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germes anti-métaphysiques

Avec Aristote, nous sommes beaucoup plus près de la terre, mais non au point de nous trouver retranchés du ciel. Si nous partons de l’idée que le rationalisme, c’est la réduction de l’intelligence à la seule logique et partant la négation de l’intuition intellectuelle, qui en réalité n’a que faire des béquilles mentales tout en devant s’en servir éventuellement pour la communication d’évidences en soi supra- mentales, — si nous partons de cette idée, nous verrons que l’aristotélisme est un rationalisme de principe, mais non absolument de fait puisque son théisme et son hylomorphisme relèvent d’une intellection et non d’un raisonnement pur et simple; ce qui est d’ailleurs vrai pour toute philosophie véhiculant des vérités métaphysiques , le rationalisme total n’étant possible qu’en l’absence de ces vérités ou de ces intellections. Au point de vue de ce rationalisme, on a reproché à Aristote de s’arrêter à mi-chemin et de se trouver en contradiction avec son propre principe de connaissance ; or cette impression ne résulte que d’une exploitation abusive de la logique aristotélicienne, en fonction d’une pensée factice jusqu’à la perversion ; aux évidences implicites d’Aristote, qu’on est incapable de percevoir, on oppose un automatisme logicien que le Stagirite aurait été le premier à récuser. Par contre, ce que nous pouvons reprocher à Aristote, c’est d’avoir énoncé la métaphysique en fonction d’une tendance à l’extériorisation, tendance qui est contraire à l’essence même de toute métaphysique ; l’aristotélisme est une science de l’Intérieur se déployant vers l’extérieur et profitant par conséquent surtout à l’extériorité, alors que toute métaphysique traditionnelle s’énonce en fonction de l’intériorisation et ne profite en rien au déploiement des sciences naturelles, ou du moins à l’excès de ce déploiement. C’est cette tare de l’aristotélisme qui explique la superficialité de sa méthode de connaissance, - héritée par le thomisme qui l’exploite pour pouvoir limiter religieusement la faculté intellective pourtant capable en principe d’absoluité et partant de surnaturel, - puis la médiocrité correspondante de la morale aristotélicienne, sans oublier le scientisme qui prouve la déviation, chez Aristote, du principe épistémologique.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Dans "Logique et transcendance", éditions Sulliver, 2007, pages 50-51

[ critique ] [ dégénérescence ]

 

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monothéïsmes

Les différences religieuses se reflètent très nettement dans les différents arts sacrés : comparé à l’art gothique, surtout "flamboyant", l’art musulman sera contemplatif plutôt que volitif : il est "intellectuel" et non "dramatique", et il oppose la froide beauté de la géométrie à l’héroïsme mystique des cathédrales. L’Islam est la perspective de l’"omniprésence" ("Dieu est partout"), laquelle coïncide avec celle de la "simultanéité" ("la Vérité a toujours été"); il entend éviter toute "particularisation" ou "condensation", tout "fait unique" dans le temps et dans l’espace, bien que, en tant que religion, il comporte forcément un aspect de "fait unique", sous peine d’inefficacité ou même d’absurdité. Autrement dit, l’Islam vise à ce qui est "partout centre", et c’est pour cela que, symboliquement parlant, il remplace la croix par le cube ou par le tissu : il "décentralise" et "universalise" dans la mesure du possible, dans le domaine de l’art comme dans celui de la doctrine ; il s’oppose à tout nœud individualiste, donc à toute mystique "personnaliste".

Pour nous exprimer en termes géométriques, nous dirons qu’un point qui veut être unique et qui devient ainsi un centre absolu, apparaît à l’Islam — en art aussi bien qu’en théologie — comme une usurpation de l’absoluité divine et partant comme une "association" (shirk) ; il n’y a qu’un seul centre, Dieu, d’où l’interdiction des images "centralisatrices", surtout des statues ; même le Prophète, centre humain de la tradition, n’a aucun droit à une "unicité christique" et se trouve "décentralisé" par la série des autres Prophètes ; de même pour l’Islam, — ou le Koran, — lequel se trouve intégré lui aussi dans un "tissu" universel et un "rythme" cosmique, puisqu’il a été précédé d’autres religions — ou d’autres "Livres" — qu’il ne fait que restaurer. La kaaba, centre du monde musulman, devient l’espace dès qu’on se trouve à l’intérieur de l’édifice : la direction rituelle de la prière se projette alors vers les quatre points cardinaux.

Si le Christianisme est comme un feu central, l’Islam se présente au contraire comme une nappe de neige à la fois unificatrice et niveleuse, et dont le centre est partout.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Sentiers de gnose

[ comparaison ]

 

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citation s'appliquant à ce logiciel

Tout d'abord FLP, de par la puissance et la souplesse de son moteur de recherche et ses presqu'infinies possibilités d'investigations croisées, s'essaye à épuiser les possibilités d'expression de la langue au sens où l'outil permet de traquer les formulations les plus ramassées et les plus efficaces (classement par défaut en partant du plus petit outcome) à partir de mots combinés, quel que soit le domaine exploré. C'est donc un dispositif d'exploration sémantique, de recherche statistique aussi, sans but consumériste, appelé à développer et améliorer ses fonctionnalités au fur et a mesure du développement de sa base de données.

On peut aussi voir FLP comme un wikipédia littéraire francophone, extrêmement ouvert, étoffant sans cesse un corpus qui, appréhendé par un esprit curieux,  pourra se révéler comme une pâte linguistique susceptible, au fur et à mesure de sa progression, de "montrer des choses". Par exemple que le langage, mémoire externe des hommes (oui l'humain est augmenté), ne se fonde que sur des conventions/consensus éphémères et qu'un axe important de la recherche sémio/sémantique devrait être de traquer certaines illusions en ce sens (Peirce sera d'une grande aide ici).

Un autre domaine à étudier sera celui de la communication pure, au sens où le langage humain a créé ses propres oeillères, évidentes dès qu'on réalise que n'existent que bien peu de manières de conceptualiser "en parallèle", (c'est à dire avec possibilité de traduction de l'un vers l'autre) les constructions d'ordre sémiotique issues d'autres "univers communicants", les codages de la communication des abeilles par exemple. Même si ici la musique semble aller trop vite pour la partition. 

Il y a donc une volonté de s'appuyer et de trifouiller un idiome en principe correctement orthographié, vu lui-même comme le codage de nos réalités solipsistes mélangées. Il s'agit d'une codification spirituelle (au sens de Peirce), qui ne veut être limitée que par l'imaginaire des participants et les limites de leurs conceptualisations communicables. En bref le langage veut aussi ici, si possible, s'analyser lui-même.

En mettant l'accent, autant que faire se peut, sur la clarté et donc la transmissibilité des notions dans un but d'exploration et d'élargissement collectif. Avec quelques mots valeurs clés à la base : ouverture, humour, tolérance, bon sens...

Auteur: Mg

Info: 6 oct 2020

[ quête ]

 
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spéculation métaphysique

On peut s'amuser à décanter de façon ternaire la manière dont les hommes ont, consciemment ou pas, codé le monde présenté à leur sens. Tout est trois.

Ainsi des 3 idiomes humains abstraits : langage, musique, mathématiques.

De notre perception du réel : manifestation, sensation, mise dans la continuité (voir tiercité de C.S. Peirce)

Du codage sémiotique de ce réel : coopération de trois sujets, le signe, son objet et son interprétant (Peirce aussi)

Des fonctions du langage : sujet, verbe, compléments (acteurs - moteurs - qualités)

Des fonctions de la musique tonale : toniques - dominantes - sous dominantes (socles - moteurs - paysages défilant)

Des trois infinis du mathématicien George Cantor : a) Le plus complet, dans être de l'au-delà entièrement indépendant, Dieu, qu'il nomme infini absolu ou simplement l'absolu. b) Lorsqu'il se produit dans le monde créé c) Quand l'esprit le saisit dans l'abstrait comme grandeur, nombre ou type d'ordre mathématique.

De la philosophie : (a) Phénoménologie ; (b) Science normative ; (c) Métaphysique (C.S. Pierce)

Des éléments primaires de l'occultisme : Feu, Eau et Air.

Des trois couleurs primaires soustractive (lumière) et additives (matière).

Partant de ce dernier exemple du double ternaire inversé des couleurs (est-ce un équivalent visuel de la gamme par tons ?) on ne résiste pas à franchir une étape, ce qui donne l'impression de passer au travers de notre miroir ontologique. L'idée est qu'il y a un ordre sous-jacent articulé sur cette base six (double triades inverses) et que si on veut formaliser cet ordre le nombre sept - ou zéro - est nécessaire.

Mais zéro est-il un nombre ? Dans cette idée le sept "englobe" le tout, au sens où il représente le zéro, source de tout et indiscriminée "créatrice" du manifesté. Zéro qui devient sept une fois que le double cycle ternaire, arrivé à son terme, recommence le cycle. Nous créons donc ici ce paradoxe : zéro est l'inversion de sept. En clair, Sept, étant l'inversion de Zéro, n'existe pas.

Voilà, merci pour votre attention, sortez en rang par deux et en faites pas trop les fous durant la récré.

Auteur: Mg

Info:

[ humour ] [ septénaire ] [ numérologie ] [ métatron ]

 
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théorie du genre

Dans la 41e séance du séminaire Lacan, nous et le réel, j’avance que Macron ne connaît rien à la psychanalyse, car il prend ses renseignements du côté de [Jacques-Alain] Miller qui lui ne comprend rien à la psychanalyse.

La déclaration de Macron en 2019 concernant "le père" en est:

"La paternité se divise en deux fonctions: une génétique et l'autre symbolique. Et pour la partie symbolique, il n'y a pas de problème, je comprends votre problème. C'est que vous, votre problème, c'est que pour vous un père est forcément un mâle. Tous les psychanalystes vous diront donc le contraire."

Tous les psychanalystes? Ou les "psychanalystes" de l’ECF*?

Après Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, il s’agit de se poser la question: une vérité répétée par un perroquet est-elle toujours une vérité ? et de faire ainsi la différence entre sujet de l’énonciation et sujet de l’énoncé, et partant, entre Discours de l’Analyste et Discours Universitaire (ce que dit Lacan, et ce que dit Miller de ce que dit Lacan)...

"(...) ce passage de la mère au père caractérise une victoire de la vie de l’esprit sur la vie sensorielle, donc un progrès de la civilisation car la maternité est attestée par le témoignage des sens tandis que la paternité est une conjecture, est édifiée sur une déduction et sur un postulat." Freud - L’homme Moïse et la religion monothéiste

Pour que la fonction paternelle soit activée, encore faut-il pouvoir se dire qu’il y aura eu du père... ce qui implique nécessairement un rapport d’alliance entre les deux sexes, une union sexuelle entre un homme et une femme, avec ce que cela comporte d’asymétrie constitutive (mater certa, pater semper incertus), de mystère et d’impossible, un écart à propos duquel la loi avait, depuis les origines Grecques antiques de la civilisation occidentale, accordé une prévalence au père en consacrant l’autorité paternelle, au sens extensif du concept d’auteur (cf. L’Orestie d’Eschyle et ses conséquences sur le Droit et l’organisation des sociétés...)

Il n’est pas exagéré de dire que vingt-cinq siècles après l’Orestie, la psychanalyse a inventé la fonction paternelle pour réaffirmer juste avant la survenue du nazisme la place prépondérante du père dans les liens fondamentaux et sacrés de l’homme à la parole, et donc la civilisation.

Se passer des noms-du-père réclame au préalable d’avoir su s’en servir.

Auteur: Dubuis Santini Christian

Info: Publication facebook du 10.02.2021 *Ecole de la Cause Freudienne

[ dévoiement du discours analytique ] [ dissolution ] [ théorie du genre ] [ critique ]

 

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injustice

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’âne vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Auteur: La Fontaine Jean de

Info: Les Animaux malades de la peste

[ tête de turc ] [ poème ]

 
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sciences

Des bulles de savon pour prévoir l'intensité des ouragans et des typhons ? C'est en partant de cette question qui peut paraître étonnante que des physiciens du Laboratoire ondes et matière d'Aquitaine (CNRS/université de Bordeaux) ont réalisé une expérience pour le moins originale: ils ont utilisé des bulles de savon pour modéliser les écoulements atmosphériques. Résultat: l'étude détaillée de la vitesse de rotation des tourbillons sur les bulles a permis d'en tirer une loi qui régit de façon précise l'évolution de leur intensité et de proposer un modèle simple pour prévoir celle des cyclones.
Ces résultats menés en collaboration avec des chercheurs de l'Institut de mathématiques de Bordeaux (CNRS/université de Bordeaux/Institut polytechnique de Bordeaux) et une équipe de l'Université de la Réunion viennent d'être publiés dans la revue Nature Scientific Reports.
Prévoir l'intensité ou la force des vents des cyclones tropicaux, typhons ou ouragans est un objectif majeur en météorologie: la vie de centaines de milliers de personnes peut en dépendre. Or, malgré des progrès récents, cette prévision reste difficile à faire car elle fait intervenir de nombreux facteurs liés à la complexité de ces tourbillons géants et à leur interaction avec l'environnement. Une nouvelle piste de recherche vient d'être ouverte par les physiciens du Laboratoire ondes et matière d'Aquitaine (CNRS/Université Bordeaux 1) qui ont réalisé une expérience originale avec... des bulles de savon.
Les chercheurs ont réalisé des simulations d'écoulements sur des bulles de savon, reproduisant la courbure de l'atmosphère et s'approchant le plus possible d'un modèle simple d'écoulements atmosphériques. L'expérience a permis d'obtenir des tourbillons qui ressemblent à des cyclones et dont la vitesse de rotation ou intensité montre une dynamique étonnante: celle-ci commence par être faible au départ ou juste après la naissance du tourbillon puis augmente de façon importante dans le temps. Après cette phase d'intensification, le tourbillon atteint son intensité maximale et amorce ensuite une phase de décroissance.
L'étude détaillée de la vitesse de rotation de ces tourbillons a permis d'en tirer une loi simple qui régit de façon précise l'évolution de leur intensité. Cette loi permet par exemple d'estimer l'intensité maximale que va atteindre le tourbillon et la durée nécessaire pour l'atteindre à partir de son évolution initiale. Cette prévision peut commencer une cinquantaine d'heures après la formation du tourbillon, période représentant à peu près le quart de sa durée de vie pendant laquelle les vitesses des vents s'intensifient.
Les chercheurs ont ensuite voulu vérifier que ces résultats étaient applicables sur de vrais cyclones. En appliquant la même analyse sur près de 150 cyclones de l'océan Pacifique et de l'océan Atlantique, il s'est avéré que cette loi était valable pour ces dépressions météorologiques. Ces travaux de physique proposent donc un modèle simple qui pourrait aider à l'avenir les météorologues à mieux prévoir l'intensité des ouragans.

Auteur: Internet

Info:

[ analogie ]

 

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temporel-éternel

- L’idée maîtresse de mon article est qu’aux temps anciens des trois premiers siècles de son existence, le christianisme n’apparaissait sur la terre que comme une Église et n’était que cela. Or, quand l’État romain païen voulut devenir chrétien, il advint infailliblement que, devenu chrétien, il ne fit que s’incorporer l’Église, tout en continuant à être un État païen dans un grand nombre de ses fonctions. Au fond, il devait sans conteste en être ainsi. Mais Rome, en tant qu’État, avait conservé beaucoup trop de vestiges de la civilisation et de la sagesse païennes, comme par exemple les fins et les fondements mêmes de l’État. L’Église du Christ, elle, entrée dans l’État, ne pouvait évidemment rien céder de ses fondements, de la pierre sur laquelle elle reposait, et ne pouvait poursuivre que ses propres fins, fermement établies et indiquées par le Seigneur lui-même, entre autres celle de transformer en Église le monde entier et, partant, aussi l’antique État païen. Ainsi (c’est-à-dire en prévision de l’avenir), ce n’est pas l’Église qui doit se chercher une place déterminée dans l’État, comme "toute association publique" ou comme "une association humaine à fins religieuses" (ainsi que le dit de l’Église l’auteur à qui je réponds), mais au contraire, tout État temporel devrait par la suite se transformer entièrement en Église et ne plus être que cela, après avoir écarté tous ses buts incompatibles avec ceux de l’Église. Tout cela ne l’abaisse nullement et ne lui enlève ni son honneur ni sa gloire en tant que grand État, pas plus que la gloire de ses chefs, mais lui fait seulement quitter la fausse voie, encore païenne et erronée, pour la voie juste et véritable, la seule qui mène aux fins éternelles. Voilà pourquoi l’auteur du livre sur Les bases de la justice ecclésiastique eût vu juste si, en recherchant et en proposant ces bases, il ne les eût considérées que comme un compromis provisoire, indispensable encore à notre époque de péchés et non révolue, pas plus. Mais à peine l’auteur de ces bases ose-t-il déclarer que celles qu’il propose et dont le père Joseph vient d’énumérer une partie, sont des bases inébranlables, essentielles et éternelles, qu’il se trouve en opposition directe avec l’Église et sa sainte prédestination éternelle et immuable. Voilà tout mon article, son exposé complet.

- C’est-à-dire, en résumé, prononça de nouveau le père Païsius en appuyant sur chaque mot, selon certaines théories qui ne se sont que trop manifestées dans notre dix-neuvième siècle, l’Église doit se transformer en État, passer en quelque sorte d’une forme inférieure à une forme supérieure, pour s’y fondre ensuite, en cédant devant la science, l’esprit du temps et la civilisation. Et si elle s’y refuse et résiste, on ne lui assigne dans l’État qu’un certain coin, et encore sous surveillance, cela partout, à notre époque, dans les pays européens. Or, d’après la conception et l’espérance russes, ce n’est pas l’Église qui doit se transformer en État, pour passer d’un type inférieur à un type supérieur, c’est au contraire l’État qui doit finir par devenir digne d’être exclusivement une Église, et rien d’autre. Ainsi soit-il !

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Dans "Les Frères Karamazov", traduction d'Elisabeth Guertik, le Cercle du bibliophile, pages 79-80

[ soumission ] [ hérésie ] [ modernité ]

 
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querelle religieuse

[…] quand vous dites que tous les justes ont le pouvoir prochain d’observer les commandements, vous entendez qu’ils ont toujours toute la grâce nécessaire pour les accomplir, en sorte qu’il ne leur manque rien de la part de Dieu. Attendez, me dit-il, ils ont toujours tout ce qui est nécessaire pour les observer, ou du moins pour le demander à Dieu. J’entends bien, lui dis-je ; ils ont tout ce qui est nécessaire pour prier Dieu de les assister, sans qu’il soit nécessaire qu’ils aient aucune nouvelle grâce de Dieu pour prier. Vous l’entendez, me dit-il. Mais il n’est donc pas nécessaire qu’ils aient une grâce efficace pour prier Dieu ? Non, me dit-il, suivant M. Le Moyne.

Pour ne point perdre de temps, j’allai aux Jacobins, et demandai ceux que je savais être des nouveaux Thomistes. Je les priai de me dire ce que c’est que pouvoir prochain. N’est-ce pas celui, leur dis-je, auquel il ne manque rien pour agir ? Non, me dirent-ils. Mais, quoi ! mon Père, s’il manque quelque chose à ce pouvoir, l’appelez-vous prochain ? et direz-vous, par exemple, qu’un homme ait, la nuit et sans aucune lumière, le pouvoir prochain de voir ? Oui-da, il l’aurait selon nous, s’il n’est pas aveugle. Je le veux bien, leur dis-je ; mais M. Le Moyne l’entend d’une manière contraire. Il est vrai, me dirent-ils ; mais nous l’entendons ainsi. J’y consens, leur dis-je. Car je ne dispute jamais du nom, pourvu qu’on m’avertisse du sens qu’on lui donne. Mais je vois par là que, quand vous dites que les justes ont toujours le pouvoir prochain pour prier Dieu, vous entendez qu’ils ont besoin d’un autre secours pour prier, sans quoi ils ne prieront jamais. Voilà qui va bien, me répondirent mes Pères en m’embrassant, voilà qui va bien : car il leur fait de plus une grâce efficace qui n’est pas donnée à tous, et qui détermine leur volonté à prier ; et c’est une hérésie, de nier la nécessité de cette grâce efficace pour prier.

Voilà qui va bien, leur dis-je à mon tour ; mais selon vous, les Jansénistes sont catholiques, et M. Le Moyne hérétique ; car les Jansénistes disent que les justes ont le pouvoir de prier, mais qu’il faut pourtant une grâce efficace, et c’est que vous approuvez. Et M. Le Moyne dit que les justes prient sans grâce efficace, et c’est ce que vous condamnez. Oui, dirent-ils, mais M. Le Moyne appelle ce pouvoir pouvoir prochain.

Quoi ! mes Pères, leur dis-je, c’est se jouer des paroles de dire que vous êtes d’accord à cause des termes communs dont vous usez, quand vous êtes contraires dans le sens. Mes Pères ne répondent rien ; et sur cela mon disciple de M. Le Moyne arriva par un bonheur que je croyais extraordinaire […]

Je dis donc à mon disciple de M. Le Moyne : Je connais un homme qui dit que tous les justes ont toujours le pouvoir de prier Dieu, mais que néanmoins ils ne prieront jamais sans une grâce efficace qui les détermine, et laquelle Dieu ne donne pas toujours à tous les justes. Est-il hérétique ? Attendez, me dit mon docteur, vous me pourriez surprendre. Allons doucement, distinguo ; s’il appelle ce pouvoir pouvoir prochain, il sera thomiste, et partant catholique ; sinon, il sera janséniste, et partant hérétique.

Auteur: Pascal Blaise

Info: Les " Provinciales ", Première lettre, éditions Gallimard, 1987, pages 47-48

[ jansénisme ] [ jésuites ] [ désaccord ] [ sophisme ] [ nomination ]

 

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étude comportementale

J'ai cette idée que, lorsqu'un homme rit, la plupart du temps il est répugnant à regarder. Le rire manifeste d'ordinaire chez les gens je ne sais quoi de vulgaire et d'avilissant, bien que le rieur presque toujours ne sache rien de l'impression qu'il produit. Il l'ignore, de même qu'on ignore en général la figure qu'on a en dormant. Il est des dormeurs dont le visage reste intelligent, et d'autres, intelligents d'ailleurs, dont en dormant le visage devient très bête et partant ridicule. J'ignore d'où cela vient : je veux dire seulement que le rieur, comme le dormeur, le plus souvent ne sait rien de son visage. Il est une multitude extraordinaire d'hommes qui ne savent pas du tout rire. Au fait, il n'y a pas à savoir : c'est un don qui ne s'acquiert pas. Ou bien, pour l'acquérir, il faut refaire son éducation, se rendre meilleur et triompher de ses mauvais instincts : alors le rire d'un pareil homme pourrait très probablement s'améliorer. Il est des gens que leur rire trahit : vous savez aussitôt ce qu'ils ont dans le ventre. Même un rire incontestablement intelligent est parfois repoussant. Le rire exige avant tout la franchise : où trouver la franchise parmi les hommes ? Le rire exige la bonté, et les gens rient la plupart du temps méchamment. Le rire franc et sans méchanceté, c'est la gaieté : où trouver la gaieté à notre époque et les gens savent-ils être gais ? (Pour ce qui est de la gaieté à notre époque, c'est une remarque de Versilov et je l'ai retenue.) La gaieté de l'homme, c'est son trait le plus révélateur, avec les pieds et les mains. Il est des caractères que vous n'arrivez pas à percer : mais un jour cet homme éclate d'un rire bien franc, et voilà du coup tout son caractère étalé devant vous. Il n'y a que les gens qui jouissent du développement le plus élevé et le plus heureux qui peuvent avoir une gaieté communicative, c'est-à-dire irrésistible et bonne. Je ne veux pas parler du développement intellectuel, mais du caractère, de l'ensemble de l'homme. Ainsi : si vous voulez étudier un homme et connaître son âme, ne faites pas attention à la façon dont il se tait, ou dont il parle, ou dont il pleure, ou même dont il est ému par les plus nobles idées. Regardez-le plutôt quand il rit. S'il rit bien, c'est qu'il est bon. Et remarquez bien toutes les nuances : il faut par exemple que son rire ne vous paraisse bête en aucun cas, si gai et si naïf qu'il soit. Dès que vous noterez le moindre trait de sottise dans son rire, c'est sûrement que cet homme est d'esprit borné, quand même il fourmillerait d'idées. Si son rire n'est pas bête, mais si l'homme, en riant, vous a paru tout à coup ridicule, ne fût-ce qu'un tantinet, sachez alors que cet homme ne possède pas le véritable respect de soi-même, ou du moins ne le possède pas parfaitement. Enfin, si ce rire, quoique communicatif, vous paraît cependant vulgaire, sachez que cet homme a une nature vulgaire, que tout ce que vous aviez remarqué chez lui de noble et d'élevé était ou bien voulu et factice, ou bien emprunté inconsciemment, et que fatalement il tournera mal plus tard, s'occupera de choses "profitables" et rejettera sans pitié ses idées généreuses comme des erreurs et des engouements de jeunesse.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: "L'Adolescent", éditions Gallimard, 1998, traduit par par Pierre Pascal, page 382

[ déductions ] [ observations ] [ rigoler ]

 
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