subversion
Oublieux qu'il n'y a pas de discours littéraire sinon comme machination, le romancier s'est peu à peu persuadé que ce qu'il écrivait avait quelque chose à voir avec le monde dans lequel il vivait ; des critiques patients lui ont expliqué que, dans ce monde, le roman était tour à tour miroir, témoignage, interprétation ; poussé par ces suggestions insinuantes à se sous-estimer, le narrateur s'est engagé dans une désastreuse tâche idéologisante ; insatisfait du message, il a tenté la vision du monde. Corrompu par son propre sérieux et par celui des critiques, il a perdu la joie limpide du mensonge, l'irresponsabilité, la duplicité morale, l'arrogance hilare, qui sont, à mon avis, les vertus fondamentales de ceux qui s'appliquent à ce scandale perpétuel qu'est le travail littéraire.
Auteur:
Manganelli Giorgio
Années: 1922 - 1990
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: homme de lettres
Continent – Pays: Europe - Italie
Info:
In "Le bruit subtil de la prose", éd. Le Promeneur, p. 62
[
anti-réalisme
]
[
liberté
]
[
ironie
]
[
missions de l'écrivain
]
[
tyrannie de la réalité
]
philosophie moderne
L’existence des évidences naturelles implique donc un champ culturel de type essentialiste qui exige la croyance à la réalité d’un monde archétypal. Mais, tout le mouvement de la civilisation moderne, dans tous les domaines, depuis le XVIIe siècle, consiste en une immense et permanente dénaturation ou désessentialisation. Ce mouvement, qui est celui du rationalisme, s’effectue par la réduction de toute compréhension à la raison. Or, comprendre, pour la raison, c’est construire le donné qu’elle doit saisir, ce qui implique, en premier lieu, qu’elle nie sa qualité même de donné. Ce qui est incompréhensible pour la raison, c’est qu’il y ait un donné objectif. Le cartésianisme, dans la mesure où il se présente comme une construction rationnelle du monde, le kantisme qui répute le donné pur comme radicalement inconnaissable et qui lui substitue l’ "objectivité" des structures a priori de la connaissance humaine, l’axiomatisme mathématique qui rejette les évidences mathématiques premières, les principes, et qui les remplace par des conventions construites décisoirement, ne laissent aucun doute à cet égard.
Auteur:
Borella Jean
Années: 1930 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: philosophe, théologien catholique
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, page 61
[
critique
]
[
anti-réalisme
]