syndicalisme
Même là où les abus ne vont pas si loin, les délégués ont souvent tendance à accroître l’importance de leur rôle au delà de ce qui est utile. Ils recueillent presque indistinctement les réclamations légitimes ou absurdes, importantes ou infimes, ils harcèlent la maîtrise et la direction, souvent avec la menace du débrayage à la bouche, et créent chez les chefs, sur qui pèsent déjà lourdement les préoccupations purement techniques, un état nerveux intolérable. Il y a lieu d’ailleurs de se demander s’il s’agit seulement de maladresse, ou s’il n’y a pas là quelquefois une tactique consciente, comme semblerait l’indiquer une phrase prononcée un jour par un délégué ouvrier d’une autre région, qui se vantait de harceler son chef d’atelier tous les jours, sans répit, pour ne jamais lui laisser le loisir de reprendre le dessus. D’autre part, le pouvoir que possèdent les délégués a dès à présent créé une certaine séparation entre eux et les ouvriers du rang ; de leur part la camaraderie est mêlée d’une nuance très nette de condescendance, et souvent les ouvriers les traitent un peu comme des supérieurs hiérarchiques. Cette séparation est d’autant plus accentuée que les délégués négligent souvent de rendre compte de leurs démarches. Enfin, comme ils sont pratiquement irresponsables, du fait qu’ils sont élus pour un an, et comme ils usurpent en fait des fonctions proprement syndicales, ils en arrivent tout naturellement à dominer le syndicat. Ils ont la possibilité d’exercer sur les ouvriers syndiqués ou non une pression considérable, et c’est eux qui déterminent en fait l’action syndicale, du fait qu’ils peuvent à volonté provoquer des heurts, des conflits, des débrayages et presque des grèves.
Auteur:
Weil Simone
Années: 1909 - 1943
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: F
Profession et précisions: humaniste, professeur, écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
"La condition ouvrière", Journal d'usine, éditions Gallimard, 2002, pages 367-368
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inconvénients
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orgueil
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dérives
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