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déclaration d'amour

Si tu n'avais pas d'enfants et une famille, tu serais une poétesse, Ekaterina, une grande poétesse, me disait-il souvent. L'élément sauvage et païen en toi jaillirait sous les formes verbales les plus merveilleuses, maîtrisée, ta féminité transmettrait par des rimes et le rythme de tes vers, la profondeur du sens étonnerait par des nuances et des détails inattendus. Tu créerais une musique, Ekaterina, une musique faite de mots tout comme, en ce moment, tu crées une harmonie et une musique à partir de cette demeure, Ekaterina, à partir de chaque instant où nous sommes ensemble. Tu es une magicienne, Ekaterina, tu transformes la vie ordinaire en poésie et en éternité, c'est pourquoi tu aurais dû être une poétesse, Ekaterina.

Moi je riais, évidemment, en entendant ses mots, mais en quoi les enfants m'empêchent-ils, Mina, d'être une grande poétesse, lui rétorquais-je pour plaisanter, si je pouvais créer des vers sublimes, rien ne pourrait m'arrêter.

Tu as du talent, Ekaterina, me disait votre père, tu ne dois pas le laisser sans bouffées d'air, tu ne dois pas l'étouffer sous le lourd fardeau de la maternité et des soins que tu nous prodigues, tu dois garder du temps pour toi, uniquement pour toi, et écrire, chaque jour tu dois écrire quelques pages dans ton journal intime, décrire l'essentiel, tes impressions, tes idées, tes sensations, tes rêves. Promets-moi, Ekaterina, que tu ne perdras pas ton talent à cause de nous.

C'est ainsi que me parlait votre père.

Auteur: Dimova Teodora

Info: Les dévastés

 

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Ajouté à la BD par miguel

génie

Dans le temple de la science il y a beaucoup de jolies constructions de bons constructeurs. Ces derniers, divers et nombreux, jusqu'à la saturation, y ont participé pour divers motifs.
Beaucoup prennent la science comme un outil exaltant de puissance intellectuelle ; la science est leur propre sport spécial, celui avec lequel ils recherchent une expérience vive et la satisfaction de l'ambition ; d'autres ont déposé sur l'hôtel de la science tous les fruits de leurs cerveaux pour des buts purement utilitaires.
Si un ange du seigneur venait à jeter toutes les personnes appartenant à ces deux catégories hors du temple, celui-ci sera bien plus vide mais il y aurait toujours quelques hommes du passé et du présent encore à l'intérieur...
D'ailleurs si les personnes qui viennent d'être expulsés avaient été les seuls types existant le temple n'aurait jamais existé si ce n'est comme un bois qui ne se composerait de rien d'autres que de plantes grimpantes...
Ceux qui ont trouvé la faveur de l'ange sont des camarades quelque peu bizarres, peu communicatifs, solitaires, sauvages, mais bien plus différents les uns des autres que les gens expulsés.
Qu'est ce qui les a amenés là ? Dans ce temple... aucune réponse ne le dira vraiment. Peut-être pour s'échapper de la vie quotidienne, de sa crudité douloureuse, sa monotonie désespérante, une envie de quitter la servitude de ses propres désirs. Un esprit finement équilibré et acéré désire ardemment s'échapper d'environnements trop étroits et bruyants pour gagner le silence des hautes cimes, là où l'oeil parcourt librement l'immensité pure et tranquille et y discerner avec joie les contours apaisants d'un monument apparemment établi pour l'éternité.

Auteur: Einstein Albert

Info: à l'âge de 39 ans, Ideas and Opinions, Wings Books, 1988 p, 224-225 cité par Pirsig

[ élévation ] [ originalité ] [ solitude ] [ indépendance ] [ zen ] [ beauté ] [ harmonie ]

 

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faux érotisme

Ce qui fait toute la force austère, à vrai dire, d’une émission comme "Sophie sans interdit" sur TF1, le formidable côté sanitaire, hygiénique même, de ce "magazine de charme", réside dans la capacité de dissuasion sans bornes de son animatrice. La regarder cinq minutes, l’écouter surtout, et ça y est, c’est terminé, on a oublié jusqu’à ce qui restait de sens au mot volupté. Deux phrases d’elle en font plus pour vous convertir à l’abstinence que toutes les lourdes et lentes campagnes d’information possibles et imaginables. Une telle niaiserie pétrifiante a quelque chose de miraculeusement prophylactique et humanitaire. La moindre de ses remarques vous glace le fantasme. En nos temps de virus meurtrier, on devrait la montrer tous les jours, Sophie Favier. Ce n’est pas qu’elle soit pénible à regarder, bien au contraire, elle est plutôt alléchante, comme ça, en péplum, avec sa torchère blonde allumée au-dessus de la tête, ou en collant de danse en train de mimer péniblement, avec je ne sais plus quelle chorégraphe, une "leçon d’érotisme" sous vide. Mais tout ce qu’elle fait ou montre n’éveille jamais rien en vous qu’un vague effroi, et en tout cas pas le moindre souvenir de ce qu’ont pu être, jadis, il y a très longtemps, les plaisirs de la chair. Aucune hostilité non plus. On en sort, hébété, comme après une visite morne dans un écomusée lamentable, une espèce de Disneyland en ruine, un conservatoire analphabète, des arts et traditions sexuels disparus. Comme le reste, à la télé, le sexe a l’allure de ces manifestations dispersées depuis des éternités et dont il ne subsiste plus, sur place, que des banderoles abandonnées avec leurs slogans indéchiffrables. 

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 2 : Mutins de Panurge", éd. Les Belles lettres, Paris, 1998, page 459

[ critique ] [ débandant ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

anges

Amis Voyageurs,

Je sais très bien que ce petit texte a très peu de chances d'être compris, sauf par un Voyageur (astral) qui a vécu cela. Dans ce cas, toutes les approches intellectuelles, fussent-elles de nature "spirituelle", vont lui sembler, comme à moi, "irrelevant" comme on le dit en anglais.

Parfois, rarement, il y a ces rencontres furtives, insaisissables, inatteignables.

Nous les voyons soudainement alors que nous volons dans les mondes purs, bien au-delà des marécages dits "astraux" pour le langage commun de la terre.

Comme nous ils volent, mais tellement mieux! Ils apparaissent et disparaissent de notre regard, de notre présence, et quoi que nous fassions c'est trop tard, trop loin, trop rapide pour notre esprit de lumière pourtant si clair et vif en comparaison de ce qu'il est dans le corps biologique humain terrestre.

Nous avons le temps de les voir distinctement, ces silhouettes blanches d'une beauté et d'une pureté au delà de tout ce que nous pouvions concevoir; puis promptement elles ne sont plus là, nous ne savons pas comment les suivre, comment les retrouver, mais si nous croisons leur route une seule fois, notre âme est noyée de nostalgie pour toujours.

Cette nuit, hors du corps, un autre Voyageur me confirmait avoir lui aussi vécu cela, et depuis demeurer dans la sublime intention de les rejoindre, et de rester parmi eux pour l'éternité.

Tout abandonner, tout laisser sur place, dans tous les plans d'incarnation ici ou ailleurs, immédiatement, sans délai ni regret. Laisser l'évolution, la compassion, les réalisations, les cosmos, l'amour divin, la lumière, l'atteinte du soi, les paradis, et les rejoindre pour toujours.

Auteur: Auburn Marc

Info: Sur le fil de son groupe FB qui rassemble des passionnés du voyage astral et autres initiés

[ au-delà ] [ dépassement ] [ espérance ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

indiscrétion séditieuse

Avoir une âme tendancieusement rebelle ; haïr convulsivement les injustices à l’œuvre sous le soleil ; trembler devant le souffle bestial de ses semblables ; être étranglé par le ricanement assassin de la créature et maudire la Création, solidification trop visible de l'idée d'injustice...

Et être empêché par un reste de philosophie et par les enseignements de l'expérience de faire quoi que ce soit, renoncer à l'acte de révolte, capituler dans l'inconsolation ou dans le dans le réconfort de la vacuité.

C'est là toute la contradiction entre la réaction spontanée de ton être et la pétrification qui résulte d'une réflexion désabusée. — Lucifer a été le moins philosophe d'entre tous les anges. Ses ailes n'ont pas connu l'éreintement d'un vol lucide ; ses connaissances n'ont pas épuisé sa fraîcheur, dont émane la naïveté sublime de n'importe quelle contestation. Un ange sans expérience, noble proie de quelque amertume qui n'est pas incurable. Car croire que l'on peut améliorer quelque chose, que la créature et la Création peuvent figurer dans un meilleur ordre, c'est ne connaître la temporalité que dans ce qu'elle a d'amer, et imaginer à son terme une issue qui ne serait pas illusoire. Ses camarades qui sont restés au sein du Tout-Puissant ce sont eux qui ont tout su, parce qu'ils ont connu la vanité de toute tentation : ce sont eux qui se reposent dans le doux sommeil de l'irréparable éternité, gouvernés par la chaleur à jamais insipide, mais sûre, de leurs ailes réactionnaires. Ils logent encore dans le vieux bien divin, qui est notre mal.

Renverser le monde, impossible ; l'accepter, encore moins. Ce conflit est la formule qui résume la vie terrestre, dont le caractère irréparable fait figure de seule solution.

Auteur: Cioran Emil Michel

Info: Divagations

[ dualité ] [ monothéisme ] [ connaissance interdite ] [ fruit défendu ] [ rebelle curiosité ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

épitaphe

Joe et moi avions l'habitude de parler du mystère de la vie lors de moments cruciaux que nous avons partagé pendant toutes ces années. Cruciaux comme un soudain changement de vie, une transformation singulière ou la métamorphose vers une aventure inconnue. Pour moi, il n'y a pas de "début" ou de "fin". La nécessité de vivre et de créer constitue, en soi-même, l'immortalité de la vie : l'aventure ultime. La mort est une étape essentielle dans le processus du "vivant" ; servant de guide impartial au cours de nos routes éternelles. Je tiens pour certain que Joe et Maxine Zawinul évoluent pour toujours comme partenaires spirituels. (Comme nous partageons tous pendant ce voyage mystique). Rien de ce qu'ils accomplirent ne sera défait. Les réalisations de Joseph dans cette vie restent comme témoignages, son testament musical. Mais son oeuvre d'homme reste à être chroniquée dans le "Grand Livre" des actes accomplis au nom de l'humanité. Joe m'a parlé de projets initiés par lui et un des présidents Autrichien avec qui il était ami depuis l'enfance, projets lancés dans l'esprit du don et non de l'accaparement. Je sais qu'il faisait allusion aux deux guerres mondiales. Joseph était conscient que le dévouement à l'art et à la musique ne changent pas le monde. Il savait que tant qu'il avançait dans la musique, il en inspirerait d'autres à aller de l'avant dans leurs vies professionnelles et privées vers l'action humanitaire. C'est ainsi que j'en suis venu à voir mon ami, Joseph Zawinul, pas seulement comme un grand artiste pionnier créateur aux importants accomplissements musicaux. Je vois l'existence de Joseph plus clairement, comme si je pouvais discerner le reflet de toute la vie dans un grand miroir; un miroir qui reflète l'éternelle mission de notre existence à tous. Pour l'éternité.

Auteur: Shorter Wayne

Info: lu lors des obsèques de Joe Zawinul

[ jazz ] [ couple ]

 

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sensualité

"Écoute-moi, garde les yeux ouverts", me murmurait Lestat, ses lèvres remuant contre mon cou. Je me souviens qu'à ce contact tous mes poils se sont hérissés, m'envoyant à travers tout le corps une décharge sensuelle, qui n'était pas sans me rappeler les plaisirs de la chair...

L'air songeur, il porta la main droite à son menton et le caressa légèrement de l'index. Puis il reprit : À la suite de quoi, en quelques minutes, je me suis retrouvé si faible que j'en étais paralysé. Pris de panique, je me suis aperçu que je ne parvenais même pas à parler. Lestat me tenait encore, bien sûr, et son bras me semblait aussi lourd qu'une barre d'acier. J'ai senti ses dents se retirer avec une telle violence que les deux plaies qu'elles m'avaient infligées me parurent béantes et la douleur insoutenable. Ensuite, il s'est penché au-dessus de ma tête inerte et, soulevant le bras qui me ceignait, s'est mordu le poignet. Quand le sang a goutté sur ma chemise et mon manteau, il l'a contemplé les yeux brillants, à peine ouverts. Ce moment m'a paru durer une éternité, le halo de lumière désormais en suspens derrière sa tête m'évoquant une apparition. Je crois que je savais ce qu'il s'apprêtait à faire avant même qu'il agisse, et je suis resté là, impuissant, comme si cela faisait des années que j'attendais ce moment. Il a pressé son poignet ensanglanté contre ma bouche et a dit d'un ton ferme et quelque peu impatient : "Bois, Louis." Et j'ai obéi. Il a chuchoté : "Doucement Louis", puis : "Plus vite" à plusieurs reprises. J'ai bu, aspirant le sang par les deux plaies, retrouvant pour la première fois depuis ma petite enfance le plaisir particulier de la tétée, corps et esprit s'abreuvant tous deux à cette source de vie lumineuse.

Auteur: Rice Anne

Info: Les Chroniques des Vampires, tome 1 : Entretien avec un vampire

[ suceur de sang ] [ stryge ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

structure autonome

Le principe de réalité a coïncidé avec un stade déterminé de la loi de la valeur. Aujourd’hui, tout le système bascule dans l’indétermination, toute réalité est absorbée par l’hyper-réalité du code et de la simulation. C’est un principe de simulation qui nous régit désormais en place de l’ancien principe de réalité. Les finalités ont disparu, ce sont les modèles qui nous génèrent. Il n’y a plus d’idéologie, il n’y a plus que des simulacres. C’est donc toute une généalogie de la loi de la valeur et des simulacres qu’il faut restituer pour saisir l’hégémonie et la féérie du système actuel – révolution structurale de la valeur. [...]

Le capital n’est plus de l’ordre de l’économie politique : il joue de l’économie politique comme modèle de simulation. Tout le dispositif de la loi marchande de la valeur est absorbé et recyclé dans le dispositif plus vaste de la loi structurale de la valeur, et rentre ainsi dans les simulacres de 3e ordre [...]. L’économie politique est ainsi assurée d’une éternité seconde, dans le cadre d’un dispositif où elle a perdu toute détermination propre, mais où elle garde son efficace comme référentiel de simulation. Il en fut exactement de même pour le dispositif antérieur de la loi naturelle de la valeur, ressaisie comme référentiel imaginaire (la "Nature") par le système de l’économie politique et la loi marchande de la valeur : c’est la valeur d’usage, qui mène une existence fantôme au cœur de la valeur d’échange. Mais celle-ci à son tour, à la spirale suivante, est ressaisie comme alibi dans l’ordre dominant du code. Chaque configuration de la valeur est ressaisie par la suivante dans un ordre de simulacre supérieur. Et chaque phase de la valeur intègre dans son dispositif le dispositif antérieur comme référence fantôme, référence fantoche, référence de simulation.

[...] Le 3e ordre est le nôtre, il n’est plus de l’ordre du réel, mais de l’hyperréel, et c’est là seul que des théories ou des pratiques, elles-mêmes flottantes et indéterminées, peuvent l’atteindre et le frapper à mort.

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 9-10

[ repères virtuels ] [ modernité ] [ cybernétique ]

 

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quête

S'il y a un Dieu, il est caché, il est ailleurs, il est hors du temps, il n'obéit pas à nos lois et nous ne pouvons rien dire de lui. Nous ne pouvons décréter ni qu'il existe ni qu'il n'existe pas. Nous avons seulement le droit d'espérer qu'il existe. S'il n'existe pas, notre monde est absurde. S'il existe, mourir devient une fête et la vie, un mystère.
Je préfère, de loin, le mystère à l'absurde. J'ai même un faible pour le secret, pour l'énigme, pour un mystère dont la clé nous serait donnée quand nous serons sortis de ce temps qui est notre prison. Kant parle quelque part d'une hirondelle qui s'imagine qu'elle volerait mieux si l'air ne la gênait pas. Il n'est pas impossible que le temps soit pour nous ce que l'air est pour l'hirondelle. Tant pis ! Je prends le risque. Si tout n'est que néant, si les portes de la nuit s'ouvrent et que derrière il n'y a rien, être déçu par ma mort est le dernier de mes soucis puisque je ne serai plus là et que je n'en saurai rien. J'aurai vécu dans un rêve qui m'aura rendu heureux.
Je m'amuse de cette vie qui se réduit à presque rien s'il en existe une autre. Les malheurs, trop réels, les ambitions, les échecs, les grands desseins, et les passions elles-mêmes si douloureuses et si belles, changent un peu de couleurs. Avec souvent quelques larmes, je me mets à rire de presque tout. Les imbéciles et les méchants ont perdu leur venin. Pour un peu, je les aimerais. Une espèce de joie m'envahit. je n'ai plus peur de la mort puisqu'il n'est pas interdit d'en attendre une surprise. Je remercie je ne sais qui de m'avoir jeté dans une histoire dont je ne comprends pas grand-chose mais que je lis comme un roman difficile à quitter et que j'aurai beaucoup aimé.
J'ignore s'il y a un Dieu ailleurs, autre chose après la mort, un sens à cette vie et à l'éternité, mais je fais comme si ces promesses étaient déjà tenues et ces espérances, réalisées. Et je souhaite avec confiance qu'une puissance inconnue veille, de très loin, mais beaucoup mieux que nous, sur ce monde et sur moi.

Auteur: Ormesson Jean d'

Info: Qu'ai-je donc fait ?

[ religion ]

 

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empyrée

Un monde divin multiple, divisé par conséquent au-dedans de lui-même par la pluralité des êtres qui le composent ; des dieux dont chacun, ayant son nom propre, son corps singulier, connaît une forme d'existence limitée et particulière : cette conception n'a pas manqué de susciter, dans certains courants religieux marginaux, dans des milieux de sectes et chez des philosophes, interrogations, réserves ou refus. Ces réticences, qui se sont exprimées de façons fort diverses, procèdent d'une même conviction : la présence du mal, du malheur, de la négativité dans le monde tient au processus d'individuation auquel il a été soumis et qui a donné naissance à des êtres séparés, isolés, singuliers. La perfection, la plénitude, l'éternité sont les attributs de l'Être totalement unifié. Toute fragmentation de l'Un, tout éparpillement de l'Être, toute distinction de parties signifient que la mort entre en scène avec l'apparition conjointe d'une multiplicité d'existences individualisées et de la finitude qui nécessairement borne chacune d'elle. Pour accéder à la non-mort, pour s'accomplir dans la permanence de leur perfection, les dieux de l'Olympe devraient donc renoncer à leur corps singulier, se fondre dans l'unité d'un grand dieu cosmique ou s'absorber dans la personne du dieu morcelé, puis réunifié par Apollon, du Dionysos orphique, garant du retour à l'indistinction primordiale, de la reconquête d'une unité divine qui doit être retrouvée, après avoir été perdue.

En rejetant catégoriquement cette perspective pour placer l'accompli, le parfait, l'immuable, non dans la confusion de l'unité originelle, dans l'obscure indistinction du chaos, mais à l'inverse, dans l'ordre différencié d'un cosmos dont les parties et éléments constitutifs se sont peu à peu égarés, délimités, mis en place et où les puissances divines, d'abord incluses dans de vagues forces cosmiques, ont pris, à la troisième génération, leur forme définie et définitive de dieux célestes, vivant dans la lumière constante de l'éther, avec leur personnalité et leur figure particulières, leurs fonctions articulées les unes aux autres, leurs pouvoirs s'équilibrant et s'ajustant sous l'autorité inébranlable de Zeus, la Théogonie orthodoxe d'Hésiode donne à la nature corporelle des dieux son fondement théologique : si les dieux possèdent plénitude, perfection, inaltérabilité, c'est qu'au terme de ce progrès qui a conduit à l'émergence d'un cosmos stable, organisé, harmonieux, chaque personne divine a désormais son individualité clairement fixée.

Auteur: Vernant Jean-Pierre

Info: L'Individu, la mort, l'amour. Soi-même et l'autre en Grèce ancienne

[ déités ] [ divinités ] [ mythologie ]

 

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