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question

Suivant notre manière actuelle de parler, un animal développerait ses instincts carnivores parce que ses molaires se font tranchantes et ses pattes griffues. Or ne faut-il pas retourner la proposition ? […] Si le Tigre a allongé ses crocs et aiguisé ses ongles, ne serait-ce pas justement que, suivant sa lignée, il a reçu, développé et transmis une "âme de carnassier" ?

Auteur: Teilhard de Chardin Pierre

Info: Le phénomène humain

[ paradoxe sémantique ] [ limitation du tiers exclus ] [ oeuf ou la poule ] [ créationnisme vs évolutionnisme ] [ dualité stupide ]

 

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binarité

C’est pourquoi la machine à calculer doit être logique autant qu’arithmétique, et doit combiner les éventualités selon un algorithme systématique. Là où de nombreux algorithmes pourraient être utilisés, le plus simple d’entre eux est connu comme l’algèbre de la logique par excellence, l’algèbre booléenne. Cet algorithme, comme l’arithmétique binaire, est basé sur la dichotomie, le choix entre oui et non, entre appartenir à une classe et ne pas lui appartenir. 

Auteur: Wiener Norbert

Info: La cybernétique. Information et régulation dans le vivant et la machine. Paris : Éditions du Seuil, "Sources du savoir". 2014. A propos de la machine de Türing

[ tiers exclus ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

indicible

...ce que nous devrions vraiment discuter c'est "l'interprétation de la mécanique classique" - c'est-à-dire, comment le monde classique que nous voyons - qui n'est qu'une approximation de la réalité sous-jacente, qui se trouve être de nature quantique - peut être compris en termes de variables appropriées en mécanique quantique ? Si nous insistons sur l'interprétation des phénomènes de mécanique quantique en termes de concepts classiques, nous rencontrerons inévitablement des phénomènes qui semblent paradoxaux, voire impossibles.

Auteur: Krauss Lawrence M.

Info: The Physics of Star Trek. Chapter Nine (pp. 150–151) Harp Perennial Publishers. New York, New York, USA. 1995

[ changement de paradigme ] [ limitation terminologique ] [ langage ] [ intraduisible ] [ restriction sémantique ] [ tiers exclus ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

physionomie

Le regard de Pawel va de l'un à l'autre de ces deux hommes. Ses yeux bleus semblent transparents, immatériels, tant pour lui les récits se transforment en tableaux. Ils pénètrent en lui sans qu'il leur oppose la moindre résistance, ils éclairent son âme. En lui, les images s'agencent de façons étranges et compliquées, jusqu'à ce qu'il soit impossible de savoir si Pawel écoute, s'il se livre à une observation du monde ou s'il regarde en lui-même, en un point unique de sa propre tête.

Auteur: Stasiuk Andrzej

Info: L'Hiver

[ tiers exclus ] [ spectateur récepteur ] [ triade ] [ enchevêtrement ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

extinction symbolique

L’obéissance à la Loi n’est pas "naturelle", spontanée, mais toujours-déjà médiatisée par le (refoulement du) désir de la transgresser. Obéir à la Loi ? Nous n’y obéissons que dans une stratégie désespérée visant à combattre le désir de la transgresser. Par conséquent, plus nous obéissons à la Loi avec zèle, plus nous témoignons du fait que, au fond de nos cœurs, nous ressentons la pression du désir de nous livrer au péché. Le sentiment de culpabilité, émanant du surmoi, est donc justifié : plus nous obéissons à la Loi, plus nous sommes coupables ; parce que cette obéissance, dans les faits, est une formation de défense contre le désir de pécher. Dans le Christianisme, le désir (l’intention) de pécher équivaut [...] à l’acte même : convoitez simplement la femme du prochain et vous voilà déjà en train de commettre l’adultère. [...] Cette dialectique surmoïque du désir transgressif engendrant la culpabilité n’est toutefois pas l’horizon dernier du Christianisme : comme saint Paul le dit clairement, la position chrétienne, dans toute sa radicalité, implique précisément la suspension du cercle vicieux de la Loi et du désir transgressif qui lui est attaché.

Auteur: Zizek Slavoj

Info: Dans "Fragile absolu", éditions Flammarion, 2010, pages 205-206

[ tiers exclu ] [ oscillation impossible ] [ non jouissance ] [ faute structurellement abolie ]

 
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le réel et son double

La dialectique de la vie carcérale est toutefois un peu plus raffinée. La prison me détruit réellement. Mais elle n’exerce son emprise totale sur moi que parce que je ne consens pas tout à fait à ma condition de prisonnier et que je maintiens une sorte de distance intérieure à son égard, en imaginant que la "vraie vie est ailleurs", en ne cessant de penser en rêve à la vie du dehors, à toutes les belles choses qui m’attendent après ma libération ou mon évasion. C’est de cette façon que le sujet se laisse prendre dans le cercle vicieux du fantasme ; c’est de cette façon que, une fois libéré, la dissonance grotesque entre le fantasme et la réalité le conduit à l’effondrement. La seule issue, en vérité, consiste donc à accepter totalement les règles de la prison et à inventer, au sein de l’univers gouverné par celles-ci, les manières d’en triompher. Bref, c’est la distance intérieure, les rêves éveillés et l’idée d’un Ailleurs qui me rivent réellement à la prison, alors que la reconnaissance totale du fait d’être réellement prisonnier de ses règles ouvre un espace pour un espace réel.

Auteur: Zizek Slavoj

Info: Dans "Fragile absolu", éditions Flammarion, 2010, pages 213-214

[ tiers exclu ] [ emprisonnement duel ] [ souffrance ] [ issue de secours ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

logique

Turing assista à des conférences de Wittgenstein sur la philosophie des mathématiques à Cambridge en 1939 et se trouva fortement en désaccord avec un point argumenté par Wittgenstein qui permettait aux contradictions d'exister dans les systèmes mathématiques. Wittgenstein soutient qu'il peut voir pourquoi les gens n'aiment pas les contradictions hors des mathématiques, mais sans voir quel mal elles font en mathématiques. Turing, exaspéré, affirmait que de telles contradictions au sein des mathématiques mèneront à des désastres hors des mathématiques: les ponts s'écrouleraient. C'est seulement hors de telles applications que les conséquences de contradictions seront inoffensives. Turing finit par renoncer à aller à ces conférences. Son désespoir est compréhensible. L'inclusion d'une seule contradiction (comme 0 = 1) dans un système axiomatique permet à toute déclaration sur les objets à l'intérieur de ce système d'être vraie (et fausse également). Lorsque Bertrand Russel le signala dans une conférence il fut défié par un contradicteur qui exigea qu'il démontre comment lui le questionneur pourrait être démontré comme étant le pape si 2 + 2 = 5. Russel répondit immédiatement que "si deux fois 2 c'est 5, alors 4 est 5, soustrayez 3; alors 1 = 2. Mais vous et le pape êtes 2 ; par conséquent vous et le pape êtes 1'!" La déclaration contradictoire est le cheval de Troie ultime.

Auteur: Barrow John D.

Info: The Book of Nothing: Vacuums, Voids, and the Latest Ideas about the Origins of the Universe

[ philosophie ] [ langage ] [ absurde ] [ tiers exclus ]

 

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lecteur-écrivain

Pour apprendre à lire, il s’agit tout d’abord de faire suffisamment confiance à un auteur pour pouvoir s’immerger dans son texte avec ce qui s’appelle une "bonne résistance", c’est à dire ni trop de résistance (auquel cas rien ne rentre), ni trop peu (car sinon rien ne reste).

Cette étape présuppose toujours une certaine croyance en l’Autre, puisque les mots appartiennent à l’Autre, viennent de l’Autre "supposé savoir", et y retournent.

À ce stade, je fais donc acte de soumission volontaire, ce que les crétins, faute de mots plus appropriés peut-être, considèrent avec un certain mépris comme "être fan"...

Puis vient le moment de la négation, le moment où, au nom de "l’esprit critique" (sans lequel "je" ne saurais exister), je commence à nier l’autorité de mon auteur sur le mode du "pas tout" : oui, c’est vrai, cet auteur je l’aime vraiment beaucoup, mais là il se trompe, ce n’est pas ça, c’est incomplet, je ne suis pas d’accord avec ça, c’est faux par moments, je ne m’identifie pas à lui, j’ai mon jugement propre, je sais trier le bon grain de l’ivraie!

La majorité de ceux qui lisent en restent à ce stade binaire, moi ou lui, qui est l’étape du désaveu de la soumission, la lecture "utilitariste", se servir de cet auteur pour...

Mais pour le lecteur persévérant, le chercheur authentique, l’amoureux du texte, il existe un troisième temps, le temps de la négation de la négation, sans lequel aucune lecture ne porte de fruits réellement savoureux.

Je nie donc la première négation en considérant que l’auteur, dans sa cohérence, cherche la vérité, mais son savoir le dépasse lui-même, et va beaucoup plus loin que sa «personne», j’accepte donc de prendre son texte dans son intégralité, et je destitue l’auteur de son savoir.

Cette étape seule permet la sortie d’une fausse opposition soumission-insoumission, en dissociant l’auteur de son savoir, je ne me soumets plus à l’auteur en tant que personne, mais accepte, assume et revendique ma dépendance au signifiant, la réconciliation n’étant pas sortie imaginaire de l’aliénation, mais réconciliation avec l’aliénation elle-même, l’auteur se parlant in fine à lui-même, essayant de résoudre lui-même sa subordination au signifiant.

Auteur: Dubuis Santini Christian

Info: Facebook, note du 27.11.18

[ tiers exclu ]

 
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déification

[…] Evagre le répète inlassablement, seul l’intellect, et l’intellect parfaitement dépouillé, est capable de voir la Trinité. Mais encore est-il préférable de dire qu’un tel intellect est "voyant de la Sainte-Trinité", c’est-à-dire que cette vision est son essence même. Devenant ce qu’il connaît, l’intellect, par la contemplation seconde, est rendu "isangélique", égal aux anges. A ce degré en effet, l’homme n’est plus vraiment un homme : "les mondes changent et les noms sont abolis" [Traité de l’oraison]. Mais le dépouillement total est au-delà même de toute forme intelligible. Il s’agit alors de l’intellect informel. […] "L’intellect, entré dans le service des Commandements de Dieu – praxis – évolue dans la pensée des objets de ce monde ; entré dans la gnose (inférieure), il évolue dans la contemplation ; mais entré dans l’oraison, il pénètre dans la lumière sans forme qui est le lieu de Dieu". Dès cette entrée, l’intellect devient dieu par grâce. Et ainsi la contemplation de la Trinité coïncide avec la vision de son propre état "lorsque l’intellect est jugé digne de la contemplation de la Sainte-Trinité, alors, par grâce, il est lui aussi appelé dieu, étant parachevé dans la ressemblance de son Créateur". C’est pourquoi "c’est de Dieu même qu’il loue Dieu". Celui-là "possède dans la contemplation de lui-même le monde spirituel".

L’intellect est donc élevé à une dignité infinie, dignité qu’il possède en vertu même de sa nature intellectuelle. Un théologien occidental sera tenté de voir dans ces affirmations la confusion de la nature et de la grâce […]. Pourtant, il n’y a aucune confusion entre les deux ordres, car la pure nature de l’intellect est un don de Dieu. Il y a seulement une fusion totale dans une transformation éternelle. L’intellect, disons-nous, s’identifie à sa nature surnaturelle, son prototype in divinis. […] Nous touchons ici l’un des mystères les plus hauts de la science spirituelle. Dieu ne peut être vu que par lui-même, et donc, si l’intellect voit Dieu, ce ne peut être que Dieu lui-même, se voyant dans sa propre lumière. L’intellect est, dans cette vision, transformé en Dieu lui-même et c’est donc aussi dans sa propre lumière qu’il voit Dieu. […] ni distinction dualiste, ni identification moniste. Le mystère est plus profond, il est même d’une profondeur infinie. Ecoutons cette admirable histoire rapportée par Evagre : "Au sujet de cette Sainte Lumière (de l’oraison), le serviteur de Dieu Ammonios et moi nous avons demandé à saint Jean de Thébaïde si c’est la nature de l’intelligence qui est lumineuse et si c’est d’elle que vient la lumière, ou bien si quelque chose d’extérieur l’illumine. Il nous répondit : Aucun homme n’est capable de décider cette question ; mais en tout cas, sans la grâce de Dieu, l’intelligence ne saurait être illuminée dans l’oraison et délivrée des ennemis nombreux et acharnés à sa perte".

Auteur: Borella Jean

Info: Amour et vérité, L’Harmattan, 2011, Paris, pages 349-350

[ christianisme ] [ triade ] [ tiers exclu ]

 

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