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signes
Tatiana croyait sans réserve
Aux traditions du temps passé,
Aux cartes, à la clé des songes,
Et aux prédictions de la lune.
Les présages lui faisaient peur.
Tous les objets, en grand mystère,
Lui parlaient. A chaque moment
Elle avait des pressentiments.
Que le chat, assis sur le poêle,
Se lave en miaulant le museau,
C'était là marque indubitable
De visite. Si sur sa gauche
Elle voyait soudain au ciel
Un croissant de lune encor mince,
Elle tremblait et pâlissait.
Mais si un étoile filante
Traversait la noirceur du ciel
Avant de s'évanouir, alors
Tania se hâtait, tout émue,
De chuchoter à sa lumière
Le désir secret de son coeur.
S'il lui arrivait par hasard
De rencontrer un moine noir
Ou si un lièvre dans un champ
Passait, lui coupant le chemin,
Elle était prise de terreur,
Ne savait plus quoi entreprendre
Et attendait la catastrophe.
Mais quoi ! Elle trouvait plaisir,
En secret, même à l'épouvante.
Ainsi nous a faits la nature
Qui aime la contradiction.
Voici les fêtes. Quelle joie !
Chacun veut savoir son destin :
Jeunes gens à qui rien ne pèse,
Pour qui l'avenir est lointain,
Lumineux, plaisant, hors d'atteinte ;
Vieilles gens, qui portent lunettes,
Qui sont au bord de la tombe,
Qui ont tout perdu sans retour.
Mais rien n'y fait : l'espoir babille
Toujours menteur à leurs oreilles.
Auteur:
Pouchkine Alexandre
Années: 1799 - 1837
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Russie
Info:
In "Eugène Onéguine", éd. Gallimard-folio, p. 152-154
[
divination
]
[
chimères
]
[
espérance
]
[
poème
]
[
interprétation
]
sciences physiques
Ce petit mot "Force", ils en font un support à perruque,
Prêt à recevoir des significations tant étranges que variées,
Aptes à choquer
Les élèves de Newton....
Ici les phrases du siècle passé
S'attardent à jouer des tours...
Vis viva et Vis Mortua et Vis
Acceleratrix :-
Ces vieux mots nébuleux qui, dans nos manuels,
Se cramponnent avec leurs titres,
Et qui, comme les entozoaires,
Squattent nos organes vitaux.
Mais voyez ! Tait écrit en symboles lucides et clairs
Une petite équation ;
Ainsi la Force devient
Simple variation spatiale
De l'Énergie .
That small word “Force,” they make a barber's block,
Ready to put on
Meanings most strange and various, fit to shock
Pupils of Newton....
The phrases of last century in this
Linger to play tricks—
Vis viva and Vis Mortua and Vis
Acceleratrix:—
Those long-nebbed words that to our text books still
Cling by their titles,
And from them creep, as entozoa will,
Into our vitals.
But see! Tait writes in lucid symbols clear
One small equation;
And Force becomes of Energy a mere
Space-variation.
Auteur:
Maxwell James Clerk
Années: 1831 - 1879
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: physicien, mathématicien
Continent – Pays: Europe - Ecosse
Info:
Compte rendu de la conférence de Tait sur la force : B.A., 1876", reproduit dans Bruce Clarke, Energy Forms : Allegory and Science in the Era of Classical Thermodynamics (2001), 19. Le vers de Maxwell a été inspiré par un document présenté à la British Association (B.A.). Il faisait la satire d'une "confusion considérable de la nomenclature" à l'époque, et soutenait le désir de son ami Tait d'établir une redéfinition de l'énergie sur une base thermodynamique.
[
conservatisme terminologique
]
[
poème
]
déclaration d'amour
Autant je vivrai, je t'offre ma vie et que puis-je faire ?
Que je verse des larmes ou que je soupire, tes peines je les garde
Tu dis : "Je suis une biche". Laisse-moi t'admirer, un regard ma mie
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Coiffure en bouquet, lèvres délicieuses - l'heure de la merveille,
Allons dans les champs jusqu'à la rivière - l'heure de la gazelle,
Rossignol et Rose, Rose et clos en fleurs - l'heure de la balade,
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Rentrons en causant, l'arbuste a perlé de rosée de nuit.
Chantons en cadence, tulipes colorées la Rose est ouverte.
De jacinthes des bois, rossignols errants le jardin est plein.
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
L'image de Leïla noblement créée parfaite harmonie.
Tes cheveux, ma mie, restèrent sur la lisse je m'évanouis.
Et sur le rosier le rossignol dort comme le jardin est beau.
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Habillée de soie, d'or et bigarrée fine branche de cyprès,
Tu tiens un calice, remplis-le de vin, j'adore ce pichet,
Si tu viens au clos, tu tourmenteras ton Sayat-Nova.
Viens donc au jardin que je chante louanges, ma mie je t'en prie !
Auteur:
Sayat-Nova
Années: 1722 - 1795
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - Arménie
Info:
Autant je vivrai, je t'offre ma vie 2 mai 1757
[
poème
]
conte
Un enfant élevé dans un pauvre village
Revint chez ses parents, et fut surpris d'y voir
Un miroir.
D'abord il aima son image ;
Et puis, par un travers bien digne d'un enfant,
Et même d'un être plus grand,
Il veut outrager ce qu'il aime,
Lui fait une grimace, et le miroir la rend.
Alors son dépit est extrême ;
Il lui montre un poing menaçant,
Il se voit menacé de même.
Notre marmot fâché s'en vient, en frémissant,
Battre cette image insolente ;
Il se fait mal aux mains. Sa colère en augmente ;
Et, furieux, au désespoir,
Le voilà devant ce miroir,
Criant, pleurant, frappant la glace.
Sa mère, qui survient, le console, l'embrasse,
Tarit ses pleurs, et doucement lui dit :
N'as-tu pas commencé par faire la grimace
A ce méchant enfant qui cause ton dépit ?
- Oui. - Regarde à présent : tu souris, il sourit ;
Tu tends vers lui les bras, il te les tend de même ;
Tu n'es plus en colère, il ne se fâche plus :
De la société tu vois ici l'emblème ;
Le bien, le mal, nous sont rendus.
Auteur:
Florian Jean-Pierre Claris de
Années: 1755 - 1794
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - France
Info:
L'enfant et le miroir.
[
poème
]
[
parabole
]
[
éducation
]
amour
Allons, que je vous donne le signalement
De ce petit enfant :
Il est aisé à reconnaître, assurément.
Il n'a pas le teint blanc
Et, pareil à la flamme il est tout rougeoyant.
Sa voix est suave comme le miel
Mais sa pensée est pire que le fiel.
Ce terrible marmot ment et ment toujours :
Ne croyez en aucun de ses discours.
Tout le porte vers des jeux mauvais.
Oui, c'est un enfant cruel, en effet !
Certes, il a de beaux cheveux
Mais son front est des plus malicieux.
Ses mains sont petites, il est vrai,
Mais elles frappent fort au point de résonner
Jusque sur l'Achéron et l'infernal palais.
Il arbore une belle nudité
Mais son âme est fort enveloppée.
Vers nous il aime à s'envoler
Et sur les coeurs il vient se déposer.
Il a un arc et des traits fort menus
Mais sa flèche s'élance jusqu'aux nues.
Sur son dos vous verrez un carquois d'or
Dont les traits m'ont touché et me touchent encor.
Son feu peut sembler misérable
Mais à Hélios lui-même il est fort redoutable.
Si tu me l'attrapes, n'aie pas peur
De me l'amener pieds et poings liés,
Cet infâme sans-coeur.
Pour lui n'éprouve aucune pitié.
S'il veut t'embrasser, fais attention,
Car sa bouche distille un terrible poison.
S'il veut te confier son armement,
Pas touche, car de feu il est toujours fumant !
Auteur:
Moschos de Syracuse
Années: -0150 av. J.-C. env.
Epoque – Courant religieux: Grèce antique
Sexe: H
Profession et précisions: poète bucolique de Grèce antique, élève de Bion de Phlossa,
Continent – Pays: Europe - Grèce
Info:
Éros échappé, Idyll, IX, Eunica. 200 av. J.-C. env
[
poème
]
langage
Parler est facile, et tracer des mots sur la page,
en règle générale, est risquer peu de chose :
un ouvrage de dentellière, calfeutré,
paisible (on a pu même demander
à la bougie une clarté plus douce, plus trompeuse),
tous les mots sont écrits de la même encre,
"fleur" et "peur" par exemple sont presque pareils,
et j’aurai beau répéter "sang" du haut en bas
de la page, elle n’en sera pas tachée,
ni moi blessé.
Aussi arrive-t-il qu’on prenne ce jeu en horreur,
qu’on ne comprenne plus ce qu’on a voulu faire
en y jouant, au lieu de se risquer dehors
et de faire meilleur usage de ses mains.
Cela,
c’est quand on ne peut plus se dérober à la douleur,
qu’elle ressemble à quelqu’un qui approche
en déchirant les brumes dont on s’enveloppe,
abattant un à un les obstacles, traversant
la distance de plus en plus faible – si près soudain
qu’on ne voit plus que son mufle plus large
que le ciel.
Parler alors semble mensonge, ou pire : lâche
insulte à la douleur, et gaspillage
du peu de temps et de forces qui nous reste.
Auteur:
Jaccottet Philippe
Années: 1925 - 2021
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: poète et traducteur d'expression française
Continent – Pays: Europe - Suisse
Info:
Chant d’en bas Editions Gallimard, 1977. Parler, partie 1 sur 8
[
poème
]
[
découragement
]
[
causer
]
[
facilité
]
[
écriture
]
beaux-arts
Le style est la réponse à tout.
L’approche neuve d’une chose terne et dangereuse.
Mieux vaut faire une chose terne avec du style qu’une chose dangereuse sans style.
Faire une chose dangereuse avec style, c’est ça l’art.
La tauromachie peut être un art.
La boxe peut être un art.
Faire l’amour peut être un art.
Ouvrir une boîte de sardines peut être un art.
Rares sont ceux qui ont du style.
Rares sont ceux qui peuvent le garder.
J’ai vu des chiens avoir plus de style que les hommes.
Bien que peu de chiens aient du style.
Les chats en ont à profusion.
Hemingway se faisant gicler la cervelle contre le mur au calibre 12, ça c’est du style.
Quelquefois les gens vous donnent du style.
Jeanne d’Arc avait du style.
Jean-Baptiste,
Jésus,
Socrate,
César,
Garcia Lorca.
J’ai connu en prison des gens qui avaient du style.
J’en ai connus plus en prison que hors de prison.
Le style, c’est une différence. Une façon de faire, une façon d’être.
Six hérons juchés sur leurs pattes dans un étang…
ou vous, qui sortez nu des chiottes, sans me voir.
Auteur:
Bukowski Charles
Années: 1920 - 1994
Epoque – Courant religieux: Récent et Libéralisme économique
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Amérique du nord - Usa
Info:
Mockingbird, Wish Me Luck (Oiseau moqueur, souhaite-moi bonne chance) (1972) Traduction ? merci aux contributeurs si jamais
[
manière
]
[
homme-animal
]
[
poème
]
déclaration d'amour
O mon jardin d’eau fraîche et d’ombre
Ma danse d’être mon cœur sombre
Mon ciel des étoiles sans nombre
Ma barque au loin douce à ramer
Heureux celui qui devient sourd
Au chant s’il n’est de son amour
Aveugle au jour d’après son jour
Ses yeux sur toi seule fermés
Heureux celui qui meurt d’aimer
Heureux celui qui meurt d’aimer
D’aimer si fort ses lèvres closes
Qu’il n’ait besoin de nulle chose
Hormis le souvenir des roses
A jamais de toi parfumées
Celui qui meurt même à douleur
A qui sans toi le monde est leurre
Et n’en retient que tes couleurs
Il lui suffit qu’il t’ait nommée
Heureux celui qui meurt d’aimer
Heureux celui qui meurt d’aimer
Mon enfant dit-il ma chère âme
Le temps de te connaître ô femme
L’éternité n’est qu’une pâme
Au feu dont je suis consumé
Il a dit ô femme et qu’il taise
Le nom qui ressemble à la braise
A la bouche rouge à la fraise
A jamais dans ses dents formée
Heureux celui qui meurt d’aimer
Heureux celui qui meurt d’aimer
Il a dit ô femme et s’achève
Ainsi la vie, ainsi le rêve
Et soit sur la place de grève
Ou dans le lit accoutumé
Jeunes amants vous dont c’est l’âge
Entre la ronde et le voyage
Fou s’épargnant qui se croit sage
Criez à qui vous veut blâmer
Heureux celui qui meurt d’aimer
Heureux celui qui meurt d’aimer
Auteur:
Aragon Louis
Années: 1897 - 1982
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: poète
Continent – Pays: Europe - France
Info:
[
couple
]
[
poème
]
songe
Lorsque la nuit fut noire,
Que le sommeil eût raison de ce qui est,
Je quittai mon lit
Et me dirigeai vers la mer,
Car elle ne dort jamais,
Elle console les esprits qui veillent.
J'atteignis la plage tandis que la brume descendait de la montagne et voilait la plaine.
Au bout d'un moment, je remarquai trois fantômes assis sur un rocher.
Attiré par une force mystérieuse, je me dirigeai vers eux.
A quelques pas, je m'arrêtai, l'âme et l'esprit en émoi.
Un fantôme se leva, et, d'une voix profonde, déclara :
La vie sans amour est un arbre sans fleur,
L'amour sans beauté est une fleur sans parfum,
La Vie, l'Amour et la Beauté sont une trinité divine, formant une unité indivisible et constante.
Il se rassit, et le deuxième fantôme prit la parole d'une voix limpide :
La vie sans révolte est comme les saisons sans printemps,
La révolte sans justice est comme le printemps sans fleur,
La Vie, la Révolte et la Justice sont une trinité divine, une unité indivisible et constante.
Il reprit sa place, puis le troisième fantôme déclama d'une voix tonnante :
La vie sans liberté est un corps sans âme,
La liberté sans esprit est une âme embrouillée,
La Vie, la Liberté et l'Esprit sont une trinité divine, formant une unité indivisible et constante.
Le silence se fit, suivi d'un bruissement d'ailes,
Et puis plus rien.
Même sur le rocher, il n'y avait plus personne.
Auteur:
Gibran Khalil
Années: 1883 - 1931
Epoque – Courant religieux: industriel
Sexe: H
Profession et précisions: écrivain, poète
Continent – Pays: Proche&Moyen Orient - Israël
Info:
"Orages"
[
rêve
]
[
mystique
]
[
vision
]
[
triade
]
[
poème
]
[
ternaire
]
prière
Ce n’est pas une lâche que mon âme
Elle ne tremble pas en ce monde tourmenté d’orages :
Je voix briller les gloires du Ciel
Et la Foi brille à leur égal, me cuirassant contre la Crainte.
O Dieu de dedans ma poitrine,
Toute-puissante, toujours-présente Déité!
Vie qui en moi trouves repos
Comme je tire, impérissable Vie, force de Toi.
Vaines les mille croyances
Qui émeuvent les coeurs, indiciblement vaines,
Sans plus de vertu qu’herbes mortes
Ou que l’écume oiseuse de l’océan sans bornes
Pour semer le doute en une âme
Si fermement rivée à ton Infinité,
Si sûrement ancrée
A l’immuable roc de l’Immortalité.
De cet amour qui tout embrasse
Ton Esprit anime l’éternité des ans;
Des hauteurs où il règne et plane,
Il mue, soutient, défait, créant et vivifiant.
Quand bien même Terre et lune auraient disparu,
Quand bien même soleils et mondes cesseraient d’être,
Et ne restât-il que toi seul,
Toute existence existerait en toi.
Il n’y a point place pour la Mort
Ni d’atome qu’elle ait pouvoir d’anéantir,
Puisque tu es l’Etre et le Souffle
Et que ce que tu es – est à jamais indestructible.
Auteur:
Brontë Emily
Années: 1818 - 1848
Epoque – Courant religieux: préindustriel
Sexe: F
Profession et précisions: écrivain
Continent – Pays: Europe - Angleterre
Info:
Poèmes, trad. Pierre Leyris, Ce n’est pas une lâche que mon âme, No Coward Soul is mine
[
Éternel
]
[
foi chrétienne
]
[
poème
]