Je lis sur l’écran de l’ordinateur le permis de me tuer. Ma tête tourne, ma vie vacille. Des images m’assaillent, dont celles d’otages occidentaux à la tête tranchée. Sera-ce mon sort également ? Je sens le couteau glacé m’ouvrir la gorge, j’entends le son du sang qui gicle, semblable à celui d’un seau d’eau que l’on vide dans l’égout, je sens les bras qui retiennent alors que je me débats comme un animal apeuré – j’ai connu, dans mon enfance paysanne, la mise à mort du cochon, qui avait quelque chose de rituel aussi, ses cris, ses grognements stridents à en déchirer le tympan, ses tressaillements, sa sueur funèbre. Les djihadistes d’al-Hebah me comparent à un cochon. Aurai-je sous la lame, plus de dignité que cette bête ? J’anticipe aussi mes dernières pensées. On meurt en animal, comme le cochon effrayé, et on meurt en homme, avec des pensées. Au bout de quelques minutes je me reprends. Ce scénario d’horreur est impossible en France, au pays des droits de l’homme ! Et pourtant non, si l’on en est arrivé au point où la police doit me protéger, me cacher, c’est que ce n’est pas vraiment impossible, que des décisions prises ailleurs, au Moyen-Orient, peuvent s’appliquer ici. Je balance entre la terreur et l’apaisement, et tente de me raccrocher à ma foi, chevillée au corps, en la souveraineté nationale.
Années: 1954 -
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: prof de philo, penseur de droite
Continent – Pays: Europe - France