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évocation
Ecrire ne remplace pas. Comment modeler un torse avec des mots ? Comment dessiner ? Brossard a des idées là-dessus. Moi, je patouille la glaise mot à mot, mais ça ne donne rien de propre, rien de simultané, surtout, comme dit Brossard.
Un jour il m'a dit : Décris-moi mon chien. C'était risible. Pourtant je le connais depuis longtemps, son chien. Je l'ai vu naître, grandir, évoluer. Il y a du chiot dans ce chien. Allez donc exprimer ça. Même un coquetier c'est difficile. Il suffit d'en regarder un pour deviner que les oeufs ne sont pas ronds. Et pourtant si, par mégarde, un oeuf est rond il peut quand même s'asseoir dedans. C'est cette ambiguïté qui rend la description difficile. Certes, dans les pays sans poules, il suffit de dire : c'est un objet dans lequel on mange ce qui a été pondu. Mais ces pays-là sont rares.
Pour un peintre, au contraire, un coquetier est un régal. D'un trait, il nous rappelle nos mouillettes, le sel, le beurre et, derrière nous, notre mère, nos soeurs.
Auteur:
Dumayet Pierre
Années: 1923 - 2011
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: journaliste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
"Brossard et moi", éd. Verdier, p.12
[
langage
]
[
mots-choses
]
[
adéquation
]
[
écriture
]
chaîne du discours
Seulement, admettre l’existence de l’inconscient, c’est dire que, même si sa conscience s’en détourne, la modulation dont je parle, la phrase avec toute sa complexité, n’en continue pas moins. Il n’y a autre sens possible à donner à l’inconscient freudien que ce sens-là. [...]
Puisqu’on cherche les fonctions du moi comme tel, disons que l’une de ses occupations est précisément de ne pas être empoisonné de cette phrase qui continue toujours à circuler, et ne demande qu’à resurgir sous milles formes plus ou moins camouflées et dérangeantes. En d’autres termes, la phrase évangélique ils ont des oreilles pour ne point entendre est à prendre au pied de la lettre. C'est une fonction du moi que nous n'avons pas perpétuellement à entendre cette articulation qui organise nos actions comme des actions parlées.
Auteur:
Lacan Jacques
Années: 1901 - 1981
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 181-182
[
défini
]
[
parole perpétuelle
]
[
filtrage
]
inconscient
Le déjà-vu a lieu lorsqu’une situation est vécue avec une pleine signification symbolique, qui reproduit une situation symbolique homologue déjà vécue mais oubliée, et qui revit sans que le sujet en comprenne les tenants et les aboutissants. [...] Ça ne se place pas dans l’ordre du déjà raconté, mais dans l’ordre du jamais raconté.
Auteur:
Lacan Jacques
Années: 1901 - 1981
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, page 180
[
poussée de symbolisation
]
[
explication
]
servitude inconsciente
Connaissez-vous la blague de l'antisémite qui rencontre un juif orthodoxe dans un train ?
J'adore cette blague car elle s'appuie bien évidemment, comme toutes les bonnes blagues, sur des clichés (racistes, sexistes ...) et vous savez bien qu'une façon de sympathiser avec un étranger est de vous raconter des blagues racistes sur les appartenances ethnique, religieuse ... de chacun. Pourquoi cela marche si bien ? Je pourrais peut-être vous l'expliquer à l'aide de la théorie lacanienne plus tard ... mais d'abord je vous raconte cette bonne blague !
La scène se passe dans un train entre Vienne et Salzbourg. Un jeune autrichien se retrouve assis à côté d'un juif orthodoxe d'un certain âge. Un peu gêné, le jeune homme surmonte sa timidité, et parvient à s'adresser au religieux :
— Bonjour Monsieur ... Excusez-moi de vous déranger ... Est-ce que vous ... Est-ce que ... vous êtes juif ?
— Visiblement.
— Je peux vous poser une question ?
— Ça sera déjà la troisième ... mais oui ... je vous en prie.
— Ça va certainement vous paraître déplacé, même raciste, mais j'ai toujours voulu savoir si ce que l'on dit à propos des juifs était exact ... est-ce que ... est-ce que c'est vrai que tous les juifs sont riches ?
— Il s'agit d'une rumeur fondée ...
— Ah ! C'est donc vrai ! J'en étais sûr ! Mais ... dites-moi ... avez-vous un secret ? Une méthode peut-être ?
— Évidemment. Cependant cette méthode est fastidieuse à développer et je crains, pour vous, qu'elle ne soit trop ennuyeuse à écouter ...
— Je vous assure que j'ai le temps devant moi ! Même si cela doit prendre tout le trajet !
— Êtes-vous bien sûr ... ?
— Oui ! Sûr et certain !
— Bon ... très bien ... vous savez cette méthode, ce secret ancestral, devrais-je même dire, n'est réservé qu'aux initiés ... mais, pour vous, je veux bien faire une exception à condition que vous me donniez cinq euros.
— Cinq euros ? Seulement ? Si c'est tout ce que vaut ce secret millénaire qui peut rendre un homme riche, alors tenez ! Prenez-les donc ! Ils sont à vous !
Après un long moment visage clos et bouche cousue le vieil homme se mit à parler et narra une histoire fabuleuse, faite de détours splendides, de délicates circonvolutions, d'anecdotes d'un humour d'une exquise finesse. Cette histoire puisait son origine dans la nuit des temps, dans la mystérieuse mémoire oubliée des hommes ... et soudainement, le vieil homme se tût.
— Quoi ? C'est tout ? Mais vous n'avez rien expliqué ! s'exclama le jeune autrichien.
— Ne soyez pas si impatient, dit le religieux d'une voix calme et assurée, ce n'est que le début du commencement. Si vous voulez connaître la suite, il faut payer cinq euros.
— D'accord, d'accord ! Tenez ! Continuez ! Je vous en prie !
Le religieux reprit alors le fil de cette merveilleuse histoire qui s'avèrait, au fil des minutes qui s'écoulaient, plus merveilleuse encore et en devenait même exaltante. Mais, de nouveau, le juif se tût au beau milieu d'une phrase. Automatiquement, le jeune autrichien tendit un autre billet de cinq euros et le religieux se remit à parler. Ce scénario se répéta jusqu'à ce que le train arrive en gare, moment qui coïncida curieusement avec l'impossibilité pour le jeune autrichien de payer davantage : le pauvre bougre n'avait plus un seul centime sur lui. Et c'est ainsi que les deux hommes se quittèrent ...
Cela va peut-être vous surprendre mais je pense que la situation actuelle, c'est-à-dire la gestion de l'épidémie de coronavirus, a exactement la même structure que cette blague. Bien sûr à la place du jeune autrichien, nous avons le peuple, à la place du juif orthodoxe, il y a le gouvernement, et à la place de l'argent se tient la liberté. Le gouvernement déploie son récit autour du coronavirus et exige d'abord du peuple un petit geste, anodin, qui n'a l'air de rien : porter un masque. Le peuple se dit alors que si cela peut lui permettre de recouvrer sa liberté, pourquoi pas. Et puis l'histoire continue, et une nouvelle exigence se fait entendre : maintenant il s'agit de se confiner. Et puis ensuite il s'agira de présenter une identification numérique partout où il se rend. Identification numérique elle-même fournie à condition d'avoir accepté une procédure médicale ... et ainsi de suite jusqu'à ce qu'à la fin, le peuple, croyant ainsi retrouver sa liberté en la sacrifiant, comme le jeune autrichien croyant devenir riche en dépensant son argent, a produit une nouvelle réalité sociale et se retrouve pris au dépourvu car il a donné tous les moyens nécessaires au gouvernement pour se retrouver dans cette position.
Vous aurez bien sûr reconnu dans cette petite blague et le parallèle avec la gestion de l'épidémie ce que l'on appelle en psychanalyse le surmoi. Le surmoi est l'écart réel entre le moi-idéal (imaginaire) et l'idéal-du-moi (symbolique) que la subjectivité tente coûte que coûte de combler, surtout en se sacrifiant, en se faisant payer cet écart. Il s'agit d'un cercle vicieux puisque le surmoi plus on lui obéit plus on se sent coupable. C'est comme le jeune autrichien qui paye encore et encore ou le peuple qui s'éloigne de "la vie d'avant" à mesure qu'il croit s'en rapprocher en sacrifiant toujours un peu plus sa liberté.
Une interprétation antisémite de cette blague pourrait être que le juif profite de l'ignorance d'un brave homme pour s'enrichir mais ça serait oublier qu'en réalité le juif ici ne fait pas simplement de dire à l'autrichien comment s'enrichir mais il lui montre littéralement. Charge est à l'autrichien de le comprendre. Cela pourrait nous faire faire un pas vers la différence entre ce que l'on appelle en linguistique l'énoncé et l'énonciation. Ainsi, nous pourrions nous demander si le jeune autrichien antisémite tirera un enseignement de cette leçon reçue par le juif orthodoxe ? Ou va-t-il perdurer dans son antisémitisme et se positionner d'autant plus comme victime éternelle de l'avidité qu'il suppose aux juifs, qu'en réalité, il ne fait que produire par son positionnement vis-à-vis de cette communauté ? Ainsi le peuple va-t-il se positionner comme l'éternelle victime de son gouvernement qu'il suppose — et certainement à raison mais cela ne change strictement rien — être profondément corrompu par les puissances financières de ce monde, ne travaillant que pour les intérêts privés au détriment du bien commun ? Ou va-t-il, comme le dit La Boétie, finalement s'apercevoir que ce que le gouvernement a de plus que le peuple ne sont que les moyens que celui-ci lui fournit pour indirectement se détruire ?
Nous avons toujours le gouvernement que nous méritons.
Auteur:
Goubet-Bodart Rudy
Années: 1986 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: France - Singapour
Info:
https://www.rudygoubetbodart.com/single-post/qui-a-enlev%C3%A9-slavoj-zizek?
[
complice
]
[
crédulité
]
[
fonctionnement du pouvoir
]
[
covid-19
]
hasards
Puisque j’étais acculé à reconnaître
Que je n’avais rien fait de bon de mon destin
Sinon à rechercher mon âme
A la trouver parfois
Dans les poubelles hétéroclites
Auteur:
Chavée Achille
Années: 1906 - 1969
Epoque – Courant religieux: Industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète surréaliste
Continent – Pays: Europe - Belgique
Info:
L'éléphant blanc
[
existence
]
[
perdu
]
Mammon
La racine de tous les maux, c'est l'amour de l’argent.
Auteur:
La Bible
Années: -0800 - av. J.-C. - 100
Epoque – Courant religieux: Empire romain
Sexe: R
Profession et précisions: livre religieux, recueil chrétien
Continent – Pays: Proche&moyen Orient - Europe
Info:
Nouv. Test.1 ; Tim 6-10
[
appât du gain
]
pensée en élaboration
L’œuvre de Freud est pleine de ces pierres d’attente, et cela me réjouit. Chaque fois qu’on prend un article de Freud, non seulement ce n’est jamais ce qu’on attendait, mais ce n’est jamais que très simple, admirablement clair. Et pourtant, il n’en est pas un qui ne soit nourri de ces énigmes que sont les pierres d’attente. On peut dire qu’il n’y a que lui qui, de son vivant, ait amené les concepts originaux nécessaires à attaquer et ordonner le champ nouveau qu’il découvrait. Ces concepts, il les amène chacun avec un monde de questions. Ce qu’il y a de bien dans Freud, c’est qu’il ne nous les dissimule pas, ces questions. Chacun de ses textes est un texte problématique, de telle sorte que lire Freud, c’est rouvrir les questions.
Auteur:
Lacan Jacques
Années: 1901 - 1981
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, page 168
[
retour après-coup
]
[
éloge
]
[
étonnement
]
concept psychanalytique
Le complexe d’Œdipe veut dire que la relation imaginaire, conflictuelle, incestueuse en elle-même, est vouée au conflit et à la ruine. Pour que l’être humain puisse établir la relation la plus naturelle, celle du mâle à la femelle, il faut qu’intervienne un tiers, qui soit l’image de quelque chose de réussi, le modèle d’une harmonie. Ce n’est pas assez dire – il y faut une loi, une chaîne, un ordre symbolique, l’intervention de l’ordre de la parole, c’est-à-dire du père. Non pas le père naturel, mais de ce qui s’appelle le père. L’ordre qui empêche la collision et l’éclatement de la situation dans l’ensemble est fondé sur l’existence de ce nom du père.
Auteur:
Lacan Jacques
Années: 1901 - 1981
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 156-157
[
défini
]
[
explication
]
[
cadre
]
[
régulation
]
[
médiation
]
éthologie
Si l’envahisseur s’approche à une certaine distance du lieu défini comme le territoire, la réaction d’attaque se produit chez le premier mâle. Si l’envahisseur est un peu plus loin, elle ne se produit pas. Il y a donc un point où l’épinoche sujet se trouve entre attaquer et ne pas attaquer, un point limite défini par une certaine distance, et qu’est-ce qui apparaît alors ? Cette manifestation érotique de la négativité, cette activité du comportement sexuel qui consiste à creuser des trous.
Autrement dit, quand l’épinoche mâle ne sait pas que faire sur le plan de sa relation avec son semblable de même sexe, quand il ne sait pas s’il faut attaquer ou pas, il se met à faire quelque chose qu’il fait alors qu’il s’agit de faire l’amour. Ce déplacement, qui n’a pas manqué de frapper l’éthobiologiste, n’est pas du tout spécial à l’épinoche. Il est très fréquent, chez les oiseaux, qu’un combat s’arrête brusquement, et qu’un oiseau se mette à lisser ses plumes éperdument, comme il le fait d’habitude quand il s’agit de plaire à la femelle.
Auteur:
Lacan Jacques
Années: 1901 - 1981
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, page 154
[
éros
]
[
agressivité
]
[
lien
]
[
expérience
]
inconscient
Préalablement à toute symbolisation - cette antériorité n'est pas chronologique, mais logique - il y a une étape, les psychoses le démontrent, où il se peut qu'une part de la symbolisation ne se fasse pas. Cette étape première précède toute la dialectique névrotique qui tient à ce que la névrose est une parole qui s'articule, pour autant que le refoulé et le retour du refoulé sont une seule et même chose. Il peut ainsi se faire que quelque chose de primordial quant à l’être du sujet n’entre pas dans la symbolisation, et soit, non pas refoulé, mais rejeté.
Ce n’est pas démontré. Ce n’est pas non plus une hypothèse. C’est une articulation du problème. La première étape n’est pas une étape que vous ayez à situer quelque part dans la genèse. [...] ne vous laissez pas fasciner par ce moment génétique. Le jeune enfant que vous voyez jouer à faire disparaître et revenir un objet, et qui s’exerce par là à l’appréhension du symbole, vous masque, si vous vous laissez fasciner par lui, le fait que le symbole est déjà là, énorme, l’englobant de toute part, que le langage existe, qu’il remplit les bibliothèques, qu’il en déborde, qu’il encercle toutes vos actions, qu’il les guide, qu’il les suscite, que vous êtes engagés, qu’il peut vous requérir à tout instant de vous déplacer, et vous mener quelque part. Tout cela, vous l’oubliez devant l’enfant en train de s’introduire dans la dimension symbolique. Donc, plaçons-nous au niveau de l’existence du symbole comme tel, en tant que nous y sommes immergés.
Auteur:
Lacan Jacques
Années: 1901 - 1981
Epoque – Courant religieux: récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Dans le "Séminaire, Livre III", "Les psychoses", éditions du Seuil, 1981, pages 131-132
[
forclusion
]
[
origine du référentiel humain
]