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adultes

Il faut s'asseoir en mangeant les odeurs qui font tourner la tête, et surtout fermer sa gueule car on ne parle pas à table nous les enfants.

On se contient tant que ça dure. On bouge les pieds en sous-marin pour ne pas être repérés dans le grand calme qui doit régner pendant qu'ils parlent au-dessus de nous, de la journée, des problèmes ou de ceux qui font la même chose dans la maison d'à côté. Du mal qu'ils ont dans le dos à force d'emmener tous les jours leur grosse existence au travail, et des échardes et des dards qu'ils ont dans les mains et qu'il faudra enlever avec une pince après le repas. Et nous on brûle de mordre et défoncer la viande, d'exploser la soupe mais on attend. On la ferme en bougeant des pieds sans faire trembler la table, sinon torgnole.

Auteur: Johannin Simon

Info: L'été des charognes, p. 74, Allia, 2017

[ hiérarchie ] [ gamins impatients ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

dure réalité

Ceux qui tranchent dans le vif ne sont pas légion. Il faut de l'audace et de l'abnégation pour s'opposer aux grimaces du destin. L'éducation des petits êtres est souvent un sacerdoce que beaucoup rechignent à assumer, et l'idée qu'il faille souffrir pour exister répugne à la plupart. Croyant préserver leur quotidien engourdi, les humains se montrent souvent veules. Ils masquent leur lâcheté par un fatalisme du bon aloi. Les mines contrites des braves gens déplorent en se lamentant les épreuves de la vie, mais ils restent les bras croisés devant l'adversité. Pourtant, les voitures n'ont pas vocation à écraser les poules, les troubadours à sectionner les queues et les canaris à vivre en cage. On s'étonne, on s'attriste, mais on s'habitue. La somme des petits renoncements ordinaires fait tranquillement le lit du pire, et la résignation à vivre courbé prépare en silence l'avènement des grands malheurs.

Auteur: Texier Richard

Info: L'hypothèse du ver luisant

[ dissimulée ] [ déresponsabilisation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

santé

J’ai dormi par bribes mais enfin bien (sauf asthme qui me restait) et tout étonné de me réveiller sans apercevoir devant moi la désolation. J’en ai profité pour rester douze heures dans mon lit, mon pouls est tombé de 120 à 76 et j’ai pu hier aller dîner chez Durand avec Brancovan sans avoir de crise ni pendant le dîner, ni après, ni cette nuit, ce qui est une nouveauté depuis mes soirées quotidiennes. Bien plus, moi qui ces jours-ci faisais des ravages de poudre (ayant été repris de mon asthme), j’ai fumé à peine vers cinq heures du matin en me mettant au lit et plus une seule fois jusqu’à huit heures ce soir, c’est-à-dire infiniment moins que quand j’étais couché. J’ai refait douze heures de lit et je me suis levé pour dîner vers huit heures, mais mes ennuis sont un peu repris, hélas.

Auteur: Proust Marcel

Info: Lettre à Jeanne Proust (sa mère), 18 août 1902

[ fragile ] [ état maladif ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

rêves réalistes

Les meilleures défenses contre les terreurs de l’existence sont les conforts simples de l’amour, du travail et de la vie familiale qui nous relient à un monde indépendant de nos désirs et répondant pourtant à nos besoins. C’est grâce à l’amour et au travail, comme Freud l’a dit dans une de ses remarques particulièrement piquantes, que nous pouvons échanger un conflit émotionnel dévastateur contre un malheur ordinaire. L’amour et le travail permettent à chacun de nous d’explorer un petit coin du monde et de finir par l’accepter selon ses propres termes. Mais notre société tend soit à dévaluer les petits conforts soit à en attendre un peu trop. Nos critères d’un "travail créatif et rempli de sens" sont trop élevés pour survivre à la déception. Notre idéal de "l’amour véritable" pèse trop sur nos relations personnelles. Nous demandons trop à la vie, pas assez à nous-mêmes. 

Auteur: Lasch Christopher

Info: Dans "La culture du narcissisme", trad. Michel L. Landa, éd. Flammarion, Paris, 2018, page 388

[ assomption de la castration ] [ bonheur durable ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

vacherie

Si ... on glisse vers France 2 et qu'on a le malheur de tomber, le même soir, et pratiquement sans transition, sur Marguerite Duras en train de gargouiller au "Cercle de minuit", on se rend compte tout de suite que le même combat se poursuit, la même dissuasion, la même entreprise de liquidation sanitaire et crépusculaire (...) N'ayant plus rien lu d'elle depuis mille ans, j'avais l'esprit frais pour écouter cette Bouche d'Ombre de l'Ecrit Primal, et entendre comme il le mérite son discours sans bords, ce cataclysme verbal de cyclope haché de silences brumeux comme des pubs entrecoupées de neige électronique, ces infra-phrases se multipliant par elles-mêmes dans la bouillie de leur cauchemardesque génération spontanée, ces confettis de rien perpétuellement imposés comme un mystère profond, ces vagues lourdes et noires d'inepties ("On vit dans un bruit d'automobiles, à Paris, est-ce que vous savez ça ?") ...

Auteur: Muray Philippe

Info: Exorcismes spirituels, tome II : Les Mutins de Panurge. Durassic flaque, p. 459

[ littérature ] [ écrivain-sur-écrivaine ]

 

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interrogation

Je pense à la frénésie des américains, quand soudain de la mer, monte leur New-York. C'est la patrie durement conquise, la patrie neuve, à mille mamelles, l'avenir clair, les beaux enfants, la force, l'argent facile, les vieux dansent comme des fous. Tout le monde se confond, s'interpelle. Ici, ce soir de novembre, sur ce bateau triste, pas chauffé, des prostituées modestes parfumées au guignon, des fonctionnaires mal payés et aigris, des pères de famille inquiets et ennemis du risque, des gens qui ont vu leur fortune diminuée de moitié depuis qu'ils ont ont quitté la France; des fumeurs d'opium à la langue amère ; ils sont muets, tendent le dos. Après un mois de traversée, d'amitiés vives et trop de paroles échangées, tout le monde se déteste. 

Sommes-nous devenus les fils les plus âcres de cette race d'Europe que le tigre n'aime pas, à cause de sa chair acide ?

Auteur: Morand Paul

Info: Rien que la terre (1928, 212p., Grasset, les cahiers rouges) p. 195

[ nouveau monde ] [ civilisation ] [ états-unis ] [ déclin ]

 

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saisons

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;

Adieu, vive clarté de nos étés trop courts!

J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres

Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère,

Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,

Et, comme le soleil dans son enfer polaire,

Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;

L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.

Mon esprit est pareil à la tour qui succombe

Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

II me semble, bercé par ce choc monotone,

Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.

Pour qui? — C'était hier l'été; voici l'automne!

Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

Auteur: Baudelaire Charles

Info: Les Fleurs du Mal

[ poème ]

 

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plaisir

L'homme dépasse toujours, par quelque côté, les définitions par lesquelles on prétend le cerner. Du moins, l'homme dont je parle. Celui-là ne veut pas son bonheur, comme il vous plaît de le dire, il veut sa Joie, et sa Joie n'est pas de ce monde, ou du moins elle n'y est pas tout entière. [...] Je ne dis pas que vos définitions soient absurdes, mais elles ne nous seront jamais communes. Car je puis utiliser les vôtres, et vous ne pouvez vous servir des miennes. Elles vous ont permis parfois d'atteindre un temps à la grandeur - un temps seulement - car vos civilisations s'effondrent au moment même où vous les croyez immortelles, comme ces enfants éblouissants qui portent en eux le germe fatal et ne dépassent pas l'adolescence. [...] Vous ne ferez rien de durable pour le bonheur des hommes parce que vous n'avez aucune idée de leur malheur.

Auteur: Bernanos Georges

Info: Les grands cimetières sous la Lune

[ consumable ] [ ignorance ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

misère

La vue de ces sans-abris avait jadis suscité en moi un profond sentiment de compassion. Mais cela n'avait pas duré. La maladie de la subjectivité, ou de l'objectivité - je ne sais toujours pas comment l'appeler-, me faisait voir les épreuves de ces gens de tant de points de vue différents qu' au bout du compte leur spectacle n'en était plus qu'un parmi tant d'autres et ce que la vision de ces gens suscitait en moi était désormais d'une nature bien différente. Rien, me disais-je maintenant, ne pouvait plus être rejeté. Ni les saletés qui avaient été jetées puis récupérées dans les poubelles pour être remises en circulation sur les trottoirs de Broadway. Ni ces gens eux-mêmes, des saletés humaines, officiellement rejetées, mais sans endroit spécialement conçu pour les tenir hors de la vue. Les égouts privés et publics étaient pleins, ils débordaient, dégorgeant et remettant en circulation tout ce qui avait été rejeté.

Auteur: Tesich Steve

Info: Karoo

[ USA ] [ clochard ]

 

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diversion

L’homme mûr s’absorbe dans son métier, la mère s’engloutit dans l’éducation de ses enfants ; mais cette "vie de sacrifice" n’est que le sacrifice d’une vie : un suicide, parfois presque conscient. En obéissant au "devoir" nous cédons souvent à la facilité, car l’être social est le fond de l’homme. Nous refusons l’impératif le plus dur : l’existence personnelle. Mais avec elle nous perdons la vertu qui les crée toutes : l’aptitude à se dépasser soi-même. La morale par excellence, celle qui ne va pas de soi, c’est d’accepter d’être seul. Ce n’est pas de donner mais de donner seul : quand tous donnent c’est parfois ne pas donner.

L’homme vertueux est sauvé par ses œuvres. Mais elles seront de plus en plus faciles, s’il est vrai que leur raison est dans le déchirement qu’elles nous évitent. La vertu dégénère en moralisme, mais le rite est encore plus commode : un simple geste et voici exorcisée l’angoisse de vivre.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, page 235

[ moralité refuge ] [ par-delà le bien et le mal ] [ souffrance ] [ solitude ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson