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musique

Samedi, après votre départ, nous errâmes tristes, les yeux pleins de larmes, à travers le salon dans lequel quelques minutes auparavant vous étiez encore parmi nous. Mon père arriva peu après, désolé de n'avoir pu vous faire ses adieux : ma mère pleurait et parlait sans cesse de son fils Frédéric (ainsi qu'elle vous appelait). Et mes frères ! Félix était complètement abattu : quant à Casimir, il s'efforçait de plaisanter pour nous distraire, mais cela ne lui réussissait pas, car lui-même ressemblait à un Pierrot débitant ses farces, la gorge serrée par les sanglots. Mon père se moquait de nous, voulant paraître gai, mais c'était seulement pour ne pas pleurer. A onze heures, notre professeur de chant arriva ; la leçon n'avait pas d'entrain, aucun de nous ne pouvait chanter. Nous nous sommes mis à parler de vous. Félix me pria de jouer votre valse (la dernière oeuvre que vous nous avez laissée) nous étions tous heureux : mes frères de l'écouter et moi de la jouer, car cela nous rappelait le cher absent. J'ai porté cette valse chez le relieur ; il a ouvert de grands yeux à la vue d'un simple feuillet, mais il ne pouvait en deviner l'auteur. A table, personne ne mangea ; tous les yeux se portaient constamment sur votre place, restée vide et ensuite sur le "coin de Fritz". Votre chaise est toujours à la même place ; elle y restera, très probablement aussi longtemps que nous habiterons ici.
Le soir, on nous conduisit chez notre tante, pour échapper à la tristesse de la première soirée passée sans vous. Papa nous rejoignit bientôt, disant qu'il lui était impossible, de rester ce jour-là à la maison. C'était pour nous un véritable soulagement de fuir le lieu qui nous rappelait sans cesse l'ami qui était parti loin de nous.

Auteur: Wodzinska Maria

Info: sa lettre adressée à Chopin après son départ à Paris, ils ne se reverront pas, et qui fait mention de la 9ème valse, la valse de l'Adieu

[ romantisme ] [ séparation ]

 

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vocabulaire

Je nettoie les mots.
Je les ramasse la nuit, partout :
Le mot forêt, le mot maison, le mot fleur.
Je m’occupe d’eux pendant la journée
Quand je rêve éveillé.

Le mot solitude me tient compagnie.

Chaque mot a besoin d’être nettoyé et caressé :
Le mot ciel, le mot nuage, le mot mer.
Certains doivent être lavés,
Il faut même les gratter de la saleté des jours et des abus.
Beaucoup de mots arrivent malades,
D’autres arrivent tout simplement usés, déguisés,
Pliés sous le poids des choses qu’ils traînent derrière eux.

Le mot pierre pèse aussi lourd qu’une pierre.
Le mot rose répand son parfum dans l’air.
Le mot arbre a des feuilles, de grandes branches,
Et on peut se reposer à l’ombre de son feuillage.
Le mot chat enfonce ses ongles dans le tapis.
Le mot oiseau ouvre ses ailes pour s’envoler.
Le mot cœur n’arrête pas de battre.
On écoute le mot chanson.

Le mot vent fait voler les papiers et il faut l’enfermer dans la cave
À la fin tous les mots se tournent vers la lumière
Et s’envolent bien loin, légers, nés de ma main une fois de plus :

Le mot étoile, le mot île, le mot pain.

Le mot merci me remercie. Les autres ne le font pas.
Le mot au revoir fait ses adieux.
Les autres sont partis, mots à la surface lisse et lavée,
Comme les cailloux de la rivière :
Le mot jalousie, le mot colère, le mot froid.

Ils partent à la recherche de ceux qui souhaitent les prononcer.
Il suffit de tendre la main
Pour cueillir le mot bateau ou le mot amour.

Je nettoie les mots.
Le mot coquille, le mot lune, le mot mot.
Je les ramasse la nuit, je m’en occupe pendant la journée.
Le mot cuisinier cuisine mon dîner.
Le mot brise me rafraîchit.
Et le mot solitude me tient compagnie.

Auteur: Magalhaes Alvaro

Info:

[ poème ] [ termes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

éloge

Ne craignez pas que je sois comme madame Miford, que je mette la couronne sur votre tête au moment le plus pathétique ; mais comme je ne puis vous comparer qu'à vous même, il faut que je vous dise, Talma, qu'hier vous avez surpassé la perfection et l'imagination même. Il y a dans cette pièce, toute défectueuse qu'elle est, un débris d'une tragédie plus forte que la nôtre, et votre talent m'est apparu dans ce rôle de Hamlet, comme le génie de Shakespeare, mais sans inégalités, sans les gestes familiers, devenus tout-à-coup ce qu'il y a de plus noble sur la terre.
Cette profondeur de nature, ces questions sur notre destinée à tous, en présence de cette foule qui mourra, et qui semblait vous écouter comme l'oracle du sort ; cette apparition du spectre, plus terrible dans vos regards que sous la forme la plus redoutable, cette profonde mélancolie, cette voix, ces regards qui révèlent des sentiments, un caractère au-dessus de toutes les proportions humaines ; c'est admirable, trois fois admirable; et mon amitié pour vous n'entre pour rien dans cette émotion la plus profonde que les arts m'aient fait ressentir depuis que je vis. Je vous aime, dans la chambre, dans les rôles où vous êtes encore votre pareil ; mais dans ce rôle d'Hamlet, vous m'inspirez un tel enthousiasme, que ce n'était plus vous, que ce n'était plus moi; c'était une poésie de regards, d'accents, de gestes à laquelle aucun écrivain ne s'est encore élevé. Adieu, pardonnez-moi de vous écrire, quand je Vous attends ce matin à une heure, et ce soir à huit ; mais si les convenances sociales ne devaient pas tout arrêter, je ne sais pas, hier, si je ne me serais pas fait fière d'aller moi-même vous donner cette couronne, qui est due à un tel talent plus qu'à tout autre ; car ce n'est pas un acteur que vous êtes, c'est un homme qui élève la nature humaine, en nous en donnant une idée nouvelle. Adieu ! à une heure. Ne me répondez pas, mais aimez-moi pour mon admiration.

Auteur: Staël Madame de Germaine Necker baronne de Staël-Holstein

Info: in Staëlliana de Cousin d'Avallon, Staël à Talma, Juillet 1809

[ théâtre ] [ comédien ]

 

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humanisme

Pierre Clastres appartenait à la génération formée par l'anthropologue suisse Alfred Métraux. Clastres, spécialiste des Indiens Guarani et Guayaki du Paraguay, dont il étudiait notamment l'institution politique de la chefferie, menait une enquête de terrain auprès des Indiens Chulupi qui vivent dans le Chaco paraguayen. Au cours de leurs conversations, les Indiens lui rapportèrent un événement arrivé une trentaine d'années auparavant le long du fleuve Pilcomayo qui marque la frontière avec l'Argentine. Un soir, alors que les soldats argentins campaient de l'autre côté du fleuve, l'un d'entre eux le traversa à la nage et s'approcha d'eux. Les Indiens étaient très méfiants car les Argentins les avaient souvent attaqués. Mais le soldat était venu, au péril de sa vie, les prévenir que le lendemain à l'aube les autres allaient passer le fleuve pour massacrer toute la tribu. Par prudence les Indiens quittèrent le campement et le lendemain, en effet, les guetteurs restés à l'arrière virent débarquer les troupes. "Le soldat ne nous avait pas menti, dirent-ils à Pierre Clastres, il nous a sauvé. On ne l'a jamais revu"... Ce soldat était Alfred Métraux, qui menait une enquête sur les Indiens Mataco et Toba dans le Chaco argentin. Il campait à proximité des Argentins et avait entendu leurs propos. Il portait des vêtements assez semblables aux leurs, ainsi les Chulupi l'avaient pris pour un homme de troupe. Sans craindre les piranhas qui pullulaient dans le fleuve ni les flèches des Indiens de l'autre rive, il avait jugé de son devoir de les avertir. Beaucoup plus tard, quelques semaines avant sa mort, Alfred Métraux avait raconté ça à Pierre Clastres qui s'en est souvenu lorsque les Chulupi lui ont rapporté l'événement. Alfred Métraux se suicida un 11 avril et son corps ne fut retrouvé que le 20. Il succomba à l'absorption de barbituriques et enregistra sur un carnet les étapes de son intoxication. Dans sa lettre d'adieu il protestait vivement contre l'indifférence de la société envers les personnes âgées, d'une cruauté sans équivalent dans les sociétés qu'il avait étudiées sur la planète. Idée qu'il présenta comme raison de son geste.

Auteur: Internet

Info:

[ anecdote ] [ insolite ] [ dernières paroles ] [ héroïsme ]

 

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dernières paroles

Fresnes, le 21 février 1944
Ma Chérie,
Ma dernière lettre et mon dernier souvenir pour toi ; je vais être fusillé à 3 heures. Il est 11 1/2. D'abord, je voudrais que tu ne pleures pas et que tu sois très courageuse comme je le suis moi-même. Je n'ai pas peur de mourir. Je trouve quand même que c'est un peu trop tôt. Comme cadeau d'anniversaire, c'est réussi, n'est-ce pas ? Tu sais depuis samedi ce qui m'attend par les journaux. Ta photo est devant moi, ce matin comme toujours. Je l'emmène avec moi pour ce long voyage d'où personne n'est, je crois, jamais revenu. Console-toi très vite, nous nous sommes trop peu connus. J'ai fait mon devoir envers tous. Je ne regrette rien. Tout ce que je voudrais, c'est que, quelquefois, vous tous, mes amis pensiez à moi. Maintenant, j'embrasse tes parents, Fanny, toi-même, ma chérie, ainsi que tous mes amis. Quand mes parents reviendront, tu rendras mes affaires, enfin arranger tout quand tous seront de retour.Ils ont été très forts pour mon cadeau d'anniversaire, ne trouves-tu pas ?
Je n'écris pas grand-chose. Je n'ai pas grand-chose à écrire. Ça vaut mieux. Parlons des amis.
Je souhaite tout le bonheur possible à Roger, Denise et Jean, Claude leur fils, Robert Balin : je les embrasse ainsi que leurs parents. J'embrasse tous les amis du quartier, je n'énumère pas leur[s] nom[s]. Embrasse mes cousins Pérel, les amis Berkowitz, sans oublier surtout Merlo et leurs enfants, Sznaper, Debut, (Alice, Mireille, Joseph Finkelstein, Fuks, Deltour, Tondelier, Postaniec, enfin tous sans exception. J'oublie Anna, ses parents, Ben, Joseph, etc. Je n'arrête pas de manger en ce moment. Que veux-tu que je te dise, ma chérie ; il faut bien mourir un jour. Je t'ai beaucoup aimée, mais il ne faut pas pour cela oublier que ta vie continue, à toi. D'ici quelque temps, j'espère que tu te seras fait une raison et que la vie reprendr[a] ses droits.
Enfin, ADIEU À TOUS. La vie sera meilleure pour vous. Je vous embrasse tous, ta famille et toi, Ginette.
Je demande pardon à tous ceux que j'oublie des amis.
Ma Ginette, je partirai avec ton nom sur mes lèvres. VIVE LA FRANCE : Léon Goldberg.
J'écris mal à cause du froid.

Auteur: Goldberg Léon

Info: à sa fiancée

[ exécution ]

 

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scène de ménage

La veille du départ de Diderot pour la Russie, j'allai recevoir ses adieux. Il accourut, me mena dans son cabinet, les larmes aux yeux. Là, d'une voix étouffée par les sanglots, il me dit : " Vous voyez un homme au désespoir! Je viens de subir la scène la plus cruelle pour un père et pour un époux. Ma femme... Ma fille... Ah! Comment me séparer d'elles après avoir vu leur douleur déchirante ! Nous étions à table, moi entre elles deux : point d'étrangers, comme vous pensez bien. Je voulais leur donner et ne donner qu'à elles ces derniers moments. Quel dîner, quel spectacle de désolation ! Jamais ou ne verra rien de pareil dans l'intérieur du foyer domestique. Nous ne pouvions ni parler ni manger : notre désespoir nous suffoquait. Ah! mon ami, qu'il est doux d'être aimé par des êtres si tendres, mais qu'il est affreux de les quitter! Non, je n'aurai point cet abominable courage. Qu'est-ce que les cajoleries de la grandeur auprès des épanchements de la nature? Je reste, j'y suis décidé; je n'abandonnerai pas ma femme et ma fille ; je ne serai pas leur bourreau : car, mon ami, voyez-vous bien, mon départ leur donnerait la mort. " Et le philosophe me couvrait de ses larmes, qui commençaient à m'attendrir, lorsque nous vîmes entrer Mme Diderot, et la scène changea.
Il me semble encore qu'elle est là sous mes yeux, cette femme impayable, avec son petit bonnet, sa robe à plis, sa figure bourgeoise, ses poings sur les côtés et sa voix criarde : - " Eh bien ! Eh bien ! Monsieur Diderot, s'écria-t-elle, que faites-vous là ? Vous perdez votre temps à conter des balivernes, et vos paquets vous les oubliez. Rien ne sera prêt pour demain. Vous devez pourtant partir de grand matin ; mais bon ! Vous êtes toujours occupé à faire des phrases éternelles, et les affaires deviennent ce qu'elles peuvent. Voilà ce que c'est aussi que d'être allé dîner dehors, au lieu de rester en famille. Vous aviez tant promis de n'en rien faire ! mais tout le monde vous possède, excepté nous. Ah ! quel homme! Quel homme ! " Cette petite tempête de ménage survenue à propos pour éteindre le feu d'artifice tiré par mon cher ami, excita en moi une hilarité difficile à décrire. J'ignore comment se termina la fête, car je m'enfuis sans attendre le bouquet.
Le lendemain j'appris, sans étonnement, que l'infortuné avait quitté Paris avec une héroïque résignation et que la famille ne s'était jamais mieux portée.

Auteur: Devaines Jean

Info:

[ femmes-hommes ] [ séparation ] [ départ ] [ anecdote ]

 

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dernières paroles

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta soeur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.
Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta soeur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon coeur.
Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari. Manouchian Michel
P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.

Auteur: Manouchian Missak

Info: Mont-Valérien, 19 février 1944

[ exécution ]

 

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dernières paroles

Mille et un souhaits de bonne nuit ma très chère fille bien-aimée, Véronica. Innocent, j'ai été jeté en prison ; innocent, je dois maintenant mourir. Car quiconque entre dans la prison des sorciers doit être torturé jusqu'a ce qu'il invente un crime ou un autre... Quand on me soumit pour la première fois à la torture, le Dr Braun, le Dr Kötzendörffer et deux docteurs que je ne connaissais pas étaient présents. Le Dr Braun me demande : "Parent, comment se fait-il que tu sois ici ? " Je réponds : "Par erreur, par malchance.". "Ecoute-moi, toi, rétorque-t-il, tu es un sorcier ; confesseras-tu tes crimes de ton plein gré ? Sinon, nous ferons venir les témoins, et le bourreau s'occupera de toi. ". Je lui dis : "Je ne suis pas sorcier, ma conscience est pure sur ce chapitre ; faites venir mille témoins, je ne les crains pas. " ...Alors entra aussi - Seigneur qui êtes aux Cieux, ayez pitié - le bourreau ; il lia ensemble mes deux mains et me fit endurer les poucettes, de sorte que mon sang jaillit de mes ongles et ruissela partout, de sorte que, quatre semaines durant, je ne pus me servir de mes mains, ainsi que tu le remarqueras à mon écriture. ...Après quoi ils me déshabillèrent, attachèrent mes mains derrière mon dos, puis me hissèrent dans l'estrapade. Je crus alors la fin du monde arrivée ; huit fois de suite, ils me firent monter, puis me laissèrent tomber ; mes douleurs furent indescriptibles... Et ainsi, j'avouai... mais ce n'était que mensonge. Suit maintenant, ma chère enfant, ce que je confessai afin d'échapper aux atroces souffrances et aux horribles tortures, que je ne pouvais supporter davantage... Je dus ensuite dire les noms des gens que j'avais rencontrés (au sabbat). Je déclarai que je ne les avais pas reconnus. "Vieux coquin, je vais encore devoir appeler le bourreau. Alors ? - le Chancelier était-il présent ? " Je répondis que oui. "Qui d'autre ? " Je n'avais reconnu personne. De sorte qu'il dit : "Prends une rue après l'autre ; pars du marché, éloigne t'en par une rue et retournes-y par la suivante. " Je dus nommer plusieurs personnes habitant là. Puis j'arrivai à la longue rue. Je n'y connaissais personne. Dus pourtant nommer huit habitants... Et ainsi m'interrogèrent-ils sur toutes les rues, quoique je ne puisse ni ne voulusse en dire davantage. Ils me remirent donc entre les mains du bourreau, lui dirent de me déshabiller, de me raser le corps, et de me mettre à la torture... Je dus ensuite dire tous les crimes que j'avais commis. Je ne dis rien... "Hisse ce coquin ! " Je déclarai alors que j'étais censé tuer mes enfants, mais qu'à la place j'avais tué un cheval. Cela ne leur suffit pas. J'avais également volé une hostie consacrée pour la profaner. Après cette dernière confession, ils me laissèrent en paix. Ma chère enfant, cache bien cette lettre... Autrement je serais très hideusement torturé et l'on décapiterait mes geôliers... Adieu, car ton père Johannes Junius, ne te reverra plus jamais.

Auteur: Junius Johannes

Info: dernière lettre à sa fille

[ exécution ]

 

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poème

Quiconque aura premier la main embesongnée
A te couper, forest, d'une dure congnée,
Qu'il puisse s'enferrer de son propre baston,
Et sente en l'estomac la faim d'Erisichton,
Qui coupa de Cerés le Chesne venerable
Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,
Les bœufs et les moutons de sa mère esgorgea,
Puis pressé de la faim, soy-mesme se mangea :
Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se devore après par les dents de la guerre.

Qu'il puisse pour vanger le sang de nos forests,
Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests
Devoir à l'usurier, et qu'en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme.

Que tousjours sans repos ne face en son cerveau
Que tramer pour-neant quelque dessein nouveau,
Porté d'impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse.

Escoute, Bucheron (arreste un peu le bras)
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas,
Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force
Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ?
Sacrilege meurdrier, si on prend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de destresses
Merites-tu, meschant, pour tuer des Déesses ?

Forest, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le Cerf solitaire et les Chevreuls legers
Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere
Plus du Soleil d'Esté ne rompra la lumiere.

Plus l'amoureux Pasteur sur un tronq adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé,
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette :
Tout deviendra muet : Echo sera sans voix :
Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue :
Tu perdras ton silence, et haletans d'effroy
Ny Satyres ny Pans ne viendront plus chez toy.

Adieu vieille forest, le jouët de Zephyre,
Où premier j'accorday les langues de ma lyre,
Où premier j'entendi les fleches resonner
D'Apollon, qui me vint tout le coeur estonner :
Où premier admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jetta,
Et de son propre laict Euterpe m'allaita.

Adieu vieille forest, adieu testes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le desdain des passans alterez,
Qui bruslez en Esté des rayons etherez,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent vos meurtriers, et leur disent injures.

Adieu Chesnes, couronne aux vaillans citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnastes à repaistre,
Peuples vrayment ingrats, qui n'ont sceu recognoistre
Les biens receus de vous, peuples vraiment grossiers,
De massacrer ainsi nos peres nourriciers.

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie !
Ô Dieux, que véritable est la Philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin perira,
Et qu'en changeant de forme une autre vestira :
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cyme d'Athos une large campagne,
Neptune quelquefois de blé sera couvert.
La matiere demeure, et la forme se perd.

Auteur: Ronsard Pierre de

Info: Contre les bucherons de la forest de Gastine, Elégie

[ abattage ] [ havage ]

 

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déclaration d'amour

Je n'ai pas passé un jour sans t'aimer ; je n'ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras ; je n'ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l'ambition qui me tiennent éloigné de l'âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. Si je m'éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c'est pour te revoir plus vite. Si, au milieu de la nuit, je me lève pour travailler, c'est que cela peut avancer de quelques jours l'arrivée de ma douce amie, et cependant, dans ta lettre du 23 au 26 ventôse, tu me traites de Vous !!
Vous toi-même ! Ah ! Mauvaise, comment as-tu pu écrire cette lettre ! Qu'elle est froide ! Et puis, du 23 au 26, restent quatre jours ; qu'as-tu fait, puisque tu n'as pas écrit à ton mari ?... Ah ! Mon amie, ce vous et ces quatre jours me font regretter mon antique indifférence. Malheur à qui en serait la cause ! Puisse-t-il, pour peine et pour supplice, éprouver ce que la conviction et l'évidence me feraient éprouver ! L'Enfer n'a pas de supplice ! Ni les Furies, de serpents ! Vous ! Vous ! Ah ! Que sera-ce dans quinze jours ?...
Mon âme est triste ; mon coeur est esclave, et mon imagination m'effraie... Tu m'aimes moins ; tu seras consolée. Un jour, tu ne m'aimeras plus ; dis-le-moi ; je saurai au moins mériter le malheur... Adieu, femme, tourment, bonheur, espérance et âme de ma vie, que j'aime, que je crains, qui m'inspire des sentiments tendres qui m'appellent à la Nature, et des mouvements impétueux, aussi volcaniques que le tonnerre. Je ne te demande pas ni amour éternel, ni fidélité, mais seulement... vérité, franchise sans bornes. Le jour où tu dirais "je t'aime moins" sera le dernier de ma vie. Si mon coeur était assez vil pour aimer sans retour, je le hacherais avec les dents.
Joséphine, Joséphine ! Souviens-toi de ce que je t'ai dit quelquefois : la Nature m'a fait l'âme forte et décidée. Elle t'a bâtie de dentelle et de gaze. As-tu cessé de m'aimer ? Pardon, âme de ma vie, mon âme est tendue sur de vastes combinaisons. Mon coeur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux... Je suis ennuyé de ne pas t'appeler par ton nom. J'attends que tu me l'écrives. Adieu ! Ah ! Si tu m'aimes moins, tu ne m'auras jamais aimé. Je serais alors bien à plaindre.
PS : La guerre, cette année, n'est plus reconnaissable. J'ai fait donner de la viande, du pain, du fourrage ; ma cavalerie armée marchera bientôt. Mes soldats me marquent une confiance qui ne s'exprime pas ; toi seule me chagrine ; toi seule, le plaisir et le tourment de ma vie. Un baiser à tes enfants dont tu ne parles pas ! Pardi ! Cela rallongerait ta lettre de moitié. Les visiteurs, à dix heures du matin, n'auraient pas le plaisir de te voir. Femme !!!

Auteur: Bonaparte Napoléon

Info: Lettres d'amour à Josephine, Albenga, le 18 germinal

[ correspondance ]

 

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