théologie-philosophie
Nous envisageons donc en Dieu une distinction principielle et surintelligible, celle de l’Essence infinie et de l’Auto-détermination ontologique. Mais leur distinction n’implique aucune séparativité et leur unité aucune contradiction. A cet égard, il est antimétaphysique, sous prétexte de satisfaire aux exigences de la critique heideggérienne et d’échapper au reproche d’ontothéologie, de vouloir chasser l’être hors de la théologie (après que Heidegger s’est efforcé de chasser Dieu hors de l’être), comme s’il faisait obstacle à une véritable approche du divin. Non seulement l’être ne s’oppose pas à l’intelligence du mystère de Dieu, mais encore, comme nous l’avons déjà souligné, pour nous les hommes, il n’y a, en dehors de l’Etre, aucun accès possible à ce mystère : sans ontologie, pas de théologie : "Être est mon nom" dit Dieu dans le Buisson ardent, le Nom par lequel Il veut être connu et invoqué ; de même que, sans théologie, pas d’ontologie véritable, puisque seule l’identification de l’être à l’Etre par excellence qu’est Dieu l’arrache à l’abstraction du concept et le pose dans le mystère de sa transcendance vivante, ce qu’Aristote avait admirablement entrevu ; expliquant que la joie de l’intellect réside dans la contemplation en acte de l’intelligible […].
Mais en outre, et c’est sur ce thème que nous voulons insister, on ne saurait non plus envisager la distinction de l’Être et du Non-Être comme s’il y avait entre les deux une opposition de contradiction, bien que le langage semble nous y inviter. […] Il faut donc admettre la pleine validité du principe de contradiction sur le plan de l’ontologie de la substance. Mais il n’en va plus tout à fait de même dans l’ordre méontologique, à propos duquel on peut bien parler d’un principe de non-contradiction absolue, principe qui est exigé par la pensée elle-même, et qui ne contredit nullement le principe de contradiction. […]
Le dilemme devant lequel est placée la pensée philosophique, c’est en dernière analyse qu’elle ne peut rendre compte de l’être des réalités contingentes sans faire appel à la réalité d’un Être nécessaire et premier, et, qu’en même temps, chacune de ces deux sortes d’être se contrepose à l’autre, en sorte que les êtres contingents relativement à cet Être nécessaire qui pourtant les fait être comme s’ils n’étaient pas (selon une formule mainte fois reprise par les théologiens) ; ce qui est bien paradoxal. La pensée philosophique est ainsi requise, sinon de résoudre ce paradoxe, du moins de le dépasser sans pour autant le supprimer (car il a sa pleine validité sur son propre plan). Elle doit, pour cela, s’efforcer d’entrevoir comment il serait possible que la Réalité divine incréée ne s’oppose pas à la réalité contingente de la créature. Or, cela ne peut se faire par la suppression du Dieu-Être, puisque au contraire la nécessité de l’Être premier est philosophiquement avérée. Si donc on entend dépasser le point de vue strictement ontologique, ce ne peut être qu’en s’élevant à un point de vue qui, loin d’éliminer l’Être, permet de concevoir la condition métaphysique de sa possibilité. S’élever à ce point de vue, ce n’est pas céder à quelque démesure de la pensée, à quelque vertige ascensionnel qui pousserait le philosophe à vouloir monter toujours plus haut, en oubliant toute prudence et toute rigueur. C’est au contraire obéir aux exigences les plus certaines de la pensée philosophique […].
Auteur:
Borella Jean
Années: 1930 -
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: philosophe, théologien catholique
Continent – Pays: Europe - France
Info:
Penser l'analogie, L'Harmattan, Paris, 2012, pages 96 à 98
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nécessité logique
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progression
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