Comment notre cerveau crée des moments 'Ahaaa' et pourquoi ils restent
L'instant d'illumination, ce soudain éclat de compréhension que l'on nomme communément " moment aha " ou " eureka ", fascine par sa capacité à bouleverser subitement notre perception et à ancrer profondément le savoir nouveau. Ce phénomène si humain — illustré par Archimède se découvrant dans son bain ou Newton face à la chute de la pomme — ne se limite pas aux génies, mais survient au quotidien dans la résolution furtive d'énigmes ou de problèmes.
Pour percer le mystère neuronal de cette révélation fulgurante, Maxi Becker et son équipe à l'Université Humboldt de Berlin ont conçu une expérience simple : l'observation de la reconnaissance soudaine d'images abstraites et déformées, dites " images de Mooney ", où des objets usuels cachés dans un fort contraste noir et blanc deviennent progressivement identifiables. En réunissant les participants dans un scanner IRMf, ils enregistrèrent l'activité cérébrale lors de ces moments d'" aha ".
L'étude révèle que ces éclaircies cognitives correspondent à une réorganisation nette de l'activité au sein d'un réseau cérébral central sur trois régions principales : le cortex occipito-temporal ventral, chargé de la reconnaissance visuelle, l'amygdale, lieu de traitement des émotions, et surtout l'hippocampe, maître de la mémoire et détecteur des écarts entre attente et réalité. Plus l'" aha " est vif et certain, plus ces zones s'activent intensément, soulignant la transformation d'une image auparavant dépourvue de sens en un objet clairement reconnu.
Cette activation conjointe influence directement la mémorisation : les participants se souvenaient bien mieux des images associées à un fort sentiment d'" aha ", même cinq jours après l'expérience. L'ampleur de l'activité de l'hippocampe et du cortex visuel pendant ce moment contribue à sceller durablement la trace mémorielle, rendant ces intuitions plus robustes et accessibles à long terme. Toutefois, le sentiment d'illumination n'est pas gage de vérité absolue : des fausses prises de conscience sont également présentes, mais avec une moindre intensité émotionnelle et cognitive.
Au-delà des énigmes simples, cette compréhension ouvre des perspectives larges, notamment pédagogiques. Encourager la survenue de ces moments d'insight dans l'enseignement pourrait grandement améliorer la motivation des élèves et la pérennité des apprentissages. De même, l'équipe souhaite désormais étendre la recherche aux domaines plus complexes de la créativité humaine, de la psychothérapie, de la méditation, voire des états modifiés de conscience, afin de mieux saisir les mécanismes profonds de la pensée créative et transformatrice.
En somme, le " moment aha " est un événement neuronal où un réseau cérébral coordonné déclenche une reconfiguration soudaine de la perception, assortie d'une charge émotionnelle positive, qui favorise la consolidation mnésique. Cette dualité émotion-cognition inscrit cette lumière subite non seulement comme clé de la compréhension, mais aussi comme pilier de la mémoire durable et de la créativité.