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géopolitique

L’Allemagne était [au début du 16e siècle] un pays sans unité : voilà l’essentiel. Il y avait, nombreux, forts, actifs, des Allemands, beaucoup d’Allemands parlant des dialectes voisins les uns des autres, ayant dans une large mesure des mœurs, des usages, des façons d’être et de penser communes. Ces Allemands formaient une "nation" au sens médiéval du mot. Ils n’étaient point groupés, tous, solidement, dans un État bien unifié et centralisé, corps harmonieux aux mouvements commandés par un unique cerveau.

Dans une Europe qui, partout, s’organisait autour des rois, l’Allemagne restait sans souverain national. Il n’y avait pas de roi d’Allemagne, comme il y avait, et depuis bien longtemps, un roi de France, un roi d’Angleterre, riches, bien servis, prestigieux, et sachant rallier aux heures de crise toutes les énergies du pays autour de leur personne et de leur dynastie. Il y avait un empereur, qui n’était plus qu’un nom, et un Empire qui n’était plus qu’un cadre. Dans ce cadre démesuré, le nom, le trop grand nom écrasait de son poids un homme faible, un homme pauvre — parfois un pauvre homme — qu’un vote, disputé comme un marché de foire, élevait finalement à la dignité suprême, mais impuissante.

En un temps où se révélait la valeur de l’argent, au temps décrit dans le livre classique d’Ehrenberg, l’empereur en tant que tel était un indigent. De son Empire il ne tirait plus rien de substantiel. La valeur d’une noisette, disait Granvelle — moins que, de leur évêché, certains évêques allemands. Fondus, les immenses domaines impériaux qui avaient fait la force des Saxons et des Franconiens. Concédés, aliénés, usurpés les droits régaliens, les droits de collation, tout ce qui aurait pu nourrir un budget régulier. Et cependant, plus que tout autre souverain de son temps, le prince au titre retentissant mais à qui les diètes, s’ingéniant, refusaient tout subside, aurait eu pour agir besoin d’être riche. Car, titulaire d’une dignité éminente et qui ne se transmettait pas, comme un royaume, par hérédité ; né d’un vote en faveur d’un prince chrétien qui n’était pas plus obligatoirement allemand que le pape n’était forcément italien   — l’empereur, courbé sous le poids d’une couronne lourde d’un trop lourd passé, devait courir partout, et veiller au monde en même temps qu’à l’Allemagne. Si, dans ce pays, son autorité de jour en jour périclitait — c’est que sa grandeur même empêchait d’agir ce souverain d’un autre âge. Elle le tenait enchaîné devant les véritables maîtres des pays germaniques : les princes, les villes.

Les princes avaient sur l’empereur une grande supériorité. Ils étaient les hommes d’un seul dessein. Et d’une seule terre. Ils n’avaient pas de politique mondiale à suivre, eux — pas de politique "chrétienne" à conduire. L’Italie ne les sollicitait pas. Ils ne dédaignaient point, certes, d’y faire de temps à autre un voyage fructueux. Mais ils n’allaient point là-bas, comme les empereurs, poursuivre des chimères vieillies ou d’illusoires mirages. Tandis que les Césars fabriqués à Francfort par les soins diligents de quelques-uns d’entre eux, se ruinaient en de folles et stériles aventures, une seule chose tenait les princes en souci : la fortune de leur maison, la grandeur et la richesse de leur dynastie. Précisément, à la fin du XVe siècle, au début du XVIe siècle, on les voit opérer un peu partout, en Allemagne, un vigoureux effort de concentration politique et territoriale. Plusieurs d’entre eux, profitant de circonstances favorables, de hasards heureux, s’employaient à constituer des états solides, moins morcelés qu’auparavant. Dans le Palatinat, en Wurtemberg, en Bavière, en Hesse, dans le Brandebourg et le Mecklembourg, ailleurs encore, la plupart des maisons qui, à l’époque moderne, joueront dans l’histoire allemande un rôle de premier plan, affirment dès le début du XVIe siècle une vigueur nouvelle et unifient leurs forces pour de prochaines conquêtes.

On va donc vers une Allemagne princière. On y va seulement. N’ayant point à sa tête de chef souverain vraiment digne de ce nom, l’Allemagne paraît tendre à s’organiser sous huit ou dix chefs régionaux, en autant d’états solides, bien administrés, soumis à un vouloir unique. Mais cette organisation, elle n’existe point encore. Au-dessus des princes il y a toujours l’empereur. Ils ne sont souverains que sous sa souveraineté. Et au-dessous d’eux, ou plutôt, à côté d’eux, il y a (pour ne point parler des nobles indisciplinés et pillards), les villes.

Les villes allemandes au seuil du XVIe siècle : une splendeur. Et telle, que les étrangers ne voient qu’elles lorsqu’ils visitent l’Allemagne, comme si l’éclat des cités éblouissait leurs yeux. Vingt capitales, chacune possédant en propre ses institutions, ses industries, ses arts, ses costumes, son esprit. Celles du Sud : l’Augsbourg des Fugger, porte d’entrée et de sortie du trafic italo-germain, préface pittoresque avec ses maisons peintes à fresque, du monde ultramontain. Mieux encore, Nuremberg, la patrie de Durer, de Fischer, d’Hans Sachs, de Martin Behaim, assise au pied de son Burg à mi-chemin entre Main et Danube. Mais celles du Nord aussi : l’industrieuse et réa-iste Hambourg, légère de scrupules et commençant sa magnifique ascension ; Lübeck, reine déjà déclinante de la Hanse ; Stettin, la ville du blé, et, tout au loin, Dantzig, ses vastes édifices, ses grandes églises de brique, enseignes d’une propriété sans défaillance. Sur le front oriental, Francfort-sur-l’Oder, entrepôt du trafic polonais ; Breslau, porte naturelle de la Silésie. Et à l’Ouest, sur le grand fleuve fougueux, la brillante pléiade des villes rhénanes, de Cologne à Bâle ; par-derrière, l’énorme marché francfortois ; et par-derrière encore Leipzig, un carrefour, au vrai cœur de cette Allemagne multiple. 

[…] Implantées au milieu des domaines princiers, elles [les villes] les trouent, les déchiquettent, limitent leur expansion, les empêchent de se constituer fortement. Elles-mêmes, peuvent-elles s’étendre ? Non. Se fédérer ? Non plus. Autour de leurs murailles, le plat pays : des campagnes soumises à un droit dont le droit de la ville est la négation. Là, sous des maîtres avides, des paysans incultes et grossiers, parfois misérables, prêts à se révolter et grondant sous le joug, étrangers en tout cas à la culture urbaine, si particuliers que les artistes peintres et graveurs ne se lassent pas de décrire leurs aspects sauvages, leurs mœurs primitives. Les villes veulent-elles s’entendre, collaborer ? Ce ne peut être que par-dessus de larges étendues, de vastes territoires hétérogènes qui contrastent avec elles, vigoureusement, en tout. Ces civilisations urbaines, si prestigieuses : des civilisations d’oasis. Ces villes : des prisonnières, vouées à l’isolement, et que guettent les princes, et qui se guettent l’une l’autre.

Leurs ressources, leurs richesses, à quoi vont-elles ? Aux arsenaux dont elles s’enorgueillissent, mais qui les ruinent. Aux canonniers, techniciens exigeants, qu’il faut payer très cher. Aux remparts, aux bastions sans cesse à réparer, parfois à modifier de fond en comble... Et encore, ces ressources, elles vont aux ambassades, aux missions diplomatiques lointaines, aux courriers sans cesse sur les hauts chemins et pour quelles randonnées furieuses ! Villes libres, elles payent leur liberté : trop cher. Car malgré tous les sacrifices, elles sont faibles, à la merci du prince qui s’installe sur le fleuve, en amont, en aval, pour barrer le trafic ; à la merci du hobereau qui les détrousse et les nargue, du haut de son nid d’aigle imprenable pour des milices bourgeoises, à la merci de la cité rivale, qui, rompant les accords, se retourne contre la voisine jalousée.

Faiblesse, sous des apparences de prospérité ; surprenante faiblesse politique contrastant avec tant de puissance économique. Ces cités si brillantes et qui offusquent de leur éclat nos villes françaises du temps, comme leurs bourgeois sont loin de ce sens national, de ce sens politique qui, aux époques de crise, groupe autour du roi toutes les bonnes villes de France empressées à maintenir Louis XI contre les hommes du Bien public, ou, contre les princes, Charles VIII ! Parties d’un tout bien ordonné, les cités françaises d’où la culture rayonne sur les campagnes qu’elles "urbanisent" à leur image. Les villes allemandes : des égoïsmes furieux, en lutte sans répit contre d’autres égoïsmes.

D’une telle situation, si fiers de leurs fortunes, de leur sens des affaires, de leurs belles réussites, les Allemands souffraient. Ils souffraient de ne former qu’un pays divisé, fait de pièces et de morceaux, sans chef, sans tête : un amalgame confus de villes autonomes et de dynasties plus ou moins puissants.

Auteur: Febvre Lucien

Info: Un destin : Martin Luther, PUF, 1968, pages 64 à 67

[ historique ] [ teutons ] [ renaissance ]

 

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nanomonde

Comment l’IA impacte la recherche sur la structure des protéines

Chaque être humain possède plus de 20 000 protéines. Par exemple l’hémoglobine qui s’occupe du transport de l’oxygène depuis les poumons vers les cellules de tout le corps, ou encore l’insuline qui indique à l’organisme la présence de sucre dans le sang.

Chaque protéine est formée d’une suite d’acides aminés, dont la séquence détermine son repliement et sa structure spatiale – un peu comme si un mot se repliait dans l’espace en fonction des enchaînements de lettres dont il est composé. Cette séquence et ce repliement (ou structure) de la protéine déterminent sa fonction biologique : leur étude est le domaine de la « biologie structurale ». Elle s’appuie sur différentes méthodes expérimentales complémentaires, qui ont permis des avancées considérables dans notre compréhension du monde du vivant ces dernières décennies, et permet notamment la conception de nouveaux médicaments.

Depuis les années 1970, on cherche à connaître les structures de protéines à partir de la seule connaissance de la séquence d’acides aminés (on dit « ab initio »). Ce n’est que très récemment, en 2020, que ceci est devenu possible de manière quasi systématique, avec l’essor de l’intelligence artificielle et en particulier d’AlphaFold, un système d’IA développé par une entreprise appartenant à Google.

Face à ces progrès de l’intelligence artificielle, quel est désormais le rôle des chercheurs en biologie structurale ?

Pour le comprendre, il faut savoir qu’un des défis de la biologie de demain est la "biologie intégrative", qui a pour objectif de comprendre les processus biologiques au niveau moléculaire dans leurs contextes à l’échelle de la cellule. Vu la complexité des processus biologiques, une approche pluridisciplinaire est indispensable. Elle s’appuie sur les techniques expérimentales, qui restent incontournables pour l’étude de la structure des protéines, leur dynamique et leurs interactions. De plus, chacune des techniques expérimentales peut bénéficier à sa manière des prédictions théoriques d’AlphaFold.

(Photo) Les structures de trois protéines de la bactérie Escherichia coli, déterminées par les trois méthodes expérimentales expliquées dans l’article, à l’Institut de Biologie Structurale de Grenoble. Beate Bersch, IBS, à partir d’une illustration de David Goodsell, Fourni par l'auteur

La cristallographie aux rayons X

La cristallographie est, à cette date, la technique la plus utilisée en biologie structurale. Elle a permis de recenser plus de 170 000 structures de protéines dans la "Protein Data Bank", avec plus de 10 000 repliements différents.

Pour utiliser la cristallographie à rayons X, il faut faire "cristalliser les protéines". On dit souvent que cette technique est limitée par la qualité de cristaux de protéines, qui est moindre pour les grosses protéines. Mais cette notion ne correspond pas toujours à la réalité : par exemple, la structure du ribosome, l’énorme machine moléculaire qui assemble les protéines, a été résolue à 2,8 angströms de résolution. Venkatraman Ramakrishnan, Thomas Steitz et Ada Yonath ont reçu le prix Nobel de chimie en 2009 pour ce travail.

Avec le développement récent du laser X à électron libre (XFEL), il est devenu possible d’étudier simultanément des milliers de microcristaux de protéines à température ambiante et à l’échelle de la femtoseconde (10-15 secondes, soit un millionième de milliardième de seconde, l’échelle de temps à laquelle ont lieu les réactions chimiques et le repliement des protéines). Cette technique permet d’imager les protéines avant qu’elles ne soient détruites. Elle est en train de révolutionner la "cristallographie cinétique", qui permet de voir les protéines "en action", ainsi que la recherche de médicaments.

Pour l’instant, l’apport d’AlphaFold à l’étude de la structure des protéines par cristallographie s’est concentré dans la génération de modèles de protéines assez précis pour appliquer la technique dite de "remplacement moléculaire" à la résolution des structures.

La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire

Une autre méthode expérimentale pour étudier la structure des protéines est la "spectroscopie par résonance magnétique nucléaire". Alors que son alter ego d’imagerie médicale, l’IRM, regarde la distribution spatiale d’un seul signal, caractéristique des éléments chimiques dans les tissus biologiques observés, en spectroscopie par résonance magnétique nucléaire, c’est un ensemble de signaux provenant des atomes constituant la protéine qui est enregistré (ce qu’on appelle le "spectre").

Généralement, la détermination de la structure par résonance magnétique est limitée à des protéines de taille modeste. On calcule des modèles de molécules basés sur des paramètres structuraux (comme des distances interatomiques), provenant de l’analyse des spectres expérimentaux. On peut s’imaginer cela comme dans les débuts de la cartographie, où des distances entre des points de référence permettaient de dessiner des cartes en 2D. Pour faciliter l’interprétation des spectres qui contiennent beaucoup d’information, on peut utiliser des modèles obtenus par prédiction (plutôt qu’expérimentalement), comme avec AlphaFold.

En plus de la détermination structurale, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire apporte deux atouts majeurs. D’une part, en général, l’étude est effectuée avec un échantillon en solution aqueuse et il est possible d’observer les parties particulièrement flexibles des protéines, souvent invisibles avec les autres techniques. On peut même quantifier leur mouvement en termes d’amplitude et de fréquence, ce qui est extrêmement utile car la dynamique interne des protéines est aussi cruciale pour leur fonctionnement que leur structure.

D’autre part, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire permet de détecter aisément les interactions des protéines avec des petites molécules (ligands, inhibiteurs) ou d’autres protéines. Ceci permet d’identifier les sites d’interaction, information essentielle entre autres pour la conception rationnelle de molécules actives comme des médicaments.

Ces propriétés font de la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire un outil extraordinaire pour la caractérisation fonctionnelle des protéines en complémentarité avec d’autres techniques expérimentales et l’IA.

La "cryomicroscopie électronique"

La cryomicroscopie électronique consiste à congeler ultrarapidement (environ -180 °C) un échantillon hydraté dans une fine couche de glace, qui sera traversée par les électrons. Les électrons transmis vont générer une image de l’échantillon, qui après analyse, permet d’accéder à des structures qui peuvent atteindre la résolution atomique. En comparaison, un microscope optique n’a un pouvoir résolutif que de quelques centaines de nanomètres, qui correspond à la longueur d’onde de la lumière utilisée ; seul un microscope utilisant une source possédant des longueurs d’onde suffisamment faibles (comme les électrons pour la microscopie électronique) possède un pouvoir résolutif théorique de l’ordre de l’angström. Le prix Nobel de Chimie 2017 a été décerné à Jacques Dubochet, Richard Henderson et Joachim Frank pour leurs contributions au développement de la cryomicroscopie électronique.

Avec de nombreux développements technologiques, dont celui des détecteurs à électrons directs, depuis le milieu des années 2010, cette technique est devenue essentielle en biologie structurale en amorçant une "révolution de la résolution". En effet, la cryomicroscopie électronique permet désormais d’obtenir des structures avec une résolution atomique, comme dans le cas de l’apoferritine – une protéine de l’intestin grêle qui contribue à l’absorption du fer – à 1,25 angström de résolution.

Son principal atout est de permettre de déterminer la structure d’objets de taille moyenne, au-delà de 50 000 Dalton (un Dalton correspond environ à la masse d’un atome d’hydrogène), comme l’hémoglobine de 64 000 Dalton, mais également d’objets de quelques milliards de daltons (comme le mimivirus, virus géant d’environ 0,5 micromètre).

Malgré toutes les avancées technologiques précédemment évoquées, la cryomicroscopie ne permet pas toujours de résoudre à suffisamment haute résolution la structure de "complexes", constitués de plusieurs protéines. C’est ici qu’AlphaFold peut aider et permettre, en complémentarité avec la cryomicroscopie, de décrire les interactions au niveau atomique entre les différents constituants d’un complexe. Cette complémentarité donne une force nouvelle à la cryomicroscopie électronique pour son rôle à jouer demain en biologie structurale.

Les apports d’AlphaFold

AlphaFold permet de prédire la structure de protéines uniquement à partir de leur séquence avec la connaissance acquise par la biologie structurale expérimentale. Cette approche est révolutionnaire car les séquences de beaucoup de protéines sont connues à travers les efforts des séquençages des génomes, mais déterminer leurs structures expérimentalement nécessiterait des moyens humains et techniques colossaux.

À l’heure actuelle, ce type de programme représente donc un acteur supplémentaire de complémentarité, mais ne se substitue pas aux techniques expérimentales qui, comme nous l’avons vu, apportent aussi des informations complémentaires (dynamiques, interfaces), à des échelles différentes (des sites métalliques aux complexes multiprotéiques) et plus fiables, car expérimentalement vérifiées. Au-delà de la pure détermination structurale d’une protéine isolée, la complexité des systèmes biologiques nécessite souvent une approche pluridisciplinaire afin d’élucider mécanismes et fonctions de ces biomolécules fascinantes que sont les protéines.

Auteur: Internet

Info: Published: December 19, 2022 Beate Bersch, Emmanuelle Neumann, Juan Fontecilla, Université Grenoble Alpes (UGA)

[ gnose chimique ]

 

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univers vibratoire

Les hippies avaient raison : Tout est vibrations, mec !

Pourquoi certaines choses sont-elles conscientes et d'autres apparemment pas ? Un oiseau est-il conscient ? Une batte ? Un cafard ? Une bactérie ? Un électron ?

Toutes ces questions sont autant d'aspects du récurrent problème sur l'âme et le corps, qui résiste depuis des milliers d'années à une conclusion généralement satisfaisante.

La problématique du corps et de l'esprit a fait l'objet d'un important changement de nom au cours des deux dernières décennies et est généralement reconnue aujourd'hui comme une "grande difficulté quand à la conscience", après que le philosophe David Chalmers de l'Université de New York ait travaillé sur ce concept dans un article devenu classique en 1995 et avec son ouvrage "The Conscious Mind : In Search of a Fundamental Theory", en 1996.

Posons-nous la question maintenant : Les hippies ont-ils vraiment résolu ce problème ? Mon collègue Jonathan Schooler de l'Université de Californie, Santa Barbara, et moi pensons que oui, avec cette intuition radicale qu'il s'agit bien de vibrations...

Au cours de la dernière décennie, nous avons développé une "théorie de la résonance de la conscience" qui suggère que la résonance, autrement dit les vibrations synchronisées, est au coeur non seulement de la conscience humaine mais aussi de la réalité physique en général.

Et les hippies là-dedans ? Eh bien, nous sommes d'accord que les vibrations, la résonance, représente le mécanisme clé derrière la conscience humaine, ainsi que la conscience animale plus généralement. Et, comme on le verra plus loin, c'est le mécanisme de base de toutes les interactions physiques.

Toutes les choses dans notre univers sont constamment en mouvement, vibrantes. Même les objets qui semblent stationnaires vibrent, oscillent, résonnent à différentes fréquences. La résonance est un type de mouvement, caractérisé par une oscillation entre deux états. Et en fin de compte, toute matière n'est qu'une vibration de divers domaines sous-jacents.

Un phénomène intéressant se produit lorsque différents objets/processus vibrants se rapprochent : ils commencent souvent, après un certain temps, à vibrer ensemble à la même fréquence. Ils se "synchronisent", parfois d'une manière qui peut sembler mystérieuse. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui le phénomène d'auto-organisation spontanée. L'examen de ce phénomène conduit à une compréhension potentiellement profonde de la nature de la conscience et de l'univers en général.

TOUTES LES CHOSES RÉSONNENT À CERTAINES FRÉQUENCES

Stephen Strogatz donne divers exemples tirés de la physique, biologie, chimie et des neurosciences pour illustrer ce qu'il appelle la "synchronisation" dans son livre de 2003 également titré "Sync". Notamment :

- Les lucioles de certaines espèces se mettent à clignoter leurs petits feux en synchronisation lors de grands rassemblements de lucioles, d'une manière qui est être difficile à expliquer avec les approches traditionnelles.

- Les neurones "s'allument" à grande échelle dans le cerveau humain à des fréquences spécifiques, la conscience des mammifères étant généralement associée à divers types de synchronisation neuronale.

- Les lasers sont produits lorsque des photons de même puissance et de même fréquence sont émis ensemble.

- La rotation de la lune est exactement synchronisée avec son orbite autour de la Terre, de sorte que nous voyons toujours la même face. La résonance est un phénomène véritablement universel et au coeur de ce qui peut parfois sembler être des tendances mystérieuses vers l'auto-organisation.

Pascal Fries, neurophysiologiste allemand de l'Institut Ernst Strüngmann, a exploré dans ses travaux très cités au cours des deux dernières décennies la façon dont divers modèles électriques, en particulier les ondes gamma, thêta et bêta, travaillent ensemble dans le cerveau pour produire divers types de conscience humaine.

Ces noms font référence à la vitesse des oscillations électriques dans les différentes régions du cerveau, mesurée par des électrodes placées à l'extérieur du crâne. Les ondes gamma sont généralement définies comme étant d'environ 30 à 90 cycles par seconde (hertz), les thêta de 4 à 7 Hz et les bêta de 12,5 à 30 hz. Il ne s'agit pas de limites strictes - ce sont des règles empiriques - et elles varient quelque peu d'une espèce à l'autre.

Ainsi, thêta et bêta sont significativement plus lentes que les ondes gamma. Mais les trois travaillent ensemble pour produire, ou au moins faciliter (la relation exacte entre les schémas électriques du cerveau et la conscience est encore bien en débat), les différents types de conscience humaine.

Fries appelle son concept "communication par la cohérence" ou CTC. Pour Fries, c'est une question de synchronisation neuronale. La synchronisation, en termes de taux d'oscillation électrique partagés, permet une communication fluide entre les neurones et les groupes de neurones. Sans cohérence (synchronisation), les entrées arrivent à des phases aléatoires du cycle d'excitabilité des neurones et sont inefficaces, ou du moins beaucoup moins efficaces, pour communiquer.

Notre théorie de la résonance de la conscience s'appuie sur le travail de Fries et de beaucoup d'autres, dans une approche plus large qui peut aider à expliquer non seulement la conscience humaine et mammifère, mais aussi la conscience plus largement. Nous spéculons aussi métaphysiquement sur la nature de la conscience comme phénomène général pour toute matière.

EST-CE QUE TOUT EST AU MOINS UN PEU CONSCIENT ?

D'après le comportement observé des entités qui nous entourent, des électrons aux atomes en passant par les molécules, les bactéries, les paramécies, les souris, les chauves-souris, les rats, etc. Cela peut paraître étrange à première vue, mais le "panpsychisme" - l'idée que toute matière a une certaine conscience associée - est une position de plus en plus acceptée par rapport à la nature de la conscience.

Le panpsychiste soutient que la conscience (subjectivité) n'a pas émergé ; au contraire, elle est toujours associée à la matière, et vice versa (les deux faces d'une même médaille), mais l'esprit associé à la plupart de la matière dans notre univers est généralement très simple. Un électron ou un atome, par exemple, ne jouissent que d'une infime quantité de conscience. Mais comme la matière "se complexifie", l'esprit se complexifie, et vice versa.

Les organismes biologiques ont accéléré l'échange d'information par diverses voies biophysiques, y compris les voies électriques et électrochimiques. Ces flux d'information plus rapides permet d'atteindre des niveaux de conscience à l'échelle macroscopique plus élevés que ceux qui se produiraient dans des structures d'échelle similaire comme des blocs rocheux ou un tas de sable, simplement parce qu'il y a une connectivité beaucoup plus grande et donc plus "en action" dans les structures biologiques que dans un bloc ou un tas de sable. Roches et les tas de sable n'ont que des voies thermiques avec une bande passante très limitée.

Les blocs rocheux et les tas de sable sont de "simples agrégats" ou collections d'entités conscientes plus rudimentaires (probablement au niveau atomique ou moléculaire seulement), plutôt que des combinaisons d'entités micro-conscientes qui se combinent en une entité macro-consciente de niveau supérieur, ce qui est la marque de la vie biologique.

Par conséquent, le type de communication entre les structures résonnantes est essentiel pour que la conscience s'étende au-delà du type rudimentaire de conscience que nous nous attendons à trouver dans des structures physiques plus fondamentales.

La thèse centrale de notre approche est la suivante : les liens particuliers qui permettent à la macro-conscience de se produire résultent d'une résonance partagée entre de nombreux composants micro-conscients. La vitesse des ondes de résonance présentes est le facteur limitant qui détermine la taille de chaque entité consciente.

Au fur et à mesure qu'une résonance partagée s'étend à de plus en plus de constituants, l'entité consciente particulière devient plus grande et plus complexe. Ainsi, la résonance partagée dans un cerveau humain qui atteint la synchronisation gamma, par exemple, comprend un nombre beaucoup plus important de neurones et de connexions neuronales que ce n'est le cas pour les rythmes bêta ou thêta.

Des structures résonnantes qui résonnent de haut en bas.

Notre théorie de la résonance de la conscience tente de fournir un cadre unifié qui inclut la neuroscience et l'étude de la conscience humaine, mais aussi des questions plus fondamentales de neurobiologie et de biophysique. Elle va au cœur des différences qui comptent quand il s'agit de la conscience et de l'évolution des systèmes physiques.

C'est une question de vibrations, mais c'est aussi une question de type de vibrations et, surtout, de vibrations partagées.

Mets tout ça dans ta pipe. Et fume, mon pote.

Auteur: Tam Hunt

Info: https://blogs.scientificamerican.com, 5 décembre 2018

[ chair-esprit ] [ spéculation ]

 
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anthropomorphisme

Les plantes sont-elles frigides?

La plante évoque l'inertie. On dit "végéter" pour "stagner". Mais il y a quelques siècles encore, "végéter" signifiait le contraire. En latin, ce mot désigne la surabondance d'énergie qui pousse une plante à jaillir. Plus on la coupe, plus elle reverdit : la plante, c'est l'énergie sexuelle incarnée. Sur le plan étymologique en tout cas. Les termes latins dont le mot "végétal" dérive désignent à l'origine "force et croissance". Le mot silva (forêt) est attesté dès Cicéron dans le sens de "grande quantité" et d'"abondance de matière". Le mode d'être de la plante est celui d'une prolifération virtuellement infinie, en constante expansion. Quel plus beau modèle prendre pour l'humain que celui du lierre ou du lichen? A la différence des végétaux dont la vie se confond avec la croissance, la plupart des bêtes, une fois adultes atteignent leurs dimensions définitives, explique Dominique Brancher, ce qui explique peut-être pourquoi les plantes font si peur. Elles ne connaissent pas de limites. Elles ne respectent pas l'ordre. Est-ce la cause du stigmate qui les frappe en Occident ? Les plantes sont-elles victimes de spécisme, de sexisme ou de racisme?

Chercheuse à l'Université de Bâle, Dominique Brancher est l'auteure d'un livre qui entend rendre justice au règne végétal : on en a fait un règne dormant, voué à l'immobilité, à l'absence de pensée, de sentiments, de sensations... Quel dommage d'avoir ainsi perverti ce qui - à l'origine de notre culture - était considéré comme une forme de débordement vital. Trop vital. "Eclipsé par l'attention exclusive donnée au vaste débat sur la distinction entre l'animal et l'homme, [...] le végétal s'est vu relégué au rang de tiers-exclu", dit-elle, regrettant que le mot végéter soit devenu synonyme d'inertie. Mais pourquoi un tel revirement? Pour quelle raison notre culture a-t-elle ainsi châtré la plante? Dans un livre au titre explicite Quand l'esprit vient aux plantes (allusion ironique au poème de La Fontaine "Comment l'esprit vient aux filles"), Dominique Brancher retrace l'histoire de ce qu'elle désigne comme l'invention d'un sexisme anti-flore. Nous avons discriminé les végétaux comme l'ont été les femmes : en leur déniant tout désir. Comme l'ont été les "sauvages" : en leur déniant toute intelligence. Comme le sont encore les animaux : en les parquant dans des réserves. C'est pourquoi il faut lire son enquête sur la sexualité des plantes comme un révélateur de nos choix de vie.

Quand les plantes étaient humaines...

Aux origines présocratiques de notre culture, les cosmogonies imaginées par Thalès (né en 640 av. J.-C.), Héraclite (504 av. J.-C.) ou Empédocle (492 av. J.-C.) reposent sur un principe d'équation : nous sommes faits de la même matière que tout ce qui existe, fleur ou astres. Cette règle d'analogie poétique "dit la trame vitale qui tisse les êtres et confond leurs attributs et leurs formes. Les arbres "pondent" leurs fruits et les êtres humains se développent comme des plantes." Pour Empédocle, qui rédige sa théorie en vers fabuleux face au paysage volcanique de sa Sicile natale, il n'y a ni naissance ni mort. Tout chose se renouvelle sous l'effet d'une ardeur brûlante qui traverse la matière. "Toute chose pense", dit-il. Toute chose aime et hait. "Dans ses transmigrations, l'âme humaine épouse les métamorphoses de la matière car elle a "déjà été autrefois garçon et fille, buisson, oiseau ou poisson cheminant à la surface de l'eau" (Empédocle, VIII).". Dans cet univers foisonnant, les plantes ont du plaisir et souffrent comme les humains qui, eux-mêmes, viennent au monde mouillés par la rosée de leur larmes. Empédocle résume ainsi leur première apparition : "Or donc voici comment des hommes et des femmes trempés de pleurs, Feu, se séparant, fit jaillir les pousses dans la nuit" (Empédocle III, Les Origines).

Avec la "raison" vient l'inégalité

Mais cette vision-là du monde est trop poétique sans doute. Dès le 1er siècle avant J.-C., Nicolas de Damas écrit dans son ouvrage De Plantis : "Il faut rejeter ces idées grossières et nous mettre à dire la vérité". Platon (427 av. J.-C.), deux siècles avant lui, n'accorde aux plantes qu'une âme inférieure et en fait des animaux immobiles. Mais c'est Aristote (384 av. J.-C.) qui "réduit encore plus considérablement la dignité du végétal en lui laissant seulement une sorte d'âme (De Anima, A5, 411)". La classification qu'Aristote met en place devient le modèle dominant d'une pensée occidentale qui place l'homme au sommet de la hiérarchie. Dans ce nouvel ordre moral, "les plantes jouissent seulement d'une âme végétative", désormais privées d'entendement. Avec le christianisme, leur statut ne s'améliore pas, au contraire. "Selon l'agenda cloisonné de la Genèse, Dieu créa les plantes le troisième jour, les animaux le cinquième et l'homme le sixième". Dans l'échelle des êtres, le végétal est en bas. Deux attitudes prévalent à son égard. La première repousse les plantes du côté du péché. Le seconde, guère plus enviable, du côté du paradis. Dans les deux cas, la plante est vue comme une créature frigide.

La plante comme symbole du péché de gourmandise Bien qu'ils lui dénient toute capacité de percevoir et donc de jouir, les théologiens estiment en effet que la plante est gourmande. Ne passe-t-elle pas son temps à sucer la terre? Voilà pourquoi elle est au bas de cette Scala Naturae ("échelle de la nature") que de nombreux ouvrages du XVIe siècle décrivent en termes de menace : attention de ne pas tomber ! Chaque échelon figure un degré de déchéance. Quand l'homme commet le péché de luxure (sensualis), il est ravalé au rang d'animal. Quand il a trop d'appétit (vitalis), le voilà végétal. Quand il sombre dans la tristesse (acédie), il rétrograde en minéral. Le christianisme "est une religion qui déconsidère la vie organique au profit de la pensée rationnelle", rappelle Dominique Brancher. Aux yeux des chrétiens, l'homme ne peut prétendre à son statut supérieur qu'à la condition de ne rien avoir en commun avec la (vile) matière. Les bêtes qui forniquent, les rivières qui ondoient et les plantes qui têtent la glaise sans penser, avec une gloutonnerie "stupide et insensible" (Jean Pic de la Mirandole) sont des choses détestables, qui renvoient à la chute.

La plante comme symbole de l'asexualité

Mais il existe une autre attitude vis à vis des plantes : pour certains chrétiens, elles présentent cet avantage sur les animaux d'être "pures". Cela commence au XIIIe siècle, avec Innocent III : dans un texte intitulé De Contemptu mundi, le pape attribue aux plantes la "candeur de l'âme végétative". La plante n'est pas sexuée, dit-il (ignorant qu'il existe des espèces végétales où les mâles et les femelles sont distincts). "Dégagés des ardeurs charnelles qui abêtissent et abrutissent, les végétaux offrent ainsi la rédemption d'un nouvel Eden. Combien d'auteurs de la Contre-Réforme ne célèbrent-ils pas la pureté de la reproduction végétale?". Dominique Brancher cite par exemple Thomas Browne qui, dans les années 1630, déclare : "Je serais heureux, si nous pouvions procréer comme les arbres sans union et s'il existait un moyen de perpétuer le monde sans passer par le coït vulgaire et trivial. C'est l'acte le plus sot qu'un homme sage puisse commettre dans sa vie". Edifiant. La chercheuse enfonce le clou : "Aux yeux de la mystique flamande, la perfection végétale figure une complétude originelle que la Faute, en modifiant le corps physique des premiers hommes, a définitivement dérobé à l'humanité : "Au lieu d'hommes qu'ils devaient être, ils sont devenus des monstres divisés en deux sexes imparfaits, impuissants à produire leurs semblables seuls, comme se produisent les arbres et les plantes".

Savez-vous planter des choux?

Dans la tradition ouverte par Innocent III, tout un imaginaire puritain se cristallise aux XVIe et XVIe siècles autour des plantes. La botanique devient "une technique de maîtrise des instincts, explique Dominique Brancher. On en trouve les répercussions jusque chez Rousseau, "persuadé qu'à tout âge l'étude de la nature émousse le goût des amusements frivoles, prévient le tumulte des passions". "La campagne a toujours été considérée comme le séjour de l'innocence", renchérit Trembley. L'herborisation devient l'activité favorite des puritains. On associe le curé de campagne à un brave jardinier, expert en sirops pour la gorge. "La méconnaissance concertée de la sexualité des plantes, depuis Aristote jusqu'aux naturalistes de la Renaissance, entretient cette vision angélique." Heureusement, il existe à toute époque des empêcheurs de tourner en rond. Au XVIe siècle, en particulier, des voix dissidentes s'élèvent : non, la plante n'est pas sage. Nous ferions bien d'en prendre de la graine.

Auteur: Giard Agnes

Info: 4 janvier 2016

[ historique ] [ Grèce antique ]

 

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fric

Faut-il réduire la taille des établissements bancaires ? Une stricte séparation entre banque de dépôt et banque d'investissement est-elle nécessaire ? Qu'en est-il des relations entre les pouvoirs publics et les banques ?
La Lettre des Académies, une publication commune de l'Académie royale de Belgique, l'Académie royale de Médecine de Belgique, l'Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique, The Royal Academies for Science and the Arts of Belgium et l'Union Académique internationale, me pose la question mise en titre. Ma réponse sera publiée dans le N° 31.
Une réponse a été offerte indirectement à ces questions d'actualité, le 6 mars 2013, par Eric Holder, l'Attorney General des États-Unis, l'équivalent de notre Ministre de la justice.
Le cadre de sa déclaration était une audition du Comité judiciaire du Sénat américain. Les questions posées visaient à comprendre pourquoi aucun dirigeant d'établissement bancaire n'avait été poursuivi à la suite des événements qui avaient conduit à l'effondrement du système financier international en septembre 2008, le fait étant patent que l'origine de ce séisme se trouve au sein-même du système bancaire américain, et plus particulièrement dans l'émission de titres adossés à des prêts immobiliers résidentiels de qualité médiocre, les fameux prêts "subprime".
Répondant au Sénateur Chuck Grassley (républicain de l'Iowa), qui l'interrogeait sur l'apathie du ministère de la Justice dans la recherche de coupables, Eric Holder déclaraot ceci :
"Je crains que la taille de certains de ces établissements ne soit devenue si grande qu'il est devenu difficile de les poursuivre en justice, parce que des indications nous parviennent qui si nous les poursuivions - si nous procédions à des inculpations - cela aurait un impact négatif sur l'économie nationale, voire même sur l'économie mondiale, et il me semble que ceci est la conséquence du fait que certains de ces établissements sont devenus trop importants [...] Ceci a une influence inhibitoire sur, ou impacte, notre capacité à prendre les mesures qui seraient selon moi les plus adéquates..."
Holder ne dit pas explicitement qu'il existe entre le secteur bancaire et le ministère de la Justice un rapport de force et qu'au sein de celui-ci, le ministère de la Justice est en position défavorable, mais c'est bien ainsi que ses propos furent interprétés par les sénateurs qui l'interrogeaient. C'est également la manière dont sa réponse fut rapportée par la presse unanime.
* * *
Lorsqu'il était devenu manifeste à l'automne 2008 que certaines banques étaient à ce point stratégiques que leur chute, comme celle de Lehman Brothers qui venait d'intervenir, entraînerait celle du secteur financier tout entier, l'expression "Too Big to Fail" se répandit : trop grosse pour faire défaut. Elle s'emploie toujours, en concurrence avec l'expression officielle de "banque systémique", en référence au risque systémique : la mise en péril du système financier dans son ensemble.
En février 2013, dans une tribune libre du Financial Times, Neil Barofsky, qui avait été l'Inspecteur-général du Troubled Asset Relief Programme (TARP), le programme de sauvetage du système financier américain, employa une nouvelle expression calquée sur la première : "Too Big to Jail", trop grosse pour être mise en prison.
S'il était donc apparu en 2008 que certains établissements bancaires étaient à ce point cruciaux que leur faillite se répercuterait sur l'ensemble du système financier, il était devenu évident en 2013, et c'est ce que les propos du ministre de la Justice américain confirmaient, que le rapport de force entre ces mêmes banques et le gouvernement était tel qu'elles disposaient du pouvoir de maintenir le statu quo. Les banques systémiques disposaient désormais du pouvoir de faire obstacle à ce qu'on les empêche de mettre en péril l'ensemble du système financier, et ce pouvoir, elles l'exerçaient.
Trois approches étaient envisageables vis-à-vis des banques systémiques :
1) les démanteler, jusqu'à ce que la taille des unités recomposées soit telle que leur défaut n'entraîne plus d'effet domino ;
2) décourager ou interdire celles de leurs activités qui génèrent du risque systémique, à savoir les paris sur les variations de prix (ce qu'on désigne habituellement du terme trop vague de "spéculation").
3) accroître les réserves par rapport à leur niveau d'avant-crise, en espérant que le calcul soit cette fois fait correctement.
À chaud, à l'automne 2008, les deux premières options uniquement étaient sérieusement prises en considération, la troisième était écartée du fait de sa touchante naïveté. Seule cette dernière pourtant serait adoptée en juillet 2011 avec les normes Bâle III, qui devraient être mises en vigueur entre 2016 et 2019, du moins si les efforts des lobbies qui cherchent aujourd'hui à les bloquer devaient échouer.
Dans une approche en termes de réserves, rien n'est fait - il faut le souligner - pour endiguer le risque systémique : on s'efforce seulement d'évaluer les pertes éventuelles. Bâle III ne distingue pas non plus les risques inévitables, dus aux impondérables d'un avenir incertain, et les risques encourus délibérément par les banques quand elles font des paris sur les variations de prix.
* * *
Dans trois cas récents, les efforts du secteur bancaire pour faire obstacle à ce qu'on l'empêche de mettre à l'avenir l'ensemble du système financier en péril, furent couronnés de succès.
Un tribunal à Washington invalidait le 29 septembre 2012 des mesures prises par la CFTC (Commodity Futures Trading Commission), le régulateur américain du marché des produits dérivés, règles qui auraient plafonné le volume des positions qu'un intervenant peut prendre sur le marché à terme des matières premières, afin qu'il ne puisse à lui seul le déséquilibrer. Le secteur s'était opposé à de telles mesures, noyant la commission sous un flot d'avis défavorables, s'assurant ensuite - grâce au parti républicain - que le budget de l'organe de contrôle prévu ne soit pas voté, assignant enfin la CFTC devant les tribunaux. Cette dernière stratégie s'avérerait payante.
On avait appris quelques jours auparavant, le 24 septembre 2012, que l'IOSCO (International Organisation of Securities Commissions), organisme fédérant les régulateurs nationaux sur le marché des matières premières, et à qui le G20 avait confié le soin de réguler le marché du pétrole, jetait l'éponge. Lors de la réunion qui venait de se tenir, les contreparties : l'Agence Internationale de l'énergie, l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et les compagnies Total et Shell, avaient constitué un front du refus. Les compagnies pétrolières avaient affirmé qu'en cas de réglementation du secteur, elles cesseraient de communiquer à leurs organismes de supervision les données relatives aux prix pratiqués.
Le mois précédent, le 22 août 2012, alors que la SEC (Securities and Exchange Commission), le régulateur des marchés boursiers américains, avait mis au point un ensemble de mesures en vue d'empêcher que ne se reproduise un effondrement du marché des capitaux à court terme (money market), tel celui qui l'avait dévasté en septembre 2008, elle n'était pas parvenue à réunir une majorité en son sein, l'un des membres du comité - très lié au secteur - ayant refusé son aval.
Je concluais ainsi ma chronique dans le quotidien Le Monde, où je rapportais ces trois illustrations (°) :
"La finance dispose donc des moyens de neutraliser toute tentative de réduire la nocivité de ses pratiques. Elle s'est immunisée contre les efforts engagés par la communauté pour se protéger contre un nouvel effondrement, efforts motivés bien entendu par le souci de se prémunir contre les conséquences économiques et sociales d'une telle catastrophe. Toute mesure préventive d'un nouveau désastre étant systématiquement désamorcée, celui-ci devient inéluctable".
J'avais donné pour titre à ma chronique elle-même, une citation d'Arnold J. Toynbee : "Les civilisations ne meurent pas assassinées, elles se suicident".
Tous les efforts menés en vue d'une nouvelle régulation de la finance recourent à la même stratégie : le monde financier est consulté par les autorités, se tient ensuite une négociation visant à ce que se dégage un compromis entre les exigences des uns et des autres. La condition essentielle pour qu'une telle stratégie réussisse est que l'industrie financière s'identifie à l'intérêt général, qu'elle reconnaisse et promeuve la nécessité de garantir un cadre qui maintienne la pérennité des institutions financières sans affecter pour autant la bonne santé de l'économie. Cette condition-là n'est hélas pas remplie.
John Maynard Keynes écrivait en 1926 dans un essai consacré à "La fin du laisser-faire" : "Suggérer à la City de Londres une action sociale en vue du bien public est du même ordre d'idée que discuter L'origine des espèces avec un évêque il y a soixante ans". La remarque n'a rien perdu de son actualité, et notre tolérance, à nous citoyens, face à ce scandale, toujours aussi grande, suggérant que nous nous sommes faits une raison devant un rapport de force entre le secteur bancaire et nous qui semble destiné à nous demeurer éternellement défavorable.

Auteur: Jorion Paul

Info: 13 AOÛT 2013

[ société ] [ pouvoir ] [ profit ]

 

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chair-esprit

Le libre-arbitre existe-t-il ? Comment le cerveau déforme la réalité temporelle
Nous avons coutume de penser que nous sommes libres de décider et de choisir nos actes. Et pourtant, une série d'expériences de neurosciences jettent un doute sur ce qu'on a l'habitude d'appeler notre libre-arbitre.
Même si elles sont largement débattues, tant du point de vue de leurs résultats scientifiques que de l'interprétation philosophique qui en est donnée, ces expériences sont plutôt troublantes !
Libre-arbitre et activité neurologique
Nous avons tous une notion intuitive de ce qu'est le libre-arbitre. Sur le plan biologique, il peut être associé à la notion d'action volontaire, qui s'oppose à celle de réflexe. Alors que les réflexes empruntent des chemins neuronaux simples (comme un rapide circuit via la moelle épinière), les actions volontaires font intervenir de nombreuses aires cérébrales.
1983 : L'expérience fondatrice de Benjamin Libet*
Dans l'expérience de Libet, on vous place devant une horloge qui défile rapidement, et on vous donne un bouton sur lequel vous pouvez appuyer au moment qui vous plaira. La seule chose qu'on vous demande c'est de retenir le nombre indiqué par l'horloge au moment où vous prenez votre décision d'appuyer. Dans le même temps, des électrodes placées sur votre crâne suivent votre activité cérébrale.
Ce dispositif permet de mesurer 1) le moment où vous prenez la décision d'appuyer, 2) le moment où votre cerveau commence à s'activer, et 3) le moment où vous appuyez physiquement sur le bouton. Et la découverte spectaculaire de Libet, c'est que l'activation cérébrale précède la décision consciente, et ce de plusieurs centaines de millisecondes.
Interprétée de manière brute, l'expérience de Libet semble condamner le libre-arbitre : vous avez l'impression de décider d'appuyer à un certain moment, mais votre cerveau a déjà décidé depuis presque une demi-seconde ! Comment puis-je être libre de décider quelque chose, si au moment où j'ai conscience de choisir, mon cerveau a déjà commencé à agir ? Comme on peut s'en douter, cette expérience possède de nombreux points faibles que les spécialistes n'ont pas été longs à relever.
Il y a tout d'abord les incertitudes de mesure, puisqu'on parle ici d'un écart de seulement quelques centaines de millisecondes. Ensuite le fait que l'estimation du moment de décision par le sujet lui-même n'est certainement pas très fiable : elle est subjective et l'horloge peut constituer une source de distraction et donc d'erreur. Enfin, le signal électrique relevé dans le cerveau pourrait être simplement un signal "préparatoire", qui indique que le cerveau s'active mais qui ne détermine pas spécifiquement la décision que l'on va prendre.
Bref, il y a plein de critiques à faire à l'expérience de Libet, et qui permettent de se rassurer quant à l'existence de notre libre-arbitre. Tout va bien donc, jusqu'à une nouvelle expérience réalisée en 2008, et qui s'affranchit de la plupart de ces critiques.
Dans cette nouvelle expérience, plusieurs choses diffèrent par rapport au protocole de Benjamin Libet. Tout d'abord, le sujet dispose de 2 boutons, un dans sa main gauche et un dans sa main droite. Il peut appuyer quand il le souhaite, soit à gauche soit à droite. Ensuite, le cerveau du sujet est suivi cette fois dans une IRM, ce qui permet d'observer simultanément l'activité de tout un ensemble d'aires cérébrales.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les résultats de cette expérience sont perturbants. D'une part, l'IRM révèle qu'une activité cérébrale préparatoire existe 7 à 10 secondes AVANT que le sujet ne prenne sa décision d'appuyer. Encore plus troublant, cette activité cérébrale permet dans une bonne mesure de prédire de quel côté le sujet va appuyer.
Oui oui, vous avez bien lu, plusieurs secondes avant que vous soyiez conscient de choisir, votre cerveau a déjà décidé entre droite et gauche, et l'IRM peut révéler le côté qui sera choisi !
Pour modérer un peu ce résultat apparemment catastrophique pour notre libre-arbitre, il faut noter que la prédiction faite par l'IRM est loin d'être infaillible, puisqu'elle fonctionne au mieux dans 60% des cas, ce qui est significativement mieux que le hasard, mais reste tout de même limité.
Quelle conclusion raisonnable tirer de ces expériences ?
Il faut savoir qu'il n'existe chez les scientifiques et les philosophes aucun consensus quant à l'interprétation de ces expériences. Pour certains comme Patrick Haggard, le libre-arbitre n'existe tout simplement pas, il affirme "We feel that we choose, but we don't". Pour d'autres, au contraire, ces expériences n'ont aucune valeur, "Circulez ya rien à voir !".
Une position intermédiaire raisonnable c'est d'admettre que ces expériences montrent au moins que nos intentions ne sont pas systématiquement à l'origine de nos actions. Les processus inconscients jouent peut être un plus grand rôle que nous ne pouvions le penser, et la conscience d'une décision est un phénomène qui se construit au cours du processus de décision, pas à son origine.
Comme cette conclusion prudente semble quand même en mettre un coup à notre vieille notion de libre-arbitre, une manière de se rassurer c'est de considérer que notre cerveau prépare nos décisions assez en avance par rapport à notre conscience, mais qu'il nous laisse jusqu'au dernier moment un droit de veto. Il semblerait qu'une des fonctions de cette aire appelée SMA soit justement de pouvoir inhiber certaines actions décidées et préparées en amont. Donc jusqu'au dernier moment, on aurait le choix de ne pas faire. C'est ce que les anglo-saxons appellent le "free won't", par analogie au libre-arbitre appelé "free will".
Pour d'autres philosophes comme Dan Dennett, ces expériences sont correctes, mais elles ne sont pas incompatibles avec le libre-arbitre. Ces philosophes adhèrent à une position appelée compatibilisme, selon laquelle la réalité est totalement déterministe mais le libre-arbitre existe quand même. J'avoue que je ne comprends pas ce que ça signifie, et que pour moi ça ressemble beaucoup à une posture de façade "pour sauver les meubles". Ce qu'on peut comprendre car si le libre-arbitre était vraiment réfuté, les conséquences pour la société pourraient être terribles.
Les implications morales de l'absence de libre-arbitre
Imaginons que l'on montre scientifiquement que le libre-arbitre n'existe pas, alors on est mal car toutes nos lois et notre droit reposent sur la notion de responsabilité individuelle : nous sommes responsables de nos actes car nous sommes libres de les accomplir ou pas.
D'ailleurs en droit, pour être puni d'un crime, il faut qu'il y ait à la fois l'intention et l'action. La pensée n'est pas un crime, donc si vous avez juste l'intention de commettre un forfait, on ne peut pas vous condamner pour ça (encore que ce ne soit pas totalement vrai, notamment dans le cas de la préparation d'actes terroristes). Réciproquement, si quelqu'un commet un crime mais est jugé irresponsable, il ne sera pas condamné. Donc si le libre-arbitre n'existe pas, nous sommes tous irresponsables de nos actes et toutes nos structures juridiques s'effondrent !
Ceci a amené Dan Dennett à mettre en garde les scientifiques à ne pas trop faire d'annonces intempestives au sujet de leurs expériences sur le libre-arbitre !...
Pour aller plus loin...
Il faut ajouter un commentaire sur ce résultat de 60% de prédiction du côté gauche/droit quand on fait l'IRM. Cela peu paraître peu, bien peu. Mais songez que l'IRM est loin d'être en général un prédicteur parfait de nos actes. Ce qu'ont notamment montré les auteurs, c'est que même en utilisant l'information disponible dans le cortex moteur après la prise de décision et pendant le mouvement, on n'arrivait à correctement prédire le côté que dans 75% des cas. Alors qu'en théorie on devrait être capable de le faire à 100%. Cela montre que l'IRM est une information peut être trop agrégée pour permettre une prédiction très fiable.
Ainsi une récente étude montre qu'en faisant un suivi individuel de neurones avec des électrodes implantées dans le cerveau (plutôt qu'une IRM), on peut prédire le résultat avec une acuité de 80%, et ce 700 millisecondes avant la décision consciente. Tout ça pour dire que rien ne nous met à l'abri de futures expériences avec de meilleurs systèmes de mesure et de prédiction, qui pourraient deviner nos décisions 5 secondes en avance avec 90% de fiabilité.
Pour finir sur un peu de philo, ces expériences semblent au moins réfuter le modèle dualiste du corps et de l'esprit. Dans ce modèle popularisé par Descartes, l'esprit existe indépendamment du corps, et est capable de le contrôler. Si cette vision était correcte, alors le sentiment d'avoir l'intention d'agir (qui viendrait de l'esprit) devrait précéder les manifestations cérébrales et musculaires (du corps). Il paraît que les philosophes dualistes, ça n'existe plus, mais malgré tout la vision dualiste reste probablement la plus reflétée dans le langage commun, quand on dit "JE décide" (esprit), mais "le cerveau s'active" et "le muscle bouge" (corps).

Auteur: Internet

Info: sciencetonnante.wordpress.com,*voir aussi les expériences de Walter Grey

[ sciences ]

 

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pouvoir sémantique

La bataille pour le contrôle de votre esprit

Dans son roman dystopique classique 1984, George Orwell a écrit : "Si vous voulez une image du futur, imaginez une botte piétinant un visage humain - pour toujours." Cette image frappante a servi de symbole puissant pour le totalitarisme au 20e siècle. Mais comme l'a récemment observé Caylan Ford, avec l'émergence des passeports de santé numériques dans l'État de sécurité biomédicale, le nouveau symbole de la répression totalitaire n'est "pas une botte, mais un algorithme : sans émotion, imperméable à tout appel, façonnant silencieusement la biomasse.

Ces nouveaux mécanismes de surveillance et de contrôle numériques ne seront pas moins oppressifs parce que plus virtuels que physiques. Les applications de traçage des contacts, par exemple, ont proliféré avec au moins 120 applications diverses utilisées dans 71 États différents, et 60 autres mesures numériques de traçage des contacts ont été utilisées dans 38 pays. Rien ne prouve actuellement que les applications de recherche des contacts ou autres méthodes de surveillance numérique ont contribué à ralentir la propagation du covid ; mais comme pour beaucoup de nos politiques de lutte contre les pandémies, cela ne semble pas avoir dissuadé leur utilisation.

D'autres technologies de pointe ont été déployées dans le cadre de ce qu'un écrivain a appelé, avec un clin d'œil à Orwell, "réflexe de la piétaille", pour décrire la propension des gouvernements à abuser des pouvoirs d'urgence. Vingt-deux pays ont utilisé des drones de surveillance pour repérer les contrevenants aux règles du covid, d'autres ont déployé des technologies de reconnaissance faciale, vingt-huit pays ont eu recours à la censure d'Internet et treize pays ont eu recours à la coupure d'Internet pour gérer les populations pendant le covid. Au total, trente-deux pays ont eu recours à l'armée ou à des engins militaires pour faire respecter les règles, ce qui a entraîné des pertes humaines. En Angola, par exemple, la police a tiré et tué plusieurs citoyens alors qu'elle imposait un confinement.

Orwell a exploré le pouvoir que le langage a de façonner notre pensée, et notamment la capacité d'un langage négligé ou dégradé à la déformer. Il a exprimé ces préoccupations non seulement dans ses romans Animal Farm et 1984, mais aussi dans son essai classique, "Politics and the English Language", où il affirme que "si la pensée corrompt le langage, le langage peut aussi corrompre la pensée".

Le régime totalitaire décrit dans 1984 exige des citoyens qu'ils communiquent en Newspeak, une langue soigneusement contrôlée, à la grammaire simplifiée et au vocabulaire restreint, conçue pour limiter la capacité de l'individu à penser ou à exprimer des concepts subversifs tels que l'identité personnelle, l'expression personnelle et le libre arbitre. Avec cette abâtardissement du langage, des pensées complètes sont réduites à des termes simples ne véhiculant qu'un sens simpliste.  

Cette novlangue (newspeak)  élimine la possibilité de nuance, rendant impossible la considération et la communication des nuances de sens. Le Parti a également l'intention, avec les mots courts du Newspeak, de rendre le discours physiquement automatique et donc de rendre le discours largement inconscient, ce qui diminue encore la possibilité d'une pensée véritablement critique. Dans le  roman, le personnage Syme évoque son travail de rédaction de la dernière édition du dictionnaire du Newspeak :

"D'ici 2050 - probablement plus tôt - toute connaissance réelle de l'Oldspeak [anglais standard] aura disparu. Toute la littérature du passé aura été détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron - n'existeront plus que dans des versions en novlangue, pas seulement transformées en quelque chose de différent, mais en réalité contradictoires avec ce qu'ils étaient. Même la littérature du Parti changera. Même les slogans changeront. Comment peut-on avoir un slogan comme "La liberté, c'est de l'esclavage" alors que le concept de liberté a été aboli ? Tout le climat de la pensée en sera différent. En fait, il n'y aura pas de pensée, telle que nous l'entendons aujourd'hui. L'orthodoxie signifie ne pas penser - ne pas avoir besoin de penser. L'orthodoxie, c'est l'inconscience."

Plusieurs termes dénigrants ont été déployés de manière répétée pendant la pandémie, des phrases dont la seule fonction était d'empêcher toute possibilité de pensée critique. Il s'agit, entre autres, des mots "négationniste du virus", "anti-vax" et "théoricien de la conspiration". Certains commentateurs vont sans doute déformer ce livre, et en particulier ce chapitre, en utilisant ces termes et d'autres similaires - des raccourcis tout faits qui évitent aux critiques la peine de lire le livre ou d'examiner de manière critique mes preuves ou mes arguments. Un bref commentaire sur chacun de ces termes peut être utile pour illustrer leur fonctionnement.

Le premier terme, "négationniste du covidien", nécessite peu d'attention. Ceux qui lancent cette accusation à toute personne critiquant notre réponse à la pandémie assimilent imprudemment le covid à l'Holocauste, ce qui suggère que l'antisémitisme continue d'infecter le discours à droite comme à gauche. Nous n'avons pas besoin de nous attarder sur cette phrase.

L'épithète " anti-vax ", déployé pour caractériser toute personne qui soulève des questions sur la campagne de vaccination de masse ou sur la sécurité et l'efficacité des vaccins covidés, fonctionne de la même manière comme un frein à la conversation plutôt que comme une étiquette descriptive précise. Lorsque les gens me demandent si je suis anti-vax parce que je conteste le mandat de vaccination, je ne peux que répondre que la question a autant de sens pour moi que la question "Dr. Kheriaty, êtes-vous 'pro-médication' ou 'anti-médication' ?". La réponse est évidemment contingente et nuancée : quel médicament, pour quel patient ou population de patients, dans quelles circonstances et pour quelles indications ? Il n'existe clairement pas de médicament, ni de vaccin d'ailleurs, qui soit toujours bon pour tout le monde, en toute circonstance et tout le temps.

En ce qui concerne le terme "conspirationniste", Agamben note que son utilisation sans discernement "témoigne d'une surprenante ignorance historique". Car quiconque est familier avec l'histoire sait que les récits des historiens retracent et reconstruisent les actions d'individus, de groupes et de factions travaillant dans un but commun pour atteindre leurs objectifs en utilisant tous les moyens disponibles. Il cite trois exemples parmi les milliers que compte l'histoire.

En 415 avant J.-C., Alcibiade déploya son influence et son argent pour convaincre les Athéniens de se lancer dans une expédition en Sicile, entreprise qui se révéla désastreuse et marqua la fin de la suprématie athénienne. En représailles, les ennemis d'Alcibiade engagent de faux témoins et conspirent contre lui pour le condamner à mort. 

En 1799, Napoléon Bonaparte viole son serment de fidélité à la Constitution de la République, renverse le directoire par un coup d'État, s'arroge les pleins pouvoirs et met fin à la Révolution. Quelques jours auparavant, il avait rencontré ses co-conspirateurs pour affiner leur stratégie contre l'opposition anticipée du Conseil des Cinq-Cents.

Plus près de nous, il mentionne la marche sur Rome de 25 000 fascistes italiens en octobre 1922. On sait que Mussolini prépara la marche avec trois collaborateurs, qu'il prit contact avec le Premier ministre et des personnalités puissantes du monde des affaires (certains affirment même que Mussolini rencontra secrètement le roi pour explorer d'éventuelles allégeances). Les fascistes avaient d’ailleurs répété leur occupation de Rome par une occupation militaire d'Ancône deux mois auparavant. 

D'innombrables autres exemples, du meurtre de Jules César à la révolution bolchévique, viendront à l'esprit de tout étudiant en histoire. Dans tous ces cas, des individus se réunissent en groupes ou en partis pour élaborer des stratégies et des tactiques, anticiper les obstacles, puis agir résolument pour atteindre leurs objectifs. Agamben reconnaît que cela ne signifie pas qu'il soit toujours nécessaire de recourir aux "conspirations" pour expliquer les événements historiques. "Mais quiconque qualifierait de "théoricien de la conspiration" un historien qui tenterait de reconstituer en détail les complots qui ont déclenché de tels événements ferait très certainement preuve de sa propre ignorance, voire de son idiotie."

Quiconque mentionnant "The Great Reset" en 2019 était accusé d'adhérer à une théorie du complot - du moins jusqu'à ce que le fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, Klaus Schwab, publie en 2020 un livre exposant l'agenda du WEF avec le titre utile, Covid-19 : The Great Reset. Après de nouvelles révélations sur l'hypothèse de la fuite dans un laboratoire, le financement par les États-Unis de la recherche sur le principe du gain de fonction à l'Institut de virologie de Wuhan, les questions de sécurité des vaccins volontairement supprimés, et la censure coordonnée des médias et les campagnes de diffamation du gouvernement contre les voix dissidentes, il semble que la seule différence entre une théorie du complot et une nouvelle crédible aura été d'environ six mois.

Auteur: Kheriaty Aaron

Info: The Brownstone Institute, mai 2022

[ propagande numérique ] [ complotisme ]

 

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spiritualité

La question qui s'impose est la suivante : sur quels arguments les promoteurs de cette technique [la méditation de la pleine conscience] se basent-ils pour établir un lien de filiation entre Vipassana – la Vision Pénétrante – et la Pleine Conscience ? Dans le Septième Pas de l'Octuple Sentier, l'Attention Juste (discipline de Dhyâna), et en particulier dans la contemplation du corps, des sentiments, de l'esprit et des phénomènes, il est régulièrement mentionné que le pratiquant doit être attentif, avec une conscience claire. Il développe, par cette pratique, certains "pouvoirs psychiques" : ouïe céleste, vision du cœur des autres êtres, mémoire des naissances précédentes, vision céleste supra-humaine et enfin, avec la cessation des passions, la délivrance de l'esprit par la sagesse. Ces indications comportementales relatives à la contemplation, en particulier pour ce qui concerne l'attention et la conscience claire, pourraient – exception faite des "pouvoirs psychiques" – sembler en adéquation avec la pratique de la Pleine Conscience, telle que définie par ses promoteurs. Cependant, ces derniers omettent un détail essentiel de la pratique de l'Attention juste : "Cette claire connaissance (de la nature des éléments contemplés) est présente en lui (le pratiquant) parce qu'il possède la compréhension et la vision profonde intérieure."

Que signifie "posséder la compréhension et la vision profonde intérieure" ? Ça signifie que la pratique de la contemplation dans l'Attention juste s'appuie sur la Prajna et non sur une intention qui, privée de la Compréhension juste (Premier Pas de l'Octuple Sentier) et de la vision profonde intérieure (Vision Pénétrante) préalables, est une activité du mental sous l'emprise de l'Ignorance, qui est le premier des douze liens interdépendants (qui génèrent le Samsara). Autrement dit, la méditation de la Pleine Conscience fonctionne en quelque sorte à l'envers, par rapport à l'Attention juste. En effet, pour la mindfulness, c'est l'attention intentionnelle qui est le préalable ou la cause ou encore le moteur, alors que pour le Bouddhisme, c'est exactement l'inverse : ce sont la compréhension et la vision profonde intérieure qui sont moteur de l'Attention juste. Et de fait, la pratique de l'attention intentionnelle – même "non jugeante" – ne peut en aucun cas aboutir à la compassion et à la sagesse telles qu'elles sont définies dans le Bouddhisme. En d'autres termes, il n'y a aucun lien de filiation justifié entre Vipassana et la méditation de la Pleine Conscience.

Par ailleurs, la notion de "présence" est étrangère au Bouddhisme. On retrouve ce concept dans les religions éternalistes, sans doute en lien avec les états de samadhi qui provoquent le sentiment d'une union avec le divin, lequel est non soumis au temps et donc éternellement présent. Si l'on devait préciser les choses, dans le Bouddhisme, on réalise plutôt – par l'éclairage de la Prajna – une Absence qu'une Présence, non pas dans le sens d'un néant, d'un "rien", mais dans le sens de l'Anatman – le Non soi – ou encore de la Vacuité non phénoménale (et donc ne résultant pas de l'interdépendance des phénomènes).

La méditation de la Pleine Conscience, privée de Prajna, est – du point de vue bouddhique – une pratique "aveugle", sans discernement. Le pratiquant n'observe pas le corps, les sentiments, l'esprit et les phénomènes avec l'œil de la Prajna – qui est l'œil du Bouddha qui possède la Vue juste, ou la Vision Pénétrante –, c'est-à-dire selon le mode de Prajna, mais avec les représentations mentales "souillées" (ou disons "orientées") par des apprentissages qui consistent à mettre spontanément des mots sur les choses, comme si celles-ci étaient enfermées dans des cases linguistiques ou sémantiques qui se substituent au réel et donc au "moment présent". Quand le pratiquant entend une cloche, il reconnaît la cloche ; il n'entend pas la cloche (comment sait-il qu'il s'agit d'une cloche ?). Et bien qu'il vide – ou plutôt tente de vider – la cloche de tout jugement, de toute émotion perturbatrice, de toute représentation... il n'en demeure pas moins vrai qu'il contemple un objet surnuméraire, sans pour autant reconnaître spontanément la véritable nature de cet objet, c'est-à-dire sa vacuité intrinsèque. Il peut bien sûr analyser secondairement cet objet comme étant constitué d'interdépendance d'autres objets ou phénomènes, il n'en demeure pas moins vrai que cette analyse n'est pas le fait de la Prajna mais de la pensée discursive, dualiste. Au sens strict, ce n'est pas une Vue (Vision Pénétrante).

Cette "présence attentive", cette "Pleine Conscience" n'est pas une qualité bouddhique. C'est vraisemblablement une forme de samadhi, qui se développe aussi bien dans les disciplines éternalistes (yoga) que dans les états hypnotiques de modification de conscience induits par la prière ou la récitation d'un mantra. Sans doute peut-on en tirer quelques bénéfices au plan de la santé physique ou mentale, mais ce n'est certainement pas l'expression de la Compassion bouddhique ou d'une Sagesse (la Compassion est une Sagesse, dans le Bouddhisme, et non un "état d'esprit"), telle qu'elle résulte de l'expérience de la Vacuité et de la Sapience (clarté/illumination). Il n'y a donc aucun argument sérieux qui puisse affirmer qu'il existe un lien de filiation entre la Vision Pénétrante, qui est l'activité de Prajna, et la "Pleine Conscience" qui n'a aucun équivalent dans le Bouddhisme.

Cependant, on ne peut blâmer les promoteurs de la Pleine Conscience d'être à l'origine de cet amalgame fâcheux, quand on constate que certains enseignants de tradition bouddhiste, généralement rattachés au Théravada mais aussi au Zen ou au Bouddhisme tibétain, en font également la promotion. Ces "maîtres" ont pour la plupart pignon sur rue, et, si l'on y regarde d'assez près, ce sont plutôt des laïcs, non spécifiquement rattachés au Bouddhisme (ils n'ont pas pris refuge), qui les apprécient. Ces enseignants n'hésitent pas à s'associer aux concepts new age. Et pour cause, ils n'ont en réalité aucune Vue ou Compréhension juste de ce qu'est la nature de l'esprit, du corps, des sensations et des phénomènes. Tout ce qu'ils savent, parce qu'ils ont bien appris la leçon, c'est que les phénomènes sont vides de nature propre parce qu'ils sont en interdépendance. Et quand un maître zen, dans l'émission "Sagesse Bouddhiste", affirme : "en zazen, nous réalisons que rien n'existe par soi-même, que tout est interdépendant", en présence de Christophe André, le psychiatre promoteur de la Pleine Conscience en France, également invité à l'émission sus-nommée, on atteint véritablement le pompon.

Dans un échange sur les réseaux sociaux, une personne me demande : "pourquoi faire zazen quand on a eu kenshô ?" La question est légitime, car dans l'esprit de cette personne, on pratique zazen pour obtenir kenshô comme on pratique l'attention intentionnelle pour obtenir la Pleine Conscience. Et à la façon dont l'exprime le maître zen à l'émission Sagesse Bouddhiste, il y a lieu de penser en effet qu'on pratique zazen pour réaliser la vacuité phénoménale (l'interdépendance phénoménale). Et dans l'esprit de cette personne sur les réseaux sociaux, quand on a réalisé ce qu'il y a à réaliser, le but est atteint et n'a donc plus à être recherché (il faut se souvenir que l'intention suppose le but, par définition). Mais, ainsi que je l'exprime plus haut à propos de Vipassana, c'est comprendre zazen à l'envers, si j'ose dire. Il n'y a pas d'attention intentionnelle. Il y a juste activité de la Prajna.

Un bon enseignant du Zen devrait commencer par dire à son élève qu'il n'y a pas dans le Zen (ou dans le Bouddhisme en général) de but à atteindre qui ne soit déjà atteint. Zazen ne consistera donc pas à pratiquer pour devenir un bouddha ou pour atteindre des états de conscience spécifiques, qu'ils soient transcendants ou qu'ils reflètent l'ennui, l'errance, ou encore des sensations de bien être ou – plus rarement – orgasmiques. Zazen ne consiste pas à être autre chose que soi-même, non pas selon le mode de la pensée dualiste, c'est-à-dire selon le mode des représentations psychologiques, culturelles ou sociétales, mais selon le mode de Prajna. 

Pour conclure, je dirai que dans la méditation de la Pleine Conscience, c'est l'activité du mental qui prévaut et Prajna est passive, alors que dans la pratique de zazen, c'est l'activité de Prajna qui est active, quels que soient par ailleurs les états de conscience, car ceux-ci ne reflètent jamais que des phénomènes transitoires, vide de nature propre et, ultimement (si l'on s'y attache), facteur de souffrance. Dans le Zen, on appelle "makyo" ces états de conscience, et n'ont strictement rien à voir avec kenshô. 

Cela étant, qu'on ne s'y méprenne pas : l'activité de Prajna n'est pas spontanée dans la conscience. Elle s'éveille à condition d'atteindre la coïncidence de l'esprit observé (objet) et l'esprit observant (sujet). Dans cette coïncidence, la dualité sujet/objet disparaît. C'est l'Absence (et non la Présence). C'est l'Anatman – le Non-soi – et non le Soi. Ne vous y trompez pas.

Auteur: Dumè Antoni

Info: https://voirsavraienature.blogspot.com/2020/05/activite-du-mental-et-activite-de-la.html?

[ adaptation moderne ] [ confusions ] [ différences ] [ enseignements traditionnels ] [ grand véhicule ]

 

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symbiose

Les cellules du corps se parlent du vieillissement

Les biologistes ont découvert que les mitochondries de différents tissus communiquent entre elles pour réparer les cellules blessées. Lorsque leur signal échoue, l’horloge biologique commence à ralentir.

Le vieillissement peut apparaitre comme un processus non régulé : au fil du temps, nos cellules et notre corps accumulent inévitablement des bosses et des bosses qui provoquent des dysfonctionnements, des échecs et finalement la mort. Cependant, en 1993, une découverte a bouleversé cette interprétation des événements. Les chercheurs ont trouvé une mutation dans un seul gène qui doublait la durée de vie d'un ver ; des travaux ultérieurs ont montré que des gènes apparentés, tous impliqués dans la réponse à l'insuline, sont des régulateurs clés du vieillissement chez une multitude d'animaux, depuis les vers et les mouches jusqu'aux humains. La découverte suggère que le vieillissement n’est pas un processus aléatoire – en fait, des gènes spécifiques le régulent – ​​ce qui ouvre la porte à des recherches plus approfondies sur la manière dont le vieillissement se déroule au niveau moléculaire.

Récemment, une série d’articles ont documenté une nouvelle voie biochimique qui régule le vieillissement, basée sur les signaux transmis entre les mitochondries, les organelles les plus connues comme la centrale électrique de la cellule. En travaillant avec des vers, les chercheurs ont découvert que les dommages causés aux mitochondries dans les cellules cérébrales déclenchaient une réponse de réparation qui était ensuite amplifiée, déclenchant des réactions similaires dans les mitochondries de tout le corps du ver. L'effet de cette activité de réparation prolonge la durée de vie de l'organisme : les vers dont les dommages mitochondriaux étaient rainsi éparés vivaient 50 % plus longtemps.

De plus, les cellules de la lignée germinale – les cellules qui produisent les ovules et les spermatozoïdes – étaient au cœur de ce système de communication anti-âge. C’est une découverte qui ajoute de nouvelles dimensions aux préoccupations en matière de fertilité impliquées lorsque les gens parlent du vieillissement et de leur " horloge biologique ". Certaines des découvertes ont été rapportées dans Science Advances et d’autres ont été publiées sur le serveur de prépublication scientifique biorxiv.org à l’automne.

La recherche s'appuie sur un ensemble de travaux récents suggérant que les mitochondries sont des organites sociaux qui peuvent communiquer entre elles même lorsqu'elles se trouvent dans des tissus différents. Essentiellement, les mitochondries fonctionnent comme des talkies-walkies cellulaires, envoyant des messages dans tout le corps qui influencent la survie et la durée de vie de l’organisme tout entier.

"Ce qui est important ici, c'est qu'en plus des programmes génétiques, il existe également un facteur très important pour réguler le vieillissement, à savoir la communication entre les tissus", a déclaré David Vilchez, qui étudie le vieillissement à l'Université de Cologne et n'a pas participé à l'étude. 

Le biologiste cellulaire Andrew Dillin a découvert il y a environ dix ans les premiers indices de cette nouvelle voie qui régule la durée de vie. Il était à la recherche de gènes prolongeant la vie des vers Caenorhabditis elegans lorsqu'il a découvert que les dommages génétiques aux mitochondries prolongeaient la vie des vers de 50 %.

C'était inattendu. Dillin avait supposé que des mitochondries défectueuses accéléreraient la mort plutôt que de prolonger la vie – après tout, les mitochondries sont essentielles au fonctionnement cellulaire. Pourtant, pour une raison ou une autre, le fait de perturber le bon fonctionnement des mitochondries obligeait les vers à vivre plus longtemps.

Plus intrigant était le fait que les mitochondries endommagées dans le système nerveux des vers semblaient être à l'origine de cet effet. "Cela montre vraiment que certaines mitochondries sont plus importantes que d'autres", a déclaré Dillin, qui est maintenant professeur à l'Université de Californie à Berkeley. "Les neurones dictent cela au reste de l'organisme, et c'était vraiment surprenant."

Au cours de la dernière décennie, le biologiste cellulaire Andrew Dillin a découvert les détails biochimiques d'une nouvelle voie qui régule le vieillissement, dans laquelle les mitochondries des cellules du corps communiquent sur la santé cellulaire.

Aujourd'hui, Dillin et son équipe ont élargi ces découvertes en découvrant de nouveaux détails sur la façon dont les mitochondries du cerveau communiquent avec les cellules du corps du ver pour prolonger la vie.

Tout d'abord, il fallait comprendre pourquoi des dommages causés aux mitochondries du cerveau pouvaient avoir un effet bénéfique sur l'organisme. Le processus de production d'énergie d'une mitochondrie nécessite une machinerie moléculaire extrêmement complexe comprenant des dizaines de parties protéiques différentes. Lorsque les choses tournent mal, par exemple lorsque certains composants sont manquants ou mal repliés, les mitochondries activent une réponse au stress, connue sous le nom de réponse protéique dépliée, qui délivre des enzymes de réparation pour aider les complexes à s'assembler correctement et à restaurer la fonction mitochondriale. De cette façon, la réponse protéique déployée maintient les cellules en bonne santé.

Dillin s’attendait à ce que ce processus se déroule uniquement à l’intérieur des neurones dont les mitochondries sont endommagées. Pourtant, il a observé que les cellules d’autres tissus du corps du ver activaient également des réponses de réparation même si leurs mitochondries étaient intactes.

C'est cette activité de réparation qui a permis aux vers de vivre plus longtemps. Comme si on emmenait régulièrement une voiture chez un mécanicien, la réponse protéique déployée semblait maintenir les cellules en bon état de fonctionnement et fonctionner comme un élément anti-âge. Ce qui restait mystérieux était la façon dont cette réponse protéique déployée était communiquée au reste de l’organisme.

Après quelques recherches, l'équipe de Dillin a découvert que les mitochondries des neurones stressés utilisaient des vésicules – des conteneurs en forme de bulles qui déplacent les matériaux autour de la cellule ou entre les cellules – pour transmettre un signal appelé Wnt au-delà des cellules nerveuses vers d'autres cellules du corps. Les biologistes savaient déjà que Wnt joue un rôle dans la configuration du corps au cours du développement embryonnaire précoce, au cours duquel il déclenche également des processus de réparation tels que la réponse protéique déployée. Pourtant, comment la signalisation Wnt, lorsqu’elle est activée chez un adulte, pourrait-elle éviter d’activer le programme embryonnaire ?

Dillin soupçonnait qu'il devait y avoir un autre signal avec lequel Wnt interagissait. Après d'autres travaux, les chercheurs ont découvert qu'un gène exprimé dans les mitochondries de la lignée germinale – et dans aucune autre mitochondrie – peut interrompre les processus de développement de Wnt. Ce résultat lui suggère que les cellules germinales jouent un rôle essentiel dans le relais du signal Wnt entre le système nerveux et les tissus du reste du corps.

"La lignée germinale est absolument essentielle pour cela", a déclaré Dillin. Il n’est cependant pas clair si les mitochondries germinales agissent comme des amplificateurs, recevant le signal des mitochondries du cerveau et le transmettant à d’autres tissus, ou si les tissus récepteurs " écoutent " les signaux provenant des deux sources.

Quoi qu’il en soit, la force du signal germinal régule la durée de vie de l’organisme, a déclaré Dillin. À mesure qu’un ver vieillit, la qualité de ses œufs ou de son sperme diminue – ce que nous appelons le tic-tac d’une horloge biologique. Ce déclin se reflète également dans la capacité changeante des cellules germinales à transmettre les signaux des mitochondries du cerveau, a-t-il suggéré. À mesure que le ver vieillit, sa lignée germinale transmet le signal de réparation moins efficacement et son corps décline également.

Les scientifiques ne savent pas encore si ces découvertes s’appliquent aux humains et à notre façon de vieillir. Pourtant, l’hypothèse a du sens d’un point de vue évolutif plus large, a déclaré Dillin. Tant que les cellules germinales sont saines, elles envoient des signaux favorables à la survie pour garantir que leur organisme hôte survit et se reproduit. Mais à mesure que la qualité des cellules germinales diminue, il n’y a aucune raison évolutive de continuer à prolonger la durée de vie ; du point de vue de l'évolution, la vie existe pour se reproduire.

Le fait que les mitochondries puissent communiquer entre elles peut sembler quelque peu alarmant, mais il existe une explication. Il y a longtemps, les mitochondries étaient des bactéries libres qui s’associaient à un autre type de cellules primitives pour travailler ensemble dans ce qui est devenu nos cellules complexes modernes. Ainsi, leur capacité à communiquer est probablement une relique de l’ancêtre bactérien libre des mitochondries.

"Cette petite chose qui existe à l'intérieur des cellules depuis des milliards d'années conserve toujours ses origines bactériennes", a déclaré Dillin. Et si ses recherches sur les vers se confirment dans des organismes plus complexes comme les humains, il est possible que vos mitochondries parlent en ce moment de votre âge. 



 

Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/, Viviane Callier, 8 janvier 2024

[ impulsion source ] [ jouvence ]

 

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subatomique

Des scientifiques font exploser des atomes avec un laser de Fibonacci pour créer une dimension temporelle "supplémentaire"

Cette technique pourrait être utilisée pour protéger les données des ordinateurs quantiques contre les erreurs.

(Photo avec ce texte : La nouvelle phase a été obtenue en tirant des lasers à 10 ions ytterbium à l'intérieur d'un ordinateur quantique.)

En envoyant une impulsion laser de Fibonacci à des atomes à l'intérieur d'un ordinateur quantique, des physiciens ont créé une phase de la matière totalement nouvelle et étrange, qui se comporte comme si elle avait deux dimensions temporelles.

Cette nouvelle phase de la matière, créée en utilisant des lasers pour agiter rythmiquement un brin de 10 ions d'ytterbium, permet aux scientifiques de stocker des informations d'une manière beaucoup mieux protégée contre les erreurs, ouvrant ainsi la voie à des ordinateurs quantiques capables de conserver des données pendant une longue période sans les déformer. Les chercheurs ont présenté leurs résultats dans un article publié le 20 juillet dans la revue Nature.

L'inclusion d'une dimension temporelle "supplémentaire" théorique "est une façon complètement différente de penser les phases de la matière", a déclaré dans un communiqué l'auteur principal, Philipp Dumitrescu, chercheur au Center for Computational Quantum Physics de l'Institut Flatiron, à New York. "Je travaille sur ces idées théoriques depuis plus de cinq ans, et les voir se concrétiser dans des expériences est passionnant.

Les physiciens n'ont pas cherché à créer une phase dotée d'une dimension temporelle supplémentaire théorique, ni à trouver une méthode permettant d'améliorer le stockage des données quantiques. Ils souhaitaient plutôt créer une nouvelle phase de la matière, une nouvelle forme sous laquelle la matière peut exister, au-delà des formes standard solide, liquide, gazeuse ou plasmatique.

Ils ont entrepris de construire cette nouvelle phase dans le processeur quantique H1 de la société Quantinuum, qui se compose de 10 ions d'ytterbium dans une chambre à vide, contrôlés avec précision par des lasers dans un dispositif connu sous le nom de piège à ions.

Les ordinateurs ordinaires utilisent des bits, c'est-à-dire des 0 et des 1, pour constituer la base de tous les calculs. Les ordinateurs quantiques sont conçus pour utiliser des qubits, qui peuvent également exister dans un état de 0 ou de 1. Mais les similitudes s'arrêtent là. Grâce aux lois étranges du monde quantique, les qubits peuvent exister dans une combinaison, ou superposition, des états 0 et 1 jusqu'au moment où ils sont mesurés, après quoi ils s'effondrent aléatoirement en 0 ou en 1.

Ce comportement étrange est la clé de la puissance de l'informatique quantique, car il permet aux qubits de se lier entre eux par l'intermédiaire de l'intrication quantique, un processus qu'Albert Einstein a baptisé d'"action magique à distance". L'intrication relie deux ou plusieurs qubits entre eux, connectant leurs propriétés de sorte que tout changement dans une particule entraîne un changement dans l'autre, même si elles sont séparées par de grandes distances. Les ordinateurs quantiques sont ainsi capables d'effectuer plusieurs calculs simultanément, ce qui augmente de manière exponentielle leur puissance de traitement par rapport à celle des appareils classiques.

Mais le développement des ordinateurs quantiques est freiné par un gros défaut : les Qubits ne se contentent pas d'interagir et de s'enchevêtrer les uns avec les autres ; comme ils ne peuvent être parfaitement isolés de l'environnement extérieur à l'ordinateur quantique, ils interagissent également avec l'environnement extérieur, ce qui leur fait perdre leurs propriétés quantiques et l'information qu'ils transportent, dans le cadre d'un processus appelé "décohérence".

"Même si tous les atomes sont étroitement contrôlés, ils peuvent perdre leur caractère quantique en communiquant avec leur environnement, en se réchauffant ou en interagissant avec des objets d'une manière imprévue", a déclaré M. Dumitrescu.

Pour contourner ces effets de décohérence gênants et créer une nouvelle phase stable, les physiciens se sont tournés vers un ensemble spécial de phases appelées phases topologiques. L'intrication quantique ne permet pas seulement aux dispositifs quantiques d'encoder des informations à travers les positions singulières et statiques des qubits, mais aussi de les tisser dans les mouvements dynamiques et les interactions de l'ensemble du matériau - dans la forme même, ou topologie, des états intriqués du matériau. Cela crée un qubit "topologique" qui code l'information dans la forme formée par de multiples parties plutôt que dans une seule partie, ce qui rend la phase beaucoup moins susceptible de perdre son information.

L'une des principales caractéristiques du passage d'une phase à une autre est la rupture des symétries physiques, c'est-à-dire l'idée que les lois de la physique sont les mêmes pour un objet en tout point du temps ou de l'espace. En tant que liquide, les molécules d'eau suivent les mêmes lois physiques en tout point de l'espace et dans toutes les directions. Mais si vous refroidissez suffisamment l'eau pour qu'elle se transforme en glace, ses molécules choisiront des points réguliers le long d'une structure cristalline, ou réseau, pour s'y disposer. Soudain, les molécules d'eau ont des points préférés à occuper dans l'espace et laissent les autres points vides ; la symétrie spatiale de l'eau a été spontanément brisée.

La création d'une nouvelle phase topologique à l'intérieur d'un ordinateur quantique repose également sur la rupture de symétrie, mais dans cette nouvelle phase, la symétrie n'est pas brisée dans l'espace, mais dans le temps.

En donnant à chaque ion de la chaîne une secousse périodique avec les lasers, les physiciens voulaient briser la symétrie temporelle continue des ions au repos et imposer leur propre symétrie temporelle - où les qubits restent les mêmes à travers certains intervalles de temps - qui créerait une phase topologique rythmique à travers le matériau.

Mais l'expérience a échoué. Au lieu d'induire une phase topologique à l'abri des effets de décohérence, les impulsions laser régulières ont amplifié le bruit provenant de l'extérieur du système, le détruisant moins d'une seconde et demie après sa mise en marche.

Après avoir reconsidéré l'expérience, les chercheurs ont réalisé que pour créer une phase topologique plus robuste, ils devaient nouer plus d'une symétrie temporelle dans le brin d'ion afin de réduire les risques de brouillage du système. Pour ce faire, ils ont décidé de trouver un modèle d'impulsion qui ne se répète pas de manière simple et régulière, mais qui présente néanmoins une sorte de symétrie supérieure dans le temps.

Cela les a conduits à la séquence de Fibonacci, dans laquelle le nombre suivant de la séquence est créé en additionnant les deux précédents. Alors qu'une simple impulsion laser périodique pourrait simplement alterner entre deux sources laser (A, B, A, B, A, B, etc.), leur nouveau train d'impulsions s'est déroulé en combinant les deux impulsions précédentes (A, AB, ABA, ABAAB, ABAABAB, ABAABABA, etc.).

Cette pulsation de Fibonacci a créé une symétrie temporelle qui, à l'instar d'un quasi-cristal dans l'espace, est ordonnée sans jamais se répéter. Et tout comme un quasi-cristal, les impulsions de Fibonacci écrasent également un motif de dimension supérieure sur une surface de dimension inférieure. Dans le cas d'un quasi-cristal spatial tel que le carrelage de Penrose, une tranche d'un treillis à cinq dimensions est projetée sur une surface à deux dimensions. Si l'on examine le motif des impulsions de Fibonacci, on constate que deux symétries temporelles théoriques sont aplaties en une seule symétrie physique.

"Le système bénéficie essentiellement d'une symétrie bonus provenant d'une dimension temporelle supplémentaire inexistante", écrivent les chercheurs dans leur déclaration. Le système apparaît comme un matériau qui existe dans une dimension supérieure avec deux dimensions de temps, même si c'est physiquement impossible dans la réalité.

Lorsque l'équipe l'a testé, la nouvelle impulsion quasi-périodique de Fibonacci a créé une phase topographique qui a protégé le système contre la perte de données pendant les 5,5 secondes du test. En effet, ils ont créé une phase immunisée contre la décohérence pendant beaucoup plus longtemps que les autres.

"Avec cette séquence quasi-périodique, il y a une évolution compliquée qui annule toutes les erreurs qui se produisent sur le bord", a déclaré Dumitrescu. "Grâce à cela, le bord reste cohérent d'un point de vue mécanique quantique beaucoup plus longtemps que ce à quoi on s'attendrait.

Bien que les physiciens aient atteint leur objectif, il reste un obstacle à franchir pour que leur phase devienne un outil utile pour les programmeurs quantiques : l'intégrer à l'aspect computationnel de l'informatique quantique afin qu'elle puisse être introduite dans les calculs.

"Nous avons cette application directe et alléchante, mais nous devons trouver un moyen de l'intégrer dans les calculs", a déclaré M. Dumitrescu. "C'est un problème ouvert sur lequel nous travaillons.

 

Auteur: Internet

Info: livesciences.com, Ben Turner, 17 août 2022

[ anions ] [ cations ]

 

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