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temps profane

Dans une journée d'homme contemporain, il n'est presque plus rien en effet qui puisse se traduire en expérience : ni la lecture du journal, si riche en nouvelles irrémédiablement étrangères au lecteur même qu'elles concernent ; ni le temps passé dans les embouteillages au volant d'une voiture ; ni la traversée des enfers où s'engouffrent les rames du métro ; ni le cortège de manifestants, barrant soudain toute la rue ; ni la nappe de gaz lacrymogènes, qui s'effiloche lentement entre les immeubles du centre-ville ; pas davantage les rafales d'armes automatiques qui éclatent on ne sait où ; ni la file d'attente qui s'allonge devant les guichets d'une administration ; ni la visite au supermarché, ce nouveau pays de cocagne ; ni les instants d'éternité passés avec des inconnus, en ascenseur ou en autobus, dans une muette promiscuité. L'homme moderne rentre chez lui le soir épuisé par un fatras d'événements - divertissants ou ennuyeux, insolites ou ordinaires, agréables ou atroces - sans qu'aucun d'eux se soit mué en expérience.

Auteur: Agamben Giorgio

Info: Dans "Enfance et histoire", pages 24-25

[ absurde ] [ ineffable ] [ infobésité ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

inquiétude diffuse

Mais que veille-t-elle, cette âme inquiète pour ne pas pouvoir s’abandonner au repos ? Quel désir au-delà du désir se rappelle ainsi à elle ? Soudain vous êtes éveillés en pleine nuit, pour rien. Pas envie de lire ni de faire l’amour, et plus vous cherchez la manne réparatrice du sommeil, plus elle semble se détacher de vous. Vous avez peur comme des écoliers d’être épuisés demain alors que vous êtes seulement dans la fatigue de vivre. Peu d’insomnies en temps de guerre ou dans les affres de la passion (des nuits blanches, oui), ni dans l’extrême tristesse d’un deuil ou d’une épreuve, non l’insomnie appartient plutôt à l’entre-vie, ces moments où l’on n’habite pas sa propre existence sans pouvoir pour autant se déprendre du "souci de soi". Est-ce le souvenir d’une terreur ancienne ? Là, seul dans la nuit, je retrouve ce face-à-face dont tout, dans la vie quotidienne, me détourne. […] L’insomnie est faite de cette solitude : c’est notre veille d’être vivant, loin de ces loyautés multiples auxquelles nous obéissons depuis l’enfance.

Auteur: Dufourmantelle Anne

Info: Dans "En cas d'amour", pages 151-152

[ lucidité ] [ autres règles ] [ explication ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

dernières paroles

Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir: adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même. Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde. Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux.

Auteur: Zweig Stefan

Info:

[ suicide ]

 

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hallucination

Il advint en octobre de l’année 1913, alors que j’effectuais un voyage seul, que je fus soudain, en plein jour, assailli par une vision : je vis un flot immense recouvrir tous les pays de plaine septentrionaux, situés entre la mer du Nord et les Alpes. Les flots s’étendaient de l’Angleterre à la Russie, et des côtes de la mer du Nord presque jusqu’aux Alpes. Je vis les vagues jaunes, les débris flottants et la mort de milliers et de milliers de personnes.

Cette vision dura deux heures environ ; elle me troubla et me donna des nausées. J’étais incapable de l’interpréter. Deux semaines s’écoulèrent, puis la vision se reproduisit, avec encore plus de violence que la première fois. Et une voix intérieure me dit : "Regarde bien, c’est tout à fait réel, et il en sera ainsi. Tu ne peux en douter." Je me battis à nouveau deux heures environ avec cette vision, mais elle ne me lâcha pas. Elle m’abandonna épuisé et troublé. Et je pensai que mon esprit était tombé malade. 

Auteur: Jung Carl Gustav

Info: Dans le "Livre Rouge", trad. Béatrice Dunner, La Compagnie du Livre rouge, Paris, 2012, page 145

[ prophétique ] [ grand rêve ] [ témoignage ] [ accès psychotique ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

insomniaques

Le travail est assez mal vu des Émanglons, et, prolongé, il entraîne souvent chez eux des accidents.

Après quelques jours d'un labeur soutenu, il arrive qu'un Émanglon ne puisse plus dormir.

On le fait coucher la tête en bas, on le serre dans un sac, rien n'y fait. Cet homme est épuisé. Il n'a même plus la force de dormir. Car dormir est une réaction. Il faut encore être capable de cet effort, et cela en pleine fatigue. Ce pauvre Émanglon donc dépérit. Comment ne pas dépérir, insomnieux, au milieu de gens qui dorment tout leur saoul ? Mais quelques-uns en vivant au bord d'un lac, se reposent tant bien que mal à la vue des eaux et des dessins sans raison que forme la lumière de la lune, et arrivent à vivre quelques mois, quoique mortellement entraînés par la nostalgie du plein sommeil.

Ils sont faciles à reconnaître à leurs regards vagues à la fois et insistants, regards qui absorbent le jour et la nuit.

Imprudents qui ont voulu travailler ! Maintenant il est trop tard.

Auteur: Michaux Henri

Info: L'Espace du dedans, Les émanglons, Mœurs et coutumes - Voyage en grande Garabande - 1936

[ labeur ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

vieillir

J'ai les moyens d'acheter des livres, mais moins de temps pour les lire. En contemplant les piles qui encombrent l'appartement, j'essaie d'évaluer de combien leur volume dépasse déjà la somme de temps que j'aurai jamais à leur consacrer. Je découvre avec soulagement qu'en japonais il existe un mot pour cela : tsundoku ("acheter des livres et ne pas les lire; les laisser s'empiler sur le sol, les étagères ou la table de nuit"). Auparavant, aucun essai ne me semblait trop ardu si le sujet m'intéressait: je m'installais à la table du salon et je laissais les heures s'écrouler sereinement, soulignant avec soin les passages marquants au crayon et à la règle. En protégeant ma concentration, la pièce autour de moi semblait me seconder dans mes efforts et partager l'émerveillement des révélations qu'ils me valaient. Désormais, la journée ayant épuisé mon énergie intellectuelle, je suis trop fatiguée le soir pour faire autre chose que regarder des séries télévisées. J'aime beaucoup les séries, mais je reste à la porte des révélations. Et un peu à la porte de chez moi aussi.


Auteur: Chollet Mona

Info: Chez soi

[ affaiblissement ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

vulnérable beauté

Oiseaux porteurs de vent

De cris et de voyages

Oiseaux sur ma fenêtre

Épuisés, silencieux

Au lumineux plumage

En attente du ciel



Voués à disparaître

Au moindre mouvement

Attentifs, mystérieux

Messagers de nos rêves

Et de lointains voilés

Vous caressez l'espace

De vos battements d'ailes

De vos chants surannés



Un jour vous serez maîtres

De ce monde désert

Que nous aurons tué

Sans y laisser de trace

Que nous aurons brûlé

Affamé, assoiffé,

Empoisonné, détruit

Par nos viols suicidaires



Un jour dans le silence

Des ruines de nos terres

Vous oiseaux survivants

De vos gosiers fragiles

La musique va naître

Rescapée du bruit

De l'ordre fracassé

De ce pauvre univers



Dans le ciel ébloui

Votre seul chant gravé

Comme un pur talisman

Sur le front des nuages

Prendra son vol solaire

Et nous rendra la vie

Bien au-delà du temps. 


Auteur: Grisélidis Réal

Info: Chair vive, Oiseaux. A Jacques Vallet, écrivain visionnaire, Genève, le 21 juillet 2003

[ poème ] [ nature ] [ espérance ] [ renaissance ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

consumérisme

Notre vie est peut-être la dernière à se dérouler dans une société technologique. Si le monde continue à se comporter de manière aussi stupide que par le passé, nous assisterons à une augmentation de la population et de la violence. Nous essaierons de soutenir les populations en épuisant les ressources de la terre, en polluant de plus en plus, pour aboutir, peut-être, à une guerre nucléaire. La Terre verra son pétrole brûlé, la plupart de son charbon le plus facilement disponible épuisé, ses métaux répartis de façon éparse sur l'ensemble du globe. Nous n'aurons tout simplement pas la base matérielle nécessaire pour construire une autre civilisation technologique. Plus la population est nombreuse, plus la pression exercée sur la technologie pour produire des choses est forte. En outre, il y a une forte pression pour produire des choses qui ne sont pas directement liées à la quantité de personnes dans le monde, mais qui sont inutiles et gaspillent de l'énergie. On rapporte que Socrate observait un bazar avec émerveillement et disait : "Comme il y a tant de choses dont je n'ai pas besoin !". Il y a effectivement beaucoup de choses dont nous n'avons pas besoin.

Auteur: Clarke Arthur C.

Info: Interview dans le Christian Science Monitor (27 mars 1974), F1.

[ surpopulation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

loisirs

On ne saurait attendre d’hommes oppressés dans leur travail quotidien par l’étroitesse d’une occupation très spécialisée assez peu supportable et que l’ennui accable, qu’à l’instant où la pression et l’enui cessent, après le travail, ils puissent aisément retrouver leur "forme humaine", redevenir eux-mêmes (pour autant qu’ils aient encore un "soi"), ou même seulement le vouloir. Le moment où la dure pression à laquelle ils sont soumis se relâche ressemble plutôt à une explosion, et comme ces êtres libérés si soudainement de leur travail ne connaissent rien d’autre que l’aliénation, ils se jettent, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement épuisés, sur des milliers de choses différentes, sur n’importe quoi qui puisse relancer le cours du temps après le calme plat de l’ennui et les transporter dans un autre rythme : ils se jettent donc sur la rapide succession de scènes que leur propose la télévision.

[...] Elles [la radio et la télévision] favorisent en même temps le désir et son exténuation : tension et relâchement, rythme et inactivité, dépendance et détente – elles servent tout cela simultanément. Elles nous dispensent même d’avoir à courir après les distractions, puisque désormais ce sont elles qui courent après nous.

Auteur: Anders Günther Stern

Info: Dans "L'obsolescence de l'homme", trad. de l'allemand par Christophe David, éditions Ivrea, Paris, 2002, page 159

[ divertissements ] [ facilité ] [ consommation ] [ passivité ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

faire miroiter

Une défense beaucoup plus attrayante et convaincante de la nécessité occasionnelle d'exagérer les bénéfices potentiels apparaît dans un essai du philosophe polonais Kolakowski : Les améliorations les plus simples des conditions sociales exigent un effort si énorme de la part de la société que la pleine conscience de cette disproportion serait des plus décourageantes et rendrait ainsi tout progrès social impossible. L'effort doit être prodigieusement grand si l'on veut que le résultat soit visible... Il n'est donc pas du tout étonnant que cette terrible disproportion soit très faiblement reflétée dans la conscience humaine si l'on veut que la société génère l'énergie nécessaire pour apporter des changements dans les relations sociales et humaines. Pour cela, on exagère les résultats prospectifs en un mythe pour leur faire prendre des dimensions qui correspondent un peu plus à l'effort immédiatement ressenti.... Le mythe se comporte comme une Fata Morgana qui fait surgir de belles terres sous les yeux des membres d'une caravane et augmente ainsi leurs efforts jusqu'à ce que, malgré toutes leurs souffrances, ils atteignent la prochaine petite oasis. Si de tels mirages tentants n'étaient pas apparus, la caravane épuisée aurait inévitablement péri dans la tempête de sable, privée d'espoir.  

Auteur: Hirschman Albert Otto

Info: Development Projects Observed

[ incitation ] [ encouragement ] [ carotte mieux que bâton ]

 

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Ajouté à la BD par miguel