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Ils analysent où votre souris est sur la page, ce que vous avez mis dans votre caddie, ce que vous n'achetez pas.

Auteur: Chester Jeff

Info: directeur exécutif du centre pour la démocratie Digitale, au sujet de l'information rassemblée quand les gens emploient Internet, 1er nov 2007

[ big brother ]

 

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biologie

Les cellules isolées analysent des milliers de stimuli provenant du micro-environnement dans lequel elles vivent. Plus un organisme est conscient de son environnement, meilleures sont ses chances de survie. Quand les cellules s'unissent, elles augmentent leur conscience de façon exponentielle. La division du travail entre les cellules de la communauté offre un avantage supplémentaire en termes de survie. Son efficacité permet à plus de cellules de vivre avec moins. L'évolution est basée sur une interaction instructive et coopérative entre les organismes et leur environnement qui permet aux formes de vie de survivre et d'évoluer dans un monde dynamique.

Auteur: Lipton Bruce H.

Info:

[ synergie ]

 

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définition

Les auteurs analysent l’intelligence de la ruse qui prend alors le nom de la déesse Mètis et qui, par son pouvoir de dissimulation et de polymorphie, est la seule capable de vaincre toutes sortes de forces. Dans tous les domaines d’activité où se joue un rapport de force, il est possible de l’emporter face à celui qui est au départ le plus fort, parce que les stratégies mètis de combat sont secrètes ou cachées. En somme, on pourrait dire que plus fort que la force, il existe cette forme d’intelligence dont la force réside dans l’art de ne pas se laisser voir. Ce qui condamne l’autre à la bêtise.

Auteur: Marilia Amorim

Info: L’effort pour rendre l’autre bête. Revue du MAUSS,‎ 25 janvier 2015, à propos du livre : Les ruses de l'intelligence. La mètis des Grecs

[ roueries ] [ débrouille ] [ feintes ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

globalisation digitale

L’économie numérique semble ainsi superposer, de bas en haut, l’univers des internautes qui agissent et consomment, puis le réseau où ils font circuler leurs données et acquièrent des biens et des services dans un système d’interface que chacun comprend. Enfin, tout en haut, se situe l’étage opaque où les géants d’Internet qui détiennent les données, les analysent, et partant connaissent l’état du marché, prennent des décisions qui leur sont favorables. Pour Fernand Braudel, l’émergence du capitalisme au XVe siècle tient moins à une activité particulière ou à la nature des échanges, qu’à l’apparition d’un détenteur de l’information capable de réguler à son profit la relation entre la consommation quotidienne et le marché. Aujourd’hui nous dirions : entre la vie numérique et le réseau.

Auteur: Fogel Jean-François

Info: La condition numérique

[ mondialisation Internet ] [ commerce ] [ analogie ] [ gafam ] [ glocalisation ] [ pouvoir ]

 

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végétal

Suite à une intuition de Darwin on a commencé des expériences pour découvrir assez vite que les plantes ont ce qu'on pourrait appeler leur "cerveau" dans les racines. Têtes plantées dans le sol, elles nous donneraient plutôt à voir leurs organes sexuels. Selon le chercher en neurobiologie Frantisek Baluska les racines analysent en permanence au moins une vingtaine de paramètres issus de leur environnement (luminosité, gravitation, etc..). Il démontre clairement que cette sorte de cerveau, un peu comme un périscope, se situe tout en pointe de la racine. Selon lui, si ces cellules ne sont pas des neurones, sous plusieurs aspects elles en sont très proches. (on voit entre autre, dans un film accéléré, une racine " tâtonner " pour trouver où s'installer. Et on voit ensuite la même racine, extrémité coupée, qui ne tâtonne plus mais va tout droit). Ce domaine de recherche, la neurobiologie, a beaucoup de peine à se faire reconnaître par les scientifiques installés en pantoufles.

Auteur: Arte TV

Info: l'esprit des plantes de Jacques Mitsch

[ sciences ] [ vie ]

 

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femmes-par-homme

Combien d'hommes ai-je entendu dire qu'ils désiraient avoir une femme intelligente dans leur vie.

Je les encourage à y réfléchir.

Les femmes intelligentes prennent des décisions par elles-mêmes, ont des désirs propres et fixent des limites.

Tu ne seras jamais le centre de sa vie parce que celle-ci tourne autour d'elle-même.

Une femme intelligente ne va pas se laisser manipuler ou faire du chantage, elle ne culpabilise pas et assume ses responsabilités.

Les femmes intelligentes questionnent, analysent, disputent, elles ne se contentent pas, elles avancent.

Ces femmes ont eu une vie avant toi et elles savent qu'elles continueront à en avoir une une fois que tu seras parti.

Elle est là pour proposer, pas pour demander la permission.

Ces femmes ne cherchent pas dans le couple un leader à suivre, un papa qui résoudra leur vie ou un fils à sauver.

Elles ne veulent pas te suivre ni tracer la voie de qui que ce soit, elles veulent seulement marcher à tes côtés.

Elles savent que la vie sans violence est un droit, pas un luxe ni un privilège.

Elles expriment aussi bien la colère, la tristesse, la joie et la peur, parce qu’elles savent que la peur ne les rend pas faibles de la même façon que la colère ne les rend pas "masculines".

Ces deux émotions et les autres, toutes ensemble, les rendent humaines. Et c'est tout !

Une femme intelligente est libre parce qu'elle s'est battue pour sa liberté.

Mais ce n'est pas une victime, c'est une survivante.

N'essaie pas de l'enchaîner parce qu'elle saura comment s'échapper.

Souviens-toi qu’elle l'a déjà fait.

La femme intelligente sait que sa valeur ne réside pas dans l'apparence de son corps

ni ce qu’elle fais avec.

Réfléchissez à deux fois avant de la juger sur son âge, sa taille, sa corpulence ou sa sexualité, parce que c'est de la violence émotionnelle et elle le sait.

Donc... avant d'ouvrir la bouche pour dire que tu veux avoir une femme "intelligente" dans ta vie, demande-toi plutôt si toi, tu es vraiment fait pour rentrer dans la sienne."

Auteur: Internet

Info: Attribué à Gabriel Garcia Marquez

[ partenaire féminine ]

 

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interdépendance

Complexité des écosystèmes: un gage de résilience face au changement
Le fonctionnement d'un écosystème s'articule autour de relations de natures diverses entre une myriade d'espèces. Identifier de manière exhaustive ces interactions et le rôle qu'elles jouent dans le fonctionnement d'un écosystème demeure toutefois peu évident.
Dans une étude publiée récemment dans PLos Biology, une équipe internationale menée par deux chercheurs de l'Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier (ISEM, CNRS / IRD / EPHE) et du Laboratoire Biométrie et Biologie Evolutive de Villeurbanne (CNRS / Université de Lyon) a pu étudier l'ensemble des relations trophiques* et non-trophiques entre les espèces présentes dans la zone de balancement des marées de la côte centrale du Chili.
Ce travail inédit, basé sur la modélisation mathématique des réseaux, montre que ces interactions sont fortement structurées selon une organisation qui assure la résilience de la communauté. Il confirme ainsi l'importance de prendre en compte la diversité des relations interspécifiques d'un écosystème pour prévoir ses réactions face à des perturbations de grande ampleur comme le changement climatique.
La plupart des travaux scientifiques qui s'intéressent au fonctionnement des milieux naturels se sont jusqu'ici focalisés sur les relations trophiques entre les espèces qui les composent. Or d'autres formes d'interactions comme le mutualisme ou la compétition pour l'espace semblent jouer un rôle tout aussi important. Ces relations non-trophiques sont pourtant rarement prises en compte dans les études portant sur les réseaux écologiques.
Avec l'aide des scientifiques chiliens du Center for Marine Conservation et du Center for Applied Ecology and Sustainability, qui analysent depuis plusieurs décennies les interactions entre les espèces qui peuplent la côte du centre du Chili, des chercheurs français et américains sont parvenus à visualiser pour la première fois un réseau écologique dans toute sa complexité. "En traitant l'importante masse de données collectée par nos collègues chiliens à l'aide de puissants outils de modélisation statistique des réseaux, nous avons pu dresser une cartographie précise des relations s'établissant entre les 106 espèces qui peuplent cette zone intertidale", détaille Sonia Kéfi, chercheuse en écologie à l'Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier et cosignataire de l'article.
Les scientifiques ont ainsi constaté que les interactions non-trophiques comme la compétition pour l'espace ou la création d'habitats étaient deux fois plus nombreuses que celles correspondant à la consommation directe d'autres organismes. L'équipe a ensuite réparti les 106 espèces impliquées dans ces interactions en différents groupes au sein desquels les espèces sont très proches sur le plan taxonomique. Chacun d'eux rassemblait des organismes entretenant le même genre de relations avec les autres êtres vivants de la zone de balancement des marées.
A partir de cette représentation simplifiée du fonctionnement de l'écosystème, les chercheurs ont élaboré un système dynamique simulant l'évolution de sa biomasse totale et de sa biodiversité en fonction de l'organisation initiale de ce réseau d'interactions. "Lorsque nous introduisions de l'aléatoire dans la structure du réseau, nous observions à chaque fois une diminution de ces deux variables au cours du temps, détaille Sonia Kéfi. La structuration observée dans la nature conduisait quant à elle au maintien de la biodiversité et à une biomasse totale élevée."
Les résultats de cette étude mettent ainsi en avant l'importance de la complexité des relations entre les espèces qui composent une communauté écologique. A l'avenir, ce genre de travaux devrait aider à mieux comprendre la réaction des écosystèmes face à des perturbations comme le changement climatique ou l'exploitation, par l'Homme, des ressources naturelles.

Auteur: Internet

Info: http://www.techno-science.net, Vie et Terre, Posté par Isabelle, Lundi 19/12/2016,*qui concerne la nutrition des organes et des tissus -

[ complémentarité ] [ biotope ]

 

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pouvoir sémantique

Wokisme, un protestantisme déréglé?

À l’instar de plusieurs chercheurs américains qu’il cite largement dans son étude*, l'auteur observe dans cet activisme progressiste un post-protestantisme débarrassé de sa théologie, soit un nouveau puritanisme entièrement sécularisé.

L’analogie? "La rédemption des péchés du monde ne se réalise plus à travers le sacrifice christique, mais par celui du bouc émissaire, à savoir la figure de l’homme blanc hétérosexuel, symbole qui réunit les trois fautes à la racine des injustices sexuelles, raciales et de genre: la masculinité, la blanchité et l’hétéronormativité", lit-on dans le document. Ou encore: "Les rêves d’une société parfaite que le christianisme reportait à un Royaume céleste doivent être matérialisés ici-bas et immédiatement." Interview avec un chercheur très critique à l’endroit de son objet d’étude.

- Le wokisme découlerait du protestantisme. Comment cela?

- Un certain nombre d’intellectuels protestants et catholiques nord-américains analysent le phénomène woke comme une forme de protestantisme sécularisé, c’est-à-dire l’idée qu’un certain nombre de thèmes chrétiens (l’Éden, le péché originel, la confession, le blasphème, etc.) ont été capturés par la frange progressiste de la gauche et transférés dans le champ politique. L’orthodoxie morale n’est plus produite par les Églises mais par les divers activismes qui composent le mouvement de la Justice Sociale (anti-racisme, droits LGBT, féminisme, etc. ndlr).

- Concrètement, de quelle manière se manifeste ce nouveau puritanisme?

- De multiples manières et à différents étages de la société. Essentiellement, ce puritanisme est le produit de l’hégémonie de la gauche dans les champs intellectuel et culturel. Il fabrique des hiérarchies et des tabous utiles à un certain nombre de groupes d’intérêt et circonscrit les interprétations dicibles dans les universités et les grands médias.

- On assiste, avec ce courant, à une nouvelle moralisation de l’espace public, avec une mobilisation autour de la notion de justice sociale et le souci des minorités. Ne faudrait-il pas s’en réjouir?

- Plus d’un s’en réjouissent, mais je ne partage pas cet optimisme. L’impact des idées politiques ne s’évalue pas à partir des intentions de leurs promoteurs. Or nous avons affaire à un mouvement profondément anti-libéral et passablement anti-scientifique – il suffit de lire les intellectuels qui nourrissent ce phénomène pour s’en convaincre. Rien n’est plus dangereux que des révolutionnaires qui s’imaginent pur de cœur.

- Plusieurs observateurs parlent d’une "religion civile". L’analogie au champ religieux vous semble-t-elle pertinente ?

- Elle est pertinente pour deux raisons: la première est que le wokisme fonctionne à la manière des cosmographies religieuses, c’est-à-dire qu’il procure une explication globale du fonctionnement de la société et de l’histoire, et offre à ses ouailles sens, ordre et direction. La seconde est que le comportement sectaire et les hyperboles moralisantes des activistes invitent naturellement une comparaison avec les mouvements religieux fondamentalistes. Pour preuve, le recours à des concepts infalsifiables et tout-puissants, comme le "patriarcat" ou le "racisme systémique".

- Comment comprendre que le langage du wokisme soit si présent au sein du monde protestant et de ses Églises?

- Il y a aussi beaucoup de résistance, mais je suppose qu’une partie du clergé entend profiter de la vitesse acquise de cette nouvelle religion civile, reproduisant des comportements analogues aux Églises, et capable de mobiliser certains segments de la population. Articulé autour de notions de justice sociale, d’équité, d’inclusivité, le militantisme woke peut assez aisément être réapproprié dans un contexte ecclésial. On peut aussi s’attendre à une demande par le bas, un certain nombre de membres motivés dans les communautés exigeant de leur hiérarchie un positionnement sur les grands thèmes du jour. La chose n’est pas très surprenante quand on pense, par exemple, à l’influence que le marxisme a pu exercer sur les théologiens de la libération en Amérique latine. Les Églises ne sont pas imperméables aux modes. 

- Vous pointez, au sein de ce phénomène, l’absence de "gardes-fous théologiques". Qu’entendez-vous par là?

- L’idée qu’un corpus théologique, qui s’est construit à travers des siècles d’affinage et de conciles, procure un cadre normatif à des notions de justice, de péché ou de rédemption. Libérées de ce cadre et réintroduites dans une religiosité révolutionnaire, ces idées prennent le mors aux dents. Le Royaume des Cieux se transforme en l’ambition d’établir ici-bas une société parfaitement égalitaire, quels qu’en soient les coûts.

- Vous êtes très critique à l’égard de ce mouvement. En quoi considérez-vous qu’il tende à glisser dans le fondamentalisme, voire le totalitarisme?

- La volonté de faire disparaître toutes les "inégalités", c’est-à-dire ici les disparités entre sexes ou entre populations, requiert nécessairement un État autoritaire régulant et corrigeant les effets des choix individuels. L’autoritarisme de la gauche progressiste n’est pas simplement la conséquence accidentelle d’une raideur idéologique propre au militantisme. Tout comme l’illustre l’histoire des économies planifiées, l’autoritarisme est l’inévitable propriété émergente du système.

- Votre étude souligne la contradiction de ce mouvement, dont les membres se proviennent majoritairement des classes les plus aisées…

- L’hypothèse que je trouve la plus séduisante a été formulée par le psychologue Rob Henderson: les classes supérieures nord-américaines signalent leur statut, c’est-à-dire se reconnaissent entre pairs et se distinguent du peuple, non plus seulement à l’aide de produits de luxe, mais aussi à l’aide d’idées luxueuses. Les coûts de ces idées sont assumés par les classes populaires tandis que les bénéfices à la fois matériels et immatériels sont capturés par les classes supérieures. Selon cette perspective, le wokisme est un outil dans un jeu de pouvoir et de statut. Son adoption signale son appartenance au camp du Bien et son institutionnalisation assure des débouchés professionnels à toute une classe de diplômés issus de filières académiques où le savoir tend à se dissiper au profit de l’activisme.

- N’allez-vous pas un peu loin en dénonçant une stratégie qui serait à nouveau profitable aux plus privilégiés, en faisant fi de leurs bonnes intentions?

-
Je ne pense pas que les activistes dont nous parlons ici soient des cyniques travaillant consciemment à consolider leur statut et je ne doute pas que leur mobilisation puise son énergie dans de bonnes intentions. Le problème réside dans la confusion entre les slogans et la réalité, d’une part, et dans la perception naïve que les bonnes intentions font de bonnes réformes, d’autre part. Or les réformes proposées par ces activistes (qui sont articulées sur toute une batterie de programmes préférentiels, de coûteuses formations, de régulations du langage) oscillent le plus souvent entre l’inutile et le contre-productif. 

Auteur: Moos Olivier

Info: Entretien avec Anne-Sylvie Sprenger à propos de *"The Great Awokening. Réveil militant, Justice Sociale et Religion", Religioscope, déc. 2020

[ cancel culture ] [ erreur catégorielle ] [ antispiritualisme ] [ bien maléfique ]

 

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métadonnées à valeur ajoutée MVA

"Ils profitent de notre pauvreté" : derrière le boom des intelligences artificielles génératives, le travail caché des petites mains de l'IA 

(Photo : 
Une masse d'hommes et de femmes invisibles, partout dans le monde, analysent des quantités colossales de données pour améliorer, caratériser et contextualiser les intelligences artificielles. )

La création d'algorithmes tels que ChatGPT ou Midjourney nécessite des quantités colossales de données, analysées par des humains. Des "annotateurs" indispensables mais souvent précaires, faiblement rémunérés et maintenus dans l'ombre.

"Des descriptions graphiques de viol, d'inceste, de nécrophilie... C'était ça tous les jours."  En 2021, Mophat Okinyi doit relire chaque jour plusieurs centaines de textes fournis à l'entreprise de traitement de données Sama par un client inconnu, pour entraîner un modèle d'intelligence artificielle (IA). L'objectif : préciser au logiciel ce qui pose problème dans ces textes, pour qu'il ne le reproduise pas.

Un travail rémunéré 21 000 shillings kenyans par mois (environ 150 euros) pour les employés du bas de l'échelle dont Mophat contrôlait l'activité. Cela a laissé chez lui des traces à vie. "Encore aujourd'hui, ça affecte mes relations avec ma famille, mes proches", explique l'analyste qualité kenyan. La mission qu'il décrit rappelle l'horreur à laquelle sont souvent confrontés les modérateurs des réseaux sociaux et répondait en fait, comme il le découvrira plus tard, à une commande de la start-up à la pointe de l'IA à l'origine de ChatGPT : OpenAI.

Le cas de Mophat Okinyi, extrême sous certains aspects, n'est pas non plus un exemple isolé, car derrière les grands discours de révolution technique se cache une masse de travailleurs invisibles dont les rangs se comptent en centaines de millions, selon des estimations. "On n'est pas du tout en train de créer des programmes qui se passent de l'humain, résume Antonio Casilli, professeur à l'Institut polytechnique de Paris. L'IA demande une quantité de travail humain énorme et absolument indispensable, dans toute la chaîne de production".

La majorité de cette masse humaine est très loin des grands patrons ou des ingénieurs renommés. Elle est constituée d'une armada de travailleurs anonymes éclatée à travers le monde, du Venezuela à Madagascar en passant par des camps de réfugiés au Liban et des prisons finlandaises. Des petites mains qui construisent le futur clic après clic, souvent dans un secret et une précarité bien gardés.

Cliquer encore et encore

Le prix de cette modernité ? Aux Philippines, entre 1,50 et 3 dollars par "tâche". C'est ce que la plateforme de travailleurs indépendants Remotasks verse en moyenne à Eduardo* pour placer, clic par clic, pixel par pixel, les contours qui délimitent sur une image un panneau de signalisation. Puis un véhicule. Puis un buisson. Une "tâche" qui lui prend en général une heure ou moins et qu'il répète inlassablement, huit heures par jour, six jours par semaine. Ces images serviront ensuite à entraîner des algorithmes d'analyse vidéo, par exemple pour les voitures autonomes ou la surveillance algorithmique. "C'est un travail intéressant", assure à franceinfo le jeune Philippin, qui travaille sur la plateforme depuis un peu plus de trois ans. Tout le monde ne sera pas du même avis, mais sans lui, l'appareil photo de votre smartphone aurait beaucoup de mal à identifier un visage, et la conduite semi-autonome de Tesla serait encore un rêve de science-fiction. Et vous-même y avez déjà contribué.

Que ce soit en laissant un "j'aime" sur Facebook ou en identifiant les images contenant une voiture dans un test captcha, vos retours participent à entraîner des algorithmes gratuitement depuis des années. Mais pour créer les IA qui ont bluffé le monde ces derniers mois, comme ChatGPT ou Midjourney, il faut des milliards d'exemples. Des données qui doivent souvent être "annotées", autrement dit accompagnées de commentaires, pour que la machine reproduise les catégories d'analyse de l'humain : faire comprendre que "ce tas de pixels est un enfant", que "cette phrase est fausse" ou que "cet élément évoque des comportements illégaux et ne doit pas être reproduit".

Et l'entraînement ne s'arrête jamais. "C'est un peu comme des athlètes, compare Antonio Casilli. Il faut constamment les entraîner, les adapter, les vérifier". Il s'agit d'évaluer les réponses, en soumettant aux IA des exemples toujours plus précis ou adaptés au nouveau contexte culturel. Autant de tâches qu'il est actuellement impossible d'automatiser.

"Ce n'est pas suffisant, mais c'est déjà quelque chose"

Astro* est l'un de ces nouveaux "entraîneurs d'IA". L'entrepreneur originaire de Tanzanie, qui a récemment terminé ses études de linguistique en France, réalise des tâches en indépendant à temps partiel via la plateforme Appen. "Il faut parfois isoler un visage dans une photo, dire si une image devrait apparaître dans la rubrique Souvenirs de Google Photos, si un texte est factuel ou non, créer des questions/réponses de culture générale...", explique-t-il à franceinfo. Il doit pour cela suivre des règles souvent très détaillées ("Cinquante pages à apprendre par cœur !"), au point d'en devenir parfois obscures. A la clé : 16 dollars de l'heure sur ses projets actuels. "Plus tu travailles, plus tu gagnes", explique l'indépendant. Mais encore faut-il être sélectionné pour participer au projet.

A l'autre bout du spectre, des entreprises embauchent des annotateurs en interne, notamment pour des tâches qui nécessitent une expertise précise. Mais pour nombre d'entre elles, la solution la plus rentable est souvent la sous-traitance : à des entreprises dans d'autres pays qui embauchent des annotateurs localement, comme Sama, ou encore à des plateformes comme Remotasks, Appen ou Toloka, qui transfèrent les missions à des travailleurs indépendants payés à la "micro-tâche".

"Ces travailleurs sont souvent recrutés dans des pays à faibles revenus, et géopolitiquement instables." Antonio Casilli, professeur à l'Institut polytechnique de Paris

A ces critères, Antonio Casilli ajoute des taux d'éducation et d'équipement informatique importants, l'existence d'une industrie de centres d'appels ou des relations fortes avec une ancienne puissance coloniale. Plusieurs noms de pays reviennent souvent : les Philippines, Madagascar, le Kenya, le Venezuela, le Pakistan…

Dans ces pays, un tel travail représente souvent un filet de sécurité précieux. "Ce n'est pas une source de travail fixe ou suffisante, mais c'est au moins quelque chose, résume Maria*. La crise économique au Venezuela a forcé beaucoup d'entre nous à quitter le marché du travail", raconte à franceinfo l'ingénieure industrielle, qui s'est lancée sur Remotasks à la faveur du confinement, en 2020. Après avoir suivi une formation, elle travaille aujourd'hui trois jours par semaine sur la plateforme, à raison de 10 heures par jour.

Pour quel salaire ? "Les tâches de catégorisation données par Remotasks au Venezuela peuvent prendre seulement quelques minutes et être payées 11 centimes de dollar, détaille Maria. D'autres beaucoup plus complexes peuvent durer huit heures ou plus, comme l'annotation de vidéos ou de données lidar, et être payées 10 dollars." Mais tout dépend du pays et de la difficulté de la tâche. Un "eldorado" relatif qui attire, y compris parfois des mineurs qui mentent sur leur âge pour rejoindre ces plateformes de micro-tâches, raconte le site spécialisé Wired. 

Précarité et dépendance

Mais ces espoirs ne suffisent pas à en faire un emploi de rêve. Même si une tâche peut être payée correctement par rapport au marché local, les travailleurs du clic déplorent souvent la différence de traitements entre les pays. "Les entreprises profitent de notre pauvreté", estime Andry*, annotateur à Madagascar, pour qui "un agent en Inde ou au Maroc sera mieux payé que nous". Le mode de calcul des rémunérations n'est jamais précisément expliqué.

"Il y a clairement une forme de néo-colonialisme."

Antonio Casilli, professeur à l'Institut polytechnique de Paris

Pour gagner des sommes correctes, les indépendants doivent être disponibles à toute heure du jour et de la nuit et s'adapter à des projets aux durées variables. "Sur Appen, les tâches arrivent à l'heure américaine, donc vers 21 heures en France", explique par exemple Astro*. "Sur une autre plateforme, j'ai reçu une tâche vendredi vers 19 heures, j'ai travaillé 45 heures sur le week-end, j'ai gagné 1 200 euros", résume Astro, qui dit apprécier le travail de nuit. 

Ce que certains voient comme une "opportunité professionnelle" peut aussi se transformer en piège. En Chine, des établissements promettent à leurs étudiants une formation en "IA" ou en "Big data", mais les forcent à annoter des images toute la journée pour un salaire inférieur au minimum légal, raconte le média Rest of World. Cette pratique n'est pas spécifique à la Chine, assure Antonio Casilli, qui cite également l'exemple de Madagascar.

"L'IA ne peut pas être éthique si elle est entraînée de façon immorale"

A qui profite ce travail souvent ingrat, parfois à la frontière de l'éthique ? Difficile de le savoir : l'industrie baigne dans un épais voile de secret, et comme dans le cas de Mophat Okinyi, les annotateurs indépendants savent rarement à qui sont destinées les données qu'ils traitent. "Je sais que le client est au Japon, mais c'est tout. On ne nous a rien dit sur eux", note Eduardo* à propos d'une de ses missions d'annotation, fournie par Remotasks aux Philippines.

"Les entreprises d'IA expliquent que si elles étaient pleinement transparentes sur leurs besoins en données, cela pourrait donner des indices sur leurs projets en cours et influencer les réponses des contributeurs", résume Antonio Casilli d'un ton sceptique. "Elles veulent échapper à leurs responsabilités", assène Mophat Okinyi, qui ne savait pas que son travail servirait à OpenAI avant la fin anticipée du contrat, à la demande de Sama, en mars 2022. 

"Si les annotateurs savaient qu'ils travaillent pour une entreprise qui génère des centaines de millions de dollars comme OpenAI, ils n'accepteraient pas des salaires si bas." Mophat Okinyi, ex-analyste qualité chez Sama

Ce travail peut-il être organisé de manière à satisfaire tout le monde, géants de la tech comme travailleurs du clic ? "Il faut plus de transparence, les entreprises basées à San Francisco doivent prendre leurs responsabilités", réclame Mophat Okinyi. Il s'est associé à 150 travailleurs du secteur de l'annotation et de la modération des plateformes pour créer l'Union des modérateurs de contenus du Kenya, qui devrait être autorisée "dans les deux mois", et a cofondé l'ONG Techworker Community Africa pour militer en faveur de meilleurs pratiques. "L'IA ne peut pas être éthique si elle est entraînée de façon immorale, en exploitant des gens en difficulté économique et sur des données volées", assène-t-il.

"Beaucoup de gens ne savent pas qu'il y a de l'humain derrière l'IA. Il faudrait que ce soit plus connu, et mieux payé." Astro, annotateur de données

Pour Antonio Casilli, il faut commencer par oublier l'idée que l'IA est seulement une prouesse d'ingénieurs ou d'entrepreneurs. " Nous sommes tous en quelque sorte les producteurs de ces IA, parce que ce sont nos données qui servent à les entraîner, mais nous ne sommes pas reconnus comme tels. Tant qu'on continuera à penser que l'IA est seulement l'affaire de Sam Altman, on aura un problème."

* Les prénoms suivis d'un astérisque ont été modifiés.

Auteur: Internet

Info: Francetvinfo.fr - Luc Chagnon, 9 avril 2024

[ texte-image ] [ homme-machine ] [ données intelligentes ] [ enrichies ] [ nord-sud ] [ domination économique ] [ data augmenté ] [ bases sémantiques ] [ post-colonialisme ]

 

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nanomonde verrouillé

Comment un tour de passe-passe mathématique a sauvé la physique des particules

La renormalisation est peut-être l'avancée la plus importante de la physique théorique depuis 50 ans. 

Dans les années 1940, certains physiciens avant-gardistes tombèrent sur une nouvelle couche de la réalité. Les particules n'existaient plus et les champs - entités expansives et ondulantes qui remplissent l'espace comme un océan - étaient dedans. Une ondulation dans un champ était un électron, une autre un photon, et leurs interactions semblaient expliquer tous les événements électromagnétiques.

Il n'y avait qu'un seul problème : la théorie était constituée d'espoirs et de prières. Ce n'est qu'en utilisant une technique appelée "renormalisation", qui consiste à occulter soigneusement des quantités infinies, que les chercheurs purent éviter les prédictions erronées. Le processus fonctionnait, mais même ceux qui développaient la théorie soupçonnaient qu'il s'agissait d'un château de cartes reposant sur un tour de passe-passe mathématique tortueux.

"C'est ce que j'appellerais un processus divertissant", écrira plus tard Richard Feynman. "Le fait de devoir recourir à de tels tours de passe-passe nous a empêchés de prouver que la théorie de l'électrodynamique quantique est mathématiquement cohérente.

La justification vint des décennies plus tard, d'une branche de la physique apparemment sans rapport. Les chercheurs qui étudiaient la magnétisation découvrirent que la renormalisation ne concernait aucunement les infinis. Elle évoquait plutôt la séparation de l'univers en domaines de tailles distinctes, point de vue qui guide aujourd'hui de nombreux domaines de la physique.

La renormalisation, écrit David Tong, théoricien à l'université de Cambridge, est "sans doute l'avancée la plus importante de ces 50 dernières années dans le domaine de la physique théorique".

L'histoire de deux charges

Selon certains critères, les théories des champs sont les théories les plus fructueuses de toute la science. La théorie de l'électrodynamique quantique (QED), qui constitue l'un des piliers du modèle standard de la physique des particules, a permis de faire des prédictions théoriques qui correspondent aux résultats expérimentaux avec une précision d'un sur un milliard.

Mais dans les années 1930 et 1940, l'avenir de la théorie était loin d'être assuré. L'approximation du comportement complexe des champs donnait souvent des réponses absurdes et infinies, ce qui amena certains théoriciens à penser que les théories des champs étaient peut-être une impasse.

Feynman et d'autres cherchèrent de toutes nouvelles perspectives - éventuellement même susceptibles de ramener les particules sur le devant de la scène - mais ils finirent par trouver un moyen de contourner l'obstacle. Ils constatèrent que les équations QED  permettaient d'obtenir des prédictions respectables, à condition qu'elles soient corrigées par la procédure impénétrable de renormalisation.

L'exercice est le suivant. Lorsqu'un calcul QED conduit à une somme infinie, il faut l'abréger. Mettez la partie qui tend vers l'infini dans un coefficient - un nombre fixe - placé devant la somme. Remplacez ce coefficient par une mesure finie provenant du laboratoire. Enfin, laissez la somme nouvellement apprivoisée retourner à l'infini.

Pour certains, cette méthode s'apparente à un jeu de dupes. "Ce ne sont tout simplement pas des mathématiques raisonnables", écrivit Paul Dirac, théoricien quantique novateur.

Le cœur du problème - germe de sa solution éventuelle - se trouve dans la manière dont les physiciens ont traité la charge de l'électron.

Dans ce schéma la charge électrique provient du coefficient - la valeur qui engloutit l'infini au cours du brassage mathématique. Pour les théoriciens qui s'interrogeaient sur la signification physique de la renormalisation, la théorie QED laissait entendre que l'électron avait deux charges : une charge théorique, qui était infinie, et la charge mesurée, qui ne l'était pas. Peut-être que le noyau de l'électron contenait une charge infinie. Mais dans la pratique, les effets de champ quantique (qu'on peut visualiser comme un nuage virtuel de particules positives) masquaient l'électron, de sorte que les expérimentateurs ne mesuraient qu'une charge nette modeste.

Deux physiciens, Murray Gell-Mann et Francis Low, concrétisèrent cette idée en 1954. Ils ont relié les deux charges des électrons à une charge "effective" qui varie en fonction de la distance. Plus on se rapproche (et plus on pénètre le manteau positif de l'électron), plus la charge est importante.

Leurs travaux furent les premiers à lier la renormalisation à l'idée d'échelle. Ils laissaient entendre que les physiciens quantiques avaient trouvé la bonne réponse à la mauvaise question. Plutôt que de se préoccuper des infinis, ils auraient dû s'attacher à relier le minuscule à l'énorme.

La renormalisation est "la version mathématique d'un microscope", a déclaré Astrid Eichhorn, physicienne à l'université du Danemark du Sud, qui utilise la renormalisation pour ses recherches en théorie de la gravité quantique. "Et inversement, vous pouvez commencer par le système microscopique et faire un zoom arrière. C'est une combinaison de microscope et de télescope".

La renormalisation capture la tendance de la nature à se subdiviser en mondes essentiellement indépendants.

Les aimants sauvent la mise

Un deuxième indice apparut dans le monde de la matière condensée, ici les physiciens s'interrogeaient sur la manière dont un modèle magnétique grossier parvenait à saisir les détails de certaines transformations. Le modèle d'Ising n'était guère plus qu'une grille de flèches atomiques qui ne pouvaient pointer que vers le haut ou vers le bas, mais il prédisait les comportements d'aimants réels avec une perfection improbable.

À basse température, la plupart des atomes s'alignent, ce qui magnétise le matériau. À haute température, ils deviennent désordonnés et le réseau se démagnétise. Mais à un point de transition critique, des îlots d'atomes alignés de toutes tailles coexistent. Il est essentiel de noter que la manière dont certaines quantités varient autour de ce "point critique" semble identique dans le modèle d'Ising, dans les aimants réels de différents matériaux et même dans des systèmes sans rapport, tels que la transition à haute pression où l'eau devient indiscernable de la vapeur d'eau. La découverte de ce phénomène, que les théoriciens ont appelé universalité, était aussi bizarre que de découvrir que les éléphants et les aigrettes se déplacent exactement à la même vitesse de pointe.

Les physiciens n'ont pas pour habitude de s'occuper d'objets de tailles différentes en même temps. Mais ce comportement universel autour des points critiques les obligea à tenir compte de toutes les échelles de longueur à la fois.

Leo Kadanoff, chercheur dans le domaine de la matière condensée, a compris comment procéder en 1966. Il a mis au point une technique de "spin par blocs", en décomposant une grille d'Ising trop complexe pour être abordée de front, en blocs modestes comportant quelques flèches par côté. Il calcula l'orientation moyenne d'un groupe de flèches et  remplaça tout le bloc par cette valeur. En répétant le processus, il lissa les détails fins du réseau, faisant un zoom arrière pour comprendre le comportement global du système.

Enfin, Ken Wilson -  ancien étudiant de Gell-Mann qui avait les pieds tant dans le monde de la physique des particules et de la matière condensée -  réunit les idées de Gell-Mann et de Low avec celles de Kadanoff. Son "groupe de renormalisation", qu'il décrivit pour la première fois en 1971, justifiait les calculs tortueux de la QED et a fourni une échelle permettant de gravir les échelons des systèmes universels. Ce travail a valu à Wilson un prix Nobel et a changé la physique pour toujours.

Selon Paul Fendley, théoricien de la matière condensée à l'université d'Oxford, la meilleure façon de conceptualiser le groupe de renormalisation de Wilson est de le considérer comme une "théorie des théories" reliant le microscopique au macroscopique.

Considérons la grille magnétique. Au niveau microscopique, il est facile d'écrire une équation reliant deux flèches voisines. Mais extrapoler cette simple formule à des trillions de particules est en fait impossible. Vous raisonnez à la mauvaise échelle.

Le groupe de renormalisation de Wilson décrit la transformation d'une théorie des éléments constitutifs en une théorie des structures. On commence avec une théorie de petits éléments, par exemple les atomes d'une boule de billard. On tourne la manivelle mathématique de Wilson et on obtient une théorie connexe décrivant des groupes de éléments, par exemple les molécules d'une boule de billard. En continuant de tourner la manivelle, on obtient des groupes de plus en plus grands - grappes de molécules de boules de billard, secteurs de boules de billard, et ainsi de suite. Finalement, vous voilà en mesure de calculer quelque chose d'intéressant, comme la trajectoire d'une boule de billard entière.

Telle est la magie du groupe de renormalisation : Il permet d'identifier les quantités à grande échelle qu'il est utile de mesurer et les détails microscopiques alambiqués qui peuvent être ignorés. Un surfeur s'intéresse à la hauteur des vagues, et non à la bousculade des molécules d'eau. De même, en physique subatomique, la renormalisation indique aux physiciens quand ils peuvent s'occuper d'un proton relativement simple plutôt que de son enchevêtrement de quarks intérieurs.

Le groupe de renormalisation de Wilson suggère également que les malheurs de Feynman et de ses contemporains venaient du fait qu'ils essayaient de comprendre l'électron d'infiniment près. "Nous ne nous attendons pas à ce que  ces théories soient valables jusqu'à des échelles [de distance] arbitrairement petites", a déclaré James Fraser, philosophe de la physique à l'université de Durham, au Royaume-Uni. Ajoutant : "La coupure absorbe notre ignorance de ce qui se passe aux niveaux inférieurs".

En d'autres termes, la QED et le modèle standard ne peuvent tout simplement pas dire quelle est la charge nue de l'électron à une distance de zéro nanomètre. Il s'agit de ce que les physiciens appellent des théories "effectives". Elles fonctionnent mieux sur des distances bien définies. L'un des principaux objectifs de la physique des hautes énergies étant de découvrir ce qui se passe exactement lorsque les particules deviennent encore plus proches.

Du grand au petit

Aujourd'hui, le "dippy process" de Feynman est devenu aussi omniprésent en physique que le calcul, et ses mécanismes révèlent les raisons de certains des plus grands succès de la discipline et de ses défis actuels. Avec la renormalisation, les câpres submicroscopiques compliqués ont tendance à disparaître. Ils sont peut-être réels, mais ils n'ont pas d'incidence sur le tableau d'ensemble. "La simplicité est une vertu", a déclaré M. Fendley. "Il y a un dieu là-dedans.

Ce fait mathématique illustre la tendance de la nature à se diviser en mondes essentiellement indépendants. Lorsque les ingénieurs conçoivent un gratte-ciel, ils ignorent les molécules individuelles de l'acier. Les chimistes analysent les liaisons moléculaires mais ignorent superbement les quarks et les gluons. La séparation des phénomènes par longueur, quantifiée par le groupe de renormalisation, a permis aux scientifiques de passer progressivement du grand au petit au cours des siècles, plutôt que briser toutes les échelles en même temps.

En même temps, l'hostilité de la renormalisation à l'égard des détails microscopiques va à l'encontre des efforts des physiciens modernes, avides de signes du domaine immédiatement inférieur. La séparation des échelles suggère qu'ils devront creuser en profondeur pour surmonter le penchant de la nature à dissimuler ses points les plus fins à des géants curieux comme nous.

"La renormalisation nous aide à simplifier le problème", explique Nathan Seiberg, physicien théoricien à l'Institute for Advanced Study de Princeton, dans le New Jersey. Mais "elle cache aussi ce qui se passe à très courte distance. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre".


Auteur: Internet

Info: https://www.quantamagazine.org/. Charlie Wood, september 17, 2020

 

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