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linguistique

Ce sera facile d’être athée au XIXe ou au XXe ! C’était beaucoup plus coton du temps de Rabelais et d’Erasme. Les mots eux-mêmes manquaient, les termes les plus simples : "rationalisme" (qui date du XIXe), "déisme" (fin XVIIe), "théisme" (fin XVIIIe), "absolu", "relatif", "scepticisme" (apparaît au XVIIIe en remplacement de "pyrrhonisme"), "libertinisme" (XVIIe), "tolérance" (début XVIIe), bien entendu "esprit fort" (lancé par Helvétius), et par-dessus tout "libre pensée" (sponsorisé par Voltaire). Les formes syntaxiques interdisaient la véritable spéculation philosophique et religieuse […]. Les sciences et les techniques nouvelles (l’imprimerie) ne savaient pas encore qu’elles étaient en train de périmer un monde. Le doute lui-même ne pouvait s’exprimer que dans les formes de la vieille rhétorique consubstantielle au système que l’on mettait en doute (la critique des médias peut-elle se faire entendre aujourd’hui hors des médias ?). Le "naturel" n’était pas plus séparé du surnaturel que le réel ne l’est en ce moment du médiatique. On croyait aux fééries médiévales, au merveilleux, aux miracles et aux sabbats des sorciers, comme aujourd’hui à l’Europe, au Bien, à l’astrologie, aux périls du tabagisme passif, à la guerre du Golfe et aux nouvelles technologies. L’incroyance, comme de nos jours, ne pouvait s’avancer que masquée, hésitante, presque inconsciente d’elle-même. Une autre incroyance. La même incroyance.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le portatif", pages 18-19

[ évolution ] [ carcans sémantiques ] [ masques onomasiologiques ] [ paradigme ] [ discours ] [ révolte ]

 
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diachronie

Mais Rabelais et ses contemporains ?

Ils vivaient avant Descartes et se nourrissaient de scolastique et de théologie. C’est assez dire que l’homme, pour eux, n’était pas une pensée qui se pense. C’était l’union de deux éléments, d’origine, de nature, de destinée dissemblables : un corps matériel, et, dans ce corps, "comme hoste" une âme composite, plus qu’à demi matérielle, localement présente dans ce corps et coétendue à lui. [...] La mort, dès lors, c’est la rupture de cette union. Un phénomène "naturel", non pas. Une opération de Dieu. Un partage.

En d’autres termes, le corps, au moment fixé par la sagesse du Tout-Puissant, subit un anéantissement complet. Les hommes de ce temps n’ont pas encore l’idée qu’exprimera Voltaire deux cents ans plus tard dans le texte du Micromégas qui marque l’avènement de notre conception moderne, scientifique et naturelle, de la mort : "rendre son corps aux éléments et ranimer la nature sous une autre forme", c’est là, dit-il, "ce qu’il appelle mourir". Pour les contemporains de Rabelais qui ne savaient s’appuyer sur un ensemble constitué de doctrines chimiques, le corps était conçu comme s’anéantissant. Sa destruction libérait l’âme. Plus exactement, elle obligeait à s’en aller la partie la plus subtile et pour ainsi dire l’essence spirituelle de l’âme dont les autres parties suivaient le destin du corps. Et c’était là la mort : dissolution d’un composé, l’homme. Et une telle mort ne pouvait être que "totale".

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, page 182

[ définition ] [ signification ] [ historique ] [ christianisme ]

 
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culture

Les Égyptiens du Nouvel Empire ont produit des papyrus humoristiques. Vinrent ensuite dans l'ordre : Aristophane, Ésope, Plaute, Térence, Boccace, Rabelais, Cyrano de Bergerac, Paul Scarron, Bussy-Rabutin, Cervantès, Molière, Jean de La Fontaine.
Au XVIe siècle, à Paris, le personnage de Turlupin prenait la vedette au Théâtre de Bourgogne. Le mot turlupinade provient de ces facéties anciennes.
Puis il y eut, dans le désordre : Carlo Goldoni, Montesquieu, Jonathan Swift, Voltaire, Florian, Beaumarchais, Restif de la Bretonne, Gogol, Honoré Daumier, William Hogarth, Eugène Labiche, Charles Dickens, Henri Julien, Victorien Sardou, Mark Twain, Charles Cros, Alphonse Daudet, Alphonse Allais, Michel Audiard, Tristan Bernard, Jules Renard, George Bernard Shaw, Georges Courteline, Feydeau, Henri Bergson, Anatole France, Groucho Marx, Maurice Chevalier, La Bolduc, Juliette Béliveau, Ovila Légaré, Rose Ouellette..... La persistance du personnage Charlot comme symbole du comique démontre le génie de son auteur, Charlie Chaplin. Il fut suivit par :
Jack et Carole Bender, Henrik Rehr Bender, Buster Keaton, Laurel et Hardy, Fernandel, Marcel Pagnol, Abbott et Costello, Walt Disney, Al Capp, Sacha Guitry, Gérard Delage,Charles Trenet, Chick Young, André Roussin, Raymond Queneau, Hergé, Morris, Guy et Brad Gilchrist, Brant Parker, Brad Anderson, Charles Schulz, Michel Noël, Chuck Jones, René de Obaldia, Jacques Normand, Georges Brassens, Henri Salvador, Annie Cordy, Raymond Devos, André Franquin, Pierre Dac, Marc Favreau, Clémence Desrochers, San Antonio, Bob Hope, Jerry Lewis, Hanna Barbera, Roland Topor, Olivier Guimond, Dominique Michel, Doris Lussier, Red Skelton, Louis de Funès, René Gosciny, Albert Uderzo, Sempé, Gotlib, Georges Wolinski, Plantu, François Cavanna,Coluche, Woody Allen, Pierre Desproges.

Auteur: Internet

Info: http://herodote2.tripod.com/histoire.html

[ historique ] [ humour ]

 

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sympathies protestantes

Rabelais a goûté l’Evangile, comme le déclare Calvin. Et de le goûter, en 1532, en 1534, il a conscience. Il se range, avec une sincérité dont rien ne permet de douter, aux côtés de ceux-là qui en vivent spirituellement. Par le Pantagruel, par le Gargantua, par les petits écrits conservés, il sert la cause de ces hommes ; il la traduit, la plaide avec tout son talent. Quelques-uns des principaux thèmes des novateurs, [...] il les illustre, il les développe puissamment. Sans illusions ? Voilà le vrai problème. Car on peut, à certaines heures, se tromper en tout bonne foi sur sa véritable nature – et se croire, se dire un Evangélique quand on est le père, le créateur, le plus parfait adepte du Pantagruélisme...

Rabelais a pu se dire, se croire Evangélique. Dans ces années troublées d’entre 1530 et 1535, il a pu prendre rang aux côtés de ces novateurs qui devaient, vingt ans plus tard, après bien des changements, reconnaître dans la Genève de Calvin leur patrie spirituelle. S’il s’était analysé avec exactitude, déjà, au fond de son esprit et de sa conscience, il aurait perçu tout ce qui le séparait de ceux qui, réellement, furent les Réformés. Les gaillardises ? Si l’on veut. [...] Son moralisme foncier, bien plutôt, la part énorme qu’il fait à cet idéal de perfection morale que ne cessent de proclamer ses raisonneurs. – Surtout, aussi fort que son incompréhension de tout esprit de pénitence, son refus d’être obsédé par un péché qui souille tout er pervertit l’être humain radicalement.

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, page 278

[ différences ] [ incompatibilité ]

 
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Gaule

La France de Voltaire et de Bossuet, la France de Pascal et de Rabelais, de Diderot et de Bloy, de Molière et de Maistre, d’Aragon et de Claudel, de Proust et de Céline, aura été ce théâtre unique d’une désunion incessante, ou d’une cohabitation tenace et intenable, dont la dialectique sans arrêt renouvelée aura aussi imprimé sa marque dans les vies individuelles. C’est cette base dissolvante, différenciante et conflictuelle, aussi indispensable et structurante pour un peuple que des parents sexuellement différenciés pour leurs enfants, qui aura empêché quoi qu’on en dise, tous les "absolus" de s’y implanter durablement (c’est aussi là que s’originait la souveraineté, et là qu’existaient les conditions de possibilité de la politique). La France aura été le tombeau de Dieu comme celui des divinités idéologiques de substitution qui ont voulu y prendre racine.

Du moins jusqu’à ce qu’elle se convertisse aux "valeurs du Nord", c’est-à-dire à la rationalité protestante et marchande, par définition incompatible avec les attitudes interrogatives ou critiques, avec la duplicité, la contradiction, le flou, la diversité, les faux-semblants et toute la comédie irresponsable des alentendus jamais résolus. Il n’y a pas d’autre Europe possible que l’Europe du Nord. Bernanos, bien avant la dernière guerre, avait qualifié l’entreprise hiltérienne de "seconde Réforme allemande". La troisième, porteuse de messages hygiéniques autant qu’incritiquables, triomphe en douceur et rien ne l’arrêtera. Le terrible ordre européen ne pouvait se faire qu’au prix de l’effacement de la "latinité" et par la victoire des impératifs archangéliques d’authenticité, de vertu, de positivité et de transparence que la civilisation lutérienne contient en elle et que répercutent désormais à jet continu les sacro-saintes recommandations de Bruxelles.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, pages 236-237

[ éloge ] [ esprit frondeur ] [ normalisation ] [ peuples-religions ]

 
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écriture

Or, le romancier n’est le porte-parole de personne et je vais pousser cette affirmation jusqu’à dire qu’il n’est même pas le porte-parole de ses propres idées. Quand Tolstoï a esquissé la première variante d’Anna Karénine, Anna était une femme très antipathique et sa fin tragique n’était que justifiée et méritée. La version définitive du roman est bien différente, mais je ne crois pas que Tolstoï ait changé entre-temps ses idées morales, je dirais plutôt que, pendant l’écriture, il écoutait une autre voix que celle de sa conviction morale personnelle. Il écoutait ce que j’aimerais appeler la sagesse du roman. Tous les vrais romanciers sont à l’écoute de cette sagesse supra-personnelle, ce qui explique que les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs. Les romanciers qui sont plus intelligents que leurs oeuvres devraient changer de métier.

Mais qu’est-ce que cette sagesse, qu’est-ce que le roman ? Il y a un proverbe juif admirable : L’homme pense, Dieu rit. Inspiré par cette sentence, j’aimerais imaginer que François Rabelais a entendu un jour le rire de Dieu et que c’est ainsi que l’idée du premier grand roman européen est née. Il me plaît de penser que l’art du roman est venu au monde comme l’écho du rire de Dieu.

Mais pourquoi Dieu rit-il en regardant l’homme qui pense ? Parce que l’homme pense et la vérité lui échappe. Parce que plus les hommes pensent, plus la pensée de l’un s’éloigne de la pensée de l’autre. Et enfin parce que l’homme n’est jamais ce qu’il pense être. C’est à l’aube des Temps modernes que cette situation fondamentale de l’homme, sorti du Moyen-Âge, se révèle : Don Quichotte pense, Sancho pense, et non seulement la vérité du monde mais la vérité de leur propre moi se dérobent à eux. Les premiers romanciers européens ont vu et saisi cette nouvelle situation de l’homme et ont fondé sur elle l’art nouveau, l’art du roman.

Auteur: Kundera Milan

Info: L'art du roman, p186

[ littérature ] [ instinct ]

 

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femmes-par-hommes

J'ai ouï conter que le pape Jean XXII, passant un jour par Fontevrault, fut requis de l'abbesse et des mères discrètes de leur concéder une dispense, moyennant laquelle elles pussent se confesser les unes les autres, alléguant que les femmes de religion ont quelques petites imperfections secrètes, lesquelles honte insupportable leur est de déceler aux hommes confesseurs: plus librement, plus familièrement les diraient les unes aux autres, sous le sceau de la confession. " Il n'y a rien, répondit le pape, que je ne vous octroie; mais j'y vois un inconvénient : c'est que la confession doit être tenue secrète. Vous autres femmes à peine la cèleriez. - Très bien, dirent-elles, et plus que ne font les hommes. " Un jour, le Saint père leur donna une boîte en garde, dans laquelle il avait fait mettre une petite linotte, les priant doucement qu'elles la serrassent en quelque lieu sûr et secret, leur promettant, foi de pape, leur octroyer ce que portait leur requête, si elles la gardaient secrète : néanmoins leur faisant défense rigoureuse qu'elles n'eussent à l'ouvrir en façon quelconque, sous peine de censure ecclésiastique et d'excommunication éternelle. La défense ne fut sitôt faite, qu'elles grillaient en leurs entendements d'ardeur de voir ce qui était dedans, et leur tardait que le pape fût déjà dehors la porte, pour y vaquer. Le Saint père, après avoir donné sa bénédiction sur elles, se retira en son logis. Il n'était pas encore trois pas hors de l'abbaye, que les bonnes dames accoururent en foule pour ouvrir la boite défendue, et voir ce qu'était dedans. Le lendemain, le pape les visita, en intention (ce leur semblait) de leur dépêcher la dispense. Mais avant d'entrer en propos, commanda qu'on lui apportât sa boîte. Elle lui fut apportée; mais l'oiselet n'y était plus. Alors il leur remontra que chose trop difficile leur serait de receler les confessions, vu qu'elles n'avaient si peu de temps tenu en secret la boîte tant recommandée.

Auteur: Rabelais François

Info: Pantagruel

[ indiscrètes ] [ curieuses ]

 

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réformisme langagier

Certains de nos dirigeants politiques accompagnent l’affront fait à la langue. Parfois, ils essaient d’imiter la langue supposée de ceux dont ils briguent les suffrages : “Le président, il doit faire peuple, because le peuple, il redonde le sujet.” D’autres fois les techno-managers usent d’un mélange de sabir faussement canaille, de volapük cyber-mercantile, de globish planétaro-débile, de cette hideuse langue d’affaires destinée à la rencontre d’une plante verte avec une machine à café (les deux totems de la “stareteup”). Cela donne : “Il faut gérer le copartage pour un futur plus juste.” Et voilà qu’aujourd’hui, avec une autosatisfaction inouïe, des technos, persuadés que la Terre a attendu leur venue au monde pour commencer sa rotation, voudraient transformer la langue.

Il faut se représenter la confiance qu’ils ont en eux, ces “gestionnaires du monde qui change”, pour s’en prendre à la langue française, vieille dame punk. Imaginons la scène: ils se lèvent le matin, se regardent dans la glace et se disent : “Je vais réformer la langue, fleurie par Marie de France, stabilisée par les Valois, soulevée par Rabelais, solennisée par Racine, déliée par Marivaux, polie par Montesquieu, enluminée par Hugo, illuminée par Rimbaud, stratosphérisée par Breton, électrocutée par Céline, solarisée par Camus, évangélisée par Mauriac – je vais la réinventer totalement, moi, Mme Michu de l’écriture inclusive et moi M. Jourdain de la vigilance lexicale.” Quel culot !

Vous remarquerez qu’à leur arrogance de tripatouilleurs·ses et de précieux·ses ridicules s’adjoint une tristesse climatique d’expression, une platitude géologique, une timidité acnéique devant “l’hénaurme” flaubertien, une crainte de ce qui dépasse, de ce qui pue, de ce qui saigne et qui glougloute, de ce qui éructe, une impossibilité en somme de jouir et d’accueillir les turbulences de la langue quand elle tressaute, quand elle divague du châtié à l’ordurier, de l’imparfait du subjonctif aux insultes de grand chemin. L’inclusif ! Mais ne serait-ce pas qu’ils seraient en train de nous les briser grave ces Trissotin·e·s ?

Auteur: Tesson Sylvain

Info: Figaro du 3 décembre 2021

[ orgueilleux ] [ aplanissement ] [ critique ]

 

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mots inexistants

Ni absolu, ni relatif ; ni abstrait ni concret ; ni confus ni complexe ; ni adéquat, que chérira Spinoza, mais en latin ; ni virtuel qu’emploiera Chapelain, mais aux alentours de 1660 ; ni insoluble, intentionnel, intrinsèque, inhérent, occulte, primitif, sensitif, tous mots du XVIIIe siècle ; ni transcendantal qui ornera vers 1698 les périodes de Bossuet : aucun de ces mots, que je cite au hasard, d’après les dictionnaires et Brunot, n’appartient au vocabulaire des hommes du XVIe siècle ; disons, pour fixer les idées, au plus riche de tous, au vocabulaire de Rabelais.

Encore ne sont-ce là que des adjectifs. Quelques adjectifs. Mais les substantifs ? Combien manquent à l’appel ? Ni causalité ni régularité ; ni concept ni critère ; ni condition ; avant la Logique de Port-Royal, ni analyse ni synthèse liées l’une à l’autre ; ni déduction (qui ne signifie encore que narration), ni induction qui ne naîtra qu’au XIXe siècle ; ni non plus intuition qui prendra vie chez Descartes et chez Leibniz ; ni coordination ou classification, "ce mot barbare forgé depuis peu", écrit encore en 1787 le Dictionnaire de Féraud : aucun de ces mots courants, de ces mots dont, pour philosopher, nous ne saurions vraiment nous passer, ne figure non plus dans le vocabulaire des contemporains de Rabelais. Ils n’ont même pas de terme pour exprimer ce que, depuis le milieu du XVIIe siècle seulement, on s’est avisé d’appeler système [...] ; le Rationalisme lui-même, pour commencer, le Rationalisme dont le baptême ne se fera, très tard, qu’au XIXe iècle ; le Déisme qui ne commencera guère sa carrière avant Bossuet, un de ses premiers usagers ; le Théisme que le XVIIIe siècle avancé empruntera un instant aux Anglais ; le Panthéisme dont, au temps de la Régence, on ira chercher le nom chez Toland ; le Matérialisme, qui attendra Voltaire (1734), La Mettrie et l’Encyclopédie pour conquérir droit de cité ; le Naturalisme lui-même, qui apparaît en 1752 seulement, dans le Dictionnaire de Trévoux et, avant, ans La Mettrie (1748), le Fatalisme qui, lui aussi, se trouve dans La Mettrie, cependant que le roman de Diderot ne pourra lancer fataliste qu’à partir de 1796 ; le Déterminisme, ce tard venu, ce Kantien ; l’Optimisme (Trévoux, 1752) et le Pessimisme, son contradicteur : mais les pessimistes n’entreront qu’en 1835 dans le Dictionnaire de l’Académie, et le Pessimisme paraîtra encore plus tard ; le Scepticisme qui, avec Diderot, commence à remplacer le vieux Pyrrhonisme, fils de Balzac et cher à Pascal ; le Fidéisme qui ne sortira qu’en 1838 d’un conflit de théologiens. Et combien d’autres : Idéalisme (Trévoux), Stoïcisme (La Bruyère), Quiétisme (Nicole, Bossuet), Puritanisme (Bossuet), etc.

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, pages 329-330

[ apparition ] [ outillage philosophique ] [ historique ] [ diachronie ]

 
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sensibilité médiévale

Evoquons devant nous les contemporains de François Rabelais, leurs violences et leurs caprices, leur peu de défense contre les impressions du dehors, l’extraordinaire mobilité de leur humeur, cette étonnante promptitude à s’irriter, à s’injurier, à tirer l’épée, puis à s’embrasser et à se cajoler : tout ce qui nous explique tant de querelles pour rien, d’accusations atroces de vol et de plagiat, d’appels à la justice de Dieu et des hommes – à quoi sans intervalles succèdent d’affreux coups d’encensoir, et les plus folles comparaisons avec Homère, Pindare, Virgile et Horace. Produits naturels d’une vie toute en contrastes. Et bien plus marquée que nous ne saurions l’imaginer. Contrastes du jour et de la nuit, ignorés de nous dans nos demeures électrifiées ; contrastes de l’hiver et de l’été, adoucis pour nous, en temps normal, par mille inventions : ils en subissaient eux, la rigueur et la nécessité, à peu près sans atténuation, et pendant des semaines et des mois. Egalisation des conditions de vie, égalisation des humeurs : les deux se suivent et se conditionnent. Mais pareillement nos nerfs se sont blasés. Nous avons trop mangé de fruits – de ces fruits dont nous gardons, comme dit la Bible, "les dents agacées". Eux ? Ce n’étaient point des blasés, Dieu non ; et pour ne retenir que cet exemple, comme ils étaient sans défense contre l’attaque violente et souveraine des sons ! Pensons toujours à ce passage des Contes d’Eutrapel où Noël Du Fail nous décrit l’effet, sur les hommes de son temps, du célèbre chœur descriptif de Clément Janequin, la Bataille de Marignan. Personne qui échappât aux prises de cette musique puissante et puérile avec ses "bruits de bataille" en harmonie imitative, personne qui, exalté par les sons, « ne regardât si son épée tenoit à son fourreau, et ne se haussât sur ses orteils pour se rendre plus bragard et de la riche taille..."

Simples gens, qui se livraient sans contrôle. Mais nous nous refoulons.

[...] Voici qui déjà nous avertit qu’entre les façons de sentir, de penser, de parler des hommes du XVIe siècle et les nôtres – il n’y a pas vraiment de commune mesure. Nous enchaînons : ils laissent flotter. Des générations, depuis le XVIIe siècle et Descartes, ont inventorié pour nous, analysé, organisé l’espace. Elles nous ont dotés d’un monde bien arrêté où chaque chose et chaque être a ses frontières parfaitement délimitées. Des générations, depuis la même époque, ont travaillé à faire du temps, de plus en plus précisément mesuré, le cadre rigide de nos activités. Tout ce grand travail, au XVIe siècle, commençait à peine. Ses résultats n’avaient point encore, par voie de conséquence, engendré en nous le besoin impérieux d’une certaine logique, d’une certaine cohérence, d’une certaine unité.

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, pages 99-100

[ état d'esprit ] [ contextualisation ] [ exacerbée ] [ incompréhensibilité moderne ]

 

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