factualisme
Eût-il été seulement un théologien passionné, Occam ne nous aurait laissé qu’un brillant exemple de théologisme, mais il était en même temps un fin logicien et un philosophe lucide, dont l’esprit ne concevait pas une philosophie en décalage avec sa théologie. De fait, en plus de cela, il fut ce grand propagandiste dont les doctrines politiques, profondément ancrée dans sa théologie, devaient faire trembler les hautes structures de la Chrétienté médiévale. Comme philosophe, cependant, ce fut le privilège d’Occam que de relâcher dans le monde ce que je pense être le premier cas connu d’une nouvelle maladie intellectuelle. On ne saurait la décrire comme un scepticisme, puisqu’elle va souvent de pair avec une dévotion sans réserve à la promotion du savoir scientifique. Le positivisme ne serait pas un meilleur nom, puisqu’elle est principalement faite de négations. Il serait plus satisfaisant de l'appeler empirisme radical, si son problème principal n’était pas précisément de ne pas rechercher dans l’expérience ce qui rend l’expérience elle-même possible. Puisque cette maladie contagieuse est particulièrement commune chez les scientifiques d’aujourd’hui, on pourrait être tenté de la nommer “scientisme”, si nous oubliions le fait que sa première conséquence est de détruire, avec la rationalité de la science, sa possibilité elle-même.
Auteur:
Gilson Etienne
Années: 1884 - 1978
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: philosophe et historien
Continent – Pays: Europe - France
Info:
The Unity of Philosophical Experience (1950), p. 86
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coupure épistémologique
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naissance de l'esprit scientifique moderne
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historique
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