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rendez-vous galant

Elle se précipita lorsque la sonnette retentit. Mais arrivée dans le vestibule, elle fit demi-tour. Avait-elle bien enlevé la poudre ? De retour au salon, elle resta devant la glace, s'y regarda sans s'y voir. Le sang battant à ses oreilles, elle se décida enfin, s'élança, faillit tomber, ouvrit la porte. Comment allez-vous ? lui demanda-t-elle avec le naturel d'un chanteur d'opéra faisant du parlé. La respiration difficile, elle le précéda dans le salon. Un sourire immobile posé sur ses lèvres, elle lui indiqua un fauteuil, s'assit à son tour, tendit le bas de sa robe, attendit. Pourquoi ne lui parlait-il pas ? Lui avait-elle déplu ? Il restait peut-être de la poudre. Elle passa sa main sur son nez, se sentit dépourvue de charme. Parler ? Sa voix serait enrouée, et s'éclaircir la gorge ferait un bruit affreux. Elle ne se doutait pas qu'il était en train d'adorer sa gaucherie et qu'il gardait le silence pour la faire durer. Lèvres tremblantes, elle lui proposa une tasse de thé. Il accepta avec impassibilité. Guindée, les joues enflammées, elle versa du thé sur le guéridon, dans les soucoupes, et même dans les tasses, demanda pardon, tendit ensuite d'une main le petit pot à lait de l'autre les rondelles de citron. Laine ou coton ? demanda-t-elle. Il eut un rire, et elle osa le regarder. Il eut un sourire, et elle lui tendit les mains. Il les prit, et il plia genou devant elle. Inspirée, elle plia le genou devant lui, et si noblement, qu'elle renversa la théière, les tasses, le pot à lait et toutes les rondelles de citron. Agenouillés, ils étaient ridicules, ils étaient fiers et beaux, et vivre était sublime.

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 505-506

[ amoureux ] [ trac ] [ maladresse ] [ passion ]

 

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femmes-par-homme

Jacques Chancel : Dans la vie normale, une femme doit-elle être inféodée à son homme ?
Albert Cohen : Bien sûr. (Rires) C’est une manière primitive, peut-être, de ma part, mais je trouve qu’en effet il doit y avoir des rapports de féodalité.
Jacques Chancel : Et l’émancipation de la femme, qu’en faites-vous ?
Albert Cohen : Je n’en fais rien, je ne m’y intéresse pas. Ça ne me regarde pas, je me contente de les regarder. Elles ont le sentiment de leur infériorité, alors, elles ont le complexe de supériorité, parce qu’elles sont inférieures.
Jacques Chancel : Il n’y a pas de grandes femmes écrivains ?
Albert Cohen : Qui ?
Jacques Chancel : Colette, non ?
Albert Cohen : Non, tout de même. Non, tout de même, c’est pas ça. C’est bien fait, il y a des choses très spirituelles, il y a les animaux, tout ça… Non, non et non !
Jacques Chancel : Marguerite Yourcenar.
Albert Cohen : Je n’ai rien lu, elle est trop laide. Rien de grand ne peut sortir de ce corps affreux.
Jacques Chancel : C’est terrible ce que vous dites.
Albert Cohen : Sûrement.
Jacques Chancel : Vous êtes méchant, vous êtes féroce. Mais vous n’avez rien lu d’elle. Donc, vous ne pouvez pas la juger…
Albert Cohen : Non, je n’ai rien lu d’elle, mais elle est trop grosse. Et puis elle aime les femmes, tout cela me déplaît beaucoup. Comment est-ce possible que cette femme si laide, si grasse puisse écrire ?
Jacques Chancel : Mais vous êtes un véritable macho !
Albert Cohen : Je ne suis pas un macho, mais je suis, malgré tout, un Oriental. Vraiment, y a-t-il eu une femme de génie ?

Auteur: Cohen Albert

Info: Radioscopie. Printemps 1978

[ phallocrate ]

 
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mari trompé

Quand elle lui faisait son nœud de cravate, elle lui donnait une petite tape sur la joue, après. C’était l’autre qu’elle attendait hier soir. Et lui, le couillon à lui lire son manuscrit ! Pour l’autre, les boiseries repeintes, le nouveau tapis. Trois mille francs au moins, ce tapis. Toutes ces dépenses pour rien. Lui, presque jamais il ne l’avait vue nue, et si ça arrivait, elle se couvrait tout de suite, elle disait que ça la gênait. Mais avec l’autre, ça ne la gênait pas. Toute nue et elle le toucherait à un endroit et ça ne la dégoûterait pas.

- Une grue, voilà.

Et pourtant, non, elle n’était pas une grue, elle était une femme bien. C’était ça justement qui était affreux, une femme bien qui acceptait de faire des saletés avec un homme. Aller tout à l’heure à la gare avec un taxi, demander quel train le train de neuf heures ? Peut-être qu’elle aurait pitié en voyant sa bonne volonté lorsqu’il leur passerait les bagages par la fenêtre. Il ne lui dirait rien, il la regarderait avec des yeux brillants de larmes, des yeux émouvants, et alors peut-être qu’elle descendrait du wagon. Il murmura : "Adrien, mon chéri, je ne pars pas, je reviens à toi."

Mais non, elle ne reviendrait pas. L’autre savait y faire. C’était un amant, il la rendait jalouse, sûrement. Tandis que lui, il avait été honnête avec elle. Lui, rien que de l’affection sérieuse, des attentions. Elle l’en avait puni. Oui, de l’affection sérieuse, de l’affection de cocu, des attentions de cocu. Il se cura le nez devant la petite glace de Mariette, considéra sa cueillette, en fit une boulette qu’il jeta. Quelle importance désormais ? D’ailleurs, en qualité de cocu, il avait le droit. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 769-770

[ rival masculin ] [ injustice ] [ horreur ] [ incompréhension ] [ choc de la découverte ]

 

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couple

- A quoi pensez-vous, aimé ? sourit-elle.

- Je pense que je m’ennuie, dit-il. (Ajouter avec vous ? Non, inutile.)

Elle devint blanche. C’était la première fois qu’il lui disait cela. Pour compléter son travail, il entreprit la fabrication d’un bâillement réprimé et d’autant plus significatif. Sur quoi, elle éclata en sanglots. Alors, il haussa les épaules et sortit.

Chez lui, il se sourit devant la glace. Elle vivait de nouveau, sa chérie. Il y avait eu dans ses yeux un éclat d’intérêt qu’il n’avait pas vu depuis des jours. Lorsqu’il lui disait qu’il l’aimait ou qu’elle était belle, elle faisait son sourire de dentier. Mais les étincelles de tout à l’heure dans ses yeux, c’était du sérieux, du tout chaud. Elle vivait de nouveau, sa chérie. Ah, si pour la rendre heureuse il avait suffi d’êter bon avec elle tout le temps, avec quelle joie, derviche tourneur, il lui aurait répété du matin au soir qu’il la chérissait, avec quel enthousiasme il l’aurait gavée de tendresses et servie jusqu’à brosser ses vêtements eet cirer ses souliers. Mais la tendresse continuelle, c’était monotone et peu viril, et elles n’aimaient pas ça. Il leur fallait des délices, les montagnes russes et les toboggans de la passion, des passages de la douleur à la joie, des angoisses, des bonheurs soudains, des attentes, des espoirs et des désespoirs, la sacrée passion avec son ignoble ribambelle d’émois et ses théâtraux buts de vie. Eh bien, il lui avait donné un but de vie maintenant. Désormais, elle serait constamment sur le qui-vive, le surveillerait, se demanderait s’il ne s’ennuyait pas avec elle, ce qui la désennuierait. Bref, elle prendrait sa place. Et demain, si un fort maniement charnel suivait une tendresse suivant une cruauté, le maniement serait vivement apprécié. Ô tristesse, devoir être méchant par bonté. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 810-811

[ relation pimentée ] [ souffrance ] [ femmes-par-homme ] [ méchanceté ] [ sensations fortes ] [ stratégie ]

 
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couple

A la fin de la matinée, après les derniers ordres, elle se retirait dans sa chambre, y lisait une revue littéraire ou quelque roman loué par la critique ou des pages d’une histoire de la philosophie. Tout cela pour lui, pour avoir des entretiens sérieux avec lui. La lecture terminée, elle s'étendait sur le canapé, chassait de son esprit toutes préoccupations matérielles, fermait les yeux, se forçait à penser à leur amour afin d'être fluide et décantée, deux de ses mots favoris ; et toute à lui lorsqu'elle le reverrait. Sortie du bain, elle allait le retrouver, coiffée et parfumée. Alors commençaient leurs heures hautes, comme elle disait. Grave, il lui baisait la main, sachant combien leur vie était fausse et ridicule. Après le déjeuner, s'il sentait qu'il était devenu moralement indispensable de procéder à une union sexuelle, il lui disait qu'il aimerait se reposer un peu avec elle, car il y fallait des manières. Elle comprenait, lui baisait la main. Je vous appellerai disait-elle, une petite victoire dans le cœur, et elle allait dans sa chambre. Là, elle fermait les volets, tirait les rideaux, voilait de rouge la lampe de chevet pour faire lumière voluptueuse, peut être aussi pour neutraliser d'éventuelles rougeurs d'après déjeuner, se déshabillait, couvrait sa nudité d'une robe d'amour, sorte de péplum soyeux de son invention qui n'était mis que pour être enlevé, se refaisait une perfection, passait à son doigt l'alliance de platine qu'elle lui avait demandé de lui offrir, remontait le sacré gramophone, et l'air de Mozart s'élevait, tout comme au Royal. Alors il entrait, officiant malgré lui, parfois se mordant la lèvre pour maîtriser le fou rire, et la prêtresse en sa robe consacrée renflait ses muscles maxillaires pour se mettre ou se croire en état de désir. Mon sacré, lui avait elle dit un jour en le déshabillant doucement. Massacrée, lui avait-il répondu intérieurement. Pauvre vengeance.

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 910-911

[ emploi du temps ] [ théâtralisation ] [ décalage ] [ homme-femme ] [ farce ] [ comique ] [ tue-l'amour ]

 

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baise

Une noble coupable en peignoir de soie blanche s'avança, douce prêtresse, dit qu'elle regrettait d'avoir perdu d'avoir manqué de maîtrise, de s'être affolée.

-C'est moi qui ai eu tort, dit-il. Je n'aurais pas dû venir si tard. Pardonne-moi, chérie.

Chez elle, devant son lit, il la trouva si touchante de repentir qu'il la serra contre lui. Sentant la fermeté des seins, il lui murmura à l'oreille. Entrée dans le lit. Elle ferma les yeux pour ne pas le voir qui ôtait son pyjama. Il souleva la couverture et s'étendit auprès d'elle, éternua deux fois. Ça y était, pensa-t-elle, c'était le chien. ldiote, idiote d'avoir eu pitié, idiote d'être allée demander pardon. Il fallait payer maintenant. En de telles circonstances, Adrien Deume passait sans transition de la continence à une avidité taurine et pressée. Mais il avait lu le Kâma Soutra quelques semaines auparavant, et il y avait appris l'utilité de certaines préparations. Il se mit donc sans autre à mordiller son épouse. Le pékinois maintenant, pensa- t-elle, et elle ne put s'empêcher de japper intérieurement. Elle s'en voulait du fou rire qu'elle maîtrisait tandis que le membre de section A mordillait studieusement, elle avait honte, mais elle continuait ses petits aboiements secrets, ouaou, ouaou. Après d'autres gracieusetés recommandées par le livre indien et exécutées avec application, ce qui devait avoir lieu eut lieu.

Etendu auprès d'elle et calmé, il lui disait des mots tendres, faisait de nobles commentaires, et elle se retenait de lancer des ruades. Non, non, c'était trop, c'était trop de faire l'idéaliste et le sentimental maintenant qu'il s'était servi d'elle, c'était trop de la payer en paroles poétiques et en sentiments élevés après l'avoir associée à cette bestialité. Ne pouvait-il pas cuver son viol en silence ?

Et puis il se tenait trop contre elle, il transpirait, il était collant, et chaque fois qu'elle s'écartait, il se rapprochait et de nouveau disait des joliesses, osait en dire le cannibale remueur de tout à l'heure ! 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 257-258

[ homme-par-femme ] [ relation déséquilibrée ] [ moment de déplaisir ] [ distanciation ] [ simulation ] [ post-coïtal ] [ dégoût ] [ ridicule ] [ désamour ]

 

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post-mortem

[…] mais non me disent-ils il n’y a plus de paradis ça ne se fait plus c’est dans l’au-delà que vont les âmes à la page, ah oui l’au-delà c’est vrai j’avais oublié, l’au-delà où ne circulent que des invisibilités sans saveur ni odeur sans regards ni sourires souffles tristes et volantes anémies, ah oui la vie éternelle n’est-ce pas c’est-à-dire que je pourrai regarder paraît-il quand mes yeux seront une coulante morve, ah oui voilà les réalités invisibles qui rappliquent, très commode des réalités qui ont la politesse d’être invisibles, et moi dans tout ça qu’est-ce que je deviens moi, et qu’est-ce que je ferai dans l’au-delà parmi toutes ces invisibilités et chétives bouffées pas très captivantes, moi qui aime tant regarder et entendre regarder avec de vrais yeux tout charnels entendre avec des oreilles visibles et compliquées de trompes d’Eustache, il me semble que je suis dans ces combines d’âme assez oublié moi qui aime aimer de mes aimantes lèvres aimées, et il paraît que dans cet au-delà mes milliards de pensées et d’images et de sentiments oui j’en suis milliardaire vivront en l’air sans le support de mes yeux et des jeux de mon cerveau sous la coque vulnérable de mon crâne bientôt dessoudé, faut croire que je verrai sans yeux et aimerai sans lèvres, oh que tout cela est sauvage et sorcier et infantile, eh quoi parlons sérieusement en hommes et non en matagraboliens, la sexualité n’est-elle pas une rude composante de la personne humaine et de ce que vous appelez âme, où est-elle cette composante où son charnel support en vos paradis et que devient-elle en votre au-delà où les anges ne peuvent jamais s’asseoir et pour cause, et vos vasodilatateurs et vasoconstricteurs ne sont-ils pas condition ou cause de vos émois et affects et qu’est une âme sans affects et qu’est-ce que vivre sans corps, je les entends qui s’indignent mais angéliquement et avec beaucoup de pitié pour ce pauvre vulgaire de moi et me parlent d’yeux spirituels et d’oreilles immatérielles […].

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, page 898

[ théories en vogue ] [ désincarné ] [ hypothèses réconfortantes ] [ objections ] [ rejet ] [ question ] [ absurdité ]

 

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digestion

Hélas, un borborygme s'éleva avec des volutes de contrebasse, mourut soudain, et elle toussa pour le détruire et l'embrouiller rétroactivement par un bruit antagoniste. Il lui baisa la joue pour faire atmosphère naturelle et adoucir cette humiliation. Mais aussitôt, majestueux, un autre borborygme retentit qu'elle camoufla en ce raclant la gorge. Contre un troisième, d'abord caverneux, puis mignon et ruisselet, elle lutta en appuyant sa main subrepticement mais fort, afin de le comprimer et le réduire, mais en vain. Un quatrième survient en mineur, triste et subtil. Plaçant tout son espoir en un changement de position, elle s'assit sur le fauteuil en face et dit à haute voix qu'il faisait beau. À voix tout aussi haute, il dit que c'était une journée vraiment merveilleuse, développa cependant qu'elle cherchait en catimini des postures destructrices de ces maudits bruits causés par le déplacement des gaz et des liquides dans un innocent estomac. Mais rien n'y faisait et de nouveaux venus surgissaient en grand vacarme, clamant leur droit à la libre expression. Il en guettait l’arrivée, les accueillait avec compassion, sympathisait avec la pauvrette, mais ne pouvait s'empêcher de les caractériser, tour à tour mystérieux, allègres, humbles, altiers coquins, véniels, funèbres. Enfin elle eut la bonne idée de se lever et de remonter le gramophone, pour une fois opportun. Alors le Concerto brandebourgeois en fa majeur retentit, étouffant les rumeurs intestines et Solal rendit grâces à cette musique, parfaite pour couvrir des borborygmes.

Hélas, le concerto pour scieurs de long terminé, un nouveau borborygme s'éleva, un beau borborygme, très réussi, élancé et divers, tout en spirales et fioritures, pareil à un chapiteau corinthien. Ensuite, il y en eut plusieurs à la fois, dans le genre grandes orgues, avec basson, bombarde, cor anglais, flageolet, cornemuse et clarinette. Alors, de guerre lasse, elle dit qu'il lui fallait s'occuper du diner. Deux motifs à cette décision, pensa-t-il. Le premier, à court terme, filer à la cuisine et y borborygmer en paix, sans témoin. Le second, de plus longue portée, se remplir le plus vite possible l'estomac, afin d'écraser et de mater les borborygmes qui, tassés par le poids des aliments ingérés, ne pourraient plus monter à la surface pour s'épanouir et gambader à l'air libre. 

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 919-920

[ embarras ] [ tue-l'amour ] [ musicalité ] [ trahison organique ] [ couple ]

 
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correspondance épistolaire

Non, ne pas lire encore, faire durer le plaisir. Voir un peu l'enveloppe d'abord, Belle enveloppe solide, sans l'affreux doublage intérieur. Très bien. Et il avait collé le timbre soigneusement, pas sens dessus dessous juste au bon endroit, avec amour, voilà. Oui, parfaitement, c'était une preuve d'amour. Elle regardait la lettre de loin, sans la lire. Ainsi, lorsqu' elle était une petite fille, elle considérait le biscuit avant de le manger. Non, ne pas lire, attendre encore. Elle est à ma disposition, mais il faut que je meure d'envie de la lire. Regardons un peu l'adresse. Il a pensé à moi en écrivant mon nom, et parce il a dû mettre madame qui fait honorable, décent, il a peut-être pensé par contraste à moi nue, si belle, qu'il a vu de tous les côtés. Maintenant regardons un peu le papier, mais du côté pas écrit. Papier très beau, japon peut-être. Non, le papier ne sent rien. Il sent la netteté, la propreté absolue, un papier viril, voilà.

Soudain, elle n'en pouvait plus. C'était alors une lecture minutieuse et lente, une étude de la lettre avec des arrêts pour méditer, pour se représenter, les yeux fermés, et sur les lèvres un sourire un peu idiot, un peu divin. Afin de mettre en valeur des mots plus tendres ou plus ardents, elle recouvrait parfois la feuille de ses deux mains, de manière que seule la phrase merveilleuse restât visible. Elle s'hypnotisait sur cette phrase. Pour mieux la sentir, elle la déclamait, ou encore, prenant une glace à la main, se la confiait à mi-voix, et s'il lui écrivait qu'il était triste sans elle, elle était contente, elle riait. Il est triste, il est triste, chic ! s'écriait-elle, et elle relisait la lettre tant de fois qu'elle ne la comprenait plus et que les mots perdaient leur sens.

Le plus souvent, elle résistait à la tentation, savait qu'à trop lire une lettre on l'abimait, on ne la sentait plus. Alors, elle l'enfermait, se donnait sa parole d'honneur de la laisser se reposer et de ne pas la reprendre avant ce soir. D'ici là, la lettre aurait repris son suc, et ce serait la récompense d'avoir attendu, et on la lirait bien fourrée dans le lit.

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 538-539

[ dégustation ] [ attente ] [ plaisir différé ]

 
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judéo-christianisme

[…] et lorsqu’ils exaltent la force ou les exercices du corps et les viandes au soleil lorsqu’ils se vantent comme Hitler ou leur Nietzsche d’être inexorables et durs qu’exaltent-ils et que vantent-ils sinon le retour à la grande singerie de la forêt préhistorique et en vérité lorsqu’ils massacrent ou torturent des Juifs ils punissent le peuple de la Loi et des prophètes le peuple qui a voulu l’avènement de l’humain sur terre oui ils savent ou pressentent qu’ils sont le peuple de nature et qu’Israël est le peuple d’antinature porteur d’un fol espoir que le naturel abhorre et d’instinct ils abominent le peuple contraire qui sur le Sinaï a déclaré la guerre à la nature et à l’animal en l’homme et de cette guerre la religion juive et la religion chrétienne portent témoignage hosanna alléluia hosanna dans la vieille religion Dieu qui est le tempérament du prophète juif colérique et bon et si naïvement sérieux Dieu édicte sans cesse Il dit tout ce que pour se débarrasser de la tare naturelle et animale l’homme doit faire et surtout ne pas faire et l’interdiction de tuer est le premier de Ses commandements le premier cri de guerre contre la nature ô fierté dans mes os et tremblements à la synagogue lorsque le descendant d’Aaron ouvre l’arche en sort la sainte Loi la présente au peuple hosanna alléluia hosanna la religion chrétienne toute issue de mon peuple a transformé la gentilité et par elle sur d’immenses territoires l’homme est devenue humain hosanna alléluia hosanna nouvelle naissance nouvel homme Adam nouveau salut par la foi imitation du Christ grâce rédemptrice effaçant le péché originel qui est en réalité la tare naturelle et animale ces hautes notions chrétiennes procèdent toutes de la même volonté juive de transformer l’homme naturel en enfant de Dieu en âme sauvée c’est-à-dire en homme humain hosanna alléluia hosanna ainsi par d’autres voies plus intérieures le même but est atteint qui est l’humanisation de l’homme hosanna alléluia hosanna ces deux filles de Jérusalem la juive et la chrétienne en son mont d’où il aime à contempler sa chère nature Hitler les hait également car toutes deux sont reines d’humanité ennemies éternelles des lois de nature et qu’elles le sachent ou non qu’elles le veuillent ou non les plus nobles portions de l’humanité sont d’âme juive et se tiennent sur leur roc qui est la Bible […].

Auteur: Cohen Albert

Info: Belle du Seigneur, éditions Gallimard, 1968, pages 1005-1006

[ continuité ] [ paganisme ] [ naturel-surnaturel ] [ spiritualité ] [ philosémitisme ]

 

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