individu-société
C’est le manque de liberté individuelle qui caractérise l’opposition entre la société médiévale et la société moderne. Au cours de la période antérieure, l’individu était enchaîné à son rôle dans l’échelle sociale. Un homme avait très peu de chance de passer d’une classe sociale à une autre, de même était-il difficilement envisageable de se déplacer géographiquement, de changer de ville ou de pays. […]
Cependant, même si une personne n’était pas libre dans le sens moderne du terme, elle n’était pas non plus seule et isolée. En ayant dès sa naissance une place distincte, incontestable et immuable au sein du monde social, l’homme était enraciné dans un tout structuré, et cette vie avait un sens qui ne laissait aucune place, aucune nécessité, pour le doute. Une personne était définie par son rôle dans la société : c’était un paysan, un artisan, un chevalier, mais en aucun cas un individu qui avait par hasard telle ou telle occupation. […] Il y avait en comparaison peu de compétition. On naissait sous un certain statut économique qui garantissait un gagne-pain déterminé par la tradition, de la même façon qu’une position plus élevée dans l’échelle sociale impliquait des obligations économiques. Toutefois, dans les limites de sa sphère sociale, l’individu avait en réalité une certaine liberté de s’exprimer dans son travail et dans sa vie émotionnelle. Bien qu’il n’y eût pas d’individualisme – au sens moderne du choix sans restriction entre différentes manières de vivre (une liberté de choix qui est largement abstraite) – l’individualisme existait concrètement dans de nombreux domaines de la vie réelle.
Auteur:
Fromm Erich
Années: 1900 - 1980
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: psychanalyste
Continent – Pays: Usa - Allemagne
Info:
Dans "La peur de la liberté", pages 46-47
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évolution historique
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castes sociales
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individu-société
Il apparaît que la véritable nature de ces conflits [intérieurs] se ramène toujours, en dernier ressort, à un principe général : le conflit entre ce qui est propre à l’individu et ce qui lui est étranger, ce qui est individuellement inné et ce qui est suggéré, appris, imposé de l’extérieur.
Ce conflit de l’individualité avec l’autorité extérieure qui pénètre dans son intériorité marque tragiquement l’enfance plus que tout autre période de la vie.
Il la marque d’autant plus tragiquement que la personnalité est riche, fortement originale dans ses dispositions. Plus la capacité de résistance à l’autorité et à l’intervention extérieures entreprend d’assumer tôt et intensivement sa fonction protectrice, plus le déchirement conflictuel s’aggrave et s’approfondit avec intensité et précocité. Seules sont épargnées les natures aux dispositions individuelles si peu développées et si peu résistantes que, sous la pression de l’environnement – l’influence de l’éducation – elles s’atrophient tout simplement et disparaissent. Il en va de même pour les natures dont les motivations déterminantes se constituent en fin de compte sur les bases d’un patrimoine de valeurs et d’habitudes réactives entièrement reçues de l’extérieur. Ces personnalités de second ordre peuvent conserver un – apparent – équilibre, un fonctionnement normal et cohérent de la totalité du psychisme, ou plus exactement, de ce qui en reste. En revanche, tout individu qui se situe un peu au-dessus de la normalité du moment, ne peut pas, dans les conditions actuelles, échapper au conflit pathogène ni trouver son propre équilibre, c’est-à-dire le plein développement harmonieux de ses plus hautes capacités individuelles inscrites dans ses dispositions innées.
Auteur:
Gross Otto
Années: 1877 - 1920
Epoque – Courant religieux: Industriel
Sexe: H
Profession et précisions: médecin, scientifique et révolutionnaire
Continent – Pays: Europe - Autriche
Info:
Révolution sur un divan, traduit de l’allemand par Jeanne Etoré Les éditions Solin, 1988, pages 46-47
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résignation
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révolte inconsciente
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désir
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névrose
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individu-société
Dans la famille existante, au tout début de son expérience, l’enfant ressent à la fois que sa nature innée, sa volonté innée de devenir lui-même, sa volonté d’aimer comme il lui a été donné de le faire ne sont comprises ni admises par personne et qu’il n’obtient aucune réponse à sa revendication de conserver sa personnalité et d’avoir le droit d’aimer selon ses propres lois. Il n’y a pas de réponse à cette revendication si ce n’est sa propre découverte qu’il est opprimé et méprise, sans défense, sa propre découverte de l’immense solitude qui s’étend partout autour de lui. A l’angoisse infinie de l’enfant dans la solitude, la famille, telle qu’elle existe à l’heure actuelle, n’a pas d’autre réponse que : vis seul ou deviens comme nous.
Nul n’est capable de renoncer à tout amour dès l’enfance : c’est impossible parce que l’instinct d’attachement aux autres est aussi nécessaire à la conservation de l’espèce que l’aspiration à préserver sa propre nature innée. Dans la famille existante, l’enfant doit donc devenir semblable à ceux qui l’entourent : pratiquement entièrement s’il fait partie du plus grand nombre, uniquement en partie s’il fait partie des rares qui ne peuvent perdre tout à fait leur nature innée ni la nécessité intérieure de tendre vers elle.
La peur de la solitude, le besoin d’attachement forcent l’enfant à s’adapter : cette suggestion de l’extérieur que l’on appelle l’éducation est assimilée dans sa propre volonté. Et c’est ainsi que la plupart d’entre nous ne sont faits que d’une volonté étrangère qu’ils ont assimilée, d’une nature étrangère à laquelle ils se sont adaptés, d’un être étranger qui leur donne entièrement l’illusion de représenter leur propre personnalité. Dans l’ensemble ils sont devenus des êtres uniformes parce que la volonté étrangère dont ils sont en réalité constitués vise, de par sa nature la plus profonde et dans ses objectifs ultimes, l’uniformité. Ils se sont épargnés le déchirement intérieur, adaptés aux choses telles qu’elles sont. Ils représentent la grande majorité.
Auteur:
Gross Otto
Années: 1877 - 1920
Epoque – Courant religieux: Industriel
Sexe: H
Profession et précisions: médecin, scientifique et révolutionnaire
Continent – Pays: Europe - Autriche
Info:
Révolution sur un divan, traduit de l’allemand par Jeanne Etoré Les éditions Solin, 1988, page 67
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moi-sujet
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renoncement
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conformisme
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désir
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