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Dans la famille existante, au tout début de son expérience, l’enfant ressent à la fois que sa nature innée, sa volonté innée de devenir lui-même, sa volonté d’aimer comme il lui a été donné de le faire ne sont comprises ni admises par personne et qu’il n’obtient aucune réponse à sa revendication de conserver sa personnalité et d’avoir le droit d’aimer selon ses propres lois. Il n’y a pas de réponse à cette revendication si ce n’est sa propre découverte qu’il est opprimé et méprise, sans défense, sa propre découverte de l’immense solitude qui s’étend partout autour de lui. A l’angoisse infinie de l’enfant dans la solitude, la famille, telle qu’elle existe à l’heure actuelle, n’a pas d’autre réponse que : vis seul ou deviens comme nous.

Nul n’est capable de renoncer à tout amour dès l’enfance : c’est impossible parce que l’instinct d’attachement aux autres est aussi nécessaire à la conservation de l’espèce que l’aspiration à préserver sa propre nature innée. Dans la famille existante, l’enfant doit donc devenir semblable à ceux qui l’entourent : pratiquement entièrement s’il fait partie du plus grand nombre, uniquement en partie s’il fait partie des rares qui ne peuvent perdre tout à fait leur nature innée ni la nécessité intérieure de tendre vers elle.

La peur de la solitude, le besoin d’attachement forcent l’enfant à s’adapter : cette suggestion de l’extérieur que l’on appelle l’éducation est assimilée dans sa propre volonté. Et c’est ainsi que la plupart d’entre nous ne sont faits que d’une volonté étrangère qu’ils ont assimilée, d’une nature étrangère à laquelle ils se sont adaptés, d’un être étranger qui leur donne entièrement l’illusion de représenter leur propre personnalité. Dans l’ensemble ils sont devenus des êtres uniformes parce que la volonté étrangère dont ils sont en réalité constitués vise, de par sa nature la plus profonde et dans ses objectifs ultimes, l’uniformité. Ils se sont épargnés le déchirement intérieur, adaptés aux choses telles qu’elles sont. Ils représentent la grande majorité. 

Auteur: Gross Otto

Info: Révolution sur un divan, traduit de l’allemand par Jeanne Etoré Les éditions Solin, 1988, page 67

[ moi-sujet ] [ renoncement ] [ conformisme ] [ désir ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

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