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création

Nunc est bibendum (Maintenant il faut boire)
Début d'une ode d'Horace ( Odes I , 37 ) composée pour célébrer la victoire d'Actium . Ces mots s'emploient généralement pour signifier qu'il convient de fêter dignement un succès .
Boire, comme offrir à boire en l'honneur d'un évènement heureux ou de quelqu'un qu'on apprécie, est une forme de libation. Les libations étaient des rites consistant à offrir, au cours d'un repas auquel ils étaient censés assister, des boissons aux dieux. A Rome, le prêtre goûtait et faisait goûter à ses assistants la liqueur offerte avant de la verser entre les cornes de l'animal du sacrifice ou encore dans les flammes du feu sacré. Au cours des repas ordinaires, l'usage se répandit d'offrir des libations initiales afin d'obtenir la faveur des dieux. L'usage devint peu à peu une forme de politesse , une manière d'honorer ses convives.
La libation conviviale s'oppose à l'alcoolisme solitaire, plus redoutable encore que l'alcoolisme mondain. (...)
Il y a un temps pour boire, comme il y a un temps pour tout. Il convient donc de ne pas dire à toutes les heures "nunc est bibendum". Toutefois, l'abstinence est mauvaise conseillère, en tout cas pour les poètes, puisque Horace affirme :
Nec vivere carmina possunt
Quae scribuntur aquae potoribus (Epîtres , I , 19 ,3 )
Ce qui signifie : " Ils ne peuvent vivre , les vers qui sont écrits par des buveurs d'eau .

Auteur: Rudder Orlando de

Info: Dictionnaire commenté des expressions latines: Aperto libro

[ alcool ] [ écriture ] [ proverbe ]

 

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spectateur

On m’entoure, on me questionne,

Des gens que je croise à la promenade, qui veulent connaître l’influence de ma petite enfance sur ma vie, ou bien du quartier, de la ville, de la nation que j’habite,

Mes dernières rencontres, découvertes, inventions, fréquentations, auteurs jeunes ou vieux,

Ce que je mange au dîner, ma façon de me vêtir, mes amis, mers opinions, mes préférences, mes frais,

L’indifférence réelle ou imaginaire d’un tel ou d’une telle de mes amis à mon égard,

La maladie d’un de mes proches ou de moi-même, un malheur, une perte, un manque d’argent, une dépression, un enthousiasme,

Les affres d’une querelle fratricide, l’exagération d’une rumeur, l’ironie des évènements ;

Toutes ces questions m’assaillent nuit et jour puis s’en vont comme elles viennent,

Mais cela n’est pas moi, le Moi réel.



Celui que je suis est toujours à l’écart de la mêlée,

Regarde d’un air amusé, éprouve de la connivence, de la compassion, ne fait rien, se solidarise,

Méprise de toute sa hauteur, se raidit, s’accoude sur le premier support ferme venu,

Tourne son profil de trois quarts, curieux de voir la suite,

A la fois dans le jeu et hors du jeu, simultanément, qu’il contemple avec stupeur.



Du fond du passé me reviennent mes laborieux efforts pour sortir du brouillard à l’aide des sophistes et des linguistes,

Je ne critique ni ne moque personne, je suis un témoin impassible.

Auteur: Whitman Walt

Info: Dans "Feuilles d'herbe", Chanson de moi-même, traduction Jacques Darras, éditions Gallimard, 2002, pages 67-68

[ distanciation ] [ persona ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

reportage

J'aime aller chez les Roms. C'est rarement des vacances. Je ne choisis pas les communautés les plus florissantes. Je vais dans les cloaques. Ces lieux sont hallucinants de misère. Un mot me vient, il est familier, excusez-moi, c'est : barge. Des endroits barges. Je n'arrive pas en sifflotant. Je ne brandis pas mes appareils photo. Je mesure combien un type qui entre, fait clic-clac et ressort peut sembler ignoble à des gens qui n'ont rien. Je ne prends pas non plus l'air sinistre ou contrit. J'essaie d'être moi-même. Ce n'est pas facile, quand on est remué. Les gosses me font tourner en bourrique. Ils me tirent, me poussent, crient pour que je leur tire le portrait, se pendent aux courroies de mes appareils, dix fois, cent fois, jusqu'à l'exaspération. Pourtant, je leur dois souvent des moments de beauté foudroyants qui, avec un peu de chance, se retrouvent sur les photos. Comme je prends la précaution d'être bien accompagné, je suis généralement bien accueilli, par des gens qui n'ont de cesse que de m'ouvrir leur porte et de m'asseoir à leur table. Si je reviens, ce que j'essaie de faire, plusieurs fois de suite, ou à des mois de distance, je suis reconnu et l'affection franchit un pas. J'apporte les tirages des photos, parfois les clopes et le repas. Dans les sujets que j'ai visités comme photographe, souvent tragiques, j'ai toujours cherché la survivance, au fond, de ce qui rend heureux. Les petites choses. Les scènes où rien ne se passe et où, de fait, tout se passe. Les bas-côtés des évènements. Chez les Roms, ces scènes abondent. Le présent est là, brut, sans chichis, avec une intensité qu'il y a rarement ailleurs.

Auteur: Keler Alain

Info: Des nouvelles d'Alain. Ecrit avec Emmanuel Guibert

[ romanichels ] [ vivre ]

 

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évolution humaine

On considère ainsi l'invention de l'agriculture et de l'élevage comme l'un des deux évènements majeurs de l'histoire humaine, avec la révolution industrielle du XIXème siècle. Et l'on a classiquement opposé, comme le faisait par exemple l'archéologue Gordon Childe dans les années 1930, les sociétés des chasseurs-cueilleurs du paléolithique, considérés comme des "prédateurs", aux sociétés de "producteurs" des agriculteurs néolithiques. Mais qu'en est-il sur la longue durée, si l'on considère que l'agriculture a certes apporté aux hommes une plus grande sécurité alimentaire mais provoqué aussi une explosion démographique qui n'est plus maîtrisée ? C'est ce que posait dès 1964, dans "Le geste et la parole", le préhistorien André Leroi-Gourhan, de manière encore prophétique à l'époque, à propos de l'Homme néolithique : "Son économie reste celle d'un Mammifère hautement prédateur même après le passage à l'agriculture et à l'élevage. A partir de ce point, l'organisme collectif devient prépondérant de manière de plus en plus impérative et l'Homme devient l'instrument d'une ascension techno-économique à laquelle il prête ses idées et ses bras. De la sorte, la société humaine devient la principale consommatrice d'hommes, sous toutes les formes, par la violence ou le travail. L'Homme y gagne d'assurer progressivement une prise de possession du monde naturel qui doit, si l'on projette dans le futur les termes techno-économiques de l'actuel, se terminer par une victoire totale, la dernière poche de pétrole vidée pour cuire la dernière poignée d'herbe mangée avec le dernier rat." Dix ans plus tard, avec le premier choc pétrolier de 1973, la prophétie devient peu à peu banalité : les sociétés de "production" ne sont en fait que des sociétés de "prédation" à plus grande échelle, aux prises avec la surconsommation de richesses et et d'énergies non renouvelables. De fait, l'archéologie peut retrouver des indices d'aspects pas toujours positifs de l'impact humain sur l'environnement.

Auteur: Demoule Jean-Paul

Info: L'archéologie : Entre science et passion, Chapitre 3, L'aventure humaine au crible de l'archéologie

[ historique ] [ peak oil ] [ paliers ]

 

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homme-végétal

- Alors, comment la plante fait-elle pour décider? ai-je demandé.

Trewavas a répondu qu'il avait réfléchi de nombreuses années à la question. En 1990, ses collègues et lui avaient fait une percée. Ils étaient en train d'étudier comment les plantes percevaient les signaux et transmettaient l'information en interne. A l'aide de manipulations génétiques, les chercheurs ont introduit une protéine, dans des plants de tabac, qui les faisait luire quand le niveau de calcium augmentait à l'intérieur des cellules. Ils avaient émis l'hypothèse que l'altération de la concentration cellulaire en calcium était l'un des principaux moyens par lequel les plantes percevaient les évènements extérieurs. A leur grande surprise, ils avaient découvert que les plants de tabac réagissaient instantanément au toucher. Bien que le tabac ne soit pas connu pour cette sensibilité, une petite caresse suffisait à provoquer, chez les plantes modifiées, une émission de lumière induite par l'augmentation de calcium dans leurs cellules. Trewavas était ébloui par la réaction: "Sa vitesse était telle qu'elle était à la limite de ce que nous pouvons mesurer. Alors que je vous ai dit que les plantes ne réagissent qu'en termes de mois et d'années, dans ce cas-ci, elles répondaient en quelques millièmes de secondes à un signal dont nous savions qu'il aurait plus tard un effet morphologique. Quand on touche une plante régulièrement, sa croissance ralentit et la plante devient plus épaisse."

Trewavas savait que les neurones humains, eux aussi, montraient une augmentation du calcium interne lorsqu'ils transmettaient de l'information. Ayant constaté la vitesse à laquelle les plantes réagissaient au toucher, il avait commencé à penser à leur intelligence. Bien que les plantes n'aient pas de neurones, s'était-il dit, leurs cellules utilisent un système de signalisation du même type, de sorte qu'elles ont peut-être la capacité de calculer et de prendre des décisions.

Auteur: Narby Jeremy

Info:

[ interaction ]

 

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surpopulation

Le groupe Ummo-science a reçu quelques lettres, lors de sa création. Si certaines sont des faux grossiers, une au moins contient une idée intéressante. En effet, si une population a atteint un niveau scientifique élevé, celui-ci peut a priori également être utilisé pour prolonger la vie, grâce à des remplacements d'organes ou des prothèses diverses et variées. Sur Terre il est devenu commun, passé un certain âge, de procéder à des opérations de la cataracte, en remplaçant les cristallins par des prothèses. Même chose pour les articulations des hanches, des genoux et des épaules, etc.

Une science extraterrestre encore plus performante devrait permettre de maintenir les individus en vie à des âges encore plus importants. Ce texte Ummite apporterait une réponse qu'on pourrait qualifier d'originale. Sur cette planète, l'état décrépit n'existerait pas. Les êtres de cette planète, selon ces textes, pratiqueraient une communication télépathique avec leur "âme collective", activité présentée comme quotidienne. On retrouve le même thème sur Terre avec la transe, la méditation, etc. 

Ma foi, pourquoi pas ?

Cette activité méditative serait considérée comme l'acte le plus important de chaque jour. Ce faisant "l'individu informerait l'âme collective planétaire". Il se considèrerait ainsi, dès sa naissance, comme "à son service". Il émanerait de cette noosphère et, à sa mort, y retournerait. La mort ne serait donc pas considérée comme un évènement dramatique, pas plus que ne l'est pour des humains le sevrage, la puberté, etc.

La fin de vie passerait donc par le suicide. Quand ? Lorsque les capacités de connexion télépathiques disparaitraient. Or cette activité serait considérée comme essentielle, tout le reste étant secondaire. Quand des individus verraient cette faculté disparaître, ils décideraient alors de mettre fin à leur existence, leur mort étant provoquée instantanément par action de micro-ondes sur leur encéphale. Le corps ne serait pas brûlé, mais ses constituants seraient convertis en ... hélium.

Ces fins de vie seraient décidées au niveau des couples, car non seulement le célibat serait inconnu, mais l'appariement vaudrait pour l'ensemble de l'existence, comme chez nos pigeons.

On découvre donc dans ces textes un modèle de société ayant sa cohérence, du premier au dernier jour de la vie. Un société organisée telle une fourmilière.

Auteur: Petit Jean-Pierre

Info: http://www.ufo-science.com/wpf/?page_id=7830

[ science-fiction ] [ solution ]

 
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homme-machine

Les conférences Macy élaborent ainsi le projet d’une collaboration interdisciplinaire de diverses expertises, mathématiques, anthropologie, psychologie, psychanalyse non freudiennne, économie, logique…, en vue d’édifier une "science générale du fonctionnement de l’esprit". Les mathématiques et la logique sont bien entendu les références majeures de ces conférences. On y retrouve l’ancêtre auto-régulateur à boules de James Watt dans le concept principal qui nourrit leurs réflexions, et qui reste la part privilégiée de Wiener : "Feedback Mechanisms and Circular Causal Systems in Biological and Social Systems". La causalité circulaire, appréhendée dans le phénomène de feedback ou "rétroaction", est définie comme "processus dans lequel un effet intervient aussi comme agent causal sur sa propre origine, la séquence des expressions de la cause principale et des effets successifs formant une boucle dite boucle de rétroaction". Une autre formulation, par Heinz von Foerster à partir des années cinquante, est celle de "mécanismes qui produisent eux-mêmes leur unité (self-integrating mechanisms)". C’est là, pendant ces conférences Macy que se formalise et se conceptualise l’idée littéralement folle d’un auto-entrepreneuriat de l’homme par l’homme.

La 5e conférence, en 1948, qui porte le même intitulé que la 1re et la 4e : Circular Causal and Feedback Mechanisms in Biological and Social Systems, est consacrée à la structure du langageRoman Jakobson y participe. C’est la même année que McCulloch déclare que "du point de vue de l’analyse qu’on peut en faire, ‘‘il n’y a pas de différence entre le système nerveux et une machine informatique’’".

À partir de 1949, le terme "Cybernétique" est officiellement appliqué à la série des conférences, comme condensé de l’intitulé initial : Cybernetics : Circular Causal and Feedback Mechanisms in Biological and Social Systems. Comme d’habitude, le style de ces grands délirants les trahit d’avantage que toutes leurs équations. Deux participants à la 7e conférence en 1950, Pitts et Stroud, évoquent "l’immense perte d’information" entre les organes des sens et notre "computer" mental. C’est la dernière conférence à laquelle assistent Wiener et Von Neumann, qui passent la main au mathématicien Claude Shannon, père de la "théorie de l’information". Psychiatres et psychologues, spécialistes de l’hypnose et Gestalt thérapistes accompagnent depuis le début cette aventure qui ressemble à s’y méprendre à l’Académie d’exaltés dingos de Lagado décrite par Swift dans ses Voyages de Gulliver.

Voici par exemple comment Willard Rappleye, le président de la fondation Macy, résume en 1955 leurs découvertes : "Les conflits sociaux sont en réalité les symptômes de causes sous-jacentes : la psychiatrie nous enseigne la nature de ces causes. Par conséquent, les Insights et les méthodes de la psychiatrie, de la psychologie et de l’anthropologie culturelle élucident les perturbations émotionnelles du monde."

Une société qui va mal n’est donc pas une société où le riche exploite le pauvre, comme on l’imagine depuis la plus haute Antiquité jusqu’aux Gilets Jaunes. C’est une société "émotionnellement perturbée" dont la Psychiatrie est à même de résoudre tous les symptômes.

Freud y est banni d’emblée. Lors de la conférence de 1946, toujours sous l’égide du même intitulé : "Mécanismes de rétroaction et Systèmes causaux circulaires dans les Systèmes biologiques et sociaux", Norbert Wiener remet en cause le concept freudien de Libido, sous prétexte que "l’information est un concept de base plus approprié pour décrire des évènements psychologiques.".

Pourquoi ? Comment ? Bien malin qui le dira.

Auteur: Zagdanski Stéphane

Info: https://lundi.am/La-Cybernetique-a-l-assaut-de-l-Homme?

[ historique ] [ dépolitisation ] [ révisionnisme freudien ] [ critique ]

 

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taiseux

Plus tard, quand elle revint dans la pièce pour éplucher les pommes de terre à côté de son mari, elle le trouva installé à la table donc il avait enlevé le napperon. Il y avait étalé ses couteaux à sculpter, et déjà de petits copeaux jonchaient le sol tout autour de lui.

- Que fais-tu donc, Otto ? demanda-t-elle avec un étonnement sans bornes.

- C’est pour voir si je suis encore capable de sculpter, répondit-il.

Elle était un peu irritée. Otto avait beau ne pas être grand psychologue, il devait pourtant se douter de l’impatience avec laquelle il attendait les explications qu’il avait promis de lui donner. Et voilà qu’il avait exhumé ses couteaux à sculpter et qu’il tripotait ses petits morceaux de bois, tout à fait comme au début de leur mariage, lorsqu’il la mettait au désespoir par son éternel silence ! Alors, elle n’avait pas autant qu’aujourd’hui l’habitude de ce mutisme, qui pourtant aujourd’hui lui semblait encore plus intolérable... Justement aujourd’hui ! ... Sculpter du bois ! Grands dieux, voilà tout ce que cet homme trouvait à faire après de tels évènements ! Ce silence si âprement défendu, allait-il le rendre plus insupportable encore ? Y aurait-il de longues heures pendant lesquelles il sculpterait le bois sans prononcer une parole ? ... Pour elle, quelle nouvelle et cruelle désillusion ! ... Mais elle ne pourrait pas la supporter aussi passivement que toutes les autres.

Inquiète, au bord du désespoir, elle regardait pourtant avec une certaine curiosité le morceau de bois long et épais qu’il tournait pensivement dans ses grosses mains et dont il faisait sauter çà et là quelques copeaux.

- Qu’est-ce que ce sera, Otto ? demanda-t-elle, un peu malgré elle.

[...] A cette question presque involontaire, Otto parut d’abord ne vouloir répondre de nouveau que par un grognement. Mais il s’avisa peut-être que, ce matin, il avait exigé un peu trop d’Anna. Ou peut-être était-il tout simplement disposé à s’expliquer.

- Ce sera une tête, dit-il. Je veux voir si je suis encore capable de sculpter une tête... Jadis, j’ai sculpté beaucoup de têtes de pipes.

Et il se remit à travailler son morceau de bois.

- Des têtes de pipes ? ... Voyons, Otto, réfléchis ! ... Le monde s’écroule, et tu penses à des têtes de pipes ! ... Quand j’entends ça ! ...

Il ne semblait faire grand cas ni de sa colère ni de ses paroles.

- Naturellement, ce ne sera pas une tête de pipe… Je veux seulement voir si je suis capable de sculpter notre garçon tel qu'il était.

La mauvaise humeur d'Anna tourna court sur-le-champ. Ainsi, c'était au petit qu'il pensait ! Et s'il pensait au petit, et songeait à sculpter une image de lui, c'est qu'il pensait aussi à elle et qu'il voulait lui faire plaisir. Elle se leva de sa chaise, laissant là ses pommes de terre, et dit :

- Attends, Otto, je t'apporte les photos. Pour que tu saches comment notre petit était réellement…

Il eut un mouvement de refus :

- Je ne veux pas voir de photos. Je veux évoquer Otto par la sculpture, tel que je l'ai ici en moi.

Il se toucha le front. Après un silence, il ajouta encore :

- Si j'en suis capable !

Elle était tout émue. Leur fils vivait donc également en lui ; il avait en lui une image bien nette de leur fils.

Auteur: Fallada Hans

Info: Dans "Seul dans Berlin", traduit de l’allemand par A. Virelle et A. Vandevoorde, éditions Denoël, 2002, pages 156 à 158

[ père-fils ] [ père-par-mère ] [ couple ]

 
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cognition

Des chercheurs de l'Institut de neurosciences de la Timone apportent un éclairage théorique nouveau sur une illusion visuelle découverte dès le début du XXème siècle. Elle restait incomprise alors qu'elle pose des questions fondamentales sur la manière dont notre cerveau représente les évènements dans l'espace et dans le temps. Cette étude parue le 26 janvier 2017 dans la revue PLOS Computational Biology, montre que la solution se situe dans les mécanismes prédictifs intrinsèques aux traitements neuronaux de l'information.
Les illusions visuelles sont toujours aussi populaires: de façon quasi magique, elles peuvent faire apparaitre des objets là où on ne les attend pas... Elles sont aussi d'excellentes occasions de questionner les contraintes de notre système perceptif. De nombreuses illusions sont basées sur le mouvement, comme par exemple, l'illusion du flash retardé. Observez un point lumineux qui se déplace sur une trajectoire rectiligne. Si un second point lumineux est flashé très brièvement juste au dessus du premier, le point en mouvement sera toujours perçu en avant du flash alors que leurs deux positions horizontales sont rigoureusement identiques.
Traiter l'information visuelle prend du temps et même si ces délais sont remarquablement brefs, ils ne sont cependant pas négligeables et le système nerveux doit les compenser. Pour un objet qui se déplace de façon prédictible, le réseau neuronal peut inférer sa position la plus probable en tenant compte de ce délai de traitement. Pour le flash, par contre, cette prédiction ne peut s'établir car son apparition est imprévisible. Ainsi, alors que les deux cibles sont alignées sur la rétine au moment du flash, la position de l'objet en mouvement est anticipée par le cerveau afin de compenser le délai de traitement: c'est ce traitement différencié qui provoque l'illusion du flash retardé.
Les chercheurs montrent que cette hypothèse permet également d'expliquer les cas où cette illusion ne fonctionne pas: par exemple si le flash a lieu à la fin de la trajectoire ou si la cible rebrousse chemin de façon imprévue. Dans ce travail, l'innovation majeure consiste à utiliser la précision de l'information dans la dynamique du modèle. Ainsi, la position corrigée de la cible en mouvement est calculée en combinant le flux sensoriel avec la représentation interne de la trajectoire, toutes deux existant sous la forme de distributions de probabilités. Manipuler la trajectoire revient à changer la précision, et donc le poids relatif de ces deux informations lorsqu'elles sont combinées de façon optimale afin de connaître où se trouve un objet au temps présent. Les chercheurs proposent d'appeler parodiction (du grec ancien paros, le présent) cette nouvelle théorie qui joint inférence Bayesienne et prise en compte des délais neuronaux.
Malgré la simplicité de cette solution, la parodiction comporte des éléments qui peuvent sembler contre-intuitifs. En effet, dans ce modèle, le monde physique environnant est considéré comme "caché", c'est-à-dire qu'il ne peut être deviné que par nos sensations et notre expérience. Le rôle de la perception visuelle est alors de délivrer à notre système nerveux central l'information la plus probable malgré les différentes sources de bruit, d'ambiguïté et de délais temporels.
Selon les auteurs de cette publication, le traitement visuel consisterait en une "simulation" du monde visuel projeté au temps présent, et ceci avant même que l'information visuelle ne puisse effectivement venir moduler cette simulation, la confirmant ou l'infirmant. Cette hypothèse qui semble relever de la "science-fiction" est actuellement testée avec des modèles de réseaux neuronaux hiérarchiques plus détaillés et biologiquement plausibles qui devraient permettre de comprendre encore mieux les mystères sous-jacents à notre perception. Les illusions visuelles n'ont vraiment pas fini de nous étonner !
(Figure: Dans l'illusion visuelle du flash retardé, un point en mouvement (le point rouge, en haut) est perçu en avant par rapport à un point flashé (en vert en bas), même si ils sont alignés verticalement à l'instant du flash. Depuis la découverte de cette illusion, les débats ne sont pas clos quant à l'origine du traitement différencié des deux points. Dans cette étude, il est proposé que ce décalage de position soit dû à un mécanisme prédictif dont le but est normalement de compenser les délais de traitement de l'information visuelle. En utilisant l'information sur le mouvement du point, du début de la trajectoire jusqu'au moment du flash, la position du point est donc "anticipée" pour correspondre au plus près à la position réelle au temps présent.)

Auteur: Internet

Info: PLOS Computational Biology review, 26 janvier 2017

[ vision ]

 

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humanisme

La photo de John Carlos et Tommie Smith brandissant le poing pour protester contre la ségrégation raciale, alors qu’ils se trouvaient sur le podium du 200 mètres des Jeux Olympiques de 1968 à Mexico est demeurée célébrissime.
Photo puissante de deux hommes de couleur, pieds nus, tête baissée, poing ganté de noir brandi vers le ciel tandis que l’hymne national Américain retenti. Geste symbolique destiné à défendre l’égalité des droits pour les personnes de couleur, dans une année marquée par la mort de Martin Luther King et de Bobby Kennedy.
Sur la photo du podium, il y a un troisième homme. Un blanc, immobile, figé sur la deuxième marche. Il ne brandit pas le poing. On pourrait croire qu'il représente, dans la rigidité de son immobilité glacée, le conservateur blanc qui résiste au changement que Smith et Carlos invoquent.
La vérité est que cet homme blanc sur la photo est peut-être le plus grand héros de ce fameux soir d’été 1968.
Il s’appelait Peter Norman, il était australien et ce soir-là, il avait fait la course de sa vie, terminant deuxième, dans le temps incroyable pour l'époque de 20 s 06.
Smith et Carlos se préparaient à montrer à la face du monde leur protestation contre la ségrégation raciale. Quelque chose d’énorme et risqué, ils le savaient.
Norman, blanc d’Australie, pays qui avait à l’époque des lois d’apartheid extrêmement strictes, presque aussi strictes que celles qui avaient cours en Afrique du Sud. Le racisme et la ségrégation étaient extrêmement violents, non seulement contre les Noirs mais aussi contre les peuples aborigènes.
Les deux afro-américains avaient demandé à Norman s’il croyait aux droits humains. Norman avait répondu que oui.
"Nous lui avions dit ce que nous allions faire, nous savions que c’était une chose plus glorieuse et plus grande que n’importe quelle performance athlétique" racontera plus tard John Carlos. "Je m’attendais à voir de la peur dans les yeux de Norman... Mais à la place, nous y avons vu de l’amour."
Norman a simplement répondu : "Je serai avec vous".
Smith et Carlos avaient décidé de monter sur le podium pieds nus pour représenter la pauvreté qui frappait une grande partie des personnes de couleur. Ils arboreraient le badge du Projet Olympique pour les Droits de l’Homme, un mouvement d’athlètes engagés pour l’égalité des hommes.
Mais ils ont bien failli ne pas porter les fameux gants noirs, symbole des Black Panthers, qui a finalement donné plus de force à leur geste. Une idée de Norman. En effet, juste avant de monter sur le podium, Smith et Carlos réalisèrent qu’ils n’avaient qu’une seule paire de gants. Ils allaient renoncer à ce symbole quand Norman insista en leur conseillant de prendre un gant chacun. Ce qu’ils firent.
Si vous regardez bien le cliché du podium vous verrez que Norman porte, lui aussi, un badge du Projet Olympique pour les Droits de l’Homme, épinglé contre son cœur.
Les trois athlètes sont montés sur le podium ; le reste fait partie de l’Histoire, capturé par la puissance de cette image qui a fait le tour du monde.
"Je ne pouvais pas voir ce qui se passait derrière moi" dira plus tard Norman, "mais j’ai su qu’ils avaient mis leur plan à exécution lorsque la foule qui chantait l’hymne national Américain s’est tue. Le stade est devenu alors totalement silencieux."
Cet évènement provoqua l’immense tollé que l’on sait. Les deux coureurs noirs furent immédiatement bannis de la discipline et expulsés du village olympique. Une fois de retour aux USA ils eurent à faire face à de nombreux problèmes et menaces.
Ce que l’on sait moins, c’est que Peter Norman a lui aussisubi de lourdes conséquences pour avoir apporté son soutien à ces deux hommes, il a dû dire adieu à sa carrière qui aurait pu être prometteuse.
4 ans plus tard, malgré son excellence dans la discipline, il ne sera pas sélectionné pour représenter l’Australie aux Jeux Olympiques de 1972 et ne sera pas non plus invité aux JO qui passèrent dans son propre pays en 2000.
Norman laissa tomber la compétition et se remit à courir au niveau amateur. En Australie, où le conservatisme et la suprématie raciale avaient encore la peau dure, il fut traité comme un paria, un traître. Sa famille le renia, et il eut peine à trouver du travail à cause de cette image qui lui collait à la peau. Après une blessure mal soignée, il termina ses jours rongé par la gangrène, la dépression et l’alcoolisme.
Durant des années l'Australie donna à Norman une chance de se racheter, de sauver sa carrière pour être à nouveau considéré comme le grand sportif de talent qu’il était. Il fut maintes fois été invité à condamner publiquement le geste de John Carlos et de Tommie Smith, de se repentir face à ce système qui avait décidé de l’exclure. Même pour être invité aux JO de Sydney en 2000 Norman ne laissa jamais ses opinions faiblir en condamnant les deux américains pour se "racheter".
Aujourd'hui Carlos et Smith sont de véritables de la cause antiraciste. En Californie, une statue est même érigée en leur hommage. Mais l'Australien n'y figure pas.
Gommé, supprimé de l’histoire et détesté de beaucoup dans son pays, voilà ce qu’il fut son destin. Absence qui est l’épitaphe d’un héros que personne n’avait remarqué, et que l’histoire n’a pas retenu.
En 2006, Peter Norman décède à Melbourne, en Australie. Lors de ses obsèques les deux sprinteurs américains ont fait le déplacement pour porter son cercueil.
Au mois d'août 2012 le parlement australien présenta des excuses posthumes quand au prix payé par Norman.

Auteur: Gazzaniga Riccardo

Info: Résumé et mis en texte

[ sport ] [ historique ] [ subversion ]

 

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