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animaux domestiques

Jetez un bâton, et le chien servile souffle, halète et trébuche pour vous le rapporter. Faites la même chose avec un chat, et il vous regardera avec un froid amusement poli et un peu ennuyé. Et tout comme les gens inférieurs préfèrent l'animal inférieur qui se précipite avec excitation parce que quelqu'un d'autre veut quelque chose, les gens supérieurs respectent aussi l'animal supérieur qui vit sa propre vie et sait que le lancer puéril de bipèdes étrangers ne les regarde et ne les intéresse pas. Le chien aboie, supplie et fait des culbutes pour vous amuser lorsque vous faites claquer le fouet. Ça fait plaisir au paysan mélancolique qui apprécie la stimulation de sa propre importance. Le chat, par contre, vous séduit en jouant pour son bénéfice quand il veut s'amuser ; il vous fait courir dans la pièce avec un papier tiré par une ficelle si il a envie de faire de l'exercice, mais refuse toutes vos tentatives pour le faire jouer quand il n'est pas d'humeur. C'est la personnalité, l'individualité et le respect de soi - la maîtrise tranquille d'un être dont la vie est la sienne et non la vôtre - et la personne supérieure le reconnaît et l'apprécie parce qu'elle aussi est une âme libre dont la position est assurée, et dont la seule loi est son propre héritage et sens esthétique.

Auteur: Lovecraft Howard Phillips

Info: Delphi Complete Works of H. P. Lovecraft (Illustrated)

[ clebs ] [ comparaison ]

 
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Ajouté à la BD par miguel

grégaire

L'humanisme a pour fin la liberté dans le sens plein du mot, laquelle dépend avant tout d'un jugement hardi contre les apparences et prestiges. Et l'humanisme s'accorde au socialisme, autant que l'extrême inégalité des biens entraîne l'ignorance et l'abrutissement des pauvres, et par là fortifie les pouvoirs. Mais il dépasse le socialisme lorsqu'il décide que la justice dans les choses n'assure aucune liberté réelle du jugement ni aucune puissance contre les entraînements humains mais au contraire tend à découronner l'homme par la prépondérance accordée aux conditions inférieures du bien-être, ce qui engendre l'ennui socialiste, suprême espoir de l'ambitieux. L'humanisme vise donc toujours à augmenter la puissance réelle en chacun, par la culture la plus étendue, scientifique, esthétique, morale. Et l'humaniste ne connaît de précieux au monde que la culture humaine, par les oeuvres éminentes de tous les temps, en tous, d'après cette idée que la participation réelle à l'humanité l'emporte de loin sur ce qu'on peut attendre des aptitudes de chacun développées seulement au contact des choses et des hommes selon l'empirisme pur. Ici apparaît un genre d'égalité qui vit de respect, et s'accorde avec toutes les différences possibles, sans aucune idolâtrie à l'égard de ce qui est nombre, collection ou troupeau. Individualisme, donc, mais corrigé par cette idée que l'individu reste animal sous la forme humaine sans le culte des grands morts. La force de l'humanisme est dans cette foule immortelle.

Auteur: Alain

Info: Mars ou la guerre jugée, Les Passions et la Sagesse, la Pléiade, nrf Gallimard 1960, p.626

[ hellénisme ] [ sagesse ]

 

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psycho-sociologie

Pour devenir un être civilisé, l’individu intériorise de nombreuses contraintes sous l’effet de l’éducation, des règles morales, de l’exclusion possible du groupe, des lois et des sanctions. Le problème, c’est que ces contraintes intérieures peuvent mettre tellement la pression sur l’individu qu’elles dégénèrent. Angoisses, mélancolie, fatigue, hystérie, manies, dépressions, troubles de la personnalité, TOC… : tels sont les maux de l’esprit qui se contraint trop. D’un côté, cela permet des sociétés moins violentes, pacifiées en apparence, puisque les individus s’autocontrôlent ; la mauvaise nouvelle, c’est que la pression intérieure peut prendre des proportions invivables. Être civilisé, cela se paie en termes de souffrances psychiques. Et plus on se civilise, plus ces souffrances deviennent incontrôlables et dévastatrices. Le docteur Jekyll et son mister Hyde sont un archétype des effets de la société victorienne sur le moi d’un individu parfaitement civilisé. En tant que docteur, Jekyll fait partie de la bonne société et toute son éducation l’a conduit à réprimer son animalité ; sauf que celle-ci refait surface sous la forme d’une bête immonde qui finit par prendre possession de lui. C’est ce qu’on appelle la dé-civilisation subjective. Et les élites sont les premières touchées, puisqu’elles sont les plus éduquées. D’ailleurs, on ne peut pas comprendre leur mépris envers les couches inférieures de la société si on ne prend pas la mesure des efforts psychiques considérables auxquels elles doivent consentir pour apprendre ne serait-ce que es bonnes manières. Ce qui n’est pas le cas des “rustres”. D’où une haine d’autant plus féroce qu’elle se double d’une jalousie et d’une nostalgie. Le colonisateur qui, au nom de la civilisation, s’acharne sur les populations indigènes ne fait qu’appliquer aux autres ce qu’il s’applique psychiquement à lui-même.

Auteur: Bouillier Grégoire

Info: Le coeur ne cède pas

[ surmoi ] [ nantis déshumanisés ]

 
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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

adaptation

Les yeux marrons des rennes deviennent bleus en hiver.
La vie d'un renne en Arctique n'est pas de tout repos. D'abord, il lui faut endurer des températures glaciales, inférieures à -40°C. Mais il doit aussi encaisser d'incroyables écarts de luminosité. Et pour cause. Durant les trois mois que dure l'été, les jours sont très longs et la luminosité est particulièrement importante, du fait de la réflexion des rayons du Soleil sur le sol recouvert de neige et de glace. En revanche, durant le long et rigoureux hiver polaire qui suit, la nuit est alors interminable. Ce qui facilite alors grandement le travail des prédateurs tels que les loups et les ours. C'est fortuitement que les scientifiques ont en effet remarqué que durant l'été, les yeux des rennes ont une belle couleur brun doré. Mais lorsque l'hiver arrive, ils se teintent d'un bleu profond.
Les chercheurs expliquent que le mécanisme qui régit ce changement de couleur est le fait d'un tissu de cellules réfléchissantes situé derrière la rétine, connu sous le nom de tapetum lucidum. Ce dernier, présent chez de nombreux vertébrés qui pratiquent la chasse de nuit, a pour fonction de réfléchir la lumière de manière à améliorer la vision nocturne. C'est cette couche de cellules qui fait briller les yeux des chats dans le noir lorsqu'une lampe torche est braquée sur eux. À l'aide d'électrodes les chercheurs ont mesuré la pression qui régnait dans le tapetum lucidum des rennes à différentes périodes de l'année. Ce qui leur a permis de constater que durant l'hiver, la pression augmentait considérablement dans l'oeil des animaux, du fait d'un ralentissement de certains mécanismes cellulaires de drainage des fluides oculaires. Sous cette augmentation de pression, les cellules qui composent le tapetum lucidum se rapprochent, ce qui modifie la longueur des ondes lumineuse qu'elles réfléchissent. Le tapis cellulaire réfléchit alors principalement de la lumière bleue.
D'après les chercheurs, cette lumière permettrait aux rennes de mieux percevoir les mouvements des prédateurs dans l'obscurité. Mais, en contrepartie, les images imprimées sur la rétine seraient moins nettes. Ce qui expliquerait l'intérêt évolutif pour l'animal de retrouver une vision plus nette durant les mois d'été à la forte luminosité. Actuellement on ne connait aucun autre mammifère capable de modifier ainsi la couleur de ses yeux suite à un changement de saison.

Auteur: Internet

Info: 24 12 2013

[ curiosité ] [ regard ] [ métamorphose ] [ sciences ]

 

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traquenard

Des fourmis qui construisent un piège
Les fourmis divisent le travail selon l'âge, utilisant les individus les plus vieux comme constructeurs de piège. Une espèce de fourmis féroces amazoniennes a été observé en train de construire un piège raffiné dans lequel la proie malchanceuse est étirée comme une victime de torture médiévale, avant d'être lentement coupée en morceaux.
Avec adresse et patience, la fourmi ouvrière Allomerus decemarticulatus coupe les poils de la tige de la plante qu'elle habite, et emploie de minuscules fibres pour construire un piège spongieux, rapporte le magazine Nature. Cet exploit technologique ingénieux n’a été observé que chez une autre espèce de fourmi selon les chercheurs français.
Les fourmis enlèvent donc des poils pour dégager un chemin sous la tige de la plante, tout en laissant quelques poils en forme de "piliers" sur lesquels la plate-forme mortelle reposera. Utilisant les poils de la plante qu'ils ont moissonnée, les fourmis construisent alors la plate-forme elle-même, en la liant et la renforçant avec un mycète spécial. Quand elles ont terminé la plateforme elles perforent des trous le long de sa surface, chacun juste assez grand pour pouvoir y passer la tête. Puis des centaines de fourmis ouvrières montent dans la chambre et attendent, cachées à l'intérieur de la plate-forme mâchoire inférieure juste à l'intérieur du trou, a proie à venir" raconte le co-auteur Jerome Orivel de l'université de Toulouse. Qui a les pattes assez minces pour passer dans les trous soigneusement préparés aura un destin malheureux s'il entre dans ce piège. Il n'y a aucune limite à leur ambition - elles essayent de capturer n'importe quel mammouth du monde des insectes. "Elles attraperont presque tout ce qui ira sur ce piège" poursuit le Dr Orivel " et elles le saisiront n'importe comment - par les jambes, antennes, etc."
Une fois la proie bien fixée par les mâchoires qui tiennent ses extrémités, elle est étirée au-dessus de la plate-forme, comme lors d’un antique sacrifice aux dieux. Une masse de fourmis ouvrières vient alors à l'intérieur du piège pour la piquer vigoureusement et causer sa paralysie. Une fois la créature entièrement immobilisée ou morte, les fourmis la portent à leur nid où elles la démembrent pour pouvoir la porter à l'intérieur. " Les petits insectes sont immédiatement démembrés et transporté au nid dit le Dr Orivel. Mais les plus grands peuvent rester sur le piège jusqu'à 12 heures. En résumé elles essayent d'attraper tout animal du monde des insectes - à condition qu'il ait les pattes fines…. Le succès dépendant donc des types d'insectes avec des pattes plus petites que les trous -, les chenilles, par exemple, n'ont aucune chance d’être attaquées."

Auteur: Fortean Times

Info: 29 avril 2005

[ guet-apens ] [ chasse ]

 

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évolution

La biologie des derniers oiseaux à dents révélée
Une collaboration internationale dirigée par des chercheurs de l'Institut de génomique fonctionnelle de Lyon, montre par imagerie synchrotron que les dents des derniers oiseaux à dents ont des caractéristiques proches de celles des dinosaures théropodes. Cette étude publiée dans la revue BMC Evolutionary Biology, confirme la parenté étroite entre oiseaux et dinosaures.
Les dents sont une véritable boîte noire qui enregistre au quotidien de nombreux traits de vie de l'animal qui les porte. Ainsi les dents de tous les vertébrés (Homme compris) renferment des informations clés sur le mode de vie, le régime alimentaire, ou encore les rythmes de croissance. Pour cette raison, les dents fossiles sont très prisées des paléontologues et l'étude de celles qui appartenaient à des animaux disparus sans laisser de descendance, permet de lever le voile sur des pans encore méconnus de l'histoire de la vie.
Les oiseaux actuels sont dépourvus de dents, mais leurs plus proches parents qui se sont éteints il y a environ 66 millions d'années, avaient des dents pointues et acérées qu'ils utilisaient pour saisir leurs proies, principalement des poissons. Ces oiseaux, qui se nomment Hesperornis et Ichthyornis, vivaient en Amérique du Nord au Crétacé supérieur aux côtés des derniers dinosaures. Les restes fossiles de ces oiseaux à dents sont extrêmement rares. C'est donc une opportunité exceptionnelle qui s'est présentée à Maïtena Dumont de pouvoir étudier, au sein d'une collaboration internationale pilotée par Antoine Louchart et Laurent Viriot à l'Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon, des dents isolées en utilisant une technique d'imagerie 3D de qualité exceptionnelle produite par l'ESRF (European Synchroton Radiation Facility) de Grenoble. La microtomographie à rayons-X Synchrotron permet de générer des volumes virtuels dont la forme et la structure interne sont fidèles dans les moindres détails à celles des dents fossiles. On peut ainsi se déplacer au sein de la dent virtuelle avec une résolution inférieure au micron, et ceci sans abimer le fossile d'origine.
Les résultats obtenus montrent que le remplacement de ces dents au cours de la vie et leur mode d'attachement et d'implantation dans les mâchoires, sont semblables à ce qu'on connaît chez les dinosaures théropodes, parmi lesquels se situent les ancêtres des oiseaux. La croissance des dents de ces oiseaux était rapide, plus rapide que chez certains reptiles ou certains mammifères actuels, ce qui peut être mis en relation avec des contraintes liées aux modes de prédation et d'alimentation. Enfin, les dents des deux oiseaux étudiés montrent une couche d'émail simplifiée et amincie, une tendance évolutive qui a vraisemblablement précédé la perte totale des dents.
Dans une étude précédente, Antoine Louchart et Laurent Viriot avaient souligné que la perte des dents chez les oiseaux actuels était un phénomène irréversible et que la fonction exercée par les dents autrefois est aujourd'hui remplie par leur bec corné et leur gésier musculeux. Seule la paléontologie est capable, grâce aux fossiles, de retracer les relations évolutives entre des animaux aujourd'hui disparus.

Auteur: Internet

Info: oct 2016, http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=15561

[ denture ] [ dentition ]

 

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spirituel-psychologique

Les archétypes (ou images idéales), au sens où l’entend Platon — et reconnaissons qu’il savait ce qu’il voulait dire par là —, n’appartiennent nullement au domaine psychique ; ils sont au contraire les déterminations primordiales du pur Esprit ; pourtant ils se reflètent d’une certaine manière sur le plan physique, d’abord comme facultés créatrices de formes et ensuite, à un niveau inférieur, dans la représentation sensorielle, comme symboles proprement dits, de sorte que l’on peut, à la rigueur, admettre d’appliquer l’expression “archétype” au domaine psychologique également.

Mais Jung n’entend pas l’“archétype” dans ce sens, puisqu’il le qualifie lui-même de “complexe inné”, en décrivant ses effets sur la psyché de la manière suivante : “La possession par un archétype fait de l’homme un personnage purement collectif, une espèce de masque sous lequel la nature humaine ne peut plus se développer, mais dégénère progressivement”. Comme si un archétype, c’est- à-dire un contenu supra-formel — et donc non limité — du pur Esprit pouvait adhérer à l’âme comme une sangsue ! De quoi s’agit-il en réalité dans le cas de “possession” psychique cité par Jung et qu’il qualifie lui-même de pathologique ? Il s’agit du résultat d’une désagrégation psychique au cours de laquelle une des possibilités contenue dans la forme psychique de l’homme se met à proliférer aux dépens de l’ensemble. Le fait que la forme essentielle de l’âme possède différents aspects nettement différenciés, qui forment néanmoins, normalement, un tout cohérent dont les éléments se complètent mutuellement, n’a strictement rien à voir avec on ne sait quels substrats psychiques irrationnels, ce qui ne saurait échapper qu’à un type de pensée fondé sur une vision du monde limitée et fausse.

Tout homme qui n’est pas infirme sur le plan psychique porte en lui les virtualités psychiques de l’homme et de la femme, du père et de la mère, de l’enfant et du vieillard ; il en possède en principe toutes les propriétés et toutes les “dignités”, liées à son statut d’être humain à proprement parler. Il est en même temps maître et esclave, prêtre, roi, guerrier et artiste, quand bien même aucune de ces prédispositions n’est plus marquée qu’une autre. La féminité fait partie de la vraie virilité, de même que la virilité fait partie de la féminité, et le même principe s’applique à toutes les autres propriétés qui se complètent par leurs contraires.

En tant que vertu — au sens de virtus, force psychique —, une propriété donnée ne peut se manifester qu’en incluant les autres en elle-même. Le phénomène inverse consiste en l’exagération désespérée d’une possibilité psychique aux dépens des autres, qui entraîne une désagrégation et un raidissement intérieur, suscitant cette caricature morale que Jung compare à un masque. [...]

Les véritables archétypes, qui, eux, ne se situent pas sur le plan psychique, ne s’excluent pas les uns les autres ; l’un est toujours compris dans un autre, et l’on peut dire pratiquement la même chose des propriétés psychiques qui les reflètent. Car les archétypes, au sens du mot tel qu’il est compris depuis Platon, sont les sources de l’Être et de la Connaissance, et non, comme le voudrait Jung, des dispositions inconscientes de “l’agir et de l’imaginer”. Le fait que les archétypes ne puissent être saisis par la pensée logique n’a rien à voir avec le caractère obscur et irrationnel de ce prétendu “inconscient collectif’, dont les contenus ne seraient accessibles que d’une manière indirecte, par leurs “éruptions” de surface. Car l’intuition spirituelle, qui n’est pas liée à la pensée logique, peut très bien atteindre les archétypes en partant de leurs symboles.

La théorie d’un héritage psychique qui se mettrait à végéter en prenant la forme d’un “inconscient collectif’ sous la couche supérieure rationnelle de la conscience humaine s’impose d’autant plus facilement qu’elle semble correspondre à l’explication évolutionniste de l’instinct animal ...

Auteur: Burckhardt Titus

Info: Dans "Science moderne et sagesse traditionnelle"

[ critique ] [ atavo-figures ] [ définition ] [ intrication ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

être humain

Qu’est-ce qui sépare vraiment l’humain de l’animal ?

L’humain fait partie du groupe des primates. Dans cet article de The Conversation, on plonge toutefois dans les méandres de la classification du vivant.

En ces temps de crise de la biodiversité et de questionnements sur le vivant, la vieille question de la dualité homme-animal est, semble-t-il, toujours d’actualité. Même si le " vraiment " de la question laisse entendre qu’au fond la séparation n’est pas si profonde.

Sur le plan de la biologie, de la zoologie même, devrait-on préciser, le paradoxe a été levé depuis longtemps. L’homme est un animal. Il ne peut donc se séparer de lui-même.

La question n’est donc plus de nature scientifique, mais philosophique et sociologique. Il reste que pour la plupart d’entre nous la réponse scientifique importe peu tant les termes sont connotés. Affirmer que l’homme est un animal a peu de poids. L’affirmation serait-elle admise que la question deviendrait : qu’est-ce qui distingue l’humain des autres animaux ?

Une classification de l’humain parmi les primates

Depuis des siècles, les caractéristiques biologiques de l’humanité ont toutes été intégrées dans le panorama des traits des êtres vivants en général et des animaux en particulier. Et pourtant, l’homme s’est quasiment toujours singularisé par rapport au reste du monde vivant. Toute une tradition de réflexion philosophique et spirituelle s’oppose à la vision unitaire de la science biologique.

C’est là le grand problème que Linné au 1VIIIe siècle a cru résoudre définitivement. Dans son Systema Naturae dont la 10e édition datant de 1758 est considérée comme le point de départ de la nomenclature zoologique moderne, l’homme, genre Homo, est classé, parmi les animaux, dans l’ordre des Primates – les " premiers ", noblesse oblige –, mais en compagnie de trois autres genres : Simia (les singes), Lemur (les lémuriens incluant, pour Linné, le galéopithèque, un petit mammifère arboricole planeur d’Indonésie) et Vespertilio (les chauves-souris).

Ce choix est significatif et fait de Linné un pionnier qui, d’une certaine manière, dépassa les concepts de la majorité de ses successeurs du 1IXe siècle. De fait, en 1910, une fois la biologie devenue évolutionniste, l’anatomiste William K. Gregory nomma Archonta un groupe réunissant les primates (singes, lémuriens, homme), les chauves-souris (ordre des chiroptères), le galéopithèque (ordre des dermoptères) à quoi s’ajoutent des mammifères insectivores inconnus de Linné, les toupayes (mammifères arboricoles d’Asie).

L’homme était non seulement un membre des Primates, mais aussi un membre des Mammalia (tous ces termes sont dus à Carl Von Linné). On peut remonter la hiérarchie classificatoire et inclure l’homme dans les amniotes, dans les vertébrés, dans les animaux. Les animaux, c’est-à-dire dans les classifications le règne des Animalia, aujourd’hui appelé Metazoa (mot qui signifie la totalité des animaux) – les deux termes sont synonymes.

Le terme de Metazoa à la sonorité incontestablement scientifique ne heurte aucune oreille. Dire que l’homme est un métazoaire ne choque personne. Dire qu’il est un métazoaire parce qu’il est pluricellulaire et possède une protéine qui structure le lien entre les cellules – le collagène – est affaire de spécialistes et empêche invariablement toute percée philosophique. Aucune sensibilité là-dedans. Un animal, c’est autre chose, n’est-ce pas ?

D’autres ont voulu placer l’humain hors du règne animal

Linné à sa manière a été un révolutionnaire. Ses successeurs se sont attachés à défaire le regroupement des Primates. Le naturaliste français Armand de Quatrefages classa en 1861 l’homme seul dans le " règne humain ", caractérisé par " l’âme humaine " reprenant une suggestion émise plus de quarante ans auparavant par l’agronome lamarckien Charles-Hélion de Barbançois : classer l’homme dans un règne à part, le " règne moral ".

Quatrefages s’attacha autant à réfléchir à l’unité de l’espèce humaine qu’à analyser la singularité de ses composantes. Pour Quatrefages, en savant positiviste, c’est-à-dire qui s’en tient aux faits, la notion de Règne (la plus haute des catégories de la classification) s’impose à l’esprit humain : les caractères qui définissent l’homme sont évidents et ne sont liés à aucune hypothèse ou théorie.

L’âme humaine, différente de l’âme animale serait un pur fait d’observation. Auparavant, l’anatomiste allemand Johann Friedrich Blumenbach et l’anatomiste français Georges Cuvier opposèrent l’homme seul (ordre des Bimana) aux autres primates (ordre des Quadrumana). Le naturaliste allemand J. C. Illiger avait classé l’homme seul (seul à être debout) dans les Erecta, tandis que l’anatomiste britannique Richard Owen, adversaire résolu du darwinisme, en fit le seul représentant des Archencephala, introduction notable du cerveau comme spécificité humaine.

On peut remarquer toutefois qu’à l’exception de Quatrefages, tous les autres auteurs cités subordonnent l’espèce humaine au règne animal et à la classe des mammifères. On saisit bien la difficulté de ces anatomistes distingués qui, bien conscients des caractères morphologiques et physiologiques qui tout en intégrant parfaitement l’homme dans les mammifères, étaient tentés irrépressiblement, aussi en tant que croyants, de l’opposer au reste de la création.

" L’homme sage " — Homo sapiens

L’anatomiste, celui qui décide, c’est bien l’homme, Homo sapiens (" l’homme sage " que Linné n’a pas nommé comme tel par hasard). On aura donc compris que ces affirmations taxinomiques ont pour objet de placer l’Homo sapiens à part, en fonction de traits qui lui sont propres, du psychisme à la bipédie, et non d’identifier une séquence de caractères partagés par l’homme et différents animaux.

Que l’homme soit opposé au reste du règne animal ou bien à son plus proche parent animal revient au même. Un évolutionniste tel que Julian Huxley prit en 1957 l’exemple de la classification de l’homme pour illustrer sa conception du " grade évolutif ". L’activité intellectuelle de l’homme est telle qu’elle lui suffit pour concevoir une niche écologique sans précédent. Le cerveau humain situerait l’homme, seul, au niveau de la plus haute des catégories, le règne : le règne des Psychozoa.

On le sait, le plus proche parent vivant de l’homme (Homo) est le chimpanzé (Pan). Dans les années 1960, les premières classifications incluant les deux genres dans la famille des Hominidae firent scandale. Le tableau de famille était dégradé, gâché, détruit.

7 millions d’années d’évolution

La biologie moléculaire nous dit que l’homme et les chimpanzés sont presque identiques génétiquement parlant. Mais, c’est en pure perte : on reconnaît aisément un homme d’un chimpanzé. On devrait dire : on reconnaît aisément les deux animaux. La baleine bleue et la musaraigne aussi sont des animaux, et même des mammifères, certes bien distincts. Leurs différences sont infiniment plus grandes que celles qui séparent l’homme et le chimpanzé, mais elles ne sont pas importantes à nos yeux d’hommes sages. Philosophiquement parlant, ce ne sont pas elles qui nous concernent. L’anthropocentrisme est patent. En fait, après des centaines de millions d’années d’évolution animale, la lignée humaine et celle des chimpanzés se sont séparées il y a 7 millions d’années environ.

L’homme est pétri de caractères animaux depuis le liquide amniotique dans lequel baigne l’embryon rappelant les origines aquatiques des animaux jusqu’à l’éminence mentonnière qui fait saillie à l’avant de la mâchoire inférieure (la grande invention ostéologique des humains !) en passant par tous les traits de vertébrés, de tétrapodes, de mammifères et de primates. L’homme n’est qu’un animal comme les autres et différent de tous les autres comme le sont toutes les espèces animales les unes des autres.

Peut-on se contenter d’une telle affirmation ? Les mots du quotidien sont lourds de sens et de contresens. Le verbe persiste, tenace. Malgré l’idéologie et la perte des repères scientifiques, on n’aura pas la mauvaise grâce de s’en plaindre puisque le verbe, après tout, est l’une des caractéristiques d’Homo sapiens, au moins dans la nature actuelle. 

 

Auteur: Tassy Pascal

Info: https://www.numerama.com/, 31 12 2023

[ distinguo ] [ définition ] [ animal particulier ]

 
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anthropomorphisme

Les plantes sont-elles frigides?

La plante évoque l'inertie. On dit "végéter" pour "stagner". Mais il y a quelques siècles encore, "végéter" signifiait le contraire. En latin, ce mot désigne la surabondance d'énergie qui pousse une plante à jaillir. Plus on la coupe, plus elle reverdit : la plante, c'est l'énergie sexuelle incarnée. Sur le plan étymologique en tout cas. Les termes latins dont le mot "végétal" dérive désignent à l'origine "force et croissance". Le mot silva (forêt) est attesté dès Cicéron dans le sens de "grande quantité" et d'"abondance de matière". Le mode d'être de la plante est celui d'une prolifération virtuellement infinie, en constante expansion. Quel plus beau modèle prendre pour l'humain que celui du lierre ou du lichen? A la différence des végétaux dont la vie se confond avec la croissance, la plupart des bêtes, une fois adultes atteignent leurs dimensions définitives, explique Dominique Brancher, ce qui explique peut-être pourquoi les plantes font si peur. Elles ne connaissent pas de limites. Elles ne respectent pas l'ordre. Est-ce la cause du stigmate qui les frappe en Occident ? Les plantes sont-elles victimes de spécisme, de sexisme ou de racisme?

Chercheuse à l'Université de Bâle, Dominique Brancher est l'auteure d'un livre qui entend rendre justice au règne végétal : on en a fait un règne dormant, voué à l'immobilité, à l'absence de pensée, de sentiments, de sensations... Quel dommage d'avoir ainsi perverti ce qui - à l'origine de notre culture - était considéré comme une forme de débordement vital. Trop vital. "Eclipsé par l'attention exclusive donnée au vaste débat sur la distinction entre l'animal et l'homme, [...] le végétal s'est vu relégué au rang de tiers-exclu", dit-elle, regrettant que le mot végéter soit devenu synonyme d'inertie. Mais pourquoi un tel revirement? Pour quelle raison notre culture a-t-elle ainsi châtré la plante? Dans un livre au titre explicite Quand l'esprit vient aux plantes (allusion ironique au poème de La Fontaine "Comment l'esprit vient aux filles"), Dominique Brancher retrace l'histoire de ce qu'elle désigne comme l'invention d'un sexisme anti-flore. Nous avons discriminé les végétaux comme l'ont été les femmes : en leur déniant tout désir. Comme l'ont été les "sauvages" : en leur déniant toute intelligence. Comme le sont encore les animaux : en les parquant dans des réserves. C'est pourquoi il faut lire son enquête sur la sexualité des plantes comme un révélateur de nos choix de vie.

Quand les plantes étaient humaines...

Aux origines présocratiques de notre culture, les cosmogonies imaginées par Thalès (né en 640 av. J.-C.), Héraclite (504 av. J.-C.) ou Empédocle (492 av. J.-C.) reposent sur un principe d'équation : nous sommes faits de la même matière que tout ce qui existe, fleur ou astres. Cette règle d'analogie poétique "dit la trame vitale qui tisse les êtres et confond leurs attributs et leurs formes. Les arbres "pondent" leurs fruits et les êtres humains se développent comme des plantes." Pour Empédocle, qui rédige sa théorie en vers fabuleux face au paysage volcanique de sa Sicile natale, il n'y a ni naissance ni mort. Tout chose se renouvelle sous l'effet d'une ardeur brûlante qui traverse la matière. "Toute chose pense", dit-il. Toute chose aime et hait. "Dans ses transmigrations, l'âme humaine épouse les métamorphoses de la matière car elle a "déjà été autrefois garçon et fille, buisson, oiseau ou poisson cheminant à la surface de l'eau" (Empédocle, VIII).". Dans cet univers foisonnant, les plantes ont du plaisir et souffrent comme les humains qui, eux-mêmes, viennent au monde mouillés par la rosée de leur larmes. Empédocle résume ainsi leur première apparition : "Or donc voici comment des hommes et des femmes trempés de pleurs, Feu, se séparant, fit jaillir les pousses dans la nuit" (Empédocle III, Les Origines).

Avec la "raison" vient l'inégalité

Mais cette vision-là du monde est trop poétique sans doute. Dès le 1er siècle avant J.-C., Nicolas de Damas écrit dans son ouvrage De Plantis : "Il faut rejeter ces idées grossières et nous mettre à dire la vérité". Platon (427 av. J.-C.), deux siècles avant lui, n'accorde aux plantes qu'une âme inférieure et en fait des animaux immobiles. Mais c'est Aristote (384 av. J.-C.) qui "réduit encore plus considérablement la dignité du végétal en lui laissant seulement une sorte d'âme (De Anima, A5, 411)". La classification qu'Aristote met en place devient le modèle dominant d'une pensée occidentale qui place l'homme au sommet de la hiérarchie. Dans ce nouvel ordre moral, "les plantes jouissent seulement d'une âme végétative", désormais privées d'entendement. Avec le christianisme, leur statut ne s'améliore pas, au contraire. "Selon l'agenda cloisonné de la Genèse, Dieu créa les plantes le troisième jour, les animaux le cinquième et l'homme le sixième". Dans l'échelle des êtres, le végétal est en bas. Deux attitudes prévalent à son égard. La première repousse les plantes du côté du péché. Le seconde, guère plus enviable, du côté du paradis. Dans les deux cas, la plante est vue comme une créature frigide.

La plante comme symbole du péché de gourmandise Bien qu'ils lui dénient toute capacité de percevoir et donc de jouir, les théologiens estiment en effet que la plante est gourmande. Ne passe-t-elle pas son temps à sucer la terre? Voilà pourquoi elle est au bas de cette Scala Naturae ("échelle de la nature") que de nombreux ouvrages du XVIe siècle décrivent en termes de menace : attention de ne pas tomber ! Chaque échelon figure un degré de déchéance. Quand l'homme commet le péché de luxure (sensualis), il est ravalé au rang d'animal. Quand il a trop d'appétit (vitalis), le voilà végétal. Quand il sombre dans la tristesse (acédie), il rétrograde en minéral. Le christianisme "est une religion qui déconsidère la vie organique au profit de la pensée rationnelle", rappelle Dominique Brancher. Aux yeux des chrétiens, l'homme ne peut prétendre à son statut supérieur qu'à la condition de ne rien avoir en commun avec la (vile) matière. Les bêtes qui forniquent, les rivières qui ondoient et les plantes qui têtent la glaise sans penser, avec une gloutonnerie "stupide et insensible" (Jean Pic de la Mirandole) sont des choses détestables, qui renvoient à la chute.

La plante comme symbole de l'asexualité

Mais il existe une autre attitude vis à vis des plantes : pour certains chrétiens, elles présentent cet avantage sur les animaux d'être "pures". Cela commence au XIIIe siècle, avec Innocent III : dans un texte intitulé De Contemptu mundi, le pape attribue aux plantes la "candeur de l'âme végétative". La plante n'est pas sexuée, dit-il (ignorant qu'il existe des espèces végétales où les mâles et les femelles sont distincts). "Dégagés des ardeurs charnelles qui abêtissent et abrutissent, les végétaux offrent ainsi la rédemption d'un nouvel Eden. Combien d'auteurs de la Contre-Réforme ne célèbrent-ils pas la pureté de la reproduction végétale?". Dominique Brancher cite par exemple Thomas Browne qui, dans les années 1630, déclare : "Je serais heureux, si nous pouvions procréer comme les arbres sans union et s'il existait un moyen de perpétuer le monde sans passer par le coït vulgaire et trivial. C'est l'acte le plus sot qu'un homme sage puisse commettre dans sa vie". Edifiant. La chercheuse enfonce le clou : "Aux yeux de la mystique flamande, la perfection végétale figure une complétude originelle que la Faute, en modifiant le corps physique des premiers hommes, a définitivement dérobé à l'humanité : "Au lieu d'hommes qu'ils devaient être, ils sont devenus des monstres divisés en deux sexes imparfaits, impuissants à produire leurs semblables seuls, comme se produisent les arbres et les plantes".

Savez-vous planter des choux?

Dans la tradition ouverte par Innocent III, tout un imaginaire puritain se cristallise aux XVIe et XVIe siècles autour des plantes. La botanique devient "une technique de maîtrise des instincts, explique Dominique Brancher. On en trouve les répercussions jusque chez Rousseau, "persuadé qu'à tout âge l'étude de la nature émousse le goût des amusements frivoles, prévient le tumulte des passions". "La campagne a toujours été considérée comme le séjour de l'innocence", renchérit Trembley. L'herborisation devient l'activité favorite des puritains. On associe le curé de campagne à un brave jardinier, expert en sirops pour la gorge. "La méconnaissance concertée de la sexualité des plantes, depuis Aristote jusqu'aux naturalistes de la Renaissance, entretient cette vision angélique." Heureusement, il existe à toute époque des empêcheurs de tourner en rond. Au XVIe siècle, en particulier, des voix dissidentes s'élèvent : non, la plante n'est pas sage. Nous ferions bien d'en prendre de la graine.

Auteur: Giard Agnes

Info: 4 janvier 2016

[ historique ] [ Grèce antique ]

 

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Créateur d'étoiles d'Olaf Stapledon : voir l'ensemble des choses

Au regard du monde  de 1937 en ébullition et à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Olaf Stapledon présenta Star Maker avec une puissante justification pour une science-fiction en temps de crise : " …Peut-être que la tentative de voir notre monde turbulent sur fond d’étoiles pourrait, après tout, augmenter, et non diminuer, l’importance de la crise humaine actuelle. …. Dans cette optique, j’ai essayé de construire une esquisse imaginative de cet ensemble redoutable mais vital. "

Je doute qu’aucun écrivain avant ou depuis ait pris au pied de la lettre la tâche de décrire " l’ensemble des choses " comme un mythe de l’esprit cosmique ou ne l’ait fait avec autant d’efficacité.

Des écrivains aussi divers que Brian Aldiss, Arthur C. Clarke, Jorge Luis Borges, Doris Lessing et Virginia Woolf, entre autres, ont loué le travail de Stapledon, en particulier Star Maker. Considérant que Stapledon avait une formation de philosophe et qu’il connaissait peu la science-fiction avant d’écrire ses romans, il eut une énorme influence dans le domaine. Star Maker s'est avéré être une mine d'idées pour le travail d'innombrables écrivains.

On voit bien pourquoi. Même si Stapledon abandonne l'intrigue conventionnelle, son narrateur décrit avec des détails fascinants un voyage à travers le cosmos. Qui commence au milieu d'une crise personnelle lorsqu'un homme se promène sur une colline près de chez lui.

La recherche de sens

Il est submergé par un sentiment d'irréalité et de futilité dans la vie quotidienne ainsi que par le délire du monde. Pourtant, alors qu'il réfléchit à la petitesse de la vie dans le vaste vide de l'espace, sa vision change soudainement, balayant d'abord toute l'étendue de la terre, puis s'élève dans l'espace. Sous lui, la terre en déclin apparaît comme un caillou dans la vaste étendue des étoiles. Sous cette forme désincarnée, il se retrouve à voyager dans l’espace à une vitesse ahurissante.

Ainsi commence un voyage épique à la recherche de la source de l’être lui-même et de la communauté d’autres esprits capables de donner un sens à la vie dans le contexte d’un univers apparemment infini. Bien que Stapledon soit agnostique quant aux croyances religieuses, il ressentait fortement le désir de saisir les mystères de l'existence. Il fit de cet élan essentiellement religieux le moteur qui porte le voyage vers son ineffable apogée dans un aperçu de la force créatrice suprême du cosmos.

Une communauté de voyageurs psychiques

Le narrateur voyage en tant qu'entité psychique de monde en monde à la recherche d'êtres sensibles à travers la galaxie. Il trouve un moyen de s'infiltrer dans leur esprit et même de communiquer avec eux tout en partageant leur espace mental. À mesure que le nombre de ces voyageurs psychiques augmente, ils ressentent un objectif commun en tant qu’explorateurs galactiques.

Ils réalisent que leurs voyages ne sont pas simplement des aventures personnelles mais font partie d’une force de conscience plus vaste. Ils sentent émerger une conscience distincte qui met de côté le caractère unique culturel de chaque individu et se concentre sur " les attributs essentiels à l’esprit ".

Ainsi émerge un esprit cosmique qui exerce une force d’attraction vers d’autres intelligences qui recherchent également une compréhension plus large. Cette force psychique vient déterminer la direction du voyage, car ils sont attirés vers des êtres partageant les mêmes idées dans des mondes différents.

Espèces en évolution

Le narrateur, tout en participant à cette conscience plus large, enregistre ses propres impressions alors que le voyage se poursuit à travers des centaines de mondes. Il fait voir des civilisations à tous les stades, depuis le niveau primitif de créatures peu évoluées jusqu'aux sociétés avancées d'êtres plus accomplis que les humains. Alors que de nombreux peuples qu'il rencontre sont de forme humanoïde, bien que d'apparence très différente, d'autres représentent des formes de vie basées sur des espèces totalement différentes.

Il existe des " échinodermes humains " issus d'une créature comme une étoile de mer qui avait développé des organes sensoriels élaborés et un cerveau spécialisé dans plusieurs bras et qui a finalement migré sur terre et formé des civilisations industrielles. Il y a les nautiloïdes qui ont évolué vers des structures semblables à des navires d’une grande intelligence qui ont construit leur propre civilisation. Les espèces aviaires sur une planète se sont combinées en grands essaims pour former un seul esprit et une seule conscience, bien que le corps reste multiple.

Mais les plus avancés sont les symbiotes qui combinent les caractéristiques avantageuses de formes de vie radicalement différentes. L’une d’elles combine la nature méditative d’une vie végétale intelligente avec les impulsions actives d’une nature animale. Un autre combine les capacités d’une existence sous-marine ichtyoïde avec une espèce de crustacé ou d’arachnoïde qui a appris à vivre sur terre. Ils se sont adaptés physiquement les uns aux autres pour former des couples permanents, leurs corps étant assemblés et partageant une intelligence commune.

Technologies et civilisations

Toutes ces espèces qui atteignent une intelligence avancée doivent faire face aux problèmes de la production industrielle et de ses effets planétaires. Leurs sociétés atteignent des points de crise lorsqu’elles abusent du pouvoir qu’apporte la technologie avancée.

Une société développe un genre d'Internet et de l'expérience virtuelle grâce à des postes de radio de poche et à la radio-stimulation cérébrale. Beaucoup utilisent ces postes pour des émissions à caractère sexuel. La passion pour le " bonheur radio " devient une drogue pour les classes inférieures et remplace la réforme économique.

Les sociétés avancées ne sont pas les seules à réaliser des voyages spatiaux. Elles apprennent également à manipuler l’énergie des étoiles en les entourant de sphères de conversion d’énergie*. Ils construisent des essaims de planètes artificielles et déplacent les planètes existantes vers de nouveaux emplacements pour les rendre plus habitables.

Le plus grand exploit des êtres les plus avancés est peut-être la fusion des consciences individuelles de populations entières, puis de mondes, puis d’une galaxie entière, pour former un esprit cosmique.

Société des Mondes Galactique

La compétence télépathique de cet esprit cosmique en expansion dans la culture la plus avancée devient une force irrésistible qui embrasse tous les " mondes éveillés ". Grâce à la communication télépathique, ils font appel aux esprits de toute la galaxie pour former une utopie.

En créant un vaste " continent galactique " qui constitue une Société de Mondes, ces êtres opèrent des changements radicaux. Ils démontent les étoiles mourantes pour utiliser leur énergie pour voyager dans l’espace et même déplacer les étoiles vers de nouveaux emplacements. Mais alors qu’ils tentent d’avancer au-delà d’une seule galaxie, ils rencontrent des revers inattendus.

Les étoiles elles-mêmes ont leur propre forme de conscience et commencent à se rebeller.

L'esprit des étoiles et des galaxies

Certaines étoiles explosent, effaçant toutes les planètes et mondes artificiels qui les entourent. La Société des Mondes se rend compte que les étoiles sont elles-mêmes vivantes et tentent de communiquer avec elle pour permettre aux différentes formes de vie de vivre ensemble.

Stapledon ne cesse d'expandre sa carte mentale du cosmos vers des échelles et des perspectives plus vastes pour englobert des niveaux d'être et de conscience toujours plus grands.

Et il y a toujours une conscience. Même les nébuleuses partagent la pulsion commune à toutes les formes d'esprit, qui consiste à tendre la main pour créer une union mentale et comprendre la source dont elles sont issues.

Elles communiquent entre elles grâce au stress gravitationnel. Les messages mettent des éons à être formulés et des millions d’années pour atteindre leur destination. " Quand les nébuleuses étaient à leur apogée, le cosmos tout entier résonnait de leurs paroles. "

Créateur d'étoiles

Le narrateur et son groupe d'explorateurs galactiques, partageant cette conscience croissante, acquièrent une nouvelle notion du temps. Les éons deviennent des minutes, car ils perçoivent toute la vie du cosmos comme une brève course contre le temps au galop.

Dans cet état, le narrateur, en tant que partie de l’esprit cosmique, perçoit l’être spirituel ultime de l’univers. Mais ce n’est qu’un flash, éclair d'une aveuglant clarté qui disparaît aussitôt.

Ce que le narrateur peut décrire, c'est la séquelle de sa vision fugace, " un écho, un symbole, un mythe, un rêve fou " du Faiseur d'Etoile qu'il a entrevu alors que son voyage touche à sa fin.

Un mythe de la création

Il voit ce créateur créer non seulement des mondes d’une grande diversité, mais des univers entiers qui fonctionnent selon des principes différents. Dans certains cas, les individus font l'expérience de plusieurs dimensions temporelles. Dans l’un d’entre eux, ils perçoivent vaguement leur propre moi alternatif dans d’autres réalités. Dans une autre, ils zigzaguent entre les dimensions temporelles à différentes périodes de leur vie.

Il existe d’autres univers (anticipant le concept de multivers) dans lesquels les individus génèrent plusieurs lignes temporelles à chaque instant où des choix doivent être faits. Chaque possibilité peut être réalisée en même temps dans différentes zones de l'être.

Parfois, dans cette vision, le Créateur d’Étoiles semble considérer tous les mondes et univers créés ainsi que les vastes échelles de civilisation et de destruction qu’ils entraînent avec une froide indifférence. Il n'a aucune sympathie pour toutes les souffrances des êtres hautement évolués vivant sur ces mondes, les considérant uniquement comme autant de magnifiques fils tissés en une seule grande tapisserie. À d’autres moments, cependant, ces créations semblent imprégnées d’amour.

En fin de compte, le narrateur se retrouve épuisé par l’effort visant à capturer quelque chose qui se situe bien au-delà de l’expérience humaine et du langage. Il ne peut que résumer ce qu’il considère comme un mystère effrayant, une adoration irrésistible.

Le narrateur se réveille sur le flanc d'une colline près de chez lui et regarde à nouveau à travers la terre les terribles luttes alors en cours dans le monde de 1937. Il voit un vaste conflit entre le bien et le mal dans lequel tout ce qui est cher aux humains est en danger. Il sent deux sources de lumière et d’espoir dans cette obscurité. L’une d’entre elles est " le petit atome brillant " de la communauté humaine. L’autre la lumière froide des étoiles et la " réalité hypercosmique " qu’elles représentent. Ce voyage cosmique se termine donc là où il a commencé, mais en offrant au voyageur une conscience de la vie beaucoup plus large.

Stapledon s'est détourné de l'écriture philosophique au sens académique du terme parce qu'il souhaitait atteindre un large public en utilisant un langage plus simple. L’incroyable abondance d’idées et de descriptions détaillées de technologies et de mondes étranges est en effet facile à saisir. Mais ce que je trouve le plus puissant, c’est la clarté souvent lyrique et la fluidité rythmique de son style. Il existe peu de scènes dramatiques conventionnelles, mais la narration soutenue d'un voyage fantastique pour comprendre le cosmos devient un mythe de la création plus convaincant que n'importe quel page-turner conventionnel. 

Auteur: Folk-Williams John

Info: préfiguration des sphères de Dyson (note de Mg)

[ compte-rendu de lecture ] [ visionnaire ] [ quête théologique ] [ théorie du tout ] [ décorporation ]

 

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Ajouté à la BD par miguel