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cycle

Dans le cours de l'histoire, le moment de la conservation d'un peuple, d'un État, des sphères subordonnées de sa vie, est un moment essentiel. C'est ce qui est assuré par l'activité des individus qui participent à l'oeuvre commune et concrétisent ses différents aspects. Mais il existe un autre moment : c'est le moment où l'ordre existant est détruit parce qu'il a épuisé et complètement réalisé ses potentialités, parce que l'histoire et l'Esprit du Monde sont allés plus loin. Nous ne parlerons pas ici de la position de l'individu à l'intérieur de la communauté, de son comportement moral et de ses devoirs. Ce qui nous intéresse, c'est seulement l'Esprit avançant et s'élevant à un concept supérieur de lui-même. Mais ce progrès est intimement lié à la destruction et la dissolution de la forme précédente du réel, laquelle a complètement réalisé son concept. Ce processus se produit selon l'évolution interne de l'Idée, mais, d'autre part, il est lui-même produit par les individus qui l'accomplissent activement et qui assurent sa réalisation.
C'est le moment justement où se produisent les grands conflits entre les devoirs, les lois et les droits existants et reconnus, et les possibilités qui s'opposent à ce système, le lèsent, en détruisent le fondement et la réalité, et qui présentent aussi un contenu pouvant paraître également bon, profitable, essentiel et nécessaire. Ces possibilités deviennent dès lors historiques ; elles contiennent un universel d'une autre espèce que celui qui est à la base de l'existence du peuple ou de l'État. Cet universel est un moment de l'Idée créatrice, un moment de l'élan de la vérité vers elle-même.

Auteur: Hegel Georg Wilhelm

Info: La Raison dans l'histoire

[ bascule ] [ société ] [ décadence ]

 

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judaïsme

Les juifs sont-ils vraiment, partout, les promoteurs de la sécularisation ou de la déchristianisation des peuples modernes ? n’est-ce point là une œuvre qui remonte au XVIIIe siècle et à la Révolution, c’est-à-dire à une époque où les juifs n’avaient aucune influence chez nous, où les plus fougueux antisémites n’oseraient parler de prépondérance juive ? Est-ce que le XVIIIe siècle, est-ce que la Révolution ont jamais été imbus de l’esprit juif ? Et puisqu’on se plaît à identifier l’action d’Israël et celle de la franc-maçonnerie, cette assimilation entre l’Alliance israélite universelle et le Grand Orient, entre l’esprit juif et l’esprit maçonnique, est-elle justifiée ? […] Venue d’Angleterre, au commencement du XVIIIe siècle, et d’abord cantonnée dans les couches aristocratiques, la maçonnerie continentale, malgré ses fastueuses maximes de fraternité universelle, est restée longtemps fermée aux juifs. […]

L’obstination des antisémites à identifier les francs-maçons et les juifs, dans ce qu’ils appellent la judéo-maçonnerie, montre seulement leur mauvaise foi ou leur ignorance. Si l’histoire et les faits interdisent de considérer la maçonnerie comme une institution juive, fondée ou dirigée par les juifs, dans un intérêt juif, l’antisémitisme se rabat sur la parenté de l’esprit juif et de l’esprit maçonnique. A l’entendre, les loges, sur le continent au moins, en pays latin surtout, ne seraient plus que de dociles instruments aux mains d’Israël. Lorsque, rompant avec les traditions maçonniques, le Grand Orient rejetait l’autorité du Grand Architecte de l’Univers, les loges françaises auraient obéi aux suggestions de l’esprit juif, comme si la Synagogue avait abjuré son antique monothéisme, et comme si le juif, en révolte contre le Dieu de ses pères, n’aspirait plus qu’à détrôner Jéhovah.

Auteur: Leroy-Beaulieu Anatole

Info: " Les doctrines de haine ", éditions Payot et Rivages, Paris, 2022, pages 102-103

[ sociétés occultes ] [ démythification ] [ réfutation ] [ anti-complotisme ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

éducation

Les paradigmes culturels font obstacle à la compréhension, parce que chacun de nous est doté par la culture de solides oeillères, d'idées préconçues implicites et dissimulées qui contrôlent nos pensées et empêchent la mise à jour des processus culturels.
Il est impossible de dépasser sa propre culture, sans découvrir d'abord ses principaux axiomes cachés et ses croyances implicites sur ce qu'est la vie et la façon de la vivre, de la concevoir, de l'analyser, d'en parler, de la décrire et de la changer. Parce que les cultures sont des entités systématiques (composées de systèmes associés, dans lesquels chaque élément est en relation fonctionnelle et réciproque avec les autres éléments) qui sont fortement reliées au contexte, il est difficile de les décrire de l'extérieur. Une culture donnée ne peut être comprise simplement en termes de contenu et de parties. Il faut connaître l'agencement des parties en un tout, le fonctionnement des systèmes et des dynamismes principaux et la nature de leurs relations. Et ceci nous mène à un point capital : il est impossible de parler convenablement d'une culture uniquement de l'intérieur ou de l'extérieur sans se référer à une autre culture. Les personnes qui possèdent une double culture, ainsi que les situations de contacts culturels, augmentent les occasions de comparaison. Il existe deux autres situations qui mettent à découvert la structure cachée d'une culture : l'éducation des enfants, qui nécessite des explications, et l'écroulement des institutions culturelles traditionnelles tel qu'il se produit en ce moment. La tâche est loin d'être simple. Cependant, la compréhension de nous-même et du monde que nous avons créé, et qui à son tour nous crée, est peut-être la seule tâche vraiment importante que doive affronter aujourd'hui l'humanité.

Auteur: Twitchell Hall Edward

Info: Au-delà de la culture

[ société ] [ mettre en question ] [ culture ]

 

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féminisme

Le fait est que les hommes rencontrent plus de complicité chez leurs compagnes que l'oppresseur n'en trouve habituellement chez l'opprimé ; et en toute mauvaise foi, ils en prennent prétexte pour déclarer que la femme a voulu le destin qu'ils lui ont imposé.  Nous avons vu qu'en réalité toute son éducation conspire à lui barrer les chemins de la révolte et de l'aventure ; toute la société - à commencer par ses respectables parents - lui ment en lui vantant la haute valeur de l'amour, du dévouement, du don de soi et en lui cachant que ni amant, ni mari, ni enfants ne seront disposés à en supporter la lourde responsabilité. Elle accepte allègrement ces mensonges parce qu'ils l'invitent à prendre la pente facile : et c'est là le pire des crimes commis contre elle ; dès son enfance et tout au long de sa vie, elle est gâtée, elle est corrompue par le fait que cette résignation, tentante pour tout individu soucieux de sa liberté, est censée être sa vocation ; si on encourage un enfant à être paresseux en le divertissant sans cesse, sans lui donner l'occasion d'étudier, sans lui en montrer la valeur, personne ne dira quand il atteindra l'âge d'homme qu'il a choisi d'être incapable et ignorant ; c'est ainsi que la femme est élevée, sans qu'on lui ait jamais appris la nécessité d'assumer sa propre existence ; elle se laisse volontiers dépendre de la protection, de l'amour, de l'aide et de la direction des autres ; elle se laisse fasciner par l'espoir de pouvoir réaliser son être sans rien faire. Elle a tort de céder à cette tentation ; mais l'homme est mal avisé de le lui reprocher puisque c'est lui-même qui l'a provoquée.

Auteur: Beauvoir Simone de

Info: Le Deuxième Sexe

[ société patriarcale ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

rationalisation technicienne

A chacun, il devrait être possible d’aller jusqu’au terme de son "capital" biologique, de jouir "jusqu’au bout" de sa vie, sans violence ni mort précoce. Comme si chacun avait son petit schéma de vie imprimé, son "espérance normale" de vie, un "contrat de vie" au fond – d’où la revendication sociale de cette qualité de vie dont fait partie la mort naturelle. Nouveau contrat social : c’est toute la société, avec sa science, sa technique, qui devient solidairement responsable de la mort de chaque individu. Cette revendication peut d’ailleurs impliquer une mise en cause de l’ordre existant, du même type que les revendications salariales et quantitatives : c’est l’exigence d’une juste durée de vie, comme d’une juste rétribution de la force de travail. Pour l’essentiel, ce droit, comme tous les autres, cache une juridiction répressive. Chacun a droit, mais en même temps devoir de mort naturelle. Car celle-ci est la mort caractéristique du système de l’économie politique, son type de mort obligé :


  1. Comme système de maximisation des forces productives [...].

  2. Bien plus important : que chacun ait droit à sa vie (habeas corpus – habeas vitam) – c’est la juridiction sociale étendue à la mort. La mort est socialisée comme tout le reste : elle ne peut plus être que naturelle, car toute autre mort est un scandale social : on n’a pas fait ce qu’il fallait. Progrès social ? Non : progrès du social, qui s’annexe même la mort. [...] Le principe de la mort naturelle équivaut à une neutralisation de la vie tout court. De même pour la question de l’égalité devant la mort : il faut réduire la vie à la quantité (et donc la mort à rien) pour l’ajuster à la démocratie et à la loi des équivalences. 

Auteur: Baudrillard Jean

Info: Dans "L'échange symbolique et la mort", éditions Gallimard, 1976, pages 266-267

[ société de contrôle ] [ gestion ] [ survie ]

 

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idéal immanent

Il y a une dizaine d’années, je rendis visite dans un hôpital californien à un malade sans espoir de guérison.

A mon "how are you?”, il répondit par un geste qui ne semblait pas englober sa seule chambre mais l’humanité tout entière et me murmura quelque chose comme : "Nous ne savons pas grand-chose, aucun de nous." Alors que je lui demandai ce qu’il voulait dire, il haussa d’abord les épaules, comme si la réponse allait de soi, puis il me répondit en me posant à son tour une question : "Well... can they preserve us ?" ("Peuvent-ils nous conserver ?") Le pronom "they" renvoyait aux médecins ; quant au terme de "preserves", il sert à désigner des "fruits en conserve". Il voulait dire : "Peuvent-ils nous mettre en conserve ?"

Je répondis par la négative.

"And spare men they haven’t got either ?“ (“Et des hommes de rechange, ils n’en ont pas non plus ?"), dit-il ensuite.

"Spare men ?" ("Des hommes de rechange ?"), demandai-je intrigué.

"Well, don’t we have spare things for everything ?” (“N’avons-nous pas des pièces de rechange pour tout ?") poursuivit-il.

Je compris enfin. Il avait forgé l’expression "spare men", hommes de rechange, sur le modèle de "spare bulb", ampoule de rechange, ou de "spare wheel", roue de secours. Il voulait dire : "Et des hommes de rechange, ils n’en ont pas en stock pour nous ?" Une nouvelle ampoule électrique, pour ains dire, qu’il suffirait de visser à sa place lorsqu’il s’éteindrait.

Ses dernières paroles furent : "Isn’t it a shame ?" ("N’est-ce pas une honte ?")

L’infériorité dont il souffrait était donc double : d’abord on ne pouvait pas le conserver comme un fruit ; ensuite on ne pouvait pas le remplacer comme une ampoule ; il était tout simplement un exemplaire unique et périssable. La honte était indéniable.

Auteur: Anders Günther Stern

Info: Dans "L'obsolescence de l'homme", trad. de l'allemand par Christophe David, éditions Ivrea, Paris, 2002, pages 71-72

[ société marchande ] [ rêve d'immortalité ] [ jalousie ] [ intrinsèque singularité ] [ désir d'auto-réification ] [ signifiants ]

 

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offre-demande

Comment rentabiliser les milliards investis dans les micro et nanotechnologies ? En leur trouvant des applications sous forme d’objets et de services à vendre. Pour s’assurer du succès des nouveaux produits et de leur "acceptabilité" par la société, ingénieurs et industriels s’associent à des chercheurs en sciences sociales au sein d’un labo spécialisé : IDEAs Lab.

[…]

La hantise des industriels qui investissent dans le développement d’"innovations", c’est l’échec commercial. Comme celui des OGM, qui a fait plonger les multinationales de l’agro-business. Dominique David, du LETI : "dans la high tech, les marchés les plus importants seront ceux tirés par le grand public." Comment éviter les mauvaises surprises ? "Nous ne prétendons pas trouver la vérité : nous réduisons la part des incertitudes et des opportunités manquées", répond Michel Ida. "Ceci grâce à l’apport d’autres disciplines scientifiques, en particulier les sciences humaines, qui disposent de méthodes éprouvées pour faire naître des idées et évaluer un projet" . Bref, ils ont les moyens de nous faire consommer.

Dans leur techno-jargon, experts, scientifiques et industriels parlent d’"acceptabilité". On sait l’importance de la propagande (publicité, marketing, communication, relations publiques, sponsoring, lobbying, etc) pour fourguer aux "gens" toutes sortes de produits dont ils ignoraient le besoin ("comment j’ai fait pour m’en passer ?") et qu’éventuellement ils jugeaient néfastes. On connaît moins l’intervention des sciences humaines en amont, avant même la conception du produit, et leurs "méthodes éprouvées pour faire naître des idées et évaluer un projet". C’est ce qu’on découvre à regarder IDEAs Lab d’un peu plus près.

"Quand les bénéfices perçus prennent le pas sur les inconvénients, les inquiétudes disparaissent, affirme Patrice Senn, directeur du laboratoire Objets Communicants de France Telecom R&D, co-fondateur d’IDEAs Lab. Devant les facilités offertes par la carte bancaire ou les téléphones portables, les utilisateurs oublient qu’ils sont suivis à la trace." Voilà l’admirable efficacité de la méthode dite de "Conception Assistée par l’Usage" ("design smart process"), au cœur du dispositif d’IDEAs Lab.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Aujourd'hui le nanomonde", pages 219 à 222

[ vente forcée ] [ création du besoin ] [ opinion publique ] [ société de profit ]

 

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postmodernité

Cette dépressivité chronique du sujet, que j’appelle [...] la mélancolisation du sujet postmoderne, a plusieurs conséquences possibles. Soit le sujet [...] prend à son compte cette carence de l’Autre, et c’est alors sur le moi que tombe l’ombre de l’objet perdu, amenant les effets de la dépression vraie que sont l’inhibition à penser et agir, la tristesse dévalorisatrice et dans les cas extrêmes le passage à l’acte suicidaire par identification à l’objet perdu. Soit le sujet tente désespérément de retrouver une figure de l’Autre qui tienne le coup. C’est en ce point de panne de l’Autre que les parlottes modernes trouvent leur point d’accrochage avec la dynamique subjective individuelle. La parlotte de la technologie en proposant la direction de la vie du sujet à partir d’un savoir scientifique semble proposer une réponse adéquate à la panne de l’Autre. Cependant, [...] l’arrimage de ce savoir n’est en rien enraciné dans une subjectivation, il est produit par des démonstrations d’énoncés. Le sujet reste alors soumis au savoir de la technique et n’a plus comme solution que de se conformer en acte aux prescriptions de la science. Quand celle-ci, comme la science médicale, propose en sus une réparation de la mélancolisation par une prise de médicament, la boucle, celle du circuit ∞, est bouclée. Le sujet devient consommateur d’antidépresseurs, et la cause initiale de sa dépression, la vacance de l’Autre, se trouve radicalement évacuée.

Mais le sujet peut aussi trouver une autre fausse issue à la rencontre de la panne de l’Autre dans les parlottes modernes. Face à sa plainte, le sujet peut croire que ceux qui construisent leur propre savoir, les gourous modernes, tiennent place d’incarnation imaginaire de l’Autre. [...] Le savoir du gourou prend la place du savoir de l’Autre, la place de la garantie. La secte devient ainsi pour le sujet mélancolisé, un lien où l’Autre retrouve d’une part une figure identifiable et admirable, d’autre part un lieu où l’individu peut être reconnu par les pairs et par l’incarnation de l’Autre, s’il se soumet aux règles de la secte. Là encore, la boucle en ∞ est bouclée, et le sujet aliéné à la parlotte du gourou peut se croire guéri de sa mélancolie par recréation de l’Autre complet. La dépression grave qui suit la sortie des adeptes des diverses sectes qui fleurissent dans le lien social postmoderne témoigne de l’effet masque que possède la secte et son fonctionnement sur le fonctionnement psychique des sujets qui s’y engagent.

Auteur: Lesourd Serge

Info: Dans "Comment taire le sujet ?", éditions Érès, 2010, pages 206-207

[ théorie des discours ] [ chute du nom-du-père ] [ société sans références ] [ modalités de suppléance ] [ souffrance ]

 

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fausse alternative

"Les condamnés à mort peuvent décider librement s’ils veulent, pour leur dernier repas, que les haricots leur soient servis sucrés ou salés." 

(Extrait d’un article paru dans la presse)

Puisqu’on a déjà tranché au-dessus de leurs têtes.

Nous aussi, nous pouvons décider de nous faire servir comme plat du jour l’explosion d’une bombe ou bien une course de bobsleigh. Parce que au-dessus de nos têtes, à nous qui opérons ce libre choix, avant même notre libre choix, on a déjà tranché. On a déjà décidé que c’est en tant que consommateurs de radio ou de télévision que nous devons opérer ce choix : en tant qu’êtres condamnés, au lieu de faire l’expérience du monde, à se contenter de ses fantômes ; en tant qu’êtres qui, au fond, ne souhaitent plus rien, pas même une nouvelle liberté de choix qu’ils ne sont d’ailleurs sans doute même plus capables de se représenter.

Le jour où j’exprimai ces idées lors d’un colloque consacré à la culture, on m’interrompit pour me dire qu’après tout on était toujours libre d’éteindre son appareil et même de ne pas en acheter ; on était toujours libre de se tourner vers le "monde réel" et seulement vers lui. Ce que je contestai. Parce que en réalité, on n’a pas moins tranché au-dessus de la tête des grévistes que des consommateurs : que nous jouions le jeu ou pas, nous le jouons, parce qu’on joue avec nous. Quoi que nous fassions ou que nous nous abstenions de faire, notre grève privée n’y change rien, parce que nous vivons désormais dans une humanité pour laquelle le "monde" et l’expérience du monde ont perdu toute valeur : rien désormais n’a d’intérêt, si ce n’est le fantôme du monde et la consommation de ce fantôme. [...]

Affirmer qu’ "on" aurait la liberté de posséder ou non ces sortes d’appareils, de les utiliser ou non, est naturellement une pure illusion. Ce n’est pas en se contentant de rappeler aimablement qu’il faut tenir compte de la "liberté humaine" que l’on viendra à bout du fait qu’on nous pousse à la consommation. Que, dans le pays où la liberté de l’individu s’écrit en lettres majuscules, on désigne certaines marchandises comme des "musts", c’est-à-dire comme des marchandises qu’il faut absolument posséder, cela n’évoque pas précisément la liberté. [...] Celui qui prend la "liberté" de renoncer à l’un d’eux renoncer ainsi à tous, et donc à sa propre vie. "On" pourrait faire cela ? Qui est cet "on" ?

Auteur: Anders Günther Stern

Info: Dans "L'obsolescence de l'homme", trad. de l'allemand par Christophe David, éditions Ivrea, Paris, 2002, pages 15-16

[ société marchande ] [ injonctions ] [ code ] [ contrainte ] [ routines consuméristes ]

 

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démocratie

La protodémocratie athénienne (bien connue en grande partie grâce à Aristote) reposait sur un principe intangible, qu'illustre parfaitement la formule de Lincoln : "le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ". Le peuple était toujours à la manoeuvre et ne déléguait à l'exécutif que les tâches qu'il ne pouvait effectuer lui-même. Ce principe était garanti par l'isonomia, l'égalité devant la loi, l'isokratia, l'égalité des pouvoirs, et l'isêgoria, l'égalité de la parole. Était citoyen tout homme libre âgé de plus de vingt ans.
On estime le nombre des citoyens à 30.000, 60.000 au pic de peuplement. Les femmes, les enfants, les métèques et les esclaves étaient exclus de l'activité politique. Cette quadruple exclusive est à replacer dans son contexte historique.
L'Ekklesia, l'assemblée démocratique, exigeait un quorum de 6.000 citoyens, mais ils pouvaient être plus nombreux. Elle se réunissait tous les neuf jours en moyenne (la fréquence des séances augmentait en cas de crise) sur la colline du Pnyx, où l'on avait aménagé une tribune semi-circulaire. L'Ekklesia n'était pas une pétaudière. Elle suivait un ordre du jour strict élaboré par le Conseil des Cinq-cents (la Boulê), mais elle pouvait obliger celui-ci à insérer une affaire particulière dans l'ordre du jour de la séance suivante. Tout citoyen, quel que fût son rang, avait droit à la parole et était écouté attentivement. Le vote s'effectuait à main levée, un homme, une voix. La mission de la Boulê ne se bornait pas à encadrer les séances de l'Ekklesia et à en établir l'ordre du jour. Elle rédigeait aussi les propositions de décret ou de loi, et contrôlait étroitement le travail des autres magistrats civils et militaires (droit d'inventaire).
Les cinq cent bouleutes, cinquante par tribu, étaient tirés au sort à l'aide d'une machine, le klêrôtêrion, parmi les citoyens volontaires. Un comité vérifiait les aptitudes (procédure de la docimasie) de ces derniers. Les recalés pouvaient faire appel de la décision auprès du tribunal du peuple. Le bouleute était nommé pour un an. Un citoyen ne pouvait être mandaté plus de deux fois et jamais deux années consécutives. Pendant son temps de service, le bouleute était rémunéré (rien de mirobolant) et nourri aux dépens du contribuable.
Il y avait une présidence de l'État athénien, qui durait vingt-quatre heures. Le président ou épistate était tiré au sort parmi les cinquante prytanes du groupe tribal entré en fonction (un groupe relayait l'autre tous les trente-six jours). Chaque citoyen était susceptible de devenir un jour président. Les membres du tribunal du peuple, l'Héliée, se recrutaient également par tirage au sort, toujours parmi des volontaires.
Les trois pouvoirs, le pouvoir législatif (l'Ekklesia), le pouvoir exécutif (la Boulê) et le pouvoir judiciaire (l'Héliée), étaient séparés. Montesquieu s'en est souvenu dans L'Esprit des lois (1748). La cooptation de l'un à l'autre était rendue impossible par le tirage au sort. Les Athéniens étaient des hommes pragmatiques. Ils ne croyaient pas à la bonté naturelle de l'homme. Ils avaient compris qu'un type qui se sent la " vocation " de gouverner est précisément la dernière personne à qui l'on devrait confier le pouvoir. Même les plus vertueux succombent à son attrait. Ils inventèrent donc, pour les pouvoirs exécutif et judiciaire, un système de sélection procédurier, basé sur des examens préalables et, à certains niveaux, le hasard contrôlé (stochocratie partielle), et l'assortirent d'une clause de non-cumul et de non-renouvellement des mandats.
La démocratie athénienne encourageait l'amateurisme et se donnait les moyens de le conserver. La procédure de l'ostracisme était lancée dès lors qu'un citoyen soupçonnait un autre citoyen riche et charismatique de vouloir tirer avantage de sa position pour tenter un coup de force. La formule combine plusieurs modes de fonctionnement, mais ne les multiplie pas non plus à l'excès. Elle est relativement bien balancée. Il serait intéressant de la réévaluer à l'aune des expériences de la démocratie associative.

Auteur: Rouziès-Léonardi Bertrand

Info:

[ historique ] [ Grèce antique ] [ société ]

 

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