Citation
Catégorie
Tag – étiquette
Auteur
Info



nb max de mots
nb min de mots
trier par
Dictionnaire analogique intriqué pour extraits. Recherche mots ou phrases tous azimuts. Aussi outil de précision sémantique et de réflexion communautaire. Voir la rubrique mode d'emploi. Jetez un oeil à la colonne "chaînes". ATTENTION, faire une REINITIALISATION après  une recherche complexe. Et utilisez le nuage de corrélats !!!!..... Lire la suite >>
Résultat(s): 34
Temps de recherche: 0.0366s

esthétique

Un arbre a besoin de deux choses : de substance sous terre, et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une force d'élégance. La beauté qui leur est nécessaire c'est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d'étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches. Le moteur qui pousse la lymphe vers le haut dans les arbres, c'est la beauté, car seule la beauté dans la nature s'oppose à la gravité. Sans beauté l'arbre ne veut pas. C'est pourquoi je m'arrête à un endroit du champ et je lui demande : "ici tu veux ?" Je n'attends pas de réponse, de signe dans la main qui tient son tronc, mais j'aime dire un mot à l'arbre. Lui sent les bords, les horizons et cherche l'endroit exact pour pousser. Un arbre écoute les comètes, les planètes, les amas et les essaims. Il sent les tempêtes sur les soleil et les cigales sur lui avec une attention de veilleur. Un arbre est une alliance entre le proche et le lointain parfait.

Auteur: Luca Erri De

Info: trois chevaux

[ littérature ] [ végétal ] [ source ] [ harmonie ]

 

Commentaires: 0

.

J'attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.

J'attache de la valeur au règne animal et à la République des étoiles.

J'attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui qui ne sait pas épargner, à deux vieux qui s'aiment.

J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien, à ce qui aujourd'hui vaut encore peu de choses.

J'attache de la valeur à toutes les blessures.

J'attache de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s'asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.

J'attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de la moniale, à la patience du condamné, quelle que soit sa faute.

J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur.

Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues.

Auteur: Luca Erri De

Info: Valeur

[ cherté ] [ prix ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

racines

Je parle avec Rafaniello, aujourd'hui nous avons le temps, je lui demande si son pays ne lui manque pas. Son pays n'existe plus, il n'y est resté ni vivants ni morts, on les a fait disparaître tous ensemble : "Je ne sens pas le manque, dit-il, mais la présence. Dans mes pensées ou quand je chante, quand je répare un soulier, je sens la présence de mon pays. Il vient souvent me trouver, maintenant qu'il n'a plus une place à lui. Dans le cri du marchand d'eau qui monte avec son charreton à Montedidio pour vendre de l'eau sulfureuse dans des pots de terre cuite, de sa voix aussi me parviennent quelques syllabes de mon pays." Il se tait un moment, ses petits clous dans la bouche et la tête penchée sur une semelle. Il voit que je suis resté à côté et il continue : "Quand tu es pris de nostalgie, ce n'est pas un manque, c'est une présence, c'est une visite, des personnes, des pays arrivent de loin et te tiennent un peu compagnie." Alors don Rafaniè, les fois où il me vient la pensée d'un manque, je dois l'appeler présence ? "C'est ça, et à chaque manque, tu souhaites la bienvenue, tu lui fais bon accueil." Alors quand vous vous serez envolé, je ne dois pas sentir votre manque, moi ? "Non, dit-il, quand il t'arrive de penser à moi, moi je suis présent." J'écris sur le rouleau les paroles de Rafaniello qui ont mis le manque sens dessus dessous et il est mieux comme ça maintenant. Lui, avec les pensées, il fait comme avec les chaussures, il les retourne sur sa caisse et les répare.

Auteur: Luca Erri De

Info: Montedidio

[ travail ]

 

Commentaires: 0

bibelots

Dans ma chambre, il y a deux petits objets qui ont une grande valeur pour moi, ils ne sont donc pas négociables. L’un d’eux est une frise en pierre, ramassée dans les décombres de la bibliothèque de Sarajevo pendant les années de siège. J’ai fréquenté ces lieux lors des dizaines de voyages en tant que conducteur de convois d’aide, pendant leur enfer. J’avais la quarantaine et je quittais le chantier de construction où je travaillais comme maçon. Les autres travailleurs gardaient ma place. Ce morceau de pierre blanche et taillée, exposé sur un ancien bâtiment musulman écroulé par les obus de la fin du siècle, contient mon époque, mon appartenance au XXe siècle.

L’autre objet est un boulon massif à tête carrée, utilisé pour fixer un rail à sa traverse. Je l’ai ramassé sur le ballast défoncé et labouré du camp d’extermination de Birkenau/Brzezinka en Pologne. C’était le mois d’avril, j’étais seul, enveloppé dans un silence servi par le vent, qui agissait comme un serveur balayant tout sans bruit. J’ai marché sur le quai le long duquel plus d’un million de vies étaient descendues des wagons de marchandises plombés. J’ai parcouru les mètres jusqu’à la fin de la course, où la sélection a eu lieu. J’ai marché sur ces derniers pas. J’étais entouré des ruines du siège d’une infamie. J’ai ramassé parmi les bouts de fer rouillé, éparpillés, le boulon à tête carrée. Il est un peu tordu, probablement martelé. J’ai enlevé la rouille avec mes mains, j’avais des paumes en papier de verre à l’époque. Maintenant, il est posé sur la table de mon bureau. Il appartient au milieu des années 1900, époque où je n’étais pas là et dont j’ai hérité de la génération de mes parents.

Auteur: Luca Erri De

Info: " Circa il valore ", 24 octobre 2013, in " Itinéraires ", Œuvres choisies ; © Gallimard, 2023

[ fétiches personnels ] [ mémoire ]

 

Commentaires: 0

Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste