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engendrement

Il devient de plus en plus difficile de trouver des motifs de satisfaction. Si je regarde en moi et autour de moi, je n’en vois pas beaucoup ; sauf celui d’avoir échappé, naguère, au devoir de reproduction, c’est-à-dire à l’ultime activité fédératrice que se connaisse encore une société auto-torpillée. Je n’ai pas attrapé cette maladie sexuelle, transmissible entre toutes. Sur ce point délicat, je me trouve en accord avec Cioran, qui écrivait en 1962 : "La seule chose que je me flatte d’avoir comprise très tôt, avant ma vingtième année, c’est qu’il ne fallait pas engendrer." Jeune aussi, j’ai eu la chance d’abominer de bon cœur la vénération qui s’esquissait alors pour la jeunesse et ses prestiges sucrés. Il faut en finir jeune avec la jeunesse, sinon quel temps perdu. Il faut liquider en deux lignes les jeux de l’enfance, laquelle n’est tellement appréciée que parce qu’elle est l’instant où tout le monde se ressemble. Ce n’est même pas l’ "innocence" supposée de ce moment que l’on aime ; c’est la période de magma égalitaire et de similitude enragée que celui-ci représente. 

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, page 8

[ paternité évitée ] [ sacré moderne ] [ indifférenciation mythique ] [ dénigrement ]

 

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décentralisation absolue

Si Dieu réside en chaque homme, alors toute forme d'organisation hiérarchique prétendant détenir le monopole du vrai et dispensant celui-ci de haut en bas est l'ennemie de l'espèce humaine. Je prédis l'anarchie dans la piété. Aucune figure d'autorité terrestre ne sera plus tenue de dire à qui que ce soit ce qu'il doit faire, ni même de l'éduquer ; le Logos s'en chargera, en établissant la liaison. Il devrait en résulter une société réellement égalitaire. Est-ce là le Royaume de Dieu qui nous a été prophétisé ? On verra peut-être un signe de son avènement imminent dans les difficultés croissantes que rencontreront de par le monde les détenteurs de l'autorité gouvernante. Sans preuve de l'existence de cette Lumière intérieure, il ne peut exister de justification rationnelle à l'anarchie. Avec cette preuve (que je détiens), pas d'explication rationnelle légitimant la centralisation du pouvoir, ou les Etats tels que nous les concevons actuellement. Nous serons tous reliés les uns aux autres de toutes façons. Il ne saurait en être autrement. Les conséquences sur le plan social sont incalculables, mais dans le bon sens.

Auteur: Dick Philip K.

Info:

[ système politique ] [ égalité ] [ glocalisation ]

 

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anti-égalitarisme

Votre délire d’égalité était une attaque meurtrière contre l’être, contre toutes ses richesses et ses valeurs ; c’était la soif de piller le monde divin et d’anéantir toute grandeur ici-bas. L’esprit du néant vous anime, c’est lui qui vous a inspiré ces idées et ces passions égalitaires. La loi de l’entropie, qui mène à la mort par une diffusion égale de la chaleur, agit à travers vous dans la vie sociale […]

Exiger l’égalité absolue, c’est vouloir retourner à l’état originel, chaotique, ténébreux, au nivellement et à la non-différenciation ; c’est vouloir le néant. L’exigence révolutionnaire du retour à l’égalité dans le néant est née du refus d’assumer les sacrifices et les souffrances par lesquels passe la voie de la vie supérieure. Voilà la réaction la plus effrayante, la négation du sens de tout le processus créateur du monde. L’enthousiasme de la révolution est  un enthousiasme réactionnaire. L’exigence contraignante de l’égalisation qui procède de l’obscurité chaotique est une tentative pour détruire la structure hiérarchique du cosmos formé par la naissance créatrice de la lumière dans les ténèbres ; c’est un essai pour détruire la personne même de l’homme en tant que degré hiérarchique né dans l’inégalité ; c’est un attentat contre la place royale de l’homme dans l’ordre cosmique.

Auteur: Berdiaev Nicolas

Info: De l’inégalité, Éditions L’Âge d’homme, 2008

[ dénigrement ]

 

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espoir

[…] Le transhumanisme offre encore quelque chose à dire face au nihilisme, c’est-à-dire au vide laissé par l’effondrement des grandes religions, métaphysiques et idéologies modernes. […] Il promeut rationnellement et délibérément une espérance d’auto-transcendance matérielle de l’espèce humaine, sans limites absolues a priori… […] Son intérêt est aussi critique : il invite à réfléchir à certains préjugés et illusions attachés aux humanismes traditionnels et modernes dont il révèle, par contraste, des aspects généralement peu ou non perçus. […] Pour une part dominante, ces humanismes sont antimatérialistes et spiritualistes. S’ils ne sont plus pré-coperniciens, ils véhiculent des images pré-darwiniennes. Ils reconnaissent l’Histoire, mais guère l’Évolution. Ils ne voient l’avenir de l’homme que sous la forme de l’amélioration de son environnement et de son amélioration propre par des moyens symboliques (éducation, relations humaines, institutions plus justes, plus solidaires, plus égalitaires, etc.)
L’humanisme relève d’une image implicite partiellement obsolète de l’homme.
[…] C’est à l’actualisation de l’image de l’homme et de sa place dans l’univers que le transhumanisme modéré bien compris travaille. Le transhumanisme, c’est l’humanisme, religieux et laïque, assimilant les révolutions technoscientifiques échues et la R&D à venir, capable d’affronter le temps indéfiniment long de l’Évolution et pas simplement la temporalité finalisée de l’Histoire. C’est un humanisme apte à s’étendre, à se diversifier et à s’enrichir indéfiniment.

Auteur: Hottois Gilbert

Info: Le transhumanisme est-il un humanisme ? pp. 75-77, sur le blog Jorion

[ progrès ] [ évolution ]

 

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récupération politique

Après l’orgie, on y est maintenant, et c’est tout simple : c’est le contraire de l’orgie et c’est le contraire de la liberté. C’est l’apparition de nouvelles lois, de nouvelles régulations, de nouvelles normes plus étonnantes les unes que les autres et qui poussent à toute allure comme des plantes monstrueuses, comme une végétation des premiers âges. La liberté n’a pas duré longtemps, mais le nouveau régime de persécution qui se met en place emploie encore le langage de la libération. Il ne l’emploiera pas longtemps, d’ailleurs, juste le temps qu’il faudra pour être devenu irréversible. On reconstruit en toute hâte, avec des matériaux un peu frustes il faut le reconnaître, mais c’est parce qu’ils ont été redessinés et retravaillés sur logiciel, les échafauds, les gibets, les pals, les estrapades, les bûchers que l’on avait détruits pendant l’orgie, et personne n’a l’air de s’en étonner ou de s’en inquiéter. Les torturés, d’ailleurs, ne seront pas les mêmes qu’avant, alors tout va bien. Après l’orgie, ce qu’il y a encore de plus libéré ce sont les lois, c’est la loi et le désir de loi, mais basés sur des valeurs que notre temps impose comme des évidences de toujours ou des lois d’essence alors qu’il ne s’agit, comme à chaque époque, que de préjugés. Les anciens régimes autoritaires mettaient au-dessus de tout la nation, la race ou le peuple ; les nouveaux propagandistes des nouveaux totalitarismes diffus, non dirigés, non conscients d’eux-mêmes, mais tout aussi totalitaires que les précédents, mettent en avant la parité, l’égalité égalitaire, la nécessité de conquérir tous les jours de nouveaux droits particuliers, et c’est tout cela dont l’ère de la liberté a accouché. Elle accouche tout simplement d’un nouveau désir de servitude.

Auteur: Muray Philippe

Info: Moderne contre moderne

[ dictature masquée ] [ asservissement volontaire ]

 

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étatisme

Dès qu’il s’agissait, cependant, de suivre une politique égalitaire ramenant les plus intelligents au niveau des plus incapables, chaque fois que l’on voulait, en un mot, réaliser l’égalité par en bas, chacun comprenait qu’un tel régime conduirait toute civilisation à sa perte et que la libre concurrence entre individus d’aptitudes différentes était la condition même du progrès. Comment concilier ces deux opinions extrêmes ? On y parvint le plus simplement du monde le jour où l’on s’aperçut que les droits de l’individu ne devaient point dépasser les bornes mêmes de la vie de cet individu et que le socialisme était une doctrine d’Etat ne s’appliquant point aux particuliers. Pour tout vous dire d’un seul mot, on permit à chacun de se développer librement selon ses aptitudes, de devenir riche, puissant ou misérable, suivant ses capacités et son travail. On décida que, sous certaines réserves pratiques d’application, toutes les successions sans exception reviendraient à l’Etat. La première conséquence de cette mesure fut que l’Etat dut se charger, tout en même temps, d’élever, d’éduquer et d’instruire tous les enfants dès qu’ils seraient en âge d’entrer à l’école ou que leurs parents mourraient. Elevés sur un pied d’égalité, n’héritant d’aucune fortune acquise par d’autres, tous les habitants de la France n’eurent plus qu’à s’en prendre à eux-mêmes de leur propre destinée. Dès l’école primaire, les vieilles couronnes de papier et les livres de prix d’autrefois furent remplacés par des prix en espèces constituant un pécule pour chaque enfant, lui permettant même d’amasser une véritable petite fortune s’il poursuivait ses études supérieures. Du jour où fut adopté, malgré d’incroyables protestations, ce régime d’égalité de naissance, aucune revendication sociale ne fut plus possible, et le gouvernement eut le droit de réprimer tout désordre avec une sévérité qu’ignoraient même les régimes fascistes d’autrefois.

Auteur: Pawlowski Gaston de

Info: Voyage au pays de la quatrième dimension, Flatland éditeur, 2023, pages 332-333

[ totalitarisme ]

 

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fraternité

Freuchen raconte comment un jour, après être revenu à la maison affamé suite à une expédition de chasse au morse infructueuse, il tomba sur un chasseur qui avait fait une bonne chasse et rapportait plusieurs centaines de livres de viande. Il le remercia chaleureusement mais l'homme éleva cette objection, indigné : "Dans mon pays nous sommes humains! ... Et comme nous le sommes nous nous entre aidons. Nous n'aimons pas entendre quelqu'un dire merci pour cela. Ce que j'ai eu aujourd'hui tu l'auras peut-être demain. Ici nous avons l'habitude de dire : par des cadeaux on fait les esclaves et par les coups de fouets on fait les chiens."
(...) Le refus de calculer crédit et débit peut être observé partout dans la littérature anthropologique concernant les sociétés de chasseurs égalitaires. Plutôt que se voir comme un homme parce qu'il sait faire des calculs économiques, le chasseur insiste à dire qu'être un homme c'est justement se refuser à de tels calculs. Il ne veut pas mesurer ou se souvenir à qui il a donné quoi, pour la raison précise que ce faisant il créerait inévitablement un monde où débuterait "la comparaison du pouvoir avec le pouvoir". D'où mesures et calculs... Ce qui réduirait les uns et les autres à être des esclaves ou des chiens via la dette.
Ce n'est pas qu'il ait, comme des millions d'innombrables esprits égalitaires partout dans l'histoire, ignoré que les humains ont une propension à calculer. S'il n'en avait pas été conscient, il n'aurait pu dire ceci. Bien sûr que nous avons tous cette propension à calculer. Nous avons toutes sortes d'inclinations. Dans n'importe quelle situation réelle nous avons des penchants qui nous conduisent simultanément dans plusieurs directions différentes, contradictoires. Personne n'est plus réel qu'un autre. La vraie question est : que prenons nous comme fondation pour notre humanité ? Qui pourrait alors constituer la base de notre civilisation.

Auteur: Graeber David

Info: Dette, les 5000 premières années

[ solidarité ] [ détachement ]

 

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hypocrisie sociétale

Le malheur en tout ceci c’est qu’il n’y a pas de "peuple" au sens touchant où vous l’entendez, il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demande qu’à devenir exploiteur. Il ne comprend pas autre chose. Le prolétariat héroïque égalitaire n’existe pas. C’est un songe creux, une FARIBOLE, d’où l’inutilité, la niaiserie absolue, écœurante de toutes ces imageries imbéciles, le prolétaire en cotte bleue, le héros de demain, et le méchant capitaliste repu à chaîne d’or. Ils sont aussi fumiers l’un que l’autre. Le prolétaire est un bourgeois qui n’a pas réussi. Rien de plus. Rien de moins. Rien de touchant à cela, une larmoyerie gâteuse et fourbe. C’est tout. Un prétexte à congrès, à prébendes, à paranoïsmes… L’essence ne change pas. On ne s’en occupe jamais, on bave dans l’abstrait. L’abstrait c’est facile, c’est le refuge de tous les fainéants. Qui ne travaille pas est pourri d’idées générales et généreuses. Ce qui est beaucoup plus difficile c’est de faire rentrer l’abstrait dans le concret.

Demandez-vous à Brueghel, à Villon, s’ils avaient des opinions politiques ?…

J’ai honte d’insister sur ces faits évidents... Je gagne ma croûte depuis l’âge de 12 ans (douze). Je n’ai pas vu les choses du dehors mais du dedans. On voudrait me faire oublier ce que j’ai vu, ce que je sais, me faire dire ce que je ne dis pas, penser à ma place. Je serais fort riche à présent si j’avais bien voulu renier un peu mes origines. Au lieu de me juger on devrait mieux me copier au lieu de baver ces platitudes — tant d’écrivains écriraient des choses enfin lisibles…

La fuite vers l’abstrait est la lâcheté même de l’artiste. Sa désertion. Le congrès est sa mort. La louange son collier, d’où qu’elle vienne. Je ne veux pas être le premier parmi les hommes. Je veux être le premier au boulot. Les hommes je les emmerde tous, ce qu’ils disent n’a aucun sens. Il faut se donner entièrement à la chose en soi, ni au peuple, ni au Crédit Lyonnais, à personne.

Bien affectueusement.

Louis DESTOUCHES

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Lettre à Élie Faure, 2 mars 1935

[ bien-pensance ] [ jalousie sociale ] [ épistole ]

 

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pouvoir sémantique

Wokisme, un protestantisme déréglé?

À l’instar de plusieurs chercheurs américains qu’il cite largement dans son étude*, l'auteur observe dans cet activisme progressiste un post-protestantisme débarrassé de sa théologie, soit un nouveau puritanisme entièrement sécularisé.

L’analogie? "La rédemption des péchés du monde ne se réalise plus à travers le sacrifice christique, mais par celui du bouc émissaire, à savoir la figure de l’homme blanc hétérosexuel, symbole qui réunit les trois fautes à la racine des injustices sexuelles, raciales et de genre: la masculinité, la blanchité et l’hétéronormativité", lit-on dans le document. Ou encore: "Les rêves d’une société parfaite que le christianisme reportait à un Royaume céleste doivent être matérialisés ici-bas et immédiatement." Interview avec un chercheur très critique à l’endroit de son objet d’étude.

- Le wokisme découlerait du protestantisme. Comment cela?

- Un certain nombre d’intellectuels protestants et catholiques nord-américains analysent le phénomène woke comme une forme de protestantisme sécularisé, c’est-à-dire l’idée qu’un certain nombre de thèmes chrétiens (l’Éden, le péché originel, la confession, le blasphème, etc.) ont été capturés par la frange progressiste de la gauche et transférés dans le champ politique. L’orthodoxie morale n’est plus produite par les Églises mais par les divers activismes qui composent le mouvement de la Justice Sociale (anti-racisme, droits LGBT, féminisme, etc. ndlr).

- Concrètement, de quelle manière se manifeste ce nouveau puritanisme?

- De multiples manières et à différents étages de la société. Essentiellement, ce puritanisme est le produit de l’hégémonie de la gauche dans les champs intellectuel et culturel. Il fabrique des hiérarchies et des tabous utiles à un certain nombre de groupes d’intérêt et circonscrit les interprétations dicibles dans les universités et les grands médias.

- On assiste, avec ce courant, à une nouvelle moralisation de l’espace public, avec une mobilisation autour de la notion de justice sociale et le souci des minorités. Ne faudrait-il pas s’en réjouir?

- Plus d’un s’en réjouissent, mais je ne partage pas cet optimisme. L’impact des idées politiques ne s’évalue pas à partir des intentions de leurs promoteurs. Or nous avons affaire à un mouvement profondément anti-libéral et passablement anti-scientifique – il suffit de lire les intellectuels qui nourrissent ce phénomène pour s’en convaincre. Rien n’est plus dangereux que des révolutionnaires qui s’imaginent pur de cœur.

- Plusieurs observateurs parlent d’une "religion civile". L’analogie au champ religieux vous semble-t-elle pertinente ?

- Elle est pertinente pour deux raisons: la première est que le wokisme fonctionne à la manière des cosmographies religieuses, c’est-à-dire qu’il procure une explication globale du fonctionnement de la société et de l’histoire, et offre à ses ouailles sens, ordre et direction. La seconde est que le comportement sectaire et les hyperboles moralisantes des activistes invitent naturellement une comparaison avec les mouvements religieux fondamentalistes. Pour preuve, le recours à des concepts infalsifiables et tout-puissants, comme le "patriarcat" ou le "racisme systémique".

- Comment comprendre que le langage du wokisme soit si présent au sein du monde protestant et de ses Églises?

- Il y a aussi beaucoup de résistance, mais je suppose qu’une partie du clergé entend profiter de la vitesse acquise de cette nouvelle religion civile, reproduisant des comportements analogues aux Églises, et capable de mobiliser certains segments de la population. Articulé autour de notions de justice sociale, d’équité, d’inclusivité, le militantisme woke peut assez aisément être réapproprié dans un contexte ecclésial. On peut aussi s’attendre à une demande par le bas, un certain nombre de membres motivés dans les communautés exigeant de leur hiérarchie un positionnement sur les grands thèmes du jour. La chose n’est pas très surprenante quand on pense, par exemple, à l’influence que le marxisme a pu exercer sur les théologiens de la libération en Amérique latine. Les Églises ne sont pas imperméables aux modes. 

- Vous pointez, au sein de ce phénomène, l’absence de "gardes-fous théologiques". Qu’entendez-vous par là?

- L’idée qu’un corpus théologique, qui s’est construit à travers des siècles d’affinage et de conciles, procure un cadre normatif à des notions de justice, de péché ou de rédemption. Libérées de ce cadre et réintroduites dans une religiosité révolutionnaire, ces idées prennent le mors aux dents. Le Royaume des Cieux se transforme en l’ambition d’établir ici-bas une société parfaitement égalitaire, quels qu’en soient les coûts.

- Vous êtes très critique à l’égard de ce mouvement. En quoi considérez-vous qu’il tende à glisser dans le fondamentalisme, voire le totalitarisme?

- La volonté de faire disparaître toutes les "inégalités", c’est-à-dire ici les disparités entre sexes ou entre populations, requiert nécessairement un État autoritaire régulant et corrigeant les effets des choix individuels. L’autoritarisme de la gauche progressiste n’est pas simplement la conséquence accidentelle d’une raideur idéologique propre au militantisme. Tout comme l’illustre l’histoire des économies planifiées, l’autoritarisme est l’inévitable propriété émergente du système.

- Votre étude souligne la contradiction de ce mouvement, dont les membres se proviennent majoritairement des classes les plus aisées…

- L’hypothèse que je trouve la plus séduisante a été formulée par le psychologue Rob Henderson: les classes supérieures nord-américaines signalent leur statut, c’est-à-dire se reconnaissent entre pairs et se distinguent du peuple, non plus seulement à l’aide de produits de luxe, mais aussi à l’aide d’idées luxueuses. Les coûts de ces idées sont assumés par les classes populaires tandis que les bénéfices à la fois matériels et immatériels sont capturés par les classes supérieures. Selon cette perspective, le wokisme est un outil dans un jeu de pouvoir et de statut. Son adoption signale son appartenance au camp du Bien et son institutionnalisation assure des débouchés professionnels à toute une classe de diplômés issus de filières académiques où le savoir tend à se dissiper au profit de l’activisme.

- N’allez-vous pas un peu loin en dénonçant une stratégie qui serait à nouveau profitable aux plus privilégiés, en faisant fi de leurs bonnes intentions?

-
Je ne pense pas que les activistes dont nous parlons ici soient des cyniques travaillant consciemment à consolider leur statut et je ne doute pas que leur mobilisation puise son énergie dans de bonnes intentions. Le problème réside dans la confusion entre les slogans et la réalité, d’une part, et dans la perception naïve que les bonnes intentions font de bonnes réformes, d’autre part. Or les réformes proposées par ces activistes (qui sont articulées sur toute une batterie de programmes préférentiels, de coûteuses formations, de régulations du langage) oscillent le plus souvent entre l’inutile et le contre-productif. 

Auteur: Moos Olivier

Info: Entretien avec Anne-Sylvie Sprenger à propos de *"The Great Awokening. Réveil militant, Justice Sociale et Religion", Religioscope, déc. 2020

[ cancel culture ] [ erreur catégorielle ] [ antispiritualisme ] [ bien maléfique ]

 

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histoire

L'exil du peuple juif est un mythe
Shlomo Sand, historien du 20e siècle, avait jusqu'à présent étudié l'histoire intellectuelle de la France moderne (dans son livre "L'intellectuel, la vérité et le pouvoir", Am Oved éd., 2000 - en hébreu, et les rapports entre le cinéma et l'histoire politique ("Le cinéma comme Histoire", Am Oved, 2002 - en hébreu. D'une manière inhabituelle pour des historiens de profession, il se penche, dans son nouveau livre, sur des périodes qu'il n'avait jamais étudiées - généralement en s'appuyant sur des chercheurs antérieurs qui ont avancé des positions non orthodoxes sur les origines des Juifs.
- En fait, l'essentiel de votre livre ne s'occupe pas de l'invention du peuple juif par le nationalisme juif moderne mais de la question de savoir d'où viennent les Juifs.
"Mon projet initial était de prendre une catégorie spécifique de matériaux historiographiques modernes, d'examiner comment on avait fabriqué la fiction du peuple juif. Mais dès que j'ai commencé à confronter les sources historiographiques, je suis tombé sur des contradictions. Et c'est alors ce qui m'a poussé - je me suis mis au travail, sans savoir à quoi j'aboutirais. J'ai pris des documents originaux pour essayer d'examiner l'attitude d'auteurs anciens - ce qu'ils avaient écrit à propos de la conversion. "
- Des spécialistes de l'histoire du peuple juif affirment que vous vous occupez de questions dont vous n'avez aucune compréhension et que vous vous fondez sur des auteurs que vous ne pouvez pas lire dans le texte.
"Il est vrai que je suis un historien de la France et de l'Europe, et pas de l'Antiquité. Je savais que dès lors que je m'occuperais de périodes anciennes comme celles-là, je m'exposerais à des critiques assassines venant d'historiens spécialisés dans ces champs d'étude. Mais je me suis dit que je ne pouvais pas en rester à un matériel historiographique moderne sans examiner les faits qu'il décrit. Si je ne l'avais pas fait moi-même, il aurait fallu attendre une génération entière. Si j'avais continué à travailler sur la France, j'aurais peut-être obtenu des chaires à l'université et une gloire provinciale. Mais j'ai décidé de renoncer à la gloire. "
"Après que le peuple ait été exilé de force de sa terre, il lui est resté fidèle dans tous les pays de sa dispersion et n'a pas cessé de prier et d'espérer son retour sur sa terre pour y restaurer sa liberté politique": voilà ce que déclare, en ouverture, la Déclaration d'Indépendance. C'est aussi la citation qui sert de préambule au troisième chapitre du livre de Shlomo Sand, intitulé "L'invention de l'Exil". Aux dires de Sand, l'exil du peuple de sa terre n'a en fait jamais eu lieu.
"Le paradigme suprême de l'envoi en exil était nécessaire pour que se construise une mémoire à long terme, dans laquelle un peuple-race imaginaire et exilé est posé en continuité directe du -Peuple du Livre- qui l'a précédé", dit Sand ; sous l'influence d'autres historiens qui se sont penchés, ces dernières années, sur la question de l'Exil, il déclare que l'exil du peuple juif est, à l'origine, un mythe chrétien, qui décrivait l'exil comme une punition divine frappant les Juifs pour le péché d'avoir repoussé le message chrétien. "Je me suis mis à chercher des livres étudiant l'envoi en exil - événement fondateur dans l'Histoire juive, presque comme le génocide ; mais à mon grand étonnement, j'ai découvert qu'il n'y avait pas de littérature à ce sujet. La raison en est que personne n'a exilé un peuple de cette terre. Les Romains n'ont pas déporté de peuples et ils n'auraient pas pu le faire même s'ils l'avaient voulu. Ils n'avaient ni trains ni camions pour déporter des populations entières. Pareille logistique n'a pas existé avant le 20e siècle. C'est de là, en fait, qu'est parti tout le livre : de la compréhension que la société judéenne n'a été ni dispersée ni exilée. "
- Si le peuple n'a pas été exilé, vous affirmez en fait que les véritables descendants des habitants du royaume de Judée sont les Palestiniens.
"Aucune population n'est restée pure tout au long d'une période de milliers d'années. Mais les chances que les Palestiniens soient des descendants de l'ancien peuple de Judée sont beaucoup plus élevées que les chances que vous et moi en soyons. Les premiers sionistes, jusqu'à l'insurrection arabe, savaient qu'il n'y avait pas eu d'exil et que les Palestiniens étaient les descendants des habitants du pays. Ils savaient que des paysans ne s'en vont pas tant qu'on ne les chasse pas. Même Yitzhak Ben Zvi, le second président de l'Etat d'Israël, a écrit en 1929, que : la grande majorité des fellahs ne tirent pas leur origine des envahisseurs arabes, mais d'avant cela, des fellahs juifs qui étaient la majorité constitutive du pays... "
- Et comment des millions de Juifs sont-ils apparu tout autour de la Méditerranée ?
"Le peuple ne s'est pas disséminé, c'est la religion juive qui s'est propagée. Le judaïsme était une religion prosélyte. Contrairement à une opinion répandue, il y avait dans le judaïsme ancien une grande soif de convertir. Les Hasmonéens furent les premiers à commencer à créer une foule de Juifs par conversions massives, sous l'influence de l'hellénisme. Ce sont les conversions, depuis la révolte des Hasmonéens jusqu'à celle de Bar Kochba, qui ont préparé le terrain à la diffusion massive, plus tard, du christianisme. Après le triomphe du christianisme au 4e siècle, le mouvement de conversion a été stoppé dans le monde chrétien et il y a eu une chute brutale du nombre de Juifs. On peut supposer que beaucoup de Juifs apparus autour de la mer Méditerranée sont devenus chrétiens. Mais alors, le judaïsme commence à diffuser vers d'autres régions païennes - par exemple, vers le Yémen et le Nord de l'Afrique. Si le judaïsme n'avait pas filé de l'avant à ce moment-là, et continué à convertir dans le monde païen, nous serions restés une religion totalement marginale, si même nous avions survécu. "
- Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion que les Juifs d'Afrique du Nord descendent de Berbères convertis ?
"Je me suis demandé comment des communautés juives aussi importantes avaient pu apparaître en Espagne. J'ai alors vu que Tariq Ibn-Ziyad, commandant suprême des musulmans qui envahirent l'Espagne, était berbère et que la majorité de ses soldats étaient des Berbères. Le royaume berbère juif de Dahia Al-Kahina n'avait été vaincu que 15 ans plus tôt. Et il y a, en réalité, plusieurs sources chrétiennes qui déclarent que beaucoup parmi les envahisseurs d'Espagne étaient des convertis au judaïsme. La source profonde de la grande communauté juive d'Espagne, c'étaient ces soldats berbères convertis au judaïsme. "
Aux dires de Sand, l'apport démographique le plus décisif à la population juive dans le monde s'est produit à la suite de la conversion du royaume khazar - vaste empire établi au Moyen-âge dans les steppes bordant la Volga et qui, au plus fort de son pouvoir, dominait depuis la Géorgie actuelle jusqu'à Kiev. Au 8e siècle, les rois khazars ont adopté la religion juive et ont fait de l'hébreu la langue écrite dans le royaume. A partir du 10e siècle, le royaume s'est affaibli et au 13e siècle, il a été totalement vaincu par des envahisseurs mongols et le sort de ses habitants juifs se perd alors dans les brumes.
Shlomo Sand revisite l'hypothèse, déjà avancée par des historiens du 19e et du 20e siècles, selon laquelle les Khazars convertis au judaïsme seraient l'origine principale des communautés juives d'Europe de l'Est. "Au début du 20e siècle, il y a une forte concentration de Juifs en Europe de l'Est : trois millions de Juifs, rien qu'en Pologne", dit-il ; "l'historiographie sioniste prétend qu'ils tirent leur origine de la communauté juive, plus ancienne, d'Allemagne, mais cette historiographie ne parvient pas à expliquer comment le peu de Juifs venus d'Europe occidentale - de Mayence et de Worms - a pu fonder le peuple yiddish d'Europe de l'Est. Les Juifs d'Europe de l'Est sont un mélange de Khazars et de Slaves repoussés vers l'Ouest. "
- Si les Juifs d'Europe de l'Est ne sont pas venus d'Allemagne, pourquoi parlaient-ils le yiddish, qui est une langue germanique ?
"Les Juifs formaient, à l'Est, une couche sociale dépendante de la bourgeoisie allemande et c'est comme ça qu'ils ont adopté des mots allemands. Je m'appuie ici sur les recherches du linguiste Paul Wechsler, de l'Université de Tel Aviv, qui a démontré qu'il n'y avait pas de lien étymologique entre la langue juive allemande du Moyen-âge et le yiddish. Le Ribal (Rabbi Yitzhak Bar Levinson) disait déjà en 1828 que l'ancienne langue des Juifs n'était pas le yiddish. Même Ben Tzion Dinour, père de l'historiographie israélienne, ne craignait pas encore de décrire les Khazars comme l'origine des Juifs d'Europe de l'Est et peignait la Khazarie comme la : mère des communautés de l'Exil... en Europe de l'Est. Mais depuis environ 1967, celui qui parle des Khazars comme des pères des Juifs d'Europe de l'Est est considéré comme bizarre et comme un doux rêveur. "
- Pourquoi, selon vous, l'idée d'une origine khazar est-elle si menaçante ?
"Il est clair que la crainte est de voir contester le droit historique sur cette terre. Révéler que les Juifs ne viennent pas de Judée paraît réduire la légitimité de notre présence ici. Depuis le début de la période de décolonisation, les colons ne peuvent plus dire simplement : Nous sommes venus, nous avons vaincu et maintenant nous sommes ici.... - comme l'ont dit les Américains, les Blancs en Afrique du Sud et les Australiens. Il y a une peur très profonde que ne soit remis en cause notre droit à l'existence. "
- Cette crainte n'est-elle pas fondée ?
"Non. Je ne pense pas que le mythe historique de l'exil et de l'errance soit la source de ma légitimité à être ici. Dès lors, cela m'est égal de penser que je suis d'origine khazar. Je ne crains pas cet ébranlement de notre existence, parce que je pense que le caractère de l'Etat d'Israël menace beaucoup plus gravement son existence. Ce qui pourra fonder notre existence ici, ce ne sont pas des droits historiques mythologiques mais le fait que nous commencerons à établir ici une société ouverte, une société de l'ensemble des citoyens israéliens. "
- En fait, vous affirmez qu'il n'y a pas de peuple juif.
"Je ne reconnais pas de peuple juif international. Je reconnais un ; peuple yiddish... qui existait en Europe de l'Est, qui n'est certes pas une nation mais où il est possible de voir une civilisation yiddish avec une culture populaire moderne. Je pense que le nationalisme juif s'est épanoui sur le terreau de ce : peuple yiddish.... Je reconnais également l'existence d'une nation israélienne, et je ne lui conteste pas son droit à la souveraineté. Mais le sionisme, ainsi que le nationalisme arabe au fil des années, ne sont pas prêts à le reconnaître.
Du point de vue du sionisme, cet Etat n'appartient pas à ses citoyens, mais au peuple juif. Je reconnais une définition de la Nation : un groupe humain qui veut vivre de manière souveraine. Mais la majorité des Juifs dans le monde ne souhaite pas vivre dans l'Etat d'Israël, en dépit du fait que rien ne les en empêche. Donc, il n'y a pas lieu de voir en eux une nation. "
- Qu'y a-t-il de si dangereux dans le fait que les Juifs s'imaginent appartenir à un seul peuple ? Pourquoi serait-ce mal en soi ?
"Dans le discours israélien sur les racines, il y a une dose de perversion. C'est un discours ethnocentrique, biologique, génétique. Mais Israël n'a pas d'existence comme Etat juif : si Israël ne se développe pas et ne se transforme pas en société ouverte, multiculturelle, nous aurons un Kosovo en Galilée. La conscience d'un droit sur ce lieu doit être beaucoup plus souple et variée, et si j'ai contribué avec ce livre à ce que moi-même et mes enfants puissions vivre ici avec les autres, dans cet Etat, dans une situation plus égalitaire, j'aurai fait ma part.
Nous devons commencer à oeuvrer durement pour transformer ce lieu qui est le nôtre en une république israélienne, où ni l'origine ethnique, ni la croyance n'auront de pertinence au regard de la Loi. Celui qui connaît les jeunes élites parmi les Arabes d'Israël, peut voir qu'ils ne seront pas d'accord de vivre dans un Etat qui proclame n'être pas le leur. Si j'étais Palestinien, je me rebellerais contre un tel Etat, mais c'est aussi comme Israélien que je me rebelle contre cet Etat. "
La question est de savoir si, pour arriver à ces conclusions-là, il était nécessaire de remonter jusqu'au royaume des Khazars et jusqu'au royaume Himyarite.
"Je ne cache pas que j'éprouve un grand trouble à vivre dans une société dont les principes nationaux qui la dirigent sont dangereux, et que ce trouble m'a servi de moteur dans mon travail. Je suis citoyen de ce pays, mais je suis aussi historien, et en tant qu'historien, j'ai une obligation d'écrire de l'Histoire et d'examiner les textes. C'est ce que j'ai fait. "
- Si le mythe du sionisme est celui du peuple juif revenu d'exil sur sa terre, que sera le mythe de l'Etat que vous imaginez ?
" Un mythe d'avenir est préférable selon moi à des mythologies du passé et du repli sur soi. Chez les Américains, et aujourd'hui chez les Européens aussi, ce qui justifie l'existence d'une nation, c'est la promesse d'une société ouverte, avancée et opulente. Les matériaux israéliens existent, mais il faut leur ajouter, par exemple, des fêtes rassemblant tous les Israéliens. Réduire quelque peu les jours de commémoration et ajouter des journées consacrées à l'avenir. Mais même aussi, par exemple, ajouter une heure pour commémorer la : Nakba... entre le Jour du Souvenir et la Journée de l'Indépendance.

Auteur: Sand Shlomo

Info: traduit de l'hébreu par Michel Ghys

[ illusion ]

 

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