteur pense que le meurtre est permis dans le cas de la poursuite d'un objectif noble. J'ai conclu que [les sujets du livre] étaient des cogitations intellectuelles fallacieuses enroulées dans une prose brillante. Un chef d'oeuvre qui m'a aidé à organiser ma façon de penser non sophistiquée."
L'ancien détenu se souvient aussi de la lecture de The Second Prison de Ronan Bennet qui l'a beaucoup marqué:
"Le livre raconte l'histoire de Kane, un républicain irlandais relâché après avoir purgé sa peine pour sa participation dans un meurtre. (...) Même s'il est sorti de prison, de différentes façons il est toujours un prisonnier ; cela est vrai pour de nombreuses personnes qui trouvent que la vie après la prison est un challenge inattendu."
Pour Erwin James, l'initiative brésilienne est une très bonne idée. Il se souvient de son passage en prison et de l'importance qu'ont revêtu ces ouvrages:
"Les livres que j'ai lus en prison ne m'ont pas donné de réduction de peine mais ils m'ont aidé à devenir celui que j'aurais dû être".

Auteur: Jannic-Cherbonnel Fabien

Info:

[ littérature ] [ pénitencier ]

 

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décalage

Le vieux refrain du père qui tente de partager avec ses mômes les films et les livres qui l’ont marqué quand il avait leur âge. Un truc qui ne marche qu’à moitié. Un soir, je leur ai proposé de voir Le Cercle des poètes disparus. Le film qui a bouleversé mes quinze ans. C’était en 1989. Le mur de Berlin tombait, les Simpson naissaient, Dali et Cassavetes s’éteignaient. Et moi, je devais encore attendre quelques longs mois avant de perdre ma virginité. Dieu que c’était long l’adolescence. Et qu’il fut bon de découvrir Le Cercle des poètes disparus. Je fantasmai longtemps sur ces gamins qui se retrouvaient le soir pour réciter de la poésie, qui tentaient de comprendre l’amour et se promettaient de vivre fort.

Mes enfants avaient les yeux rivés sur l’écran. Personne ne bougeait. Avec eux, j’avais quinze ans. "Cueille dès maintenant les fleurs de la vie.". Je retrouvai intact l’émotion que cette phrase m’avait procurée près de vingt-cinq ans plus tôt. Et quand les élèves se levèrent un à un sur leur banc, déclamant chacun le fameux "Ô Capitaine, mon capitaine", je versai une larme.

- Regarde, y a papa qui pleure, dit ma fille à ses deux frères, qui me regardèrent avec compassion.

- Mais papa, pourquoi tu regardes des films s’ils te font pleurer ? demanda le petit.

- Tu as aimé ce truc quand tu étais ado ? enchaîna l’ainé, incrédule.

- Oui, répondis-je avec aplomb.

- Franchement, je comprends pas qu’on puisse aimer un film sur des mecs qui vont à l’école, lisent des bouquins et montent sur des bancs. Y a pas de bagnole, y a pas de bagarre, y a pas de gros mots. Y a même pas Vin Diesel.

- Ni Dany Boon, conclut le cadet.

Accablé, je décidai de me taire. Après le générique de fin, on a regardé cette pétasse d’Hannah Montana avec ses chansons à la con. Il n’y avait pas de sexe, pas de violence, pas de poésie. Rien. Personne n’a pleuré. Tout le monde était content.

Auteur: Colin Jérôme

Info: Éviter les péages

[ générations ]

 

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lecteur-écrivain

Pour apprendre à lire, il s’agit tout d’abord de faire suffisamment confiance à un auteur pour pouvoir s’immerger dans son texte avec ce qui s’appelle une "bonne résistance", c’est à dire ni trop de résistance (auquel cas rien ne rentre), ni trop peu (car sinon rien ne reste).

Cette étape présuppose toujours une certaine croyance en l’Autre, puisque les mots appartiennent à l’Autre, viennent de l’Autre "supposé savoir", et y retournent.

À ce stade, je fais donc acte de soumission volontaire, ce que les crétins, faute de mots plus appropriés peut-être, considèrent avec un certain mépris comme "être fan"...

Puis vient le moment de la négation, le moment où, au nom de "l’esprit critique" (sans lequel "je" ne saurais exister), je commence à nier l’autorité de mon auteur sur le mode du "pas tout" : oui, c’est vrai, cet auteur je l’aime vraiment beaucoup, mais là il se trompe, ce n’est pas ça, c’est incomplet, je ne suis pas d’accord avec ça, c’est faux par moments, je ne m’identifie pas à lui, j’ai mon jugement propre, je sais trier le bon grain de l’ivraie!

La majorité de ceux qui lisent en restent à ce stade binaire, moi ou lui, qui est l’étape du désaveu de la soumission, la lecture "utilitariste", se servir de cet auteur pour...

Mais pour le lecteur persévérant, le chercheur authentique, l’amoureux du texte, il existe un troisième temps, le temps de la négation de la négation, sans lequel aucune lecture ne porte de fruits réellement savoureux.

Je nie donc la première négation en considérant que l’auteur, dans sa cohérence, cherche la vérité, mais son savoir le dépasse lui-même, et va beaucoup plus loin que sa «personne», j’accepte donc de prendre son texte dans son intégralité, et je destitue l’auteur de son savoir.

Cette étape seule permet la sortie d’une fausse opposition soumission-insoumission, en dissociant l’auteur de son savoir, je ne me soumets plus à l’auteur en tant que personne, mais accepte, assume et revendique ma dépendance au signifiant, la réconciliation n’étant pas sortie imaginaire de l’aliénation, mais réconciliation avec l’aliénation elle-même, l’auteur se parlant in fine à lui-même, essayant de résoudre lui-même sa subordination au signifiant.

Auteur: Dubuis Santini Christian

Info: Facebook, note du 27.11.18

[ tiers exclu ]

 
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parapsychologie

La sensibilité extrême du yoghourt à la fraise.

C’est la nuit, le soir, ou même la journée… Vous avez un petit creux et prenez dans votre frigo un yoghourt à la fraise.

Vous commencez à le remuer pour faire remonter la confiture à la surface. Là, étrangement, une plante voisine manifeste des réactions étranges.*

Que se passe-t-il au moment où les deux bactéries vivantes présentes dans le yoghourt, Streptococcus thermiplhilus et Lactobacillus bulgaricus, perçoivent que le sucre de la confiture se mêlent à leur milieu naturel ?

Certains d’entre vous connaissent déjà ce que sont les neurones miroirs découvertes par Giacomo Rizzolatti dans les années 1960, les mêmes qui vont font saliver devant une publicité de fromage, ou de bière, ou justement de yoghourt onctueux.

Et si, dépourvu, de neurones, les plantes et les bactéries elles-mêmes réagissaient à l’identique ?

Cleve le mangeur de yoghourt, sépare la partie yoghourt dans deux éprouvettes. Quand il nourrit l’une de sucre, l’autre partie s’énerve, jalouse peut-être. Dans une autre expérience, la partie "neutre" sera jalouse d’une autre abreuvée par de la vodka mais ne rentrons pas dans des détails.

Bactéries et plantes peuvent entrer en résonance avec toute interaction humaine dans leur environnement immédiat, pouvant même lire l’intention avant que l’acte ne se fasse.

Dans une autre expérience célèbre du Dr Emoto, des grains de riz évoluent différemment selon si une personne leur délivre des mots d’amour ou de haine. Plus que ça, à partir d’un moment, Emoto observe que la personne n’a plus rien à dire. Sa présence seule influe sur le devenir du grain de riz.

Bien sûr, il est horrible de vous dire que quand vous mangez une salade ou un yoghourt, ceux-ci sont vivants et lisent même dans vos pensées.

On pourrait dire que les végétariens ne vont pas assez loin. Les végétaliens n’ont plus. Les "respiriens" qui ne vivent que d’air non plus, car l’air aspiré, par l’eau qu’il contient, inclut aussi une partie de la mémoire du monde.

Que faire ?

Comme les Indiens. Manger ce qui est nécessaire, en remerciant ce qui est mangé d’avoir contribué à une harmonie du monde.



 

Auteur: Backster Grover Cleveland " Cleve " Jr.

Info: L’intelligence émotionnelle des plantes. 1970. *Elle est reliée à un générateur aussi pour repérer les réactions électriques.

[ végétaux ] [ épigénétique ] [ Gaïa ] [ unicité ] [ sagesse ]

 
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écrire

Je n'ai pas beaucoup de souvenirs heureux de mon enfance. Le calendrier de l'Avent en est un. A l'approche des fêtes, chaque matin, au moment de partir à l'école, j'étais autorisé à ouvrir le sachet du jour garni par ma mère, et a emporter à l'école les friandises interdites le restant de l'année.

C’est elle qui avait confectionné le calendrier en feutre rouge, blanc et vert, et brodé à la main les numéros des jours que j'égrenais jusqu’à Noël. Après sa mort, mon père l'a remisé et je n'ai plus eu droit au décompte magique et gourmand.

Un jour, à l'Intermarché du coin, alors que nous faisions les courses, je suis tombé sur un calendrier de l'Avent Kinder Surprise. J'ai essayé de le glisser discrètement dans le caddie, mais mon père s'en est aperçu. Il l'a repêché et s'en est débarrassé dans un rayonnage.

"Tu ne vas pas te laisser avoir par leurs attrape-couillons" a-t-il dit en me menaçant d'une torgnole si j'insistais.

J'y ai échappé grâce à la présence dans les travées de mamans qui ont tourné la tête dès qu'il a élevé la voix. Mon père savait pertinemment qu'il ne pouvait pas me gifler en public.

Dans ces moments-là, je devais avoir un air triomphant ou vindicatif, car il me fusillait du regard et semblait dire que je ne perdais rien pour attendre.

Je garde un souvenir vivace de l'impatience et la joie qui m'animaient lorsque j'ouvrais le sachet quotidien garni par ma mère.

A présent, je suis dans le même état en comptant les jours qui me séparent du deuxième atelier d'écriture. Ma fièvre est contenue par ce carnet qui, à peine entamé, a agi comme un baume. Mon enfermement m'a tout de suite paru plus supportable. Il trouve presque un sens. Tout au moins une pertinence, une finalité.

Fidèle aux instructions de l'écrivain qui anime notre atelier, je noircis des pages, pour le simple plaisir de noter ce qui me passe par la tête, ou parce que ce matériau peut un jour trouver quelque utilité à la construction d'une œuvre de fiction.

- Nourrissez votre imagination, nous enjoint-il. Ne croyez pas en l'inspiration. Elle est une fainéante passive alors que l'acte de création est volontaire et actif. Construisez votre base de données, votre banque d'expressions, de sensations, dans laquelle vous puiserez le moment venu pour façonner une scène, donner un corps à un personnage …

Nous lisons à voix haute ce que nous avons écrit pendant le mois écoulé. Nous nous écoutons sans faire de commentaires.

L’écrivain dit que pour le moment, nous ne devons pas nous juger mutuellement. Simplement nous écouter.

Puis nous faisons des exercices sous contrainte. C'est ce que je préfère.

La consigne du jour est : "Dehors, dedans, on fait tous les mêmes rêves".

- Ne me servez pas une soupe réchauffée, le vieux cliché du taulard incompris qui rêve de liberté ou de vengeance contre la société qui un jour reconnaîtra ses motivations …

Certains d'entre nous ont hoché la tête, d'autres ont souri. Nous l'avons tous trouvé courageux de s'adresser à nous sur ce ton. Il a beau être en compagnie de la crème du centre de détention, ceux qui lisent ou font du théâtre, s'intéressent à l'écriture et à la culture, il a beau avoir un bipper d'alarme accroché à la ceinture, il se trouve seul dans une pièce de vingt mètres carrés en compagnie de neuf bonhommes condamnés à de longues peines, et pas pour avoir volé des carambars au tabac-presse du coin …Même s'il ignore les raisons pour lesquelles nous sommes derrière les barreaux, et s'il n’a à aucun moment cherché à les connaître - un bon point pour lui.

Auteur: Séverac Benoît

Info: Tuer le fils. Cahier de Mathieu Fabas - Centre de détention de Poissy - Mardi 6 février 2018 - Atelier d'écriture n° 2

[ thérapie ] [ prison ] [ magie de Noël ]

 

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littérature prolétaire

tous ceux-là,

ventres mous des lettres

enseignant l’anglais à l’université

qui écrivent

de la poésie

sans jambes

sans tête

sans nombril



qui savent où postuler pour obtenir des

bourses

encore des bourses et

toujours plus de bourses

auxquels on doit toujours plus

de poésie

sans mains

sans cheveux

sans yeux

tous ceux-là,

ventres mous des lettres

ont trouvé une bonne planque

parvenant même à ce que des femmes

s’attachent à leurs âmes

d’andouilles



ceux-là,

font des voyages tous frais payés

dans les îles

en Europe

à Paris

le monde entier

dans le but

soit-disant

de rassembler

du matériau

(Mexico, ils s’y rendent juste à titre privé)



pendant que les prisons débordent

d’innocents égarés

pendant que les gros bras descendent

à la mine

pendant que les fils de pauvres

se font virer de boulots

ceux-là

ne se saliront ni les mains ni

leurs âmes

ceux-là,

ventres mous des lettres

intègrent des universités

se lisent leurs poèmes

entre eux

infligent leurs poèmes à

leurs étudiants



ceux-là

prétendent que la sagesse et

l’immortalité

contrôlent les rotatives



gras du bide

tandis qu’en prison se forment les rangs pour des moitiés de repas

pendant que 34 armoires à glace sont coincés dans une mine



ceux-là



embarquent sur un bateau pour une île de la mer du sud

afin d’assembler une anthologie

de petits poèmes

entre amis



et/ou



se pointent à des manifestations contre la guerre

sans même savoir

de quelle guerre

il s’agit



ventres mous des lettres

ils dressent une cartographie de notre

culture –

une division de zéro,

une multiplication de

grâce

dépourvue de sens



"Robert Hunkerford enseigne l’anglais à

S.U. Marié. 2 enfants, un chien.

il s’agit de son premier recueil de

vers. Il travaille actuellement à la

traduction des poèmes de

Vallejo. M. Hunkerford a été récompensé

l’année dernière par un prix Sol Stein."



ceux-là,

ventres mous des lettres

enseignant l’anglais à l’université

qui écrivent

de la poésie

sans cou

sans mains

sans couilles



voilà la manière, la méthode

et la raison pour laquelle les gens

ne comprennent pas

les rues

les vers

la guerre

ou

leurs mains sur la

table



notre culture se cache dans les rêves à dentelles de

nos classes d’anglais

dans les robes à dentelles de nos classes

d’anglais



Ce qu'il nous faut c'est

des cours de langue américaine

et des poètes sortis tout droit

des mines

des docks

des usines

des hôpitaux

des prisons

des bars

des bateaux

et des aciéries

des poètes américains,

déserteurs des armées

échappés des asiles de fous

déserteurs de femmes et de vies étouffantes ;

des poètes américains :

marchands de glace, commerciaux en cravate, distributeurs de journaux, manutentionnaires, chauffeurs-livreurs, maquereaux, liftiers, plombiers, dentistes, clowns, promeneurs de chevaux, meurtriers (on a entendu parler des victimes), barbiers, mécaniciens, garçons de café, groom, passeurs de drogue, boxeurs, barmen, des autres, des autres,

des autres



Tant que ceux-là n'arriveront pas

notre pays restera

mort en honteux.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, "ventres mous des lettres"

[ entre-soi ] [ dévitalisation ] [ excès de confort ]

 
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