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gamins

L’enfant ne remonte pas à la plus haute Antiquité. En réalité, il est d’invention récente, guère plus de deux cent ans. L’enfance, avant, c’était le bas âge et on n’en parlait pas, on attendait que ça passe. Puis l’enfance est arrivée. Et, avec elle, l’enfant et ses sortilèges. Il fut alors convenu que l’enfant était le meilleur revers de la médaille humaine et l’enfance le stade le plus enviable de la vie. L’enfant devint l’avenir de l’homme. En se prosternant devant lui, tous ceux qui n’étaient plus des enfants commencèrent à désirer plus ou moins consciemment l’état d’innocence qu’ils lui prêtaient. Du moins appelaient-ils ainsi ce qu’un autre a nommé "principe de plaisir".

Il est à noter que ce néo-totémisme infantomaniaque n’est apparu qu’après la disparition de l’enfant comme future force de travail et assurance vieillesse : c’est depuis qu’il n’est plus indispensable à la survie matérielle de ses parents, comme aux âges farouches où ceux-ci attendaient qu’il pousse la charrue à leur place quand ils ne pourraient plus le faire eux-mêmes, qu’il est devenu vital non seulement comme fruit de la performance technique (à travers les méthodes d’engendrement artificiel et toute la sacrée gamme des acharnements procréatifs) mais surtout comme idole ou fétiche. [...]

Pour qui, même enfant, a pris l’habitude de considérer l’enfance comme une sorte d’infirmité de naissance pénible mais curable, la surprise est constante que tant d’autres y voient les éléments d’une poésie perdue à retrouver, le temps des rires et des chants dans l’île aux enfants où c’est tous les jours le printemps. D’autant que l’infanthéisme fait rage quand justement il n’y a plus d’enfants ni d’enfance. Plus d’adultes non plus, par la même occasion. La frontière entre les deux stades de la vie s’efface au profit du premier dont l’adulte infanthéiste épouse à toute allure les goûts, la façon de parler, de jouer, de croire ou de ne pas croire, de s’émouvoir, de réclamer des friandises et des divertissements mais aussi des lois qui le protègent des dangers du monde extérieur.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 4", Les Belles Lettres, Paris, 2010, pages 1597-1597

[ fétichisation ] [ indistinction ] [ abstraction ] [ infantilisation ]

 

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monothéïsmes

Les différences religieuses se reflètent très nettement dans les différents arts sacrés : comparé à l’art gothique, surtout "flamboyant", l’art musulman sera contemplatif plutôt que volitif : il est "intellectuel" et non "dramatique", et il oppose la froide beauté de la géométrie à l’héroïsme mystique des cathédrales. L’Islam est la perspective de l’"omniprésence" ("Dieu est partout"), laquelle coïncide avec celle de la "simultanéité" ("la Vérité a toujours été"); il entend éviter toute "particularisation" ou "condensation", tout "fait unique" dans le temps et dans l’espace, bien que, en tant que religion, il comporte forcément un aspect de "fait unique", sous peine d’inefficacité ou même d’absurdité. Autrement dit, l’Islam vise à ce qui est "partout centre", et c’est pour cela que, symboliquement parlant, il remplace la croix par le cube ou par le tissu : il "décentralise" et "universalise" dans la mesure du possible, dans le domaine de l’art comme dans celui de la doctrine ; il s’oppose à tout nœud individualiste, donc à toute mystique "personnaliste".

Pour nous exprimer en termes géométriques, nous dirons qu’un point qui veut être unique et qui devient ainsi un centre absolu, apparaît à l’Islam — en art aussi bien qu’en théologie — comme une usurpation de l’absoluité divine et partant comme une "association" (shirk) ; il n’y a qu’un seul centre, Dieu, d’où l’interdiction des images "centralisatrices", surtout des statues ; même le Prophète, centre humain de la tradition, n’a aucun droit à une "unicité christique" et se trouve "décentralisé" par la série des autres Prophètes ; de même pour l’Islam, — ou le Koran, — lequel se trouve intégré lui aussi dans un "tissu" universel et un "rythme" cosmique, puisqu’il a été précédé d’autres religions — ou d’autres "Livres" — qu’il ne fait que restaurer. La kaaba, centre du monde musulman, devient l’espace dès qu’on se trouve à l’intérieur de l’édifice : la direction rituelle de la prière se projette alors vers les quatre points cardinaux.

Si le Christianisme est comme un feu central, l’Islam se présente au contraire comme une nappe de neige à la fois unificatrice et niveleuse, et dont le centre est partout.

Auteur: Schuon Frithjof

Info: Sentiers de gnose

[ comparaison ]

 

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oppression

Toutes les forêts s'emplissent de voix tonnantes! Tocsin! tocsin! Que de chaque maison il sorte un soldat ; que le faubourg devienne régiment ; que la ville se fasse armée. Les prussiens sont huit cent mille, vous êtes quarante millions d'hommes. Dressez-vous, et soufflez sur eux ! Lille, Nantes, Tours, Bourges, Orléans, Dijon, Toulouse, Bayonne, ceignez vos reins. En marche ! Lyon, prends ton fusil. Bordeaux, prends ta carabine. Rouen, tire ton épée, et toi, Marseille, chante ta chanson et viens terrible. Cités, cités, cités, faites des forêts de piques, épaississez vos baïonnettes, attelez vos canons, et toi village, prends ta fourche. On n'a pas de poudre, on n'a pas de munitions, on n'a pas d'artillerie ? Erreur ! on en a. D'ailleurs les paysans suisses n'avaient que des cognées, les paysans polonais n'avaient que des faux, les paysans bretons n'avaient que des bâtons. Et tout s'évanouissait devant eux ! Qui veut peut. Un mauvais fusil est excellent quand le coeur est bon ; un vieux tronçon de sabre est invincible quand le bras est vaillant. C'est aux paysans d'Espagne que s'est brisé Napoléon. Tout de suite, en hâte, sans perdre un jour, sans perdre une heure, que chacun, riche, pauvre, ouvrier, bourgeois, laboureur, prenne chez lui ou ramasse à terre tout ce qui ressemble à une arme ou à un projectile. Roulez des rochers, entassez des pavés, changez les sillons en fosses, combattez avec les pierres de notre terre sacrée, lapidez les envahisseurs avec les ossements de notre mère la France. O citoyens, dans les cailloux du chemin, ce que vous leur jetez à la face, c'est la Patrie... Faisons la guerre de jour et de nuit, la guerre des montagnes, la guerre des plaines, la guerre des bois. Levez-vous ! Levez-vous ! Pas de trêve, pas de repos, pas de sommeil ; le despotisme attaque la liberté, l'Allemagne attente à la France. Qu'à la sombre chaleur de notre sol cette colossale armée fonde comme la neige. Que pas un point du territoire ne se dérobe au devoir. Organisons l'effrayante bataille de la Patrie. O francs-tireurs, allez, traversez les halliers, passez les torrents, profitez de l'ombre et du crépuscule, serpentez dans les ravins, glissez-vous, rampez, ajustez, tirez, exterminez l'invasion. Défendez la France avec héroïsme. Soyez terribles, ô patriotes!

Auteur: Hugo Victor

Info: Publié par les Lettres française clandestines, n° spécial, 1er août 1944

[ résistance ] [ nationalisme ] [ Gaule ]

 

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rationalité

Le croyant est en effet placé entre deux impossibilités : impossibilité de croire au Dieu de la Révélation traditionnelle, impossibilité de croire au "Dieu des philosophes et des savants". Car, et c'est là la première et la plus définitive victoire du rationalisme physiciste, le croyant lui-même adhère suffisamment à la philosophie nouvelle pour se convaincre que le Dieu anthropomorphe ou cosmique de la lettre des Écritures n'est plus recevable en sa créance. Pour l'admettre, il lui faudrait précisément une autre philosophie, une métaphysique des degrés de réalité, à laquelle il a justement renoncé. Désormais la philosophie, c'est-à-dire la connaissance intelligible et synthétique, a définitivement déserté l'ordre du sacré et du religieux, et il doit être suffisamment évident que ce divorce ne peut être que mortel, mortel sans doute pour le religieux, mortel aussi pour le philosophe, nous le montrerons. Mais le croyant peut-il pour autant adhérer au "Dieu des philosophes et des savants" ? Certainement pas. Non pas, comme on le dit trop souvent, parce que sa foi exclurait la science : la foi abrahamique, juive, chrétienne, islamique, s'est parfaitement accommodée du Dieu de Platon et d'Aristote, pendant de nombreux siècles. Mais le "Dieu des philosophes et des savants", c'est le Dieu construit par une certaine philosophie et une certaine science, contre le Dieu des Écritures, dont la raison scientifique a montré l'impossibilité. La philosophie naturelle de Galilée ayant ruiné le fondement ontologique du symbolisme traditionnel, il ne lui reste plus qu'à élaborer, en lieu et place, un autre Dieu du cosmos : Dieu-Horloger, Mécanicien céleste que l'on réduit à la condition de cause première. Ce théisme abstrait n'est pas contraire à la raison. Il se présente même à elle comme la seule solution possible. Mais sa négation ou sa réfutation s'accorde également, quoique d'une autre manière, avec les exigences de la logique. La foi ne peut donc y trouver l'absolu dont elle a besoin. C'est pourquoi elle se sent profondément étrangère à ce Dieu rationnel et se réclame d'un autre Dieu, celui d'Abraham, d'Isaac, et de Jacob. Ce faisant, elle renonce à l'intellectualité sacrée, elle entérine le partage du champ théologique que la nouvelle philosophie religieuse a établi, et paraît même revendiquer pour elle l'obscurité de son engagement. Car le Dieu d'Abraham, c'est celui qui s'adresse à notre personne, Dieu de notre existence et de notre vie, qui parle, non pour enseigner la nature des choses, mais pour susciter notre liberté. Le Dieu du cosmos est rejeté, soit dans l'imaginaire d'une mythologie à jamais disparue, soit dans l'aliénation théoricienne d'une mensongère conceptualisation du divin. Penser Dieu, c'est le soumettre aux catégories de l'entendement, c'est nier son irréductible présence existentielle.

Auteur: Borella Jean

Info: La crise du symbolisme religieux, 1re partie, ch. II, art. 3, sect. 4, pp. 114-115, éd. L'Âge d'Homme, 1990

[ modernité ] [ intuition intellectuelle ]

 
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géopolitique

En 1050 av. J.-C., les Zhou, originaires de l’ouest de la Chine (actuelle province du Shanxi), renversent la première dynastie chinoise des Shang. Tout en restant très proches, culturellement, de leurs prédécesseurs, les Zhou instaurent un système de contrôle de leur nouveau territoire différent de celui de la dynastie des Shang. Alors que l’État-domaine des Shang ne s’étendait guère au-delà de quelques centaines de kilomètres autour de leur dernière capitale Anyang, les Zhou mettent en place un système de fiefs qui leur permet d’asseoir leur pouvoir sur un territoire beaucoup plus vaste.  [...]

Les princes auxquels sont octroyés les premiers fiefs sont des membres proches de la famille royale. Plus tard, d’autres fiefs seront octroyés aux chefs des familles ayant combattu aux côtés des Zhou, mais qui ne porteront pas le même nom que la famille régnante. Une hiérarchie de cinq titres nobiliaires est instaurée. Le rang de chacun est lié au nombre de générations d’ancêtres Zhou auxquelles ils peuvent rendre un culte. Seul le roi (wang) a le privilège de célébrer le culte de l’ancêtre divin, fondateur de la dynastie. [...]

Le contrôle exercé par la dynastie des Zhou sur les fiefs octroyés se relâche progressivement. Ce relâchement se fait d’abord sentir dans les territoires les plus éloignés du domaine royal. Les liens familiaux entre le clan des Zhou et les seigneurs feudataires sont de plus en plus ténus. [...]

Sans cesse obligés de faire appel à l’aide des seigneurs feudataires pour résister aux agressions des peuples nomades, les Zhou se trouvent rapidement à la merci des plus puissants d’entre eux. [...]

Alors que les fiefs étaient accordés par le roi Zhou en récompense, ils deviennent, rapidement, possessions héréditaires des familles des seigneurs feudataires. Le chef de la dynastie des Zhou a cessé d’être la source unique et sacrée du pouvoir, chaque famille possède désormais sa propre légitimité. [...]

De nouvelles principautés, situées aux marches du vieux berceau de la civilisation chinoise et beaucoup plu vaste que les anciens fiefs, montent en puissance, à l’instar des principautés de Wu [...], de Chu [...], de Yue [...] ou de Qin [...]. [...]

L’enrichissement des principautés et la montée en puissance de certaines d’entre elles, joints à la chute de prestige de la dynastie des Zhou, favorisent la multiplication des conflits. La guerre, désormais, domine les affaires de l’État. Il ne s’agit plus uniquement de lutter contre les incursions barbares, mais d’attaquer et de se défendre contre les principautés voisines dans un processus continu d’absorption et d’expansion qui se poursuit jusqu’à l’unification de l’empire, en 221 av. J.-C. De 722 à 453 av. J.-C., le nombre de principautés passe de 150 à 12.

Auteur: Niquet Valérié

Info: Introduction à "L'art de la guerre" de Sun Zi, éditions de la Martinière, 2022, pages 12 à 14

[ historique ] [ orient ]

 
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scène-de-ménage

- vous êtes cruels, entre vous...
- ma chérie, je vous ai bien observées, parfois pratiquées. Auprès de la majorité de tes soeurs de sexe - si j'ose me permettre cette vilaine expression - nous passons pour de gentils et naïfs éphèbes... Bambi chez les chasseurs... vous nous surpassez de beaucoup dans ce domaine... vous avez le recul, vous êtes en charge de la seconde partie de la vie, le suivi, l'éducation par l'amour. Nous autres, une fois la femelle engrossée, la base familiale établie, sommes bons à jeter, première partie du spectacle achevé... Par ici la sortie !... et en y mettant élégance et beauté si possible... avec retour éventuel quand il s'agirait de ramener de la subsistance, encore qu'il faille voir pour combien de temps encore, avec cette évolution du système social qui vous abreuve d'allocations, aides, subventions... sans oublier votre esprit de solidarité... sacrée Loi naturelle : vous vous mettez ensemble... "Les femmes ne sont pas faites pour vivre avec les hommes..." la voilà toute crûe, cette belle affaire aphorisée de la complicité féminine.... ah ! comme vous êtes bénies par le destin, caressée par l'existence dans le sens de ces cheveux que vous ne perdez jamais... accomplies, confortées dans vos certitudes, cette assurance de votre rôle de pilier du monde... quel pied, comme je voudrai être à votre place... vous avez la culture du bonheur... et ce n'est pas une raison pour me toiser pareillement, ma douce, tu le sais bien... vous êtes à l'origine de tout, de tout... aucun exemple qui puisse contrarier cette affirmation.... d'abord, qui est-ce qui donne le premier et imperceptible signe dans une rencontre afin d'avertir l'autre qu'il y a ouverture ? ... qui décide d'avoir des enfants ? Qui fait les hommes ?... nous ne sommes que de grotesques pantins destinés à ramer pour vaguement exister à vos yeux.. à nous entretuer sauvagement... le survivant gagnant le dérisoire droit de déposer sa semence sous le regard dégoûté de la récipiendaire... regarde le fonctionnement des mâles dominants dans la nature, rien n'a changé... vous, des récipients, nous, ridicules petits jets... nous devons sortir du lot, en faire des tonnes pendant que vous examinez calmement la marchandise... faites votre choix... et pour décider quoi ?... parce que vous ne tombez pas amoureuses, oh ! Que non, c'est une décision pesée, réfléchie, vous mettez le cosmos dans la balance en quelque sorte.... Vous pratiquez l'art ultime, exactement j'ai bien dit art... d'ailleurs ces pauvres artistes... ridicules façonneurs égocentriques de scories inutiles que vous contemplez avec l'ironie maternelle de celles qui savent que la mise au monde d'un petit d'homme est un accomplissement de loin plus grand, plus concret que ces pauvres babioles, calembredaines, billevesées.. Vous savez... vous avez les pieds cloués au sol, votre dimension n'est pas la nôtre, tout est calculé depuis le big-bang d'ailleurs.. la preuve !... elle est très simple et la voici : vous n'avez pas besoin de jouir pour procréer la race... nous sommes des machines aux moteurs différents, condamnés à collaborer pour accomplir la course.. et d'ailleurs notre plaisir brut de mâle suscite votre dédain rapide dès lors que nous le considérons comme acquis... vous détestez les habitudes, regardez toujours en avant... vous brûlez tout le temps nous ne sommes que des blocs de pierre destiné à être tournés vers le soleil... Vous êtes faites pour souffrir, nous pour jouir... votre univers est l'amour... le nôtre, le jeu. Nous sommes immatures... vous en êtes toutes persuadées. Je vous adore.

Auteur: MG

Info: 1996

[ femmes-hommes ]

 

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quaternaire

Les quatre éléments - terre, eau, air, feu - constituant les modes fondamentaux de la manifestation sensible sont presque partout - excepté dans le monde moderne et rationaliste - empreints d'une pureté inviolable (...)

Quelques remarques s'imposent en ce qui concerne les 4 éléments : ces derniers n'ont évidemment rien à voir avec ce que l'on désigne par le même terme dans la chimie moderne ; comme nous l'avons déjà dit, les "éléments" au sens traditionnel représentent les modes de manifestation sous lesquels la substance dont le monde est créé se communique à nos cinq sens : ce sont respectivement les modes solide, liquide, volatile et igné (...) les quatre éléments sont donc les modes les plus simples dans l'ordre cosmique. Transposés dans le microcosme humain, ils sont aussi l'image la plus simple de notre âme qui, en tant que telle, est insaisissables, mais dont les caractéristiques fondamentales peuvent être comparées aux quatre éléments.

C'est bien dans cette perspective que Saint François d'Assise glorifie Dieu pour les quatre éléments, l'un après l'autre, dans son fameux "Cantique du Soleil".

En ce qui concerne l'eau, il écrit : "Loué sois-tu, mon Seigneur, pour Sœur Eau, qui est fort utile et humble, et précieuse et chaste" (Laudato si, o Signore, per sor acqua, la quale é molto utile ed umile e preziosa e casta).

On pourrait prendre ce verset pour une simple allégorie poétique, mais en fait le sens en est beaucoup plus profond : l'humilité et la chasteté décrivent la qualité de l'eau, qui, dans une rivière, épouse n'importe quelle forme, sans rien perdre pour autant de sa pureté, Là aussi se trouve une image de l'âme, qui peut recevoir toutes sortes d'impressions et se plier à toutes les formes, tout en demeurant fidèle à son essence propre et indivise. "L'âme humaine ressemble à l'eau", a pu dire Goethe, reprenant ainsi une analogie que l'on rencontre aussi bien dans les Écritures sacrées du Proche-Orient que dans celle de l'Extrême-Orient. L'âme ressemble à l'eau, tout comme l'esprit est comparable au vent ou à l'air

(...)

Les mythes selon lesquels toute chose fut créée à partir d'une mer originelle trouvent un écho dans ce verset coranique : "Nous (Dieu) avons créé toute chose vivant à partir de l'eau." L'allégorie biblique de l'Esprit de Dieu planant sur les eaux trouve son équivalent dans le symbole hindou de Hamsa, le cygne divin qui fait éclore l’œuf d'or du cosmos en nageant sur l'océan primordial. En définitive, chacune de ces représentations allégoriques se retrouve dans le Coran, lorsqu'il est dit qu'au commencement le Trône de Dieu reposait sur les eaux.

La fleur de lotus ouverte, siège des divinités de l'Inde, est elle aussi un "trône de Dieu" flottant sur l'eau de la materia prima, ou sur l'eau des possibilités principielles. Ce symbole, que l'Inde a transmis à la mythologie et à l'art bouddhiques, nous ramène de l'eau en tant qu'image de la substance primordiale du monde, à l'eau en tant que reflet de l'âme. Le lotus du Bouddha ou du Boddhisatwa, en effet, s’élève au dessus des eaux de l'âme, tout comme l'esprit illuminé par la connaissance se libère de l'existence passive. L'eau représente ici quelque chose qui doit être bénéfique, car en elle se trouve enracinée la fleur dont le calice renferme le "précieux joyau" de Boddhi, l'Esprit divin. Le Bouddha est lui-même cet Esprit, étant le "Joyau dans le Lotus".

Auteur: Burckhardt Titus

Info: Miroir de l'intellect, pp. 46-49

[ syncrétisme ] [ pérennialisme ] [ historique ] [ aqua simplex ]

 

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art traditionnel

On peut dire, d’une façon générale, que le théâtre est un symbole de la manifestation, dont il exprime aussi parfaitement que possible le caractère illusoire ; et ce symbolisme peut être envisagé, soit au point de vue de l’acteur, soit à celui du théâtre lui-même. L’acteur est un symbole du "Soi" ou de la personnalité se manifestant par une série indéfinie d’états et de modalités, qui peuvent être considérés comme autant de rôles différents ; et il faut noter l’importance qu’avait l’usage antique du masque pour la parfaite exactitude de ce symbolisme. Sous le masque, en effet, l’acteur demeure lui-même dans tous ses rôles, comme la personnalité est "non-affectée" par toutes ses manifestations ; la suppression du masque, au contraire, oblige l’acteur à modifier sa propre physionomie et semble ainsi altérer en quelque façon son identité essentielle. Cependant, dans tous les cas, l’acteur demeure au fond autre chose que ce qu’il paraît être, de même que la personnalité est autre chose que les multiples états manifestés, qui ne sont que les apparences extérieures et changeantes dont elle se revêt pour réaliser, selon les modes divers qui conviennent à leur nature, les possibilités indéfinies qu’elle contient en elle-même dans la permanente actualité de la non-manifestation. 

Si nous passons à l’autre point de vue, nous pouvons dire que le théâtre est une image du monde : l’un et l’autre sont proprement une "représentation", car le monde lui-même, n’existant que comme conséquence et expression du Principe, dont il dépend essentiellement en tout ce qu’il est, peut être regardé comme symbolisant à sa façon l’ordre principiel, et ce caractère symbolique lui confère d’ailleurs une valeur supérieure à ce qu’il est en lui-même, puisque c’est par là qu’il participe d’un plus haut degré de réalité. En arabe, le théâtre est désigné par le mot tamthîl, qui, comme tous ceux qui dérivent de la même racine mathl, a proprement les sens de ressemblance, comparaison, image ou figure ; et certains théologiens musulmans emploient l’expression âlam tamthîl, qu’on pourrait traduire par "monde figuré" ou par "monde de représentation", pour désigner tout ce qui, dans les Écritures sacrées, est décrit en termes symboliques et ne devant pas être pris au sens littéral. Il est remarquable que certains appliquent notamment cette expression à ce qui concerne les anges et les démons, qui effectivement "représentent" les états supérieurs et inférieurs de l’être, et qui d’ailleurs ne peuvent évidemment être décrits que symboliquement par des termes empruntés au monde sensible ; et, par une coïncidence au moins singulière, on sait, d’autre part, le rôle considérable que jouaient précisément ces anges et ces démons dans le théâtre religieux du moyen âge occidental.

 Le théâtre, en effet, n’est pas forcément borné à représenter le monde humain, c’est-à-dire un seul état de manifestation ; il peut aussi représenter en même temps les mondes supérieurs et inférieurs. Dans les "mystères" du moyen âge, la scène était, pour cette raison, divisée en plusieurs étages correspondant aux différents mondes, généralement répartis suivant la division ternaire : ciel, terre, enfer ; et l’action se jouant simultanément dans ces différentes divisions représentait bien la simultanéité essentielle des états de l’être. Les modernes, ne comprenant plus rien à ce symbolisme, en sont arrivés à regarder comme une "naïveté", pour ne pas dire comme une maladresse, ce qui avait précisément ici le sens le plus profond ; et ce qui est étonnant, c’est la rapidité avec laquelle est venue cette incompréhension, si frappante chez les écrivains du XVIIe siècle ; cette coupure radicale entre la mentalité du moyen âge et celle des temps modernes n’est certes pas une des moindres énigmes de l’histoire.

Auteur: Guénon René

Info: Dans "Aperçus sur l'initiation", Éditions Traditionnelles, 1964, pages 188 à 190

[ transposition analogique ] [ historique ] [ signification ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

littérature

[...] les dizaines de milliers de pages que tu as absorbées tournent sans cesse dans les tiroirs et les étagères de ton cerveau, tu te souviens des noms des auteurs, des titres des livres et même du nom des éditeurs et des collections, tu reconnais les couvertures, les tranches colorées, tu distingues les différents éditeurs à la couleur de la couverture, au format du livre, tu repères de loin dans les cartons les logos de tes préférés, tu recopies des paragraphes entiers, tu apprends par coeur des poèmes et des citations, tu lis les biographies et la correspondance de tes favoris, tu cites des phrases et des vers, tu prêtes des livres, tu perds des livres, tu les rachètes, tu ne t'en lasses pas ; quand tu es dans le jardin, tu considères les saisons comme les chapitres d'un livre familier que tu relis régulièrement, chaque année tu écris de nouvelles pages dans la terre du jardin, tu rédiges des brouillons successifs, tu élagues, tu mets au propre, tu relis tu déchires, tu chiffonnes des boules de papier, tu jettes au fumier, tu recommences, l'écriture te nourrit, tu rédiges les versets de la terre, tu graves dans la glaise, ton corps est ton dernier volume, les rides et les cicatrices, les plis et replis, les bosses et les creux racontent ton histoire et celle de tes frères ; il pleut sur le livre abandonné près du fauteuil du jardin, les pages sont trempées, même le vent ne parvient pas à les tourner, l'encre noire coule dans les allées, le ruisseau d'encre grossit, devient une rivière, coule vers la Lys, coule vers l'Escaut, traverse le pays, rejoint la mer du Nord, l'encre glisse dans la mer, les lettres les mots les phrases sont emportés par la bourrasque, par l'érosion incessante, tu les suis des yeux le plus longtemps possible, tu retiens les plus beaux mots, laitue blonde de la passion, reine de mai, mâche ronde verte à coeur plein, tu retiens tous ces mots, tu les retiens par coeur, ton coeur se remplit de mots, il déborde il éclate, les mots se répandent dans ton corps tout entier, ils parcourent tes veines comme des alcaloïdes stupéfiants, ils se nichent dans ton estomac et tes intestins veloutés, ils se cachent au détour d'une articulation, entre tes vertèbres sacrées, ils rampent à l'intérieur de tes os dans la moelle jaune et grasse, ton sang charrie tous les mots de l'amour et de la violence, les pseudopodes de tes globules blancs se saisissent des mots les plus longs, en séparent les syllabes et les digèrent sans coup férir, mais un jour cependant, les choses changent, tu constates l'invasion de ton corps par les profanateurs de littérature, les slogans de la télévision comme de longs vers répugnants s'introduisent dans tes oreilles, rampent entre les osselets, circulent sous les méninges de ton système nerveux, ils s'accouplent tête-bêche à l'intérieur de ta tête, tu regardes l'éclosion dégoûtante des parasites, tu les vois migrer, ton corps devient le champ de bataille de la poésie, ta peau se soulève par endroits, révélant l'ardeur des combats engagés entre les mots du dedans et ceux du dehors, ta température s'élève brutalement, tu te sens impuissant, tu assistes en spectateur à la lutte finale, tu es terrorisé, tu sens venir la fin, tu crains à tout moment de voir apparaître au milieu de l'écran noir sous tes paupières fermées cette sentence ultime THE END, tu voudrais apporter des retouches au script mais toute retouche est interdite, tu ne maîtrises plus rien et de toute façon ton [...]

Auteur: Suel Lucien

Info: Mort d'un jardinier

[ vocabulaire ] [ obsession ]

 

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croyances

Le Spectacle a besoin de recréer un milieu obscurantiste qui lui soit entièrement favorable après la débandade des religions, quelque chose comme une "structure" transcendante, un tissu spirituel de remplacement sans lequel il courrait le grand danger de se retrouver anéanti.
Il faut bien dire que, pour ma part, je vis dans une sorte d’extase éveillée depuis que naguère j’ai écrit Le XIXe siècle à travers les âges, et que maintenant je vois mon livre se continuer, s’illustrer tout seul, dans toutes ses dimensions, sans arrêt, et toujours plus brillamment, se confirmer sans cesse, au-delà de mes espérances, se grossir chaque jour de nouveaux chapitres sans que j’aie besoin de me fatiguer… Le crétinisme occulto-orientaliste new age sauce ère du Verseau venu de Californie n’est que la dernière en date des innombrables variantes de l’éternel spiritisme, le dernier marché juteux de l’abrutissement spiritualoïde, avec caissons insonorisés pour séminaires de relaxation d’où ressortent transfigurés des employés du "tertiaire" qui se répandent en cohortes par toute la terre et vont annoncer l’avènement du Millénium de l’Amour et de la Lumière.
On peut voir aussi des businessmen publier leurs réflexions croustillantes sur les "pouvoirs psychiques de l’homme" ; une grande compagnie pétrolière loue les services d’un célèbre tordeur de petites cuillères dans l’espoir de découvrir de nouveaux gisements ; la mégalomanie entrepreneuriale cherche des appuis dans le paranormal, les phénomènes extrasensoriels, la numérologie (attention au numéro de la rue où se trouve votre boîte : vous risqueriez, s’il est mal choisi, d’avoir de sérieux problèmes de trésorerie) ; des managers s’initient aux arts martiaux, au soufisme, au parachute ascensionnel, aux rites des Chevaliers de la Table Ronde, à la spéléologie mystique, au chamanisme télépathique, à la psychokinèse, aux tarots cosmiques, aux néo-cultes dionysiaques, aux croisières subliminales, à la musicothérapie (guérisons à coups de cymbales tibétaines) ; on embauche à partir du groupe sanguin, du thème astral ou de l’étude morphopsychologique.
Ce qu’il y a d’intéressant aujourd’hui, c’est que le Business se trouve lui aussi entièrement envahi par la grande escroquerie occultiste. Le nouveau couple du siècle c’est l’Entrepreneur et le Charlatan. Le requin de haute finance et le faisan numérologue.
Philippulus le Prophète et Rastapopoulos l’Arnaqueur.
Comme je comprends que les Occidentaux s’insurgent, du haut de leur "laïcité" en lambeaux, contre les obscurantismes des autres ! Comme je comprends que nous nous scandalisions à la pensée des tchadors et des ayatollahs ! Comme il est logique que nous nous alarmions de la montée de l’intégrisme islamique ou de la renaissance de l’irrationalisme en Europe centrale et en URSS, alors qu’ici, en France, une biographie d’Edgar Pœ, par exemple, peut paraître, sans faire rire personne, équipée d’une "carte du ciel" ("signe du Capricorne, ascendant Scorpion, triple influence de Saturne, Uranus et Neptune") ! Dans le cafouillage contemporain, il est d’ores et déjà redevenu presque impossible de distinguer les croyants proprement dits (intégristes, fondamentalistes et autres) de la prétendue "société laïque". De même que les terres anciennement cultivées puis abandonnées ne retournent jamais à la friche originelle mais se couvrent de ronces et deviennent "folles", de même cet univers débarrassé de ses vieilles religions réinvente à toute allure des "spiritualités" de seconde main, des dévotions ubuesques de secours qu’il semble tout à fait interdit de trouver seulement dérisoires. Le télévangélisme n’est déjà plus une part limitée de la réalité, comme on voudrait le croire en se moquant, par exemple, des télévangélistes américains ; il a vocation de se révéler, à court terme, le tout du monde. "Croyez, nous ferons le reste !" Le néo-obscurantisme qui s’étale aujourd’hui grâce aux médias est une merveilleuse technique de gouvernement. Il n’y a, en réalité, aucun "retour de la religion", comme le prétendent les maîtres du Show ou leurs esclaves, aucune "réapparition du sacré", aucune "respiritualisation", aucun "renouveau charismatique".
Ce qui s’organise, c’est la mise en scène de résidus religieux, sous leurs formes les plus délirantes si possible, par le Spectacle lui-même et au profit du Spectacle, dans le but d’entretenir ou de réactiver le noyau dur d’irrationnel, la fiction mystique vraiment consistante, sans quoi aucune communauté, aucun collectivisme, aucune solidarité ne pourraient tenir le coup très longtemps.
Le Spectacle a besoin de l’occulte et l’occulte du Spectacle. La Cordicocratie y gagne le supplément de transcendance qui lui est indispensable pour affirmer que la perfection se trouve en elle. D’où la multiplication des bouffonneries télévisées : exhibitions de "messes noires" sur les plateaux, rites vaudou pitoyables, satanismes de banlieue, débats sur les extraterrestres, interviews de "maîtres spirituels" grotesques et loqueteux…

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "L'empire du bien"

[ mythe moderne ] [ dévitalisation ] [ retour du refoulé ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson