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consumérisme

Les carrosseries, les ailes, les portières, les capots, sont lisses, brillants, multicolores. Nous, les ouvriers,nous sommes gris, sales, fripés. La couleur, c'est l'objet qui l'a sucée : il n'en reste plus pour nous. Elle resplendit de tous ses feux, la voiture en cours de fabrication. Elle avance doucement, à travers les étapes de son habillage, elle s'enrichit d'accessoires et de chromes, son intérieur se garnit de tissus douillets, toutes les attentions sont pour elle. Elle se moque de nous. Elle nous nargue. Pour elle, pour elle seule, les lumières de la grande chaîne. Nous, une nuit invisible nous enveloppe.

Auteur: Linhart Robert

Info: L'établi

[ prolétariat ] [ fétichisme ] [ usine ]

 

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usine

Parfois, s'il a travaillé vite, il lui reste quelques secondes de répit avant qu'une nouvelle voiture se présente : ou bien il en profite pour souffler un instant, ou bien, au contraire, intensifiant son effort, il "remonte la chaîne" de façon à accumuler un peu d'avance, c'est -à-dire qu'il travaille en amont de son aire normale, en même temps que l'ouvrier du poste précédent. Et quand il aura amassé, au bout d'une heure ou deux, le fabuleux capital de deux ou trois minutes d'avance, il le consommera le temps d'une cigarette - voluptueux rentier qui regarde passer sa carrosserie déjà soudée, les mains dans les poches pendant que les autres travaillent.

Auteur: Linhart Robert

Info: L'établi

[ chaine de montage ] [ prendre de l'avance ] [ gagner du terrain ]

 

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prolétariat

Le premier jour d'usine est terrifiant pour tout le monde, beaucoup m'en parleront ensuite, souvent avec angoisse. Quel esprit, quel corps peut accepter sans un mouvement de révolte de s'asservir à ce rythme anéantissant, contre nature, de la chaîne ? L'insulte et l'usure de la chaîne, tous l'éprouvent avec violence, l'ouvrier et le paysan, l'intellectuel et le manuel, l'immigré et le Français. Et il n'est pas rare de voir un nouvel embauché prendre son compte le soir même du premier jour, affolé par le bruit, les éclairs, le monstrueux étirement du temps, la dureté du travail indéfiniment répété, l'autoritarisme des chefs et la sécheresse des ordres, la morne atmosphère de prison qui glace l'atelier.

Auteur: Linhart Robert

Info: L'établi, p. 25

[ taylorisation ] [ brouhaha ] [ abrutissement ]

 

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usine

C'est comme une anesthésie progressive: on pourrait se lover dans la torpeur du néant et voir passer les mois - les années peut-être, pourquoi pas? Avec toujours les mêmes échanges de mots, les gestes habituels, l'attente du casse-croûte du matin, puis l'attente de la cantine, puis l'attente du casse-croûte de l'après-midi, puis l'attente de cinq heures du soir. De compte à rebours en compte à rebours, la journée finit toujours par passer. Quand on a supporté le choc du début, le vrais péril est là. L'engourdissement. Oublier jusqu'aux raisons de sa propre présence ici. Se satisfaire de ce miracle : survivre. S'habituer. On s'habitue à tout, paraît-il. Se laisser couler dans la masse. Amortir les chocs. Eviter les à-coups, prendre garde à tout ce qui dérange. Négocier avec sa fatigue. Chercher refuge dans une sous-vie. La tentation...

Auteur: Linhart Robert

Info: L'établi

[ chaine de montage ] [ routine ] [ abrutissement ]

 

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industrie

Le vestiaire me fascine. Il fonctionne comme un sas et, tous les soirs, une métamorphose collective spectaculaire s'y produit. En un quart d'heure, dans une agitation fébrile, chacun entreprend de faire disparaître de son corps et de son allure les marques de la journée de travail. Rituel de nettoyage et de remise en état. On veut sortir propre. Mieux, élégant.
L'eau des quelques lavabos gicle en tous sens. Décrassage, savon, poudres, frottements énergiques, produits cosmétiques. Etrange alchimie où s'incorporent encore des relents de sueur, des odeurs d'huile et de ferraille. Progressivement, l'odeur des ateliers et de la fatigue s'atténue, cède la place à celle du nettoyage. Enfin, avec précaution, on déplie et on enfile la tenue civile : chemise immaculée, souvent une cravate. Oui, c'est un sas, entre l'atmosphère croupissante du despotisme de fabrique et l'air théoriquement libre de la société civile. D'un côté, l'usine :saleté, veste usée, combinaisons trop vaste, bleus tachés, démarche traînante, humiliation d'ordres sans répliques ( " Eh, toi!"). De l'autre, la ville : complet-veston, chaussures cirées, tenue droite et l'espoir d'être appelé "Monsieur".

Auteur: Linhart Robert

Info: L'établi

[ transmutation ] [ prolétariat ] [ apparence ]

 

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prolétariat

Je m'étonne. Il n'est que manoeuvre? Ce n'est quand même pas si facile, la soudure à l'étain. Et moi qui ne sais rien faire, on m'a embauché comme "ouvrier spécialisé" (O.S.2, dit le contrat) : O.S., dans la hiérarchie des pas-grand-chose, c'est pourtant au-dessus de manoeuvre... Mouloud, visiblement, n' pas envie de s'étendre. Je n'insiste pas. A la première occasion, je me renseignerai sur les principes de classification de Citroën. Quelques jours plus tard, un autre ouvrier me les donnera. Il y a six catégories d'ouvriers non qualifiés. De bas en haut: trois catégories de manoeuvre (M. 1., M. 2, M.3); trois catégories d'ouvriers spécialisés (O.S. 1, O.S. 2, O.S. 3). Quand à la répartition, elle se fait d'une façon tout à fait simple: elle est raciste. Les Noirs sont M. 1, tout en bas de l'échelle. Les Arabes sont M. 2 ou M. 3. Les Espagnols, les Portugais et les autres immigrés européens sont en général O.S. 2. Les Français sont, d'office, O.S. 2. Et on devient O.S. 3 à la tête du client, selon le bon vouloir des chefs. Voilà pourquoi je suis ouvrier spécialisé et Mouloud manoeuvre, voilà pourquoi je gagne quelques centimes de plus par heure, quoique je sois incapable de faire son travail. Et après, on ira faire des statistiques subtiles sur la "grille des classifications", comme disent les spécialistes.

Auteur: Linhart Robert

Info: L'établi

[ xénophobie ]

 

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