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écrivain-sur-écrivain

Aussitôt que je m'arrête d'écrire, je me mets à lire Shakespeare, alors que mon esprit est encore grand ouvert, rouge et brûlant. À ce moment-là, il me stupéfie. Jamais je n'avais aussi bien compris son étonnante envergure, son agilité, son aisance à manier les mots que lorsque je sens qu'elle dépassent et surpassent mes propres facultés, je le vois ensuite me dépasser et accomplir des prouesses que, fut-ce dans mes plus folles envolées et au plus fort de ma concentration d'esprit, je serai bien incapable d'imaginer. Même ses pièces les moins connues, ou les pires sont écrites à une vitesse qui bat tous les records. Les mots tombent à un tel rythme qu'on arrive pas à les ramasser. Voyez par exemple "...sur un lis à peine cueilli déjà presque fané". Le choix est purement accidentel ; je suis tombée sur cela par hasard. Manifestement la souplesse de son esprit était telle qu'il pouvait polir n'importe quel train de pensée, ou bien, négligemment laisser tomber une pluie de fleurs sans même y songer. Pourquoi, après cela se donner la peine d'écrire ? C'est qu'il ne s'agit même plus d'écriture. J'irais jusqu'à dire que Shakespeare est au-delà de toute littérature, si seulement je savais ce qu'on entend par là.

Auteur: Woolf Virginia

Info: journal, 13 avril 1930

[ éloge ] [ admiration ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

sagesse

Conviez un sage à un bon repas, il le troublera par son morne silence ou ses questions déplacées. Invitez-le au bal, vous croirez voir un chameau danser. Entraînez-le au spectacle, son seul visage empêchera le peuple de s'amuser et le sage Caton sera forcé de quitter le théâtre, faute d'avoir pu se dérider le sourcil. S'il survient dans une conversation, c'est l'arrivée du loup de la fable. S'agit-il d'un achat, d'un contrat, bref d'un de ces actes nécessaires au cours ordinaire de la vie ? Votre sage a plutôt l'air d'une bûche que d'un homme. Ainsi ne peut-il être utile ni à lui-même, ni à sa patrie, ni aux siens dans la moindre circonstance, car il ignore tout des réalités les plus élémentaires et il est à mille lieues de l'opinion commune et des usages courants. Il est donc fatal qu'il soit détesté pour être aussi différent des autres par sa manière de vivre et de penser. En effet, tout ce qui se fait chez les mortels est plein de folie, fait par des fous, devant des fous. S'il en est un qui veuille s'opposer à tous les autres, je lui conseillerai de faire comme Timon, de partir dans un désert pour y jouir seul de sa connaissance.

Auteur: Érasme

Info: Éloge de la Folie/Robert Laffont/Bouquins 1992 p.31

[ rabat-joie ] [ pisse-froid ]

 

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temps libre

Quand je suggère qu'il faudrait réduire à quatre le nombre d'heures de travail, je ne veux pas laisser entendre qu'il faille dissiper en pure frivolité tout le temps qui reste. Je veux dire qu'en travaillant quatre heures par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et qu'il devrait pouvoir disposer du reste de son temps comme bon lui semble. Dans un tel système social, il est indispensable que l'éducation soit poussée beaucoup plus loin qu'elle ne l'est actuellement pour la plupart des gens, et qu'elle vise, en partie, à développer des goûts qui puissent permettre à l'individu d'occuper ses loisirs intelligemment. Je ne pense pas principalement aux choses dites "pour intellos". Les danses paysannes, par exemple, ont disparu, sauf au fin fond des campagnes, mais les impulsions qui ont commandé à leur développement doivent toujours exister dans la nature humaine. Les plaisirs des populations urbaines sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des matchs de football, écouter la radio, etc. Cela tient au fait que leurs énergies actives sont complètement accaparées par le travail ; si ces populations avaient davantage de loisir, elles recommenceraient à goûter des plaisirs auxquels elles prenaient jadis une part active.

Auteur: Russell Bertrand

Info: Éloge de l'oisiveté

[ avenir ] [ autonomie ] [ servitude ] [ otium ]

 
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éloge

Quand Toussaint-Louverture vint, ce fut pour prendre à la lettre la déclaration des droits de l'homme, ce fut pour montrer qu'il n'y a pas de race paria ; qu'il n'y a pas de pays marginal ; qu'il n'y a pas de peuple d'exception. Ce fut pour incarner et particulariser un principe ; autant dire pour le vivifier. Dans l'histoire et dans le domaine des droits de l'homme, il fut, pour le compte des nègres, l'opérateur et l'intercesseur. Cela lui assigne sa place, sa vraie place. Le combat de Toussaint-Louverture fut ce combat pour la transformation du droit formel en droit réel, le combat pour la reconnaissance de l'homme et c'est pourquoi il s'inscrit et inscrit la révolte des esclaves noirs de Saint-Domingue dans l'histoire de la civilisation universelle. S'il y a dans le personnage un côté négatif — difficilement évitable d'ailleurs eu égard à la situation — c'est en même temps là qu'il réside : de s'être davantage attaché à déduire l'existence de son peuple d'un universel abstrait qu'à saisir la singularité de son peuple pour la promouvoir à l'universalité.

Insuffisante synthèse sans doute, mais qui donnait le branle décisif à l'histoire haïtienne. C'est pourquoi l'Intercesseur mérite bien le nom que lui donnent ses compatriotes d'aujourd'hui : le Précurseur.

Auteur: Césaire Aimé

Info: Toussaint-Louverture, la Révolution française et le problème colonial / Aimé Césaire ; préface de Charles-André Julien. - Paris : Présence africaine, 2004. - 345 p.-[3] p. de pl. ; 21 cm. ISBN 2-7087-0397-8. En guise de conclusion, pp. 344-345

[ racisme ] [ libération ] [ historique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

imagination

La raison d’être fondamentale de la littérature romanesque, c’est que l’homme a en général un cerveau beaucoup trop compliqué, beaucoup trop riche pour l’existence qu’il est appelé à mener. La fiction, pour lui, n’est pas seulement un plaisir ; c’est un besoin. Il a besoin d’autres vies, différentes de la sienne, simplement parce que la sienne ne lui suffit pas. Ces autres vies n’ont pas forcément besoin d’être intéressantes ; elles peuvent être parfaitement mornes. Elles peuvent comporter beaucoup d’événements, de grande ampleur ; elles peuvent n’en comporter aucun. Elles n’ont pas forcément besoin d’être exotiques ; elles peuvent se dérouler il y a cinq siècles, dans un continent différent ; elles peuvent se dérouler dans l’immeuble d’à côté. La seule chose importante, c’est qu’elles soient autres.

Ce besoin d’autres vies est peut-être politique, au sens large ; mais aucune solution politique valable ne semble, jusqu’à présent, avoir été proposée. Je crois plus probable qu’il soit, avant tout, intime, physique, émotionnel ; mais, là non plus, aucune solution pertinente ne semble s’être dégagée. Je ne crois pas du tout qu’il passe par le virtuel ni les métavers ; tout ça, c’est du flan. La vérité est que la littérature reste la seule, jusqu’à présent, à faire le travail.

Auteur: Houellebecq Michel

Info: Discours prononcé le 15 juin 2022 à l’université Kore d’Enna (Sicile)

[ nécessaire ] [ curiosité ] [ mise en perspective ] [ éloge ] [ lecture ] [ ouverture ]

 
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femme-par-homme

Je regarde ce soir une photo

De Monica Vitti dans Le désert rouge

Et c’est toi

Dans le temps

Et je ne peux rien

Contre le temps

Contre toi

Contre Monica Vitti

Contre le désert rouge

Contre

Le mélange d’inquiétude et de sensualité

La posture frileuse rêveuse

Egarée presque

Contre

La bouche entrouverte

Les cheveux blonds un peu en désordre

Les bras croisés

Contre

Le pull en cachemire

A même la peau

Et surtout contre

Ce détail qui m’attendrit entre tous

Qui me rappelle Trouville en 1984

Les manches étirées jusqu’à la paume

Car il fait encore frisquet

Dans la maison que l’on vient de rouvrir

Contre

L’odeur de sel et d’encaustique

Contre la mer tout près

Contre le transat replié dans l’entrée

Tout à l’heure tu iras mieux

Tu te se seras réchauffée

On ira à la plage

Tu liras L’été finit sous les tilleuls de Kléber Haedens

Le vent achèvera de te décoiffer

On dînera aux Vapeurs sans doute

Et je ne peux rien contre

Rien vraiment rien

Contre Monica Vitti dans le désert rouge.


Auteur: Leroy Jérôme

Info: Sauf dans les chansons. La Table ronde, 2015. Le désert rouge

[ éloge ] [ cinéma ] [ actrice italienne ] [ poème ]

 

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infantilisation

La guerre que mène le monde moderne contre de multiples différenciations (celles qui opposent les sexes, les âges, les espèces, etc.) est une guerre contre le passé du monde en tant qu'ensemble de conflits nés précisément de toutes ces différenciations et sources de douleurs. En éradiquant ces différences au nom de l'avenir radieux, on crée un type d'individu nouveau totalement désarmé, réinfantilisé, dépendant, flexible comme on dit aujourd'hui, prêt à croire n'importe quelle imbécillité, par exemple qu'Internet c'est le paradis sur la terre ou que se déplacer sur des roulettes est une manière d'atteindre un stade de félicité quasi totale, en somme en état de sidération devant le nouveau monde. C'est à cela que vise l'éloge permanent, et sur tous les plans, de l'indifférenciation. J'ajoute que même si cette indifférenciation a des "chefs d'orchestre" mondiaux, elle n'est pas pour autant imposée aux populations, bien au contraire. Celles-ci en demandent et en redemandent. La métaphore complète de cette situation, c'est ce que j'appelle la nouvelle civilisation hyperfestive, laquelle procède de l'abolition de l'ancienne distinction entre temps festif et temps non festif, et cette abolition me semble programmative de toutes les autres abolitions de différences, de toutes les autres transgressions de frontières, mélanges de genres et renversements de tabous (évidemment hérités, selon la vulgate gâteuse de l'époque, de la morale judéo-chrétienne).

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels III", page 292

[ individu-collectif ] [ aplanissement ] [ centralisme mou ] [ indifférenciation égalitariste ] [ politiquement fédérateur ]

 

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reconnaissance

Le savoir et la connaissance ne sauraient faire bon ménage a dit un sage.
Je sais, chère Solrun, qu'il t'était, tout comme à bien d'autres, de plus en plus difficile d'affronter une des douloureuses épreuves de la vie. Cette épreuve-là ne pouvait s'accorder avec ton innocence naturelle et ta foi dans le bien. Solrun, tu n'étais pas forte, dans le sens où tu n'es pas parvenue à résister aux tentations qui, l'espace de quelques instants, donnent l'illusion d'une existence plus supportable. Mais tu étais plus forte que la plupart des gens quand il s'agissait d'atteindre le plus louable des objectifs, celui de faire don de ta personne afin de rendre les autres heureux et de leur insuffler ton énergie. Un jour est venu où tu ne pouvais plus donner, pas parce que tu n'avais plus rien à offrir mais parce que parce que ta générosité était mal interprétée et abusée.
Et, bien que la connaissance des hommes que t'a enseignée la vie ait fini par avoir raison de toi, le lieu dans lequel tu as élu domicile au fond de mon coeur est illuminé par la joie et la gratitude que tu m'aies permis de te connaitre. Tu continueras d'occuper cet espace pour toujours dans mon coeur. Je pourrai revenir puiser force et énergie dans les souvenirs que j'ai avec toi.

Auteur: Thorarinsson Arni

Info: Le temps de la sorcière, p 316

[ éloge ] [ deuil ] [ funèbre ] [ suicide ]

 

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Etats-Unis

- T'aimes bien les ricains, hein, Roy ? (...)
- Ouais. J'avoue. Plaisir coupable.
- Pourquoi coupable ?
- On est en France. Ça fait mauvais effet d'aimer les Ricains. Sont venus dézinguer du Boche sur nos belles plages normandes vu qu'on a pas été foutus de le faire nous-mêmes, y nous ont collé du Coca en intraveineuse et fait bouffer du cinéma pop-corn alors que nous, "les Français", on coule des bronzes en lisant du Voltaire, alors on se sent supérieurs. Voltaire, j'sais pas, j'ai pas lu. Paraît qu'c'est un mec brillant. Perso, un coup d'oeil en coin de Brando, j'trouve ça plus tripant et j'ai pas envie de m'excuser. Ça déplaît aux bouffeurs de camembert ? Ben, qu'ils restent dans leur village de Gaulois à s'enculer entre cousins. Moi, quand j'écoute Sam Cooke dans mon Chesterfield en buvant mon whisky, j'me sens dans un vieux film en noir et blanc et ça m'plaît. J'suis loin du snobisme parisien puant. D'toute façon, j'habite à Belleville. Ça sent plus la pho que le bœuf bourguignon alors venez pas me parler du drapeau français et laissez-moi prendre mon pied sur ma musique ricaine et si j'ai envie de m'appeler Roy, ça m'regarde, j'vous fais pas chier parce que vous vous coltinez des noms de merde comme Marcel ou Robert sur votre carte du FN...

Auteur: Philippon Benoît

Info: Cabossé

[ éloge ] [ ouverture ]

 
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déception

J’ai continué à écrire non parce que je me trouvais bon mais parce que les autres me paraissaient si mauvais, y compris Shakespeare, tous ces gars. Le formalisme guindé, comme l’impression de mâcher du carton. J’étais un peu paumé quand j’avais 16, 17, 18 ans, alors je suis allé à la bibliothèque et il n’y avait rien à lire. J’ai parcouru tous les rayons, tous les livres. Ensuite je suis retourné dans la rue et j’ai vu le premier visage, les immeubles, les bagnoles, tout ce qui avait été dit dans les livres n’avait rien à voir avec ce qui se trouvait sous mes yeux, c’était une imitation, une farce. Personne pour me venir en aide. Hegel, Kant… Un branleur du nom d’André Gide… Des noms, des noms, et des baudruches. Keats, quel sac à merde. Rien à sauver. J’ai commencé à voir quelque chose en Sherwood Anderson. Il a failli me montrer la voie, il était stupide et maladroit, mais il te laissait combler les vides. Impardonnable. Faulkner était aussi bidon qu’un tas de cire. Hemingway a démarré très fort, puis il a commencé à se tripoter la nouille et s’est transformé en cette grosse machine qui te pétait à la gueule. Céline a écrit un livre immortel qui m’a fait rire pendant des jours et des nuits (Voyage), ensuite il a viré vieille mémère en colère.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Sur l'écriture", lettre à David Evanier, fin 1972

[ vacheries ] [ littérature ] [ fiction-réalité ] [ écrivains ] [ éloges ]

 

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