Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 105
Temps de recherche: 0.0533s

différence sexuelle

Avec le développement autocratique de la science absolue, la question féministe ne se posa même plus. La vie se prolongea indéfiniment par le remplacement progressif des différentes parties du corps. Les hommes ne mouraient plus, un peu comme autrefois du reste, que s’ils le voulaient bien, et les maladies étaient désormais inconnues.

On avait développé, en effet, d’une façon particulière, ce sens très ancien que l’on appelait jadis l’instinct chez les animaux, l’instinct de la conservation physique chez l’homme et qui n’est autre chose qu’une vue intérieure que nous avons des différents phénomènes qui se passent dans notre corps, une prescience certaine des dangers que peuvent lui faire courir tels ou tels germes étrangers.

Lorsque cette vue intérieure fut développée au plus haut point, comme il convenait, les maladies les plus graves furent arrêtées dès leur début. Pour la première fois, lorsqu’il n’y eut plus de médecins, la médecine fut autre chose que du charlatanisme et l’on n’eut plus recours aux vagues indications d’un empirisme inconscient, comme on l’avait fait jadis.

Tout naturellement la question de reproduction de l’espèce devint également sans intérêt. Les femmes ne se distinguant plus des hommes par leurs travaux et leurs occupations, elles ne s’en distinguèrent même plus bientôt par le costume. Elles furent les androgynes primitifs décrits par les religions antiques.

C’est assez dire que l’idée même de la maternité leur devint absolument étrangère.

Au surplus, grâce à des mesures énergiques prises dès le moment de la naissance par les savants du Grand Laboratoire Central, tout ce qui faisait jadis la préoccupation principale et la joie de l’humanité, devint une chose définitivement inconnue et profondément méprisée par des êtres scientifiques qui ne pouvaient connaître par eux-mêmes ce dont on leur parlait et qui considéraient l’amour comme un souvenir historique, comme une déchéance animale intéressant uniquement l’histoire naturelle et ne relevant que des simples recherches anatomiques.

Auteur: Pawlowski Gaston de

Info: Voyage au pays de la quatrième dimension, Flatland éditeur, 2023, page 228-230

[ discours scientifique ] [ indifférenciation ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par Coli Masson

fausses apparences

Un cas terrible de syndrome de l’imposteur est celui du philosophe français Louis Althusser. C’était un homme qui a souffert de problèmes mentaux extrêmement graves ; à vingt-neuf ans, on lui a diagnostiqué une psychose maniaco-dépressive et il a été interné une vingtaine de fois dans différents centres psychiatriques. En 1980, il a commencé à faire un massage à sa femme, la sociologue Hélène Rytmann, avec qui il vivait depuis trente-cinq ans, et il a fini par l’étrangler jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il a été déclaré irresponsable devant la loi pour avoir eu un accès de folie, et il a encore été interné pendant trois ans. En 1992, deux ans après sa mort, on a publié son autobiographie, L’avenir dure longtemps, dans laquelle il raconte d’une façon déchirante qu’il se considérait comme un lâche et un imposteur. Qu’il abritait des désirs homosexuels qu’il n’a jamais concrétisés ; qu’il passait pour un éminent philosophe alors que le fait est qu’il avait des lacunes considérables dans ses connaissances : il ne savait rien sur Aristote, ni sur les sophistes, ni sur les stoïciens, ni sur Kant (je me l’imagine se disant dans un moment de stupeur : Aristote ? Ou est-ce Aristarque ? Ou peut-être Anaxarque ?). Et qu’il avait été considéré comme un héros de la Seconde Guerre mondiale parce qu’il était resté cinq ans dans un camp de prisonniers allemand, mais qu’en réalité il avait ressenti une “terreur totale” à l’idée de se battre, qu’il s’inventait des maladies pour éviter les missions et que, quand les Allemands l’avaient capturé, il s’était senti soulagé. Pauvre Althusser, qui avait vécu, comme nous l’avons dit avant, écrasé par l’impératif héroïque de cet oncle et premier fiancé de sa mère dont il portait le nom, mort au combat pendant la Première Guerre mondiale. D’ailleurs, c’est à son retour du camp de prisonniers que la psychose d’Althusser a officiellement éclaté : il avait eu la terrible malchance d’avoir à vivre une autre guerre mondiale dans laquelle se mesurer à son fantôme. Il avait perdu, bien entendu.

Auteur: Montero Rosa

Info: Le danger de ne pas être folle

[ imposture ] [ autoportrait ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

littérature

Un soir, après le repas, j'allai encore en hâte au bord du lac drapé de je ne sais plus très bien quelle mélancolie pluvieuse et sombre. Je m'assis sur un banc sous les branches dégagées d'un saule et ainsi, m'abandonnant à des pensées vagues, je voulus m'imaginer que je n'étais nulle part, une philosophie qui me procura un bien-être étrange et délicieux. L'image de la tristesse sur le lac, sous la pluie, était magnifique. Dans son eau chaude et grise tombait une pluie minutieuse et pour ainsi dire prudente. Mon vieux père avec ses cheveux blancs m'apparut en pensées, ce qui fit de moi un enfant timide et insignifiant, et le portrait de ma mère se mêla au doux et paisible murmure et à la caresse des vagues. Avec l'étendue du lac qui me regardait comme je le faisais moi-même, je découvris l'enfance qui me considérait elle aussi, comme avec de beaux yeux limpides et bons. Tantôt j'oubliais tout à fait où je me trouvais, tantôt je le savais de nouveau. Quelques promeneurs silencieux allaient et venaient tranquillement sur la rive, deux jeunes ouvrières s'assirent sur le banc voisin et commencèrent à bavarder et là-bas sur l'eau, là-bas sur le lac bien-aimé, où les larmes douces et sereines coulaient paisiblement, des amateurs de navigation voguaient encore dans des bateaux ou des barques, le parapluie ouvert au-dessus de leurs têtes, une image qui me fit rêver que j'étais en Chine ou au Japon ou dans un autre pays de poésie et de rêve. Il pleuvait si gentiment et si tendrement dans l'eau et il faisait si sombre. Toutes les pensées sommeillaient puis toutes les pensées étaient de nouveau en éveil. Un vapeur sortit sur le lac; ses lumières scintillaient à merveille dans l'eau lisse et gris argent du lac qui portait ce beau bateau comme s'il éprouvait de la joie à cette apparition féerique. La nuit tomba peu après, et avec elle l'aimable invitation à se lever du banc sous les arbres, à s'éloigner de la rive et à prendre le chemin du retour.

Auteur: Walser Robert

Info: Retour dans la neige, traduit de l'allemand par Golnaz Houchidar, 1999 pp. 94-95

[ crépuscule ] [ onirisme ]

 

Commentaires: 0

endoctrinement

Les écoles normales primaires étaient à cette époque de véritables séminaires, mais l'étude de la théologie y était remplacée par des cours d'anticléricalisme.

On laissait entendre à ces jeunes gens que l'Église n'avait jamais été rien d'autre qu'un instrument d'oppression, et que le but et la tâche des prêtres, c'était de nouer sur les yeux du peuple le noir bandeau de l'ignorance, tout en lui chantant des fables, infernales ou paradisiaques.

La mauvaise foi des "curés" était d'ailleurs prouvée par l'usage du latin, langue mystérieuse, et qui avait, pour les fidèles ignorants, la vertu perfide des formules magiques.

La Papauté était dignement représentée par les deux Borgia, et les rois n'étaient pas mieux traités que les papes : ces tyrans libidineux ne s'occupaient guère que de leurs concubines quand ils ne jouaient pas au bilboquet ; pendant ce temps, leurs "suppôts" percevaient des impôts écrasants, qui atteignaient jusqu'à dix pour cent des revenus de la nation.

C'est-à-dire que les cours d'histoire étaient élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine.

Je n'en fais pas grief à la République : tous les manuels d'histoire du monde n'ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements.

Les normaliens frais émoulus étaient donc persuadés que la grande Révolution avait été une époque idyllique, l'âge d'or de la générosité, et de la fraternité poussée jusqu'à la tendresse : en somme, une explosion de bonté.

Je ne sais pas comment on avait pu leur exposer — sans attirer leur attention — que ces anges laïques, après vingt mille assassinats suivis de vol, s'étaient entre-guillotinés eux-mêmes.

Il est vrai, d'autre part, que le curé de mon village, qui était fort intelligent, et d'une charité que rien ne rebutait, considérait la Sainte Inquisition comme une sorte de Conseil de famille : il disait que si les prélats avaient brûlé tant de Juifs et de savants, ils l'avaient fait les larmes aux yeux, et pour leur assurer une place au Paradis.

Telle est la faiblesse de notre raison : elle ne sert le plus souvent qu'à justifier nos croyances.

Auteur: Pagnol Marcel

Info: La gloire de mon père

[ éducation ] [ idéologie ] [ lavage de cerveaux ] [ anti-religion ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Coli Masson

fable

Qu’il est difficile d’être honnête avec soi. En tout cas, je n’ai pas tellement d’indulgence pour ceux qui prêchent le sacrifice et l’oubli de soi. Tiens, je vais te raconter une histoire… Il était une fois un ermite qui vivait dans une grotte dans la montagne et qui méditait chaque jour, seul, détaché de tout désir humain. On venait de loin pour le voir et lui demander conseil. On le considérait comme un saint. Mais voilà qu’un jour une pute s’installe dans une autre grotte, un peu plus loin. Elle aussi reçoit beaucoup de visiteurs, mais pas pour les mêmes raisons ! Le saint est mortifié de devoir supporter quotidiennement le spectacle de la débauche. Tu penses bien, la putain démonétise sa sacro-sainte entreprise spirituelle, elle obscurcit le monde par le vice et le stupre. Bref, il n’y a pas un jour où il ne maudisse cette sale pute de s’être installée dans la grotte d’à côté !

Mais par l’un de ces hasards dont l’univers a le secret, l’ermite et la putain meurent le même jour. Les voilà à patienter dans la queue pour le paradis. L’ermite est en colère parce qu’il y a des tas d’âmes devant lui, des âmes de simples profanes, et il devient carrément furieux quand il voit que même la pute est plus avancée que lui dans la queue. Alors il sort du rang et va râler auprès des autorités compétentes. “Il y a une erreur dans votre liste, qu’il dit ; la preuve, c’est que la péripatéticienne là-bas, elle est devant moi.” Ni une ni deux, l’ange qui gère la file va consulter ses dossiers. En revenant il dit : “Cher ermite, tout est bien en ordre. Vois-tu, pendant les dix années qui viennent de s’écouler, tu as passé tes journées à maudire la prostituée qui vivait près de chez toi, parce qu’à cause d’elle, la montagne te semblait moins sacrée. Elle, pendant toutes ces années, qu’a-t-elle fait ? Tous les matins, elle priait pour toi, remerciant le ciel de t’avoir placé là, en face de son bordel, parce que la vue de ta sainteté l’aidait à supporter sa condition de pécheresse. Je te le demande : de vous deux, qui a l’âme la plus pure ?”

Auteur: Kalda Katrina

Info: La mélancolie du monde sauvage

[ religiosité ] [ théorie-pratique ] [ sagesse ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par miguel

pensée-de-femme

Elle [M-A Murail à l’âge de 12 ans] :

De toutes mes forces je refuse the murder of soul ! L'assassinat d’une âme à cause de deux ou trois bambins. Le matériel ne me tuera pas. Frotter les cuivres, faire l’argenterie, vu ? Dans une famille chacun doit porter sa part de médiocrité quotidienne ou bien il y a une sacrifiée. L'éternelle sacrifiée. Mais moi, je ne serai pas celle-là. Pas par égoïsme mais par refus de la facilité, je ne serai pas celle-là.

Moi [M-A Murail aujourd’hui] :

Tu refuses d'être une femme comme "celle-là", j'ai refusé d'être une mère comme "celle-là". Puis j'ai été une femme comme les autres, une mère comme toutes les mères. Est-ce que je le regrette ? C'est ça que tu veux savoir ?

Je me suis parfois étonnée de ce que maman se satisfit d'une vie artistique par procuration, mais j'ai été blessée de ce que mon père, malgré ses quatre enfants, considérait sa vie comme ratée parce qu'il était un poète incompris.

Qu'est-ce que j'en conclus ? Que pour moi le carton plein, la vie réussie, c'est Dickens et ses dix enfants ? Mais il s'agit là d'une figure masculine.

Si tu regardes du côté des femmes écrivains, que vois-tu ?

Jane Austen, pas d'enfant ; les sœurs Brontë, pas d'enfant ; Madame d'Aulnoy, une "Chatte blanche" et un "Oiseau bleu" ; Béatrix Potter, des lapins ; Marguerite Yourcenar, pas d'enfant ; Colette, une fille à 40 ans ; Alexandra David-Néel, un fils adoptif tibétain ; Simone de Beauvoir, une fille adoptée à l'âge adulte ; Anaïs Nin, pas d'enfant ; Virginia Woolf, pas d'enfant ; Hannah Arendt, pas d'enfant ; Selma Lagerlöf, pas d'enfant ; Karen Blixen, pas d'enfant … OK, la comtesse de Ségur, huit enfants, mais elle publia après les avoir élevés.

Aurais-je écrit mieux si j'avais été une femme libre, sans enfant à surveiller au jardin, sans caddie à remplir à Carrefour ? J'aurais sans doute écrit davantage. Et sûrement autre chose.

J'écrivais dans le brouhaha de la vie, mon cahier sur les genoux, des gamins prenant leur goûter ou faisant leurs devoirs à côté de moi, avec Goldorak en fond sonore.

Je n'ai eu la chambre à soi qu'à 42 ans, et contrairement à la recommandation de Virginia, elle ne fermait pas à clé. Quand j'écrivais, j'avais un ange dans mon dos.

Auteur: Murail Marie-Aude

Info: En nous beaucoup d'hommes respirent

[ écriture ] [ femmes-par-femme ] [ littérature ] [ maternité ]

 
Commentaires: 1
Ajouté à la BD par miguel

proportions

Découverte d'une nouvelle loi de la nature La relation entre abondances de proies et de prédateurs suit une loi universelle à l'échelle planétaire L'écologie considère habituellement que la biomasse de prédateurs d'un écosystème varie proportionnellement à celle de leurs proies. Une étude publiée le 4 septembre dans Science par une équipe franco-canadienne vient pour la première fois contredire cette théorie. En s'appuyant sur une base de données de plus de 2000 communautés d'espèces, les scientifiques ont en effet constaté que la biomasse totale des proies augmentait bien plus vite que celle des prédateurs et selon des proportions similaires pour la totalité des écosystèmes analysés. De tels résultats suggèrent que les écosystèmes possèdent un degré d'organisation bien plus grand que celui qu'on leur prêtait jusqu'alors. Dans les années 1930, les scientifiques Julian Huxley et Georges Teissier sont les premiers à mettre en évidence les phénomènes de croissance différentielle d'organes chez les êtres vivants. Ces relations dites allométriques, semblaient en revanche ne pas avoir court à l'échelon supérieur de l'écosystème. "La théorie la plus communément admise jusqu'ici considérait que la biomasse de prédateurs d'un système biologique donné augmentait proportionnellement à celle de la biomasse de proies disponibles", souligne Michel Loreau, directeur du Centre de Théorie et Modélisation de la Biodiversité de la Station d'Ecologie Expérimentale du CNRS à Moulis et co-signataire de l'article. En s'appuyant sur les données de la littérature scientifique portant sur les relations proies/prédateurs, le chercheur et son équipe ont voulu déterminer quelles lois mathématiques reliaient leurs abondances respectives. Au total, 2260 communautés de grands mammifères, d'invertébrés, de plantes et d'organismes planctoniques ont ainsi été analysées. Les écologues ont alors découvert avec surprise qu'une même loi de puissance d'exposant proche de ¾ régissait la relation entre la biomasse totale des prédateurs d'un écosystème et celle de leurs proies. Cette règle, qui s'applique à toutes les communautés d'espèces prises en compte dans l'étude, prouve que l'abondance des prédateurs n'augmente pas proportionnellement à celles des proies mais de façon bien moins rapide. L'équipe a en outre constaté que la relation entre production et biomasse d'un même niveau trophique (1) était soumise à une loi identique. "Nos résultats tendent à démontrer que l'organisation des écosystèmes est régie par des relations allométriques semblables à celles qui lient par exemple métabolisme et taille corporelle d'un organisme unique ", constate Michel Loreau. Des facteurs fondamentaux, que les scientifiques doivent maintenant déterminer, gouverneraient ainsi la structure et le fonctionnement de l'ensemble des systèmes biologiques, de l'organisme jusqu'à l'écosystème.

Auteur: Internet

Info: Laporte Amaury 9 sept 2015, 1 En écologie, le niveau trophique caractérise la position d'un organisme vivant le long de la chaîne alimentaire

[ ordre ] [ biotope ] [ méta-moteur ] [ invariant ] [ pilotage ] [ syntropie ]

 

Commentaires: 0

religion musulmane

La mise en place des corpus scripturaires islamiques - Coran et Hadîth - fut donc une opération complexe et progressive. Son histoire et celle de ses scribes restent encore entourées d'incertitudes dues au caractère disparate des informations qui nous en sont parvenues dans des ouvrages généralement tardifs, où le mode de transmission des informations est souvent aléatoire et les contradictions souvent surprenantes. Il faut cependant savoir gré aux auteurs de ces ouvrages, souvent habiles dans l'art du sous-entendu, de n'avoir pas lésiné sur les versions différentes d'une même histoire, sur les points de vue contrastés concernant les mêmes faits et sur les jugements contradictoires relativement aux acteurs des mêmes opérations.

Cependant, la vision globale qui était la leur se trouvait généralement commandée par des schémas déjà bien établis de leur temps : celui d'un Coran transmis directement du ciel au prophète durant la période relativement courte de sa carrière, et celui de traditions dont on affirmait qu'elles reproduisaient "les paroles mêmes" du prophète, ses ipsissima verba, en remontant les chaînes de transmetteurs identifiés et authentifiés. Il n'empêche que, par le jeu même de leur mode de transmission, et par le fait que les écritures islamiques se sont mises en place dans une atmosphère de conflits entre des courants politiques antagonistes, les compilateurs nous ont souvent livré, à travers leurs "Un tel a dit", leurs propres interrogations sur des réalités qui allaient très souvent à rencontre des schémas théoriques simplificateurs qu'ils avaient en tête, ou qu'ils affichaient dans leurs écrits. C'est dire que les fondations scripturaires de l'islam ne sont pas à considérer indépendamment de l'ensemble des conditions générales qui ont présidé à leur élaboration au cours des deux premiers siècles de l'hégire [7 e -8 e s. de notre ère]. Les conditions internes de la première umnia, avant, au cours ou après les premières conquêtes, ne peuvent être isolées du contexte général d'un Proche-Orient terre de conquête d'une part, et déjà bien fourni en écritures religieuses d'autre part. Cela se voit à travers les textes islamiques et leur contenu dès les débuts de leur élaboration ; cela se voit à travers les hommes qui nous en sont présentés comme les acteurs principaux du vivant de Muhammad et sous les règnes de ses successeurs tout au long du 7 e siècle.

Cela ne signifie pas que les Écritures islamiques soient en tout point un simple remake de versions scripturaires antérieures, même en ce qui concerne les Traditions Israélites dont le Coran et le Hadith sont pourtant truffés. Les musulmans ont retaillé ces traditions antérieures à la mesure de ce qu'ils ont choisi comme étant leur monothéisme propre, le mode d'affirmation de leur umma et l'expression de ce qu'ils considéraient comme leur suprématie politique et religieuse sur toutes les autres communautés.

Auteur: Prémare Alfred-Louis de

Info: Les fondations de l'islam : Entre écriture et histoire, pp. 338-339

[ sources ] [ origines ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

philosophie

Cet avènement de l'ego s'accompagne de nos jours, de manière lancinante et généralisée dans la psyché de nos contemporains, du sentiment que pour exister il est indispensable de faire quelque chose de notable, et si possible d’y exceller. Exister: ex - sistere. Se tenir debout hors de soi, à l'extérieur, pour l'extérieur. Jean-Paul Sartre, dans "Les mots", raconte que petit garçon il considérait, fasciné, dans la bibliothèque de son grand-père, les énormes volumes au dos desquels figurait un nom - celui de l'auteur. Il avoue avoir décidé alors, plus ou moins in petto, qu'un jour un ou plusieurs volumes semblables porteraient également un nom: le sien.

Quel sens tout ceci peut-il bien avoir? Platon a-t-il écrit le Phédon, la République et les Lois pour que figure sur la tranche de leur édition son nom? Jean-Sébastien Bach écrivait-il ses cantates et passions pour que l'on parle de lui? Bouddha a-t-il dispensé son enseignement pour que sa renommée s'étende au monde entier et que l'on ait son nom constamment à l'esprit? Soyons sérieux: Bouddha, Bach et Platon, et avec eux tous les authentiques grands esprits n'ont produit ce qu'ils ont produit que parce qu'ils étaient habités profondément par un propos qui devait impérativement s'exprimer, propos qui ne tenait sa validité que d'être adressé à leurs semblables, dans l'urgence de transmettre une nourriture vitale au sein de ce qui s'établit en dernier ressort comme une co-institution intersubjective. La posture de Sartre, très symptomatique de la nécrose relationnelle moderne et contemporaine, ressortit à une économie relationnelle objectivante.

Que signifie le fait de vouloir accoler son nom au dos d'un in quarto, sans même qu'ait été mentionné le propos ou le titre de l'ouvrage? Rien d'autre que le fait de remettre à autrui le soin d'attester notre existence, si possible de manière positive, en se plaçant face à lui en situation d'objet: objet de son attention, objet de son admiration, objet de sa considération. Objet, position humiliante s'il en est, qui nous renvoie aux tout premiers moments infantiles de notre inscription dans le monde, lorsque nous étions l'objet des soins de nos parents, l'objet de leurs réprimandes (mauvais objet), l'objet de leurs encouragements (bon objet). L'objet.

Or nous n'avons pas vocation à en rester à ce stade immature et matriciel, certes condition incontournable de notre incarnation et croissance en ce monde. Nous sommes appelés à devenir ce que nous sommes fondamentalement: des sujets. Or, objet et sujet sont des catégories qui s'excluent mutuellement. Il faut donc choisir entre la tentation objectivante et l'appel subjectivant, qui, lorsque le problème n'est pas posé dans les termes adéquats nous soumettent à des forces de marées qui nous écartèlent littéralement. La vieille antienne du Diable 6 , que l'on retrouve notamment dans les trois tentations du Christ au désert (Marc 1 12-13; Matthieu 4 1-11; Luc 4 1-13) est sans surprise, avec une répétitivité qui en devient lassante et en fait un horizon anthropologique universel, celle-là: vivre dans le regard - si possible admiratif - d'autrui, comme objet, donc, et non en soi-même, comme sujet.

En nous proposant l'exaltation extériorisée de notre personne - qui repose au passage sur l'abaissement et l'instrumentalisation de celle des autres (plus grand que, plus petit que, superstructure de toute perversion...), le Diable se moque de nous, et c'est sur la toile de fond de son rire que nous consentons à abdiquer le sujet qui est en nous et qui nous constitue de la manière la plus éminente, pour nous abaisser au statut d'objet. Consentir à ce statut n'est pas seulement offenser la part la plus éminente de nous-même, c'est également se servir d'autrui et de son regard, en l'instrumentalisant à notre profit, puisqu'il n'est là que pour nous servir à nous rassurer sur notre existence (d'objet) et sa validité. Ainsi se placer soi-même en position d'objet conduit mécaniquement à instrumentaliser autrui, soit donc le transformer lui-même en objet, loin de l'impératif pratique préconisé par Kant: "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité comme une fin, et jamais simplement comme un moyen". La phrase plus correcte, moins contaminée par les tendances essentialistes héritées de la Révolution française et de l'esprit du temps serait d'ailleurs: "Agis de telle sorte que tu traites ton prochain - ou ton semblable - comme une fin, et jamais simplement comme un moyen".

A rebours, lorsque l'on consent à établir ses quartiers sur la rive subjectale, de l'autre côté du Styx, toute parole que l'on profère, tout écrit que l'on produit, toute action que l'on pose, visent à aider ces autres nous-mêmes, autres sujets en devenir, à parvenir à la complétude de leur être. Ce qui compte dès lors n'est pas tant ce que l'on est que ce que l'on dit, écrit ou pose, en vertu du fait qu'on ne cherche plus qu'à servir cette vie merveilleuse qui nous traverse et qu'il importe tant de donner. On se fait alors cuisinier, afin, tant bien que mal, de contribuer à nourrir ceux qui ont faim, avec les moyens dont on dispose. Vivre, c'est aimer. Et, comme disait Victor Hugo, "aimer, c'est agir".

Auteur: Farago Pierre

Info: Une proposition pour l'autisme

[ ontologie individuelle ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel

sciences

Intellectuellement Pythagore fut un des hommes les plus importants qui aient jamais vécu, autant lorsqu'il fut sage que dans ses  imprudences.

Les mathématiques, au sens de l'argumentation déductive démonstrative, commencent avec lui et, en lui, sont intimement liées à une forme particulière de mysticisme. L'influence des mathématiques sur la philosophie, en partie due à lui, aura été depuis son époque à la fois profonde et malencontreuse. 

A l'origine la plupart des sciences étaient liées à une certaine forme de fausse croyance, ce qui leur donnait une valeur fictive. L'astronomie était liée à l'astrologie, la chimie à l'alchimie alors que les mathématiques étaient associées à un type d'erreur plus raffiné. Les connaissances mathématiques apparaissaient certaines, exactes et applicables au monde réel; de plus, elles étaient obtenues par simple réflexion, sans avoir besoin d'observation. Par conséquent, on pensait qu'elles fournissaient un idéal, en rapport duquel les connaissances empiriques quotidiennes étaient  inférieures. On supposait, sur la base des mathématiques, que la pensée est supérieure au sens, l'intuition à l'observation.

Si le monde des sens ne convient pas aux mathématiques, tant pis pour le monde des sens.  On a alots, via moult méthodes, cherché à se rapprocher de l'idéal du mathématicien, et les suggestions qui en ont résulté furent la source de beaucoup d'erreurs dans la métaphysique et la théorie de la connaissance.

Cette forme de philosophie commence avec Pythagore. Pythagore, comme tout le monde le sait, a dit "tout est nombre". Cette déclaration, interprétée de manière moderne, est logiquement un non-sens, mais ce qu'il voulait dire n'était pas exactement un non-sens. Il avait découvert l'importance des nombres en musique, et le lien qu'il a établi entre la musique et l'arithmétique survit dans les termes mathématiques "moyenne harmonique" et "progression harmonique". Il considérait les nombres comme des formes, telles qu'elles apparaissent sur les dés ou sur les cartes à jouer. On parle encore de nombres au carrés et au cube, termes que nous lui devons. Il évoqua aussi des nombres oblongs, triangulaires, pyramidaux, etc. C'était le nombre de cailloux (ou, comme on devrait dire plus naturellement, de billes) nécessaires pour réaliser les formes en question. Il pensait vraisemblablement que le monde est atomique et que les corps sont constitués de molécules composées d'atomes disposés sous diverses formes.

Il espérait ainsi mettre de l'arithmétique au centre de l'étude fondamentale de la physique comme de l'esthétique.

La religion personnelle dérive de l'extase, la théologie des mathématiques ; et les deux se trouvent chez Pythagore. Les mathématiques sont, je crois, la principale source de la croyance en une vérité éternelle et exacte, ainsi qu'en un monde intelligible suprasensible. La géométrie traite de cercles exacts, mais aucun objet sensible n'est exactement circulaire ; quelle que soit le soin avec lequel nous utilisons nos boussoles, il y aura des imperfections et des irrégularités. Cela suggère l'idée que tout raisonnement exact s'applique aux objets idéaux par opposition aux objets sensibles; il est naturel d'aller plus loin et d'affirmer que la pensée est plus noble que le sens, et les objets de la pensée plus réels que ceux de la perception sensorielle. Les doctrines mystiques sur la relation entre le temps et l'éternité sont également renforcées par les mathématiques pures, car les objets mathématiques, tels que les nombres, s'ils sont réels, sont éternels et ne s'inscrivent pas dans le temps. Ces objets éternels peuvent être conçus comme les pensées de Dieu. 

D'où la doctrine de Platon selon laquelle Dieu est un géomètre et la croyance de Sir James Jeans selon laquelle il est accro à l'arithmétique. La religion rationaliste par opposition à la religion apocalyptique aura été, depuis Pythagore, et notamment depuis Platon, complètement dominée par les mathématiques et la méthode mathématique. La combinaison des mathématiques et de la théologie, qui a commencé avec Pythagore, a caractérisé la philosophie religieuse en Grèce, au Moyen Âge et dans les temps modernes jusqu'à Kant. L'orphisme avant Pythagore était analogue aux mystérieuse religions asiatiques.

Mais chez Platon, Saint Augustin, Thomas d'Aquin, Descartes, Spinoza et Kant, il y a un mélange intime de religion et de raisonnement, d'aspiration morale et d'admiration logique de ce qui est intemporel, qui vient de Pythagore et qui distingue la théologie intellectualisée de l'Europe du mysticisme plus direct de l'Asie. 

Ce n'est que très récemment qu'il a été possible de dire clairement en quoi Pythagore avait tort. Je ne connais personne qui ait eu autant d'influence que lui dans le domaine de la pensée. Je dis cela parce que ce qui apparaît comme du platonisme se révèle, après analyse, être essentiellement du pythagorisme. Toute la conception d'un monde éternel, révélé à l'intellect mais non aux sens, est dérivée de lui. Sans lui, les chrétiens n'auraient pas considéré le Christ comme le monde ; sans lui, les théologiens n'auraient pas cherché des preuves logiques de Dieu et de l'immortalité. Mais en lui, tout cela reste implicite.

Auteur: Russell Bertrand

Info: A History of Western Philosophy (1945), Book One. Ancient Philosophy, Part II. The Pre-Socratics, Ch. III: Pythagoras, p. 29 & pp. 34-37

[ historique ] [ Grèce antique ] [ langage ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par miguel