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judaïsme

Selon le premier ministre israélien, "au Proche-Orient, seul Israël respecte les droits individuels de tous ses citoyens". Or, en donnant la priorité à la judéité dans la définition de l'État, plusieurs dispositions de ce texte portent au contraire atteinte aux droits des quelque deux millions de citoyens non juifs, dont l'importante minorité arabe : "L'État d'Israël est l'État-nation du peuple juif, qui y exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l'autodétermination. La réalisation de ce droit à l'autodétermination nationale dans l'État d'Israël est réservée au seul peuple juif", dit ainsi la nouvelle loi fondamentale. En précisant que "l'hébreu est la langue de l'État d'Israël", elle fait également perdre à l'arabe sa qualité de langue officielle, dans l'attente d'un "statut spécial qui sera déterminé ultérieurement". Faute de Constitution, cette loi fondamentale s'ajoute à l'édifice juridique actuel.

Aucun mot, pas la moindre référence à l'indépendance de l'État d'Israël, proclamée le 14 mai 1948. Ce n'est pas surprenant : M. Netanyahou ne la mentionnait déjà pas une seule fois dans ses ouvrages évoquant l'histoire du sionisme. Silence sur ce texte fondateur de la jurisprudence du pays, qui fut lu ce jour-là par David Ben Gourion, son premier chef de gouvernement : "L'État d'Israël sera ouvert à l'immigration des Juifs de tous les pays où ils sont dispersés ; il développera le pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d'Israël ; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d'éducation et de culture."

Auteur: Charles Enderlin

Info: Le Monde diplomatique n°774, septembre 2018 : Vote historique à la Knesset

[ ethnocratie ] [ racisme religieux ]

 

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judaïsme

(L'auteur travaille comme enseignant d'histoire à Coire - Suisse canton des Grisons - dans les années 70)

La réaction des arabes au sionisme devient intelligible pour les élèves lorsque nous transposons les circonstances historiques dans leur patrie. : Comment les Grisons auraient-ils réagis si, au début du 19e siècle, des colons juifs avaient acquis des terres chez eux, créé de petits îlots juifs, reliés peu à peu ces îlots entre eux, puis s'étaient installés en masse en 1944 et avaient créé un état juif avec le judaïsme comme religion officielle, les Grisons devenant alors des citoyens de seconde zone ? ...

- La comparaison est boiteuse, répondit l'élèves M., car Israël a toujours été la patrie des juifs, d'où leur droit sur cette terre et non sur les Grisons. Je rétorque : - Dans ce cas les Grisons ont un droit sur la Valteline qu'ils ont possédée autrefois et qu'ils n'ont perdue qu'à l'époque de Napoléon, et pas à l'époque romaine. Mais M. est têtu (ce qui me plait) et réplique :

- Les juifs ont rendu Israël fertile, le pays était désert et vide avant eux. Il doit appartenir à celui qui le cultive ... Moi :

- Et les vallées grisonnes, n'y trouve-t-on pas des ferme de montagnes et des vallées abandonnées par les Grisons ? ... Et pourtant les indigènes ne toléraient pas une immigration juive ? Autrefois, les colporteurs juifs qui traversaient les Grisons de temps à autre étaient vus d'un mauvais oeil par les Grisons qui ne leur ont jamais accordé le droit d'établissement ....

Nous découvrons un texte historique du 16e siècle illustrant l'antisémitisme local. Les élèves sont frappés par d'étranges amalgames : autrefois les Grisons étaient antisémites ; aujourd'hui ils sont sionistes. L'antisémitisme classique souhaite éloigner les juifs des Grisons, le sionisme souhaite les voir en Israël : ainsi peut-être s'agit-il des deux faces d'une même médaille ? ...

Auteur: Meienberg Niklaus

Info: Jours tranquilles à Coire, Zoé édition

[ irrédentisme ]

 

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Islam

L'âme bédouine est essentiellement mélomane ; ses aspirations, ses mouvements, ses élans, se traduisent dans une expression musicale rythmée : le vers arabe dont le mètre sera le pas précipité ou long du chameau. La prosodie arabe est elle-même d'essence bédouine et le génie littéraire arabe trouvera naturellement son expression dans la poésie.
(...)
Cette langue mélodieuse, à travers laquelle fusent les hennissements des coursiers, se répercute le cliquetis des armes "en acier hindou", et où tonne, ici et là, le cri de guerre des Futyân, exprimera surtout l'exaltation épique d'un Antar ou l'ivresse lyrique d'un Imrou' El-Qays.
(...)
Elle n'exprime aucune hantise mystique ou métaphysique. Elle ignore les subtilités de la dialectique et les abstractions de la pensée philosophique, scientifique ou religieuse. Sa terminologie est celle qui correspond aux besoins simples de la vie extérieure et intérieure d'un Bédouin, non pas d'un sédentaire.
(...)
Tels sont les caractères généraux de cette langue djahilienne*, idolâtre, nomade et continentale, que le Coran va plier néanmoins à son génie propre pour exprimer une pensée universelle. Et d'abord, il adoptera pour l'expression de cette pensée une forme nouvelle : la phrase. Le verset coranique va reléguer le vers bédouin ; mais le rythme va y subsister quand même : il s'est libéré seulement du mètre, il s'est amplifié.
(...)
Naturellement, cette langue arabe, qui n'avait exprimé jusque-là que le génie des primitifs du désert, doit notablement s'enrichir pour répondre aux exigences d'un esprit placé désormais - et d'un seul coup - devant les problèmes métaphysique, juridique, social et même scientifique.
(...)
Or, un tel phénomène physiologique est unique dans l'histoire des langues : il n'y a pas eu pour la langue arabe une évolution progressive, mais quelque chose comme une explosion révolutionnaire aussi soudaine que l'était le phénomène coranique. La langue arabe est passée d'un seul bond du stade dialectal primitif à celui d'une langue techniquement organisée pour véhiculer la pensée d'une nouvelle culture et d'une nouvelle civilisation.

Auteur: Bennabi Malek

Info: pp. 217-219,*de l'époque pre-coranique

[ sémantique ] [ évolution ] [ désert ] [ littérature ]

 

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pouvoir sémantique temporel

Le fait est général: on sait que toutes les religions ont fait la fortune d'une langue qu'elles ont maintenue contre vents et marées. C'est le cas du sanscrit pour le brahmanisme, du latin pour le catholicisme, de l'hébreu pour la religion israélite, etc. Mais la Réforme a ceci de particulier qu'au contraire de toutes ces religions elle a toujours adopté la langue parlée par le peuple et non pas une langue morte ou en passe de le devenir. Ainsi, la traduction de la Bible en allemand a joué un rôle non négligeable dans l'histoire linguistique et politique et des Etats allemands, et le même fait apparaît, nous venons de le voir, au pays de Galles. La religion peut donc sauver une langue, mais son intervention est ambiguë car elle restreint en même temps cette langue à certains secteurs, ceux précisément qui lui abandonne la langue dominante. Le fait est flagrant pour le pays de Galles où, face à l'anglais langue officielle de l'administration et de l'école, le gallois restera du XVIe au XIXe siècle la langue des écoles parallèles; mais il est assez général, Mostefa Lacheraf signale par exemple qu'en Algérie "chez le peuple la langue française fut décrétée langue d'ici-bas, par opposition à l'arabe qui devenait langue du mérite spirituel dans l'autre vie" et cette "sauvegarde d'une langue peut donc se transformer assez vite en une autre forme d'enterrement. La langue dominante (ici le français) occupe le domaine profane, c'est-à-dire tout ce qui concerne la vie quotidienne, l'administration, la justice, les techniques, la politique, les études, etc. tandis que la langue dominée (ici l'arabe) est refoulée vers le domaine sacré. Ainsi l'opposition langue dominée-langue dominante se trouve convertie en opposition entre ancien et nouveau: la langue dominée est plus ou moins obligée de s'assumer comme langue confessionnelle, rétrograde, du moins est-ce l'image que les mass media lui renvoient d'elle-même. Il s'est produit dans l'hexagone un phénomène semblable avec le breton, présenté par la IIIe République laïque et glottophage comme la langue des curés (voir chapitre VII).

Auteur: Calvet Louis-Jean

Info: Linguistique et colonialisme

[ langage ]

 

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histoire

Le XIXe siècle de l’ère chrétienne avait été celui de l’individualisme, du nationalisme, de la libération des énergies. Malgré beaucoup de contradictions, de misères et d’horreurs, il avait préparé, et même partiellement accompli, une véritable émancipation des individus et des peuples. C’était aussi le siècle des génies, des géants de l’Art et de la Pensée, dans l’œuvre desquels tout un monde pouvait se reconnaître : Victor Hugo, Richard Wagner, Léon Tolstoï, Charles Dickens... L’homo sapiens était alors presque arrivé à maîtriser la barbarie de sa nature. Les régimes d’arbitraire étaient en recul ; la torture était, sinon tout à fait supprimée, tout au moins reconnue illégale ; les guerres elles-mêmes étaient réglementées : les non-belligérants, les blessés, les enfants, bénéficiaient d’un semblant de protection. Dans le domaine social, l’exploitation de l’homme par l’homme prenait, grâce au capitalisme, un visage un peu moins inhumain. Même le colonialisme européen est un progrès considérable si on le compare à l’oppression purement parasitaire pratiquée autrefois par les Athéniens, les Arabes, les Turcs ou les Mongols. Certes, les colons exploitaient, eux aussi, le travail de l’indigène. Mais en même temps, ils élevaient le niveau de ce travail, apportant des techniques nouvelles, combattant les fléaux, introduisant d’autres manières d’agir et de penser. Enfin, vers 1900, il était reconnu que tout individu était, du moins en droit, libre de dire et de penser ce qu’il voulait, dans la mesure où cela ne menaçait pas directement l’ordre établi.

Au XXe siècle, tout change. La guerre des groupes capitalistes juif et chrétien ensanglante l’Europe, l’empêche de s’unir. En même temps, le crédit de l’homme blanc s’affaiblit rapidement dans le monde. Lénine, le premier, rebâtit la Bastille, rétablit l’arbitraire, la torture, la peine de mort pour délit d’opinion. Son exemple sera suivi dans l’Italie fasciste, dans l’Espagne chrétienne, dans l’Allemagne néo-païenne, puis dans la Chine sado-maoïste. Après la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe sera définitivement vaincue ; les peuples coloniaux s’émanciperont, c’est-à-dire tomberont d’un régime de tutelle plus ou moins paternaliste à la dictature policière pure et simple.

Voilà, Grand Papaou, ce qu’il importe de savoir avant d’aborder ce livre. C’est au milieu de cette agonie d’une civilisation que va grandir le premier Homme heureux.

Auteur: Gripari Pierre

Info: Dans "La vie, la mort et la résurrection de Socrate-Marie-Gripotard", éditions de la Table Ronde, 1968, pages 19-20

[ chronologie ] [ politique ] [ dégénérescence ]

 

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gafam

"Nous ne nous ne connectons pas tous au même Internet. Cela peut sembler évident, mais de tous les arguments avancés par Jaron Lanier dans son nouveau livre Ten Arguments for Deleting Your Social Media Accounts Right Now, c’est le plus édifiant", note le romancier Peter Murphy dans The Irish Times. Selon cet essayiste et chercheur en informatique, les fils d’actualité individualisés proposés par Facebook, Twitter, Google et autres font diminuer le nombre repères communs, ce qui rend tout débat impossible. "Bientôt, nous ne ne vivrons plus seulement dans des environnements d'opinions différentes mais dans des réalités différentes", écrit-il. Les bulles de filtres (la tendance à rechercher uniquement des amis ou des médias qui partagent nos opinions) n’en sont pas les seules responsables. Les réseaux sociaux manipulent leurs utilisateurs sans aucune éthique, insiste Lanier.
"S’il est à la mode aujourd’hui de s’en prendre à la Silicon Valley, Lanier n’est toutefois pas n’importe quel critique", note Danny Fortson, le correspondant de The Sunday Times sur la côte Ouest des États-Unis. Pionnier du web et de la réalité virtuelle, Lanier dirige un laboratoire de recherche chez Microsoft. Et en est à son quatrième livre où il critique les dérives de son propre milieu.

Cette fois, il conseille tout bonnement de se déconnecter des réseaux, au moins de Facebook et de Google. Leurs algorithmes sont conçus pour donner du pouvoir aux pires penchants de l’humanité. Car la haine, le scandale, les points de vue extrêmes favorisent "l’engagement". Et "l’engagement", soit le temps passé par les internautes sur un site, c’est ce que l’entreprise vend aux annonceurs. "Partout où Facebook arrive, la démocratie recule et cela n’importe où dans le monde, pays riche ou pauvre. C’est une tendance", assure Lanier. Si Facebook a bien contribué à l’émergence des Printemps arabes ou du mouvement Black Lives Matter, sa négativité intrinsèque a donné encore plus de force à leurs opposants.

Et pas la peine de croire à ses promesses de réformes, comme à celles de Google d’ailleurs. Pour Lanier, ces deux entreprises sont accros à leur modèle économique, comme les utilisateurs sont accros à leurs plateformes. "Elles ont diversifié leurs activités, créé tout un tas d’entreprises, mais la source de leurs profits est toujours la même : manipuler tout le monde pour de l’argent."

Auteur: Meunier Amandine

Info: Le Books du jour, 21 novembre 2018

[ résistance ] [ refus ]

 

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antisémitisme

Le  Coran  contient  certains  passages particulièrement  choquants  dans  lesquels  Mahomet  stigmatise  les  Juifs comme des ennemis de l’islam et les décrit animés d’un esprit malveillant et rebelle. On trouve également des versets qui évoquent leur humiliation et leur misère justifiées, ‘‘encourant la colère divine’’ à cause de leur désobéissance.  Ils devaient être humiliés ‘‘parce qu’ils n’avaient pas cru aux signes de Dieu et avaient tué les prophètes injustement’’ (sourate 2, versets 61/68). Selon un autre verset (sourate 5, versets 78/82), ‘‘les incroyants parmi les Enfants d’Israël’’ furent maudits par David et par Jésus. À titre de châtiment pour avoir ignoré les signes de Dieu et les miracles accomplis par les prophètes, ils furent transformés en singes et en pourceaux ou en idolâtres (sourate 5, versets 60/65). Le  Coran  insiste  particulièrement  sur  le  fait  que  les  Juifs  rejetèrent Mahomet  (bien  que,  selon  des  sources  musulmanes,  ils  le  reconnurent comme un prophète) – par pure jalousie envers les Arabes et par ressentiment parce qu’il n’était pas juif.



De tels actes sont aujourd’hui présentés comme caractéristiques de la nature sournoise, perfide et intrigante des Juifs telle que la décrit le texte coranique. Pour des traits aussi négatifs, ils étaient voués à  ‘‘l’avilissement dans ce monde-ci’’ et à un ‘‘châtiment magistral’’ dans l’autre monde.



Une  série  de  versets  accuse  les  Juifs  de  ‘‘mensonges’’ (sourate  3, verset 71), d’altérations (sourate 4, verset 46), de lâcheté, d’avidité et de ‘‘corruption des textes sacrés’’.



Cette dernière accusation renvoie à une croyance bien ancrée selon laquelle les révélations des Ancien et Nouveau Testaments étaient authentiques, mais auraient été par la suite déformées par leurs indignes gardiens (Juifs et chrétiens). Le texte biblique devait donc être remplacé par le Coran, la parole littérale de Dieu transmise à son prophète Mahomet par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Cette version musulmane  substitutionniste  considère  Mahomet  comme  le  dernier prophète, celui qui a reçu l’ultime et complète révélation de Dieu sous la forme de l’islam.  



Le principal stéréotype antijuif entretenu par le Coran demeure l’accusation selon laquelle les Juifs ont obstinément et délibérément rejeté la vérité d’Allah. En outre, d’après le texte sacré, ils ont toujours persécuté ses  prophètes,  notamment  Mahomet  qui  dut  par  la  suite  expulser  deux grandes tribus juives de Médine et exterminer la troisième, les Qurayza. 

Auteur: Wistrich Robert

Info:

[ monothéismes ]

 

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non-voyants

Dans l'histoire nous nous souvenons d'aveugles comme Diodote le stoïcien, et cet Aufidius dont parle Cicéron dans ses Tusculanes. Didyme d'Alexandrie, qui vivait au iv e siècle de notre ère, est un peu mieux connu. Vers la fin du Moyen Age, on cite encore quelques savants d'une mémoire remarquable : Nicaise, de Malines ou de Verdun ; Fernand, de Bruges; Pierre Dupont, de Paris. Sur Ulrich Schomberg (1601-1648), nous avons un témoignage de Leibniz. "Il a enseigné à Koenigsberg, dit Leibniz, la philosophie et les mathématiques à l'admiration de tout le monde." Bien qu'il n'eût perdu la vue qu'à l'âge de deux ans et demi, il n'avait conservé aucun souvenir de la lumière ni des couleurs, si bien que les impressions visuelles ne furent pour rien dans sa formation intellectuelle. Au XVIIIe siècle, le Suisse Huber dut quelque réputation à Voltaire, et, grâce à Diderot, on a connu chez nous l'Anglais Saunderson. Le premier étudia les moeurs de la ruche ; mais il convient de remarquer qu'il avait commencé ses travaux comme clairvoyant et qu'il put s'aider sans cesse de l'imagination visuelle. Saunderson, au contraire, devint aveugle dès sa première enfance, et il semble bien néanmoins qu'il poussa fort loin ses études mathématiques. Comme Saunderson, qui professa à l'Université d'Oxford, comme l'Ecossais Moyses qui, à la fin du xv e siècle, fut professeur de physique et de chimie, beaucoup des aveugles que je viens de nommer ont enseignée, des clairvoyants. Il en est de même de Penjon qui, au début du xix e siècle, fut professeur de mathématiques au lycée d'Angers. Comme on le voit, les mathématiques et la philosophie prédominent. Comme poètes, si nous laissons de côté les Grecs de l'époque légendaire, les Homère et le? Tirésias, et quelques Arabes dont nous ne connaissons que les noms, on ne peut guère citer que Malaval en France et Blacklock en Angleterre qui soient parvenus à une certaine notoriété. Nous ne pouvons pas, en effet, nommer le grand Milton qui n'a perdu la vue qu'à la quarantaine. Je ne parle pas d'Augustin Thierry, de William Prescot l'historien américain, de Ms c de Ségur, de Victor Brochard, professeur à la Sorbonne, de Henry Fawcet, ministre des postes en Angleterre, de Georges V, roi de Hanovre, et tant d'autres qui, frappés de cécité, continuèrent dans des voies très diverses à étonner leurs contemporains par leur activité.

Auteur: Villey Pierre Louis Joseph

Info: Le monde des aveugles: essai de psychologie

[ historique ]

 

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exotisme

Plus tard, j’ai dû admettre que notre passion des opprimés et des sans-grade nous avait fait adopter une vision déformée du monde, nous amenant à prendre systématiquement parti pour tout ce que la société génère d’exclus ou de marginaux, on parlerait aujourd’hui de personnes stigmatisées. Nous aimions les clandestins, les prisonniers, les toxicomanes, les putes et les boat people. Dans nos appartements pleins de livres et de disques, dans nos chambres d’étudiants aux armoires bien garnies, nous nous rêvions en exilés, les sans-papiers que nous glorifions portaient le béret du Che et affichaient la peau d’ébène de Sankara, si l’immigration constituait une chance, nous attendions d’elle qu’elle métisse enfin ces populations franchouillardes, qu’elle revitalise de son sang frais ce pays encroûté, et tant pis si l’immigration de tous ces hommes jeunes, de cette force vitale, affaiblissait leur pays d’origine et compromettait son développement. Nous étions aux côtés des Arabes victimes de ce racisme enchâssé dans l’identité française, nous étions ces femmes de ménage portugaises exploitées, ces ouvriers marocains des serres d’Andalousie ; à vrai dire, la misère française était la seule que nous n’étions pas prêts à dénoncer. Nous n’avions guère de compassion pour les clochards d’ici qui erraient dans nos villes, peu d’intérêt pour la situation des paysans qui tiraient le diable par la queue : le Congolais portait ce parfum vivifiant de l’Ailleurs dont étaient dépourvu le paysan de la Creuse ou l’épicier de l’Aude, ces gens qui sentaient toujours un peu l’ail et le vin de noix, qui persistaient à refuser l’avortement et votaient à droite, par égoïsme. Et puis la souffrance du réfugié nous touchait d’autant plus que nous nous en estimions responsables : en tant qu’Occidentaux, notre soif de profit et notre cynisme avaient poussé nos parents, et avant eux nos grands-parents, à piller méthodiquement les richesses du monde, de sorte que la dette que nous avions contractée envers eux était immense et ne prendrait à vrai dire jamais fin. Nous étions par principe du côté de l’autre, de celui pourtant que nous ne fréquentions pas. Je me souviens avoir ouvert un jour mon sac avec ostentation, avoir littéralement vidé les pièces de mon porte-monnaie dans le chapeau d’un joueur de flûte de pan, convaincu d’être dans la vérité, comme s’il me fallait sans cesse donner des gages ; au mendiant d’ici je ne lâchais rien, non par calcul, mais seulement parce que je ne le voyais pas.

Auteur: Sansonnens Julien

Info: "Septembre éternel", Éditions de l’Aire, 2021, p.113-114

[ lointain-prochain ] [ hypocrisie ] [ racisme ] [ exotisme vivifiant ]

 

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cité imaginaire

A Eudoxia, qui s'étend de haut en bas, avec des ruelles sinueuses, des escaliers, des impasses, des taudis, un tapis est conservé sur lequel on peut contempler la véritable forme de la ville. À première vue, rien ne semble moins ressembler à Eudoxia que le dessin du tapis, ordonné en figures symétriques qui répètent leurs motifs le long de lignes droites et circulaires, tissées avec des aiguilles de couleurs vives, dont on peut suivre l'alternance des trames tout au long de la chaîne. Mais si vous vous arrêtez pour le regarder attentivement, vous vous persuadez qu'à chaque détail du tapis correspond une place dans la ville, et que toutes les choses contenues dans la ville sont incluses dans le dessin, disposées selon leurs véritables relations, qui échappent à votre œil distrait par l'agitation du fourmillement de la cohue. Toute la confusion d'Eudoxia, le braiement des mules, les taches de noir de fumée, l'odeur du poisson, c'est ce qui apparaît dans la perspective partielle que vous saisissez ; mais le tapis prouve qu'il existe un point à partir duquel la ville montre ses véritables proportions, le modèle géométrique impliqué dans chacun de ses plus petits détails.

Il est facile de se perdre dans Eudoxia : mais si l'on se concentre pour regarder le tapis, on reconnaît le chemin que l'on cherchait dans un fil cramoisi, indigo ou amarante qui, par un long virage, nous conduit dans une enceinte violette qui est notre véritable point d'arrivée. Chaque habitant d'Eudoxia compare à l'ordre immobile du tapis sa propre image de la ville, sa propre angoisse, et chacun peut trouver caché parmi les arabesques une réponse, l'histoire de sa vie, les tournants du destin.

Un oracle a été interrogé sur la relation mystérieuse entre deux objets aussi différents que le tapis et la ville. L'un des deux objets, - fut la réponse, - a la forme que les dieux ont donnée au ciel étoilé et aux orbites sur lesquelles tournent les mondes ; l'autre en est un reflet approximatif, comme toute œuvre humaine.

Les augures étaient depuis longtemps certains que le dessin harmonieux du tapis était d'origine divine ; c'est dans ce sens que l'oracle a été interprété, sans donner lieu à controverse. Mais de la même manière, on peut tirer la conclusion inverse : que la véritable carte de l'univers est la ville d'Eudoxia telle qu'elle est, une tache qui s'étend sans forme, avec des rues toutes en zigzag, des maisons qui s'effondrent les unes sur les autres dans la poussière, des incendies, des cris dans le noir.

Auteur: Calvino Italo

Info:

[ fractale ] [ reflet solipsiste ]

 

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