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onirisme

On découvrit dans les années 70, une tribu primitive des forêts de Malaisie, les Senoïs. Ils organisaient leur vie autour de leurs rêves. Tous les matins au petit déjeuner, autour du feu chacun ne parlait que de ses rêves de la nuit. Si un Senoï pensait avoir nui à quelqu'un, il devait offrir un cadeau à la personne lésée. S'il avait rêvé avoir été frappé par un membre de l'assistance, l'agresseur devait s'excuser et lui donner un présent pour se faire pardonner. Chez eux le monde onirique était plus riche d'enseignement que la vie réelle. Si un enfant disait avoir rencontré un tigre et s'être enfui, on l'obligeait à rêver à nouveau du félin la nuit suivante, à se battre avec lui et à le tuer. Les anciens lui expliquaient comment s'y prendre. Si l'enfant ne réussissait pas à venir à bout du tigre, toute la tribu le réprimandait. Dans le système de valeurs Senoï, si on rêvait de relations sexuelles, il fallait aller jusqu'à l'orgasme et remercier ensuite dans la réalité le conjoint désiré par un cadeau. Face aux adversaire hostiles des cauchemars, il fallait vaincre puis réclamer un cadeau à l'ennemi afin de s'en faire un ami :Ler rêve le plus convoité était celui de l'envol. Toute la communauté félicitait l'auteur d'une telle performance. Pour un enfant annoncer un plein essor était un baptême. On le couvrait de présents puis on lui expliquait comment voler en rêve jusqu'à des pays inconnus et en ramener des offrandes exotiques. Les Sénoïs séduisirent les ethnologues occidentaux. Leur société ignorait les violences et les maladies mentales. C'était une société dans stress et sans ambition de conquête guerrière. Les Senoï disparurent quand la partie de la forêt ou ils vivaient fut livrée au défrichement. Nous pouvons tous commencer à appliquer leur savoir. Tout d'abord, consigner chaque matin le rêve de la nuit, lui donner un titre, en préciser la date. Puis en parler avec son entourage au petit déjeuner par exemple. Aller plus loin encore en appliquant les règles de base de l'onironautique. Décider ainsi avant de s'endormir le choix de son rêve : faire pousser les montagnes, modifier la couleur du ciel, voyager dans tel ou tel endroit... Dans les rêves, chacun est omnipotent. Le premier test d'orinautique consiste à s'envoler. Etendre les bras, planer, piquer en vrille, remonter : tout est possible. Cela demande un apprentissage progressif. Les heures de "vol" apportent de l'assurance et de l'expression. Les enfants n'ont besoin que de cinq semaines pour pouvoir diriger leurs rêves. Chez les adultes plusieurs mois sont parfois nécessaires.

Auteur: Werber Bernard

Info: Encyclopédie du savoir relatif et absolu

[ songe ] [ contrôle ] [ anthropologie ] [ peuples premiers ]

 
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sciences

Dans le milieu musical mondial, l'accordage du La à 440 Hertz est une convention qui fut établie aux environs du milieu du vingtième siècle.
Il y a eu auparavant toutes sortes de hauteurs "fixes", en fonction des endroits, des musiciens, voire même des styles. Je vous passe les détails et anecdotes sur le sujet, il y en a des centaines. Par exemple de nos jours on accorde encore volontiers à 415 Hertz pour la musique baroque.
On pourrait aussi parler de l'"oreille absolue" n'est que c'est une connerie aussi "absolue". Puisque cette fréquence du LA a sans cesse été relative. L'oreille absolue s'obtient par le travail et surtout via une "conscience" des notes. Je m'en expliquerai un jour dans un autre papier.
Mais je voudrai évoquer certaines recherches qui sont faites sur les rapports entre les végétaux et la musique. Pour en arriver à cette rumeur qui court sur le web, assurant que le LA devrait se situer à 432 hertz car il s'agirait de la résonnance naturelle universelle ! Une théorie propagée par des gars comme John Stuart Reid, un ingénieur acousticien qui a poursuivi des recherches sur la chambre du roi de la grande pyramide ! Des gnières comme ça on en trouve des paquets sur le web. Et souvent ils affirment des trucs du genre : si on accorde un La à 432 les autres notes correspondent alors à des chiffres de fréquences ronds, qui concordent eux-mêmes avec un état physique précis, genre :
Le La à 432 Hz correspond à la fréquence de résonance de l'eau et des ondes Alpha, il est donc idéal pour une fonction cérébrale harmonieuse
Le Ré à 288 Hz correspond à la précession de notre planète Terre et au battement idéal du coeur humain au repos (?)
Le Sol à 384 Hz serait la fréquence de résonance de l'oxygène
Etc.
Ce qui fait rire dans ces histoires c'est que toutes les unités de mesures ont été définies par l'homme. Plus ou moins arbitrairement. Ainsi, si on parle de Hertz, on parle de seconde.
Mais la valeur de la seconde n'a pas été unifiée avant 1967, où fut décrétéee cette définition : "La seconde de temps est la durée de 9 192 631 770 périodes d'un rayonnement particulier émis par le césium 133". La mesure d'une telle fréquence étant à l'époque parmi les plus précises possibles.
Un chiffre rond vous dites !
Bref, si on accorde le LA à 445 Hz, on obtient un MI à 666 Hz. Le chiffre de "la bête".
Espérons qu'un musicien de death métal lira ces lignes.

Auteur: Mg

Info: 14 mars 2013

[ musique ] [ illusion ]

 

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jungle primaire

Vous n’avez sans doute jamais entendu parler de la Białowieża Puszcza. Mais pour peu que vous ayez grandi dans la zone tempérée qui couvre une bonne partie de l’Amérique du Nord, du Japon, de la Corée, de la Russie et de plusieurs anciennes républiques soviétiques, ainsi que certaines parties de la Chine, de la Turquie et d’Europe de l’Est et de l’Ouest – îles Britanniques comprises –, alors quelque chose en vous en garde le souvenir. Si vous êtes né dans la toundra ou le désert, les régions subtropicales ou tropicales, la pampa ou la savane, il existe quand même des endroits sur Terre associés à cette Puszcza qui sauront stimuler votre mémoire.

Puszcza est un vieux mot polonais signifiant " forêt vierge ". À cheval entre la Pologne et la Biélorussie, le demi-million d’acres de la forêt de Bialowiesa renferme les derniers fragments européens de forêt à l’état primitif. Souvenez-vous de la forêt mystérieuse et embrumée que vous imaginiez quand on vous lisait un conte de Grimm. Ici, les frênes et les tilleuls culminent à quarante-cinq mètres de hauteur, et couvrent de leur ombre un enchevêtrement humide de charmes, de fougères, d’aulnes rugueux et de gros champignons. Les chênes, tapissés d’un demi-millénaire de mousse, sont tellement immenses qu’ils servent de garde-manger aux pics épeiches : ceux-ci creusent le tronc à sept centimètres de profondeur pour y entreposer des pommes d’épicéa. L’air, épais et frais, se pare d’un silence que seuls viennent briser les cris brefs du casse-noix, le sifflement grave d’une chevêchette d’Europe, ou la plainte d’un loup.

(...) Quel choc que de se dire que l’Europe entière ressemblait jadis à cette Puszcza. On se rend compte, en y pénétrant, que la plupart d’entre nous n’ont jamais connu qu’une pâle copie du programme originel de la nature. Ces sureaux aux troncs de deux mètres de large, ou ces gigantesques épicéas sans âge, devraient nous sembler aussi exotiques que l’Amazone ou l’Antarctique, à nous qui avons grandi près des bois de deuxième génération, chiches en comparaison, qui parsèment l’hémisphère Nord. Eh bien non, ce n’est pas le cas. Au contraire, on s’y sent en terrain connu. Une impression de plénitude en émane, au niveau cellulaire.

Étudiant en sylviculture à l’université de Cracovie, Andrzej Bobiec avait appris la gestion des forêts dans une optique productiviste maximale, notamment en se débarrassant de la couche organique " excessive ", de crainte qu’elle n’abrite scolytes et autres nuisibles. Quand il découvrit la forêt de Bialowiesa, il fut stupéfait d’y trouver dix fois plus de biodiversité que dans toutes les forêts qu’il connaissait.

Auteur: Weismann Joseph

Info: Homo disparitus, 2007

[ nature ] [ native ] [ végétale matrice ] [ Bialovèse ] [ Belovej ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

enfance

Puis je pensai à ma grand-mère. Elle croyait aux fantômes, souvent ils lui rendaient visite. La maison se trouvait dans un vieux verger au bout du village. Elle racontait ses visions tranquillement comme quelque chose de naturel. Les fantômes venaient tant le jour que la nuit, entraient simplement par la porte et la surprenaient dans ses activités quotidiennes à la ferme ou dans sa cuisine. Ils avaient l’air humain, mais étaient faits dans une substance plus légère, souvent ils ressemblaient à quelqu’un de la famille. Tout le monde croyait à ses histoires. Moi aussi. […]

"Il est passé par là, s’est arrêté ici, a ouvert le tiroir, a fait sonner les cuillères, mais n’a rien dérangé." J’adorais son sens du concret Ces événements avaient toujours leur temps et leur endroit propres. "Il était six heures, je venais de me réveiller, je m’étais assise sur le lit. Mais il est venu de l’alcôve, pas du couloir." Ces témoignages étaient totalement désintéressés, ne voulaient rien prouver ni rien promettre. J’y crois encore. Jamais depuis ce temps-là je ne fus confronté à des signes si simples et si directs. Face à l’extraordinaire, son seul compromis était de ponctuer ses récits de "qu’est-ce que j’ai eu peur" spontanés et rhétoriques. Car on ne voyait aucune peur. Ça sonnait plutôt comme "qu’est-ce que j’ai été surprise", "oh là là". Venant du passé, sa famille et ses amis ne faisaient rien d’autre que de lui rendre visite. Ils s’attardaient un peu à la fenêtre ou à côté du buffet blanc, puis repartaient, laissant derrière eux la porte entrouverte qu’il fallait refermer à cause des courants d’air. […]

Puis un jour, ma grand-mère décéda. Je me réveillai dans la pièce voisine de la sienne, et les tantes qui la veillaient me dirent : "Tu n’as plus ta grand-mère." Je l’aimais et cela me rendit triste. Elle était maintenant allongée, droite, le visage grave et sévère. J’étais près d’elle et regardais. Dans le silence de la matinée, j’entendais mes tantes s’affairer quelque part derrière moi, une matinée ordinaire de plus dans une maison à la campagne, et je sentis que cette mort, que peut-être même la mort, était quelque chose de, comment dire, un peu surfait. Je sentais que ma grand-mère n’était absente qu’un peu, quelle s’était discrètement faufilée hors de cette chambre et de ce monde pour aller dans un endroit pas très loin, quelle avait seulement rejoint ceux qui lui rendaient visite et que, si elle le voulait, elle viendrait comme eux avant. C’est-à-dire que je savais qu’elle était vivante. Seulement, elle n’avait pas pu prendre avec elle la silhouette qui reposait maintenant dans son lit. Elle n’en avait certainement pas besoin.

Auteur: Stasiuk Andrzej

Info: Dukla

[ grand-maman ] [ surnaturel ] [ mémé ] [ mamie ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

Lettre de motivation

Ayant très illustre Seigneur, vu et étudié les expériences de tous ceux qui se prétendent maîtres en l'art d'inventer des machines de guerre et ayant constaté que leurs machines ne diffèrent en rien de celles communément en usage, je m'appliquerai, sans vouloir faire injure à aucun, à révéler à Votre Excellence certains secrets qui me sont personnels, brièvement énumérés ici.
J'ai un moyen de construire des ponts très légers et faciles à transporter, pour la poursuite de l'ennemi en fuite ; d'autres plus solides qui résistent au feu et à l'assaut, et aussi aisés à poser et à enlever. Je connais aussi des moyens de bruler et de détruire les ponts de l'ennemi.
Dans le cas d'investissement d'une place, je sais comment chasser l'eau des fossés et faire des échelles d'escalade et autres instruments d'assaut.
Item. Si par sa hauteur et sa force, la place ne peut être bombardée, j'ai un moyen de miner toute forteresse dont les fondations ne sont pas en pierre.
Je puis faire un canon facile à transporter qui lance des matières inflammables, causant un grand dommage et aussi grande terreur par la fumée.
Item. Au moyen de passages souterrains étroits et tortueux, creusés sans bruit, je peux faire passer une route sous des fossés et sous un fleuve.
Item. Je puis construire des voitures couvertes et indestructibles portant de l'artillerie et, qui ouvrant les rangs de l'ennemi, briseraient les troupes les plus solides. L'infanterie les suivrait sans difficulté.
Je puis construire des canons, des mortiers, des engins à feu de forme pratique et différents de ceux en usage.
Là où on ne peut se servir de canon, je puis le remplacer par des catapultes et des engins pour lancer des traits d'une efficacité? Étonnante et jusqu'ici inconnus. Enfin, quel que soit le cas, je puis trouver des moyens infinis pour l'attaque.
S'il s'agit d'un combat naval, j'ai de nombreuses machines de la plus grande puissance pour l'attaque comme pour la défense : vaisseaux qui résistent au feu le plus vif, poudres et vapeurs.
En temps de paix, je puis égaler, je crois, n'importe qui dans l'architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l'eau d'un endroit à l'autre. Je puis exécuter de la sculpture en marbre, bronze, terre cuite. En peinture, je puis faire ce que ferait un autre, quel qu'il puisse être. Et en outre, je m'engagerais à exécuter le cheval de bronze à la mémoire éternelle de votre père et de la Très Illustre Maison de Sforza.
Et si quelqu'une des choses ci-dessus énumérées vous semblaient impossible ou impraticable, je vous offre d'en faire l'essai dans votre parc ou en toute autre place qu'il plaira à Votre Excellence, à laquelle je me recommande en toute humilité.

Auteur: Leonard de Vinci

Info: en 1482 l'artiste désire ainsi rencontrer son futur mécène, Ludovic Marie Sforza dit le More, Duc de Milan, déjà séduit par les louanges des Médicis

[ confiance en soi ]

 

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classe moyenne

Nous avons trouvé assez facilement la maison de Beynost, qui était au fond d'un lotissement de maisons toutes identiques. Dans les HLM il y a les mêmes apparts et là, visiblement, c'était pareil. En plus grand, avec un jardin et avec un garage, dans lequel on a vite rangé la voiture de police. Dans ce genre d'endroit les gens se connaissent et le moindre pet de travers ameute tout le voisinage, le front contre les carreaux de la cuisine. Les yeux torves, les yeux de gestapistes qui ne veulent de mal à personne, non, qui n'espionnent que pour protéger le territoire. J'étais un peu en mode parano, et stressé avec ça, j ai tout de suite senti dans l'air l'odeur de la droite. Des gens avec des revenus confortables, sans plus, sans ISF, pas totalement réactionnaires mais pas vraiment modernes non plus. Les bons Français, voilà, c'est là qu'ils sont, là qu'ils se retrouvent, là qu'ils se reproduisent. J'ai eu le sentiment d'être dans un parc animalier, dans le zoo de Saint-Martin-la-Plaine avec une seule espèce vivante domiciliée : la classe moyenne. Des gens avec une vie tiède, un bon vieux 12 sur 20 et "peut mieux faire", des gens qui ont peur des pauvres et qui sont impressionnés par les riches. Ils ne feraient pas de mal à une mouche mais ils ne balancent pas la pièce au manouche du feu rouge. Ils trouvent que les Balkany ne sont pas si mauvais que ça et que les socialistes sont trop honnêtes pour être honnêtes. Ils aimeraient bien qu'on offre une direction à la France sans se questionner sur le non-sens de leur propre vie. Plutôt inoffensifs, par ailleurs. On est parvenu à leur faire croire que s'ils sont dans la merde, ce n'est pas à cause de ceux qui ont tout le blé, non, c'est à cause de ceux qui n'en ont pas du tout. Dingue ! Ils ont gobé ça tout cru. Ils gobent tout, de toute façon. Y en a jamais aucun qui s'est dit : Tiens, je vais aller péter la gueule à ce député, là, qui me prend pour un jambon depuis cinq mandats. Ou : Tiens, ce chef au bureau, qui me sourit en me demandant comment a été mon week-end, gagne cinq fois mon salaire. Leur ennemi a été désigné, il est sale, il vit dans les banlieues, et il est pauvre. Il se goinfre tellement d'allocs que ça gèle les salaires. C'est à cause de lui... Quoi ?... Les actionnaires ? Ah non, ça c'est pas pareil, ferme ta bouche et bouge de là. T'es pas content ? T'avais qu'à mieux bosser à l'école. Pis c'est pas de notre faute si tu t'es pas retrouvé dans la bonne couille.

Auteur: Schwartzmann Jacky

Info: Demain c'est loin, Pages 135-136, Points, 2018

[ réacs ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

neurochirurgie

Quant à cette opération, il s’agit, comme vous le savez certainement, de chirurgie éveillée. Cela signifie que vous serez d’abord endormi pour que nous puissions ouvrir le crâne et librement accéder à la surface du cerveau sur laquelle il nous faut intervenir. Soit, chez vous, la partie gauche immédiatement au-dessus de l’oreille et approximativement jusqu’au milieu de la partie supérieure de la tête… Cela prendra environ deux heures. Puis nous vous réveillerons. Vous ne sentirez aucune douleur mais serez allongé sur votre côté droit et attaché de tous côtés, de manière à être totalement immobilisé. Vous serez légèrement penché vers le bas afin que la gravitation pousse naturellement votre cerveau sur la surface supérieure droite de votre crâne. Ceci nous donnera moins de pression et un peu plus d’espace au lieu exact de l’intervention. Seule votre main droite pourra bouger et par moments nous vous demanderons de le faire pour nous assurer que nous ne provoquons pas une éventuelle paralysie.

Par ailleurs, vous aurez devant les yeux un ordinateur dont l’écran vous présentera divers exercices de lecture et de calcul. Exercices qu’il vous faudra faire à haute voix. Il s’agira pour nous, pendant cette période initiale, d’identifier le plus précisément possible où se trouvent, dans votre cerveau, les liens dont dépendent le langage et les mathématiques. Vous savez évidemment que la neurologie situe depuis longtemps, chez des droitiers comme vous, ces capacités dans l’hémisphère gauche, à des endroits spécifiques. Toutefois quelques sujets fonctionnent, si l’on veut, comme à l’envers. Chez eux l’hémisphère droit joue la fonction de l’hémisphère gauche et réciproquement. C’est ce que l’on appelle "les gauchers". Il arrive aussi qu’un accident ou une tumeur d’évolution lente, comme la vôtre, permette aux fonctions cérébrales d’émigrer – il n’y a pas d’autre terme – d’un hémisphère à l’autre. C’est rare, mais cela arrive. Ce n’est pas votre cas. […] Donc, chez vous, c’est bien à gauche que se trouvent ces fonctions. Mais nous savons, depuis maintenant plusieurs années, que la localisation de ces régions cérébrales varie très légèrement d’individu à individu. Afin de tenter d’éviter tout dommage chirurgical, nous sommes donc obligés de commencer par dresser une carte spécifique de votre cerveau. En vous faisant faire ces exercices, qui sont élémentaires, nous ferons passer par endroit un très léger courant électrique. Rassurez-vous, vous ne sentirez rien, mais l’intérêt de ce courant est que lorsqu’il passera exactement à l’endroit où votre cerveau sera en train de travailler pour lire ou calculer, il cessera alors, lui, de fonctionner, et vous de parler. De cette espèce de paralysie d’un instant, vous ne vous rendrez très probablement même pas compte, mais nous si. Nous aurons alors trouvé les lieux qui, chez vous, concernent le langage et le calcul.

Auteur: Declerck Patrick

Info: Dans "Crâne", pages 53 à 55

[ technique ] [ aires cérébrales ] [ opération chirurgicale ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

inversion des valeurs

La vraie raison de l’euthanasie, en réalité, c’est que nous ne supportons plus les vieux, nous ne voulons même pas savoir qu’ils existent, c’est pour ça que nous les parquons dans des endroits spécialisés, hors de la vue des autres humains. La quasi-totalité des gens aujourd’hui considèrent que la valeur d’un être humain décroît au fur et à mesure que son âge augmente ; que la vie d’un jeune homme, et plus encore d’un enfant, a largement plus de valeur que celle d’une très vieille personne ; je suppose que vous serez également d’accord avec moi là-dessus ?

— Oui, tout à fait.

— Eh bien ça, c’est un retournement complet, une mutation anthropologique radicale. Bien sûr, du fait que le pourcentage de vieillards dans la population ne cesse d’augmenter, c’est assez malencontreux. Mais il y a autre chose, de beaucoup plus grave… 

Dans toutes les civilisations antérieures, dit-il finalement, ce qui déterminait l’estime, voire l’admiration qu’on pouvait porter à un homme, ce qui permettait de juger de sa valeur, c’était la manière dont il s’était effectivement comporté tout au long de sa vie ; même l’honorabilité bourgeoise n’était accordée que de confiance, à titre provisoire ; il fallait ensuite, par toute une vie d’honnêteté, la mériter. En accordant plus de valeur à la vie d’un enfant – alors que nous ne savons nullement ce qu’il va devenir, s’il sera intelligent ou stupide, un génie, un criminel ou un saint – nous dénions toute valeur à nos actions réelles. Nos actes héroïques ou généreux, tout ce que nous avons réussi à accomplir, nos réalisations, nos œuvres, rien de tout cela n’a plus le moindre prix aux yeux du monde – et, très vite, n’en a pas davantage à nos propres yeux. Nous ôtons ainsi toute motivation et tout sens à la vie ; c’est, très exactement, ce que l’on appelle le nihilisme. Dévaluer le passé et le présent au profit du devenir, dévaluer le réel pour lui préférer une virtualité située dans un futur vague, ce sont des symptômes du nihilisme européen bien plus décisifs que tous ceux que Nietzsche a pu relever – enfin maintenant il faudrait parler du nihilisme occidental, voire du nihilisme moderne, je ne suis pas du tout certain que les pays asiatiques soient épargnés à moyen terme. Il est vrai que Nietzsche ne pouvait pas repérer le phénomène, il ne s’est manifesté que largement après sa mort. Alors non, en effet, je ne suis pas chrétien ; j’ai même tendance à considérer que c’est avec le christianisme que ça a commencé, cette tendance à se résigner au monde présent, aussi insupportable soit-il, dans l’attente d’un sauveur et d’un avenir hypothétique ; le péché originel du christianisme, à mes yeux, c’est l’espérance.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Anéantir, p.453

[ assurances-vie ]

 
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Ajouté à la BD par Bandini

mégalo

Néron parut plusieurs fois sur le théâtre pour disputer le prix du chant et de la poésie. Il était si jaloux de sa voix, qui cependant n'était pas belle, que, de peur de la diminuer, il se privait de manger certains mets qu'il aimait, et se purgeait fréquemment. Lorsqu'il devait chanter en public, des gardes étaient répandus d'espace en espace pour punir ceux qui n'auraient point paru assez sensibles aux charmes desavoix. Vespasien, homme consulaire, ne put cependant un jour s'empêcher de dormir, quoique ce fût un empereur qui chantât, et ce léger sommeil pensa lui coûter la vie.
Cet empereur comédien fit le voyage de la Grèce, pour entrer en lice aux jeux olympiques. Il entreprit de courir le stade sur un char attelé de dix chevaux. Mais à peine eut-il commencé sa course, qu'il tomba de son char; il n'en fut pas moins proclamé vainqueur et couronné.
Il disputa pareillement les prix des jeux isthmiques, pythiens, néméens et de tous les autres jeux de la Grèce. Un Grec, habile chanteur, mais mauvais courtisan, ayant eu l'imprudence de chanter mieux que l'empereur, Néron fit monter sur le théâtre les acteurs qui lui servaient de ministres dans l'exécution de la pièce. Ils se saisirent du musicien, et l'ayant adossé à une colonne, ils lui percèrent la gorge avec des stylets qu'ils portaient cachés dans des tablettes d'ivoire. Néron remporta de ses différents combats dix-huit cents couronnes. Lorsqu'il revint à Rome, il y parut en héros qui venait de triompher des ennemis de l'empire. Il était dans le même char dont Auguste s'était servi pour ses triomphes. Il était vêtu d'une robe de pourpre et d'une casaque semée d'étoiles d'or. Il portait sur sa tête la couronne olympique, qui était d'olivier sauvage, et dans sa main droite la couronne pythienne, faite d'une branche de laurier. Il avait à ses côtés un musicien nommé Diodore.
On portait devant lui les couronnes qu'il avait gagnées, et il était suivi d'applaudisseurs à gages dont il avait formé une compagnie aussi nombreuse qu'une légion.
Ils chantaient la gloire du triomphateur. Le sénat, les chevaliers et le peuple accompagnaient cette honteuse pompe, et faisaient retentir l'air d'acclamations. Toute la ville était illuminée, ornée de festons, et fumante d'encens. Partout où passait le triomphateur, on immolait des victimes, les rues étaient jonchées de poudre de safran; on jetait sur lui des fleurs, des rubans, des couronnes; et, conformément aux usages des Romains, des oiseaux et des pièces de pâtisserie. On avait abattu une arcade du grand cirque. Tout le cortège passa par cet endroit, vint dans la place, et se rendit au temple d'Apollon Palatin. Les autres triomphateurs portaient leurs lauriers au Capitole; Néron, dans un triomphe tel que le sien, voulut honorer le dieu des arts.

Auteur: Internet

Info: Histoire des empereurs

[ pouvoir ] [ folie ]

 

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dix-neuvième siècle français

Il y a d’abord l’Ancien Régime, ceux qui l’ont connu ou lui ont survécu. On vit largement, on dépense plus largement encore et parfois sans compter, quelles que soient les ressources dont on dispose, persuadé qu’on finira bien par trouver l’argent quelque part, héritage ou pension, et qu’il n’est nullement déshonorant pour un homme bien né d’accumuler les dettes et de ne pas les payer. On s’entend bien avec ses paysans et ses domestiques dont on ne conçoit pas qu’ils puissent espérer, en fait et en droit, un sort différent du leur. On est souvent généreux à leur endroit, volontiers philanthrope, amateur d’idées nouvelles et de réformes ; on lit les philosophes, on se moque des prêtres. […]

La Révolution arrive, on émigre, ou l’on meurt (pas tellement), ou l’on se bat (moins encore), ou l’on fait le gros dos, on l’on se rallie à l’Empire. En 1815, on revient, sans avoir rien oublié mais en ayant tout de même un peu plus appris qu’on ne l’a dit en général. On sait en particulier que l’argent et le pouvoir sont des biens qu’il convient de ne pas gaspiller, de ne pas laisser passer en d’autres mains, et que cela implique quelques sacrifices par rapport à la frivolité d’antan. La noblesse de province dispose alors, et c’est la première fois, du pouvoir politique : c’est elle qui vote, c’est dans ses rangs que se recrutent les députés. Le pouvoir politique dépendant du pouvoir économique, on dépense moins, on surveille la rente, on commence à spéculer, on flirte avec les gens de finance […] et surtout on s’occupe de récupérer, de faire fructifier ce qui a été, demeure et demeurera longtemps encore […] la base de la puissance et du prestige social de l’aristocratie : la terre. On constitue des majorats, on augmente les domaines, on surveille de très près les paysans, on évite le morcellement par héritage […]. Des maîtresses encore, le jeu parfois, à Paris, et la vie à grandes guides mais dans l’ensemble, fini de rire : on pense bien, on va à la messe, on croit à la famille, à l’alliance du trône et de l’autel […].

Arrive 1845, les chemins de fer, les Rothschild, les saint-simoniens, les parvenus de l’Empire, les délices de la banque, l’époque des grands mouvements de capitaux, des "fabriques" qui deviennent usines, de la spéculation immobilière et des fortunes coloniales. Certains boudent ou ne quittent pas leurs terres qui, d’ailleurs, suffisent largement à leurs besoins. D’autres entrent dans le circuit, s’y débrouillent parfois fort bien, fondent des compagnies, prêtent leur nom ou, plus simplement, épousent les héritières des industriels orléanistes et des financiers juifs, en attendant les Américaines, les irrésistibles de l’acier ou du pétrole. En somme trois étapes correspondant à trois générations : la douceur de vivre ; le repliement sur la vertu, la religion, la rentabilité agricole ; le passage aux grandes affaires, l’argent.

Auteur: Fermigier André

Info: Préface d'"Une vie", éditions Gallimard, 1974, pages 22-24

[ triade ] [ cycle ] [ contexte ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson