Pour écarter l’étroite doctrine qui ne voit dans le surnaturel qu’une hétéronomie servile et qui impose, à la manière d’un joug, le don divin, comme s’il s’agissait de greffer douloureusement en notre chair un nouvel œil ou un troisième bras, il ne faut pas tomber dans l’erreur contraire, ni vouloir, au nom d’un principe d’immanence, ramener le surnaturel à n’être que le suprême épanouissement de tout notre être, comme si l’hétéronomie apparente devait se résoudre simplement en une parfaite autonomie humaine. Non, Dieu a de toutes autres ambitions pour nous, il a de tout autres exigences pour lui : il ne s’est humanisé que pour nous déifier. […] le surnaturel n’est pas seulement une grâce que nous assimilons en restant nous-mêmes, c’est un feu dévorant : d’où la destruction présente, la sujétion, la mortification, toutes les industries actuellement cruelles de la Volonté qui installe souverainement en nous son règne. […] La crise présente de la pensée religieuse tient peut-être à ce que, trop souvent, au lieu de s’élever au troisième degré et de comprendre, de pratiquer l’hétéronomie de l’amour, on en revient au premier degré, à l’hétéronomie servile, sans voir autre chose à lui opposer que ce pauvre idéal d’autonomie, plus délétère peut-être encore de l’esprit chrétien ! […] Et le rôle de la méthode d’immanence, c’est précisément de nous prémunir à la fois contre les deux ; c’est de nous placer en face de nous-même et de Dieu ; c’est de nous faire mesurer l’infinie disproportion de notre nature et de notre destinée, c’est de manifester, en toute sa rigueur, l’hétéronomie nécessaire et salutaire.
Années: 1861 - 1949
Epoque – Courant religieux: Récent et libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: philosophe
Continent – Pays: Europe - France