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philosophe-sur-philosophe

Alors qu'il [Spinoza] se frottait à je ne sais quel souvenir, il se mit à réfléchir à la question de savoir ce qui était demeuré en lui du fameux morsus conscientiæ* — en lui qui avait rangé le bien et le mal parmi les imaginations de l’homme et avait défendu avec colère son Dieu "libre" contre ces blasphémateurs qui prétendaient que Dieu n’agit que sub ratione boni ("ce qui s’appellerait assujettir Dieu au destin et serait la plus étrange des absurdités" — ). Le monde, pour Spinoza, était revenu à cet état d’innocence où il se trouvait avant l’invention de la mauvaise conscience : que devenait alors le morsus conscientiæ ? "L’antithèse du gaudium, se dit-il enfin, — une tristesse accompagnée de l’image d’une chose passée dont l’événement a trompé toute attente." (Eth., III, propos. XVIII, schol. I. II.) Des milliers d’années durant les malfaiteurs n’ont eu, au sujet de leur "méfait", d’autre impression que celle dont parle Spinoza, comme d’une impression non personnelle : "ici il y a eu un accident imprévu", et non : "je n’aurais pas dû faire cela."

Auteur: Nietzsche Friedrich

Info: Généalogie de la morale, §15. *douleur de conscience

[ culpabilité ] [ moralité ] [ anthropocentrisme ]

 

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soumettre

Le management traditionnel dominait, commandait, ordonnait. Le nouveau management convainc, séduit, entraîne. Prenons cette pratique qui consiste à reformuler les objectifs fixés atin de se les approprier (vieux tour de passe-passe tiré de la PNL). En réalité il est moins question de se les approprier (ils restent ceux de l'entreprise) que d'intérioriser la nécessité de les atteindre. lI ne s'agit plus d'exécuter, plus ou moins bien, une tâche, mais de s 'investir, c'est-à-dire, au sens propre, "investir soi" dans un projet. Celui-ci entre ainsi dans l'intimité du "collaborateur". Et parce que les projets se succèdent les uns aux autres, et parce que le changement, c'est tout le temps, cela maintient dans une forme de retour en arrière permanent, au contraire de l'ancien modèle qui, lui au moins, pérennisait l'accumulation cognitive et l'expérience. Comme l'écrit le sociologue Vincent de Gaulejac, "en acceptant de jouer le jeu, les employés sont pris, malgré eux, dans une construction procédurale qui les assujettit à un pouvoir normalisateur auquel ils adhèrent d'autant plus facilement qu'ils sont sollicités pour contribuer à l'élaboration de ces normes". Conduire les autres à forger leurs propres chaînes, quel dictateur n'en a pas rêvé? C'est de l'aliénation au carré en somme.

Auteur: Jobard Thierry

Info: Contre le développement personnel, pp 48-49, Rue de l'échiquier.

[ impliquer ] [ faire redéfinir ] [ réflexivité dirigée ] [ manipulation ]

 

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énergies

Pour Marsile Ficin, les images agissent sur l’homme dans un espace médian. C’est le Monde de l’Ame, situé entre le Ciel des Idées et la Terre des Corps. Et le Monde de l’Ame contient les raisons séminales correspondantes aux idées et inductibles dans les corps. De ces raisons séminales, les artistes peuvent tirer leurs images ; et si l’adéquation entre les idées et les corps est partout tractable, elle peut être captée d’autant plus aisément qu’un réceptacle sensible aura été prévu à cet effet. Ce réceptacle sensible, c’est le symbole, et sa magie naturelle est particulièrement destinée aux intellectuels qui risquent, par leurs incessantes recherches, dont la nature les assujettit à l’influence de la planète Saturne, de sombrer dans la dépression. Pour éviter celle-ci, les jeunes intellectuels doivent se nourrir et s’entourer de figures correspondant aux planètes de Vénus et de Jupiter. Et, toujours selon Ficin, c’est au croisement de ces trois puissances planétaires que l’art peut déployer sa dimension à la fois thérapeutique et initiatique. Sentiment de la toute-puissance de la fatalité, la mélancolie risque toujours de conduire à la soumission à l’ordre des choses existant. C’est pourquoi l’innocence érotique comme le sentiment de la justice doivent s’y associer pour produire une vision à la fois tragique et dynamique de l’humanité.

Auteur: Thiellement Pacôme

Info: Dans "Trois essais sur Twin Peaks", pages 50-51

[ équilibre ] [ complémentarité ] [ tiercités ]

 
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helvète

Il y a plusieurs décennies cette idée de "bâtir l'édifice" était vue comme un sentiment noble, altruiste, communautaire. Elle était le moteur d'un politicien de milice, responsable, intégré dans la population, avec une bienveillance naturelle et un bon sens acquis sur le terrain.
Aujourd'hui la Suisse même si elle s'en éloigne, reste une société assez proche de ce mode de fonctionnement. A la différence que les penseurs ou les dirigeants sont toujours plus formatés par l'extérieur, c'est à dire par des pensées issues de biotopes qui n'ont pas grand-chose à voir avec le nôtre. On ne fonctionne/raisonne pas la même chose dans le désert de l'Oklaoma, Le Matto Grosso, une ile océanienne ou en habitant une vallée alpine. Dans cet ordre d'idées l'assujettissement mental de certains politiques romands au "conceptuellement correct" de la France et ahurissant. Il suffit de voir comment Mme Lyon a réagi lorsqu'un pauvre prof inconscient fit une bêtise devant l'entrée d'un camp de concentration...
Démontrez moi que l'humain mondial est devenu sage, raisonnable et tutti quanti.... et j'entrerai en matière pour une pensée mondialiste dominante. Mais ça ne marche pas encore comme ça. Et puis, de toutes façons, l'homme a besoin, pour sa survie, de désordres et de remises en causes. Surtout au niveau local !
Notre planète, géographiquement morcelée et tourmentée, devra encore continuer de fonctionner ainsi, avec cette ouverture au possible que présentent toutes ses différences. Ainsi la Suisse n'a pas de motifs particuliers de changer. Nulle raison de perdre de vue ce qui a fait nos valeurs. Organisation, travail, efficacité, économie, écologie... et ouverture sur le monde.
Charité bien ordonnée... comme dirait l'autre.

Auteur: Mg

Info: 28 juillet 2013

[ de l'Europe et du monde ]

 

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codages comparés

Un dernier trait unit la science et la littérature, mais ce trait est aussi celui qui les divise plus sûrement que toute autre différence : toutes deux sont des discours (...) mais le langage qui les constitue, l'une (science) et l'autre (littérature) ne l'assument pas, ou si l'on préfère ne le professe pas de la même façon. Pour la science, le langage n'est qu'un instrument, que l'on a intérêt à rendre aussi transparent, aussi neutre que possible, assujetti à la matière scientifique (...) Ce n'est pas une coïncidence si, à partir du XVIe siècle, l'essor conjugué de l'empirisme, du rationalisme et de l'évidence religieuse (la Réforme), c'est-à-dire l'esprit scientifique (au sens très large du terme), s'est accompagné d'une régression de l'autonomie du langage, désormais relégué au rang d'instrument ou de "beau style", alors qu'au Moyen Age la culture humaine, sous les espèces du Septenium, se partageait presque à égalité les secrets de la parole et ceux de la nature.

Pour la littérature, au contraire, du moins celle qui s'est dégagée du classicisme et de l'humanisme, le langage ne peut plus être l'instrument commode ou le décors luxueux d'une "réalité" sociale, passionnelle ou poétique, qui lui prééxisterait et qu'il aurait à charge d'exprimer, moyennant de se soumettre à quelques règles de style : le langage est l'être de la littérature, son monde même : toute la littérature est contenue dans l'acte d'écrire, et non plus dans celui de "penser", de "peindre", de "raconter", de "sentir". Techniquement, selon la définition de Roman Jackobson, le "poétique" (cad le littéraire) désigne ce type de message qui prend sa propre forme pour objet, et non ses contenus.

Auteur: Barthes Roland

Info: Le bruissement de la langue

[ mathématiques ] [ lyrisme ] [ rationalisme ] [ ouverture ]

 

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psychanalyse

Lorsqu’une vérité, dans la vie quotidienne ou dans l’histoire, est barrée, que devient-elle ? Elle ne s’évanouit pas pour autant, elle subsiste, mais elle s’exprime dans de nouveaux registres, ailleurs, et sous des formes secrètes, clandestines. Ainsi dans l’homme : ces vérités, ces désirs qui ont été censurés, refoulés, vont être transposés dans un autre registre et sous une forme incompréhensible, dans le langage du rêve ou de la névrose.

[...] On se trouve en présence d’un discours qui n’a pas cessé de murmurer, mais que le sujet ne peut entendre, car il n’en connaît ni la grammaire ni la syntaxe. Ce langage perturbé, qui fonctionne en dehors du sujet conscient, c’est ce que Freud appelle l’inconscient, le "ça". "L’inconscient, dit Lacan, c’est le discours de l’Autre". Le sujet se trouve donc changé de place et, pour ainsi dire, en dehors de celui que nous appelons sujet. L’homme n’est plus au centre de lui-même dans le discours organisé et clair du conscient. Il est dans le discours tout aussi organisé mais indéchiffrable de l’inconscient – ce qu’exprime la formule [...] :

"Je pense où je ne suis pas, je suis où je ne pense pas."

Et il faut bien noter, cela est essentiel, que ce langage, s’il a été refoulé, ne disparaît pas. Il est là, en nous, même si nous ne pouvons pas l’atteindre et il se manifeste sans cesse dans les failles du conscient. C’est le mécanisme que Freud appelle "le retour du refoulé" et qui fait que sous la voix claire de notre conscience, vient sans cesse s’interposer une autre voix, pressante, répétitive, qui nous dit des histoires graves, celles de notre préhistoire, et que nous ne comprenons pas.

Auteur: Lacan Jacques

Info: Entretien avec Gilles Lapouge Le Figaro Littéraire 1er décembre 1966 n° 1076

[ assujettissement au signifiant ] [ résumé ]

 

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ésotérisme

Les humains ne réalisent pas que leurs pauvres et infantiles spiritualités leur dissimulent les véritables enjeux, occultes, du pouvoir sur terre, l'homme n'est pas le maître des horloges ici. Tant que l'homme n'aura pas mieux développé sa conscience, celle de ses corps subtils, comment voulez-vous qu'il reconnaisse un maître, quel qu'il soit. Nous avons été naïfs durant de long siècles parcque nous avons été conditionnés et aussi parce que nous avions pas le pouvoir de comprendre le subconscient et donc le vrai visage de notre être. Il faut savoir que les forces de l'ombre travaillent avec toutes les assises inférieures du mental humain - émotion et passion, manifestations issue de sa peur d'être mortel, en bref une incapacité à maîtriser ses émois et son mental. L'émotion est naturelle, mais elle en doit pas affecter le mental et le discernement. Et comme pour les forces occultes qui manipulent derrière, la pensée de l'homme c'est de la matière...
Le plus grand problème de l'homme, c'est la crainte, qui crée la confusion... et sa naïveté. Les entités qui manipulent en arrière plan, manipulent aussi l'astral et les représentations, on l'a vu avec les théories sur lesquelles s'appuyaient les nazis par exemple. Si les allemands avaient "su" Hitler comme Rudolf Steiner, l'Allemagne n'aurait pas suivi Hitler.
Percevoir Hitler comme un messie ça c’était bon pour les masses, mais pas pour les initiés, les gens qui faisaient partie de la grande calèche n’étaient pas des gens capables de se faire berner par Hitler, et ce Rudolf Steiner faisait partie de la grande calèche… donc les humains qui se sont voués au culte Hitlérien ou qui se sont assujettis à la puissance politique des SS, étaient des gens eux-mêmes assoiffés du pouvoir. Etant assoiffés du pouvoir ils étaient prisonniers du pouvoir, l’un va avec l’autre, si un humain aime le pouvoir il sera assujetti par le pouvoir, il sera détruit pas le pouvoir, le plus grand danger d’un être humain qui a le moindrement contact avec les forces de l’invisible c’est d’être intéressé, attaché ou rechercher le pouvoir, ils vont vous le donner, ils vont vous le donner le pouvoir, mais vous aurez un prix à payer. Le mensonge cosmique existe.

Auteur: Montréal Bernard de

Info:

[ vingtième siècle ]

 

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sujet inconscient

Qu’il y ait "des pensées qui se pensent elles-mêmes", disons que c’est à l’accepter et à l’entendre, que la découverte de FREUD nous a convoqués.

Qu’il y ait "des pensées qui se pensent elles-mêmes" reçoit de FICHTE le nom de "postulat de la déraison". C’est là sans doute une expression qui doit nous retenir en ce qu’elle marque, sans équivoque, la limite de la philosophie de la subjectivité, dans son impossibilité à concevoir rien d’une pensée qui ne serait pas l’acte d’un sujet.

Au contraire, articuler "les lois de la pensée qui se pense elle-même" requiert de nous, de nous constituer des catégories incompatibles radicalement avec celles de la pensée pensée par le sujet. C’est pourquoi nous nous aiderons ici de ce qui a été élaboré dans un domaine de la science où il fut question, dès l’origine, des pensées qui se pensent elles-mêmes : qui s’articulent en l’absence d’un sujet qui les anime.

Ce domaine de la science, c’est la logique mathématique. Disons que nous devons tenir la logique mathématique comme logique pure, pour le jeu théorique où se réfléchissent " les lois de la pensée qui se pense elle-même " en dehors de la subjectivité du sujet.

Or, on doit noter que la constitution du domaine de la logique mathématique s’est faite par l’exclusion, progressivement assurée, de la dimension psychologique, où il semblait auparavant possible de dériver la genèse des éléments des catégories spécifiquement logiques. Rappelons qu’à nos yeux l’exclusion de la psychologie nous laisse libres de suivre, en ce champ, les traces où se marque ce qu’il faut nommer "le passage du sujet", dans une définition qui ne doit plus rien à la philosophie du cogito pour ce qu’elle rapporte le concept du sujet, non pas à sa subjectivité, mais à son assujettissement.

En quoi la logique mathématique s’avère-t-elle propre à notre lecture ? Eh bien, en ceci : que l’autonomie et la suffisance qu’elle s’efforce d’assurer à son symbolisme rendent d’autant plus manifestes les articulations où achoppe la marque de son fonctionnement. C’est donc très simplement en tant qu’elles articulent sans le savoir la suggestion de la subjectivité du sujet, que les lois de la logique mathématique peuvent nous retenir ici.

Auteur: Miller Jacques-Alain

Info: Séminaire de Jacques Lacan, 30 novembre 1966

[ psychanalyse ] [ exemplarité structurelle ]

 

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antispiritualisme

Regardez tous ces gens qui se dressent au-dessus du peuple chrétien, n'ont-ils pas altéré l'image de Dieu et sa vérité ? Ils ont la science assujettie aux sens. Quant au monde spirituel, la moitié supérieure de l'être humain, on le repousse, on le bannit allègrement, même avec haine. Le monde a proclamé la liberté [...] ; mais que représente cette liberté ! Rien que l'esclavage et le suicide ! Car le monde dit : "Tu as des besoins, assouvis-les, tu possèdes les mêmes droits que les grands, et les riches. Ne crains pas donc pas de les assouvir, accrois-les même" ; voilà ce qu'on enseigne maintenant. Telle est leur conception de la liberté. Et que résulte-t-il de ce droit à accroître les besoins ? Chez les riches, la solitude et le suicide spirituel ; chez les pauvres, l'envie et le meurtre, car on a conféré des droits, mais on a pas encore indiqué les moyens d'assouvir les besoins. On assure que le monde, en abrégeant les distances, en transmettant la pensée dans les airs, s'unira toujours davantage, que la fraternité régnera. Hélas ! Ne croyez pas à cette union des hommes. Concevant la liberté comme l'accroissement des besoins et leur prompte satisfaction, ils altèrent leur nature, car ils font naître en eux une foule de désirs insensés, d'habitudes et d'imaginations absurdes. Ils ne vivent que pour s'envier mutuellement, pour la sensualité et l'ostentation. [...] quant aux pauvres, l'inassouvissement des besoins et de l'envie sont pour le moment noyés dans l'ivresse. Mais bientôt, au lieu de vin, ils s'enivreront de sang, c'est le but vers lequel on les mène. Dites-moi si un tel homme est libre. Un "champion de l'idée" me racontait un jour qu'étant en prison on le priva de tabac et que cette privation lui fut si pénible qu'il faillit trahir son "idée" pour en obtenir. Or cet individu prétendait "lutter pour l'humanité". De quoi peut-il être capable ? Tout au plus d'un effort momentané, qu'il ne soutiendra pas longtemps. Rien d'étonnant à ce que les hommes aient rencontré la servitude au lieu de la liberté, et qu'au lieu de servir la fraternité et l'union ils soient tombés dans la désunion et la solitude [...]. Aussi le dévouement à l'humanité, de la fraternité, de la solidarité disparaît-elle graduellement dans le monde ; en réalité, on l'accueille même avec dérision, car comment se défaire de ses habitudes, où ira ce prisonnier des besoins innombrables par lui inventés ? Dans la solitude, il se soucie fort peu de la collectivité. En fin de compte, les biens matériels se sont accrus et la joie a diminué.

Auteur: Dostoïevski Fédor Mikhaïlovitch

Info: Les Frères Karamazov (1880), p. 426, trad. Henri Montgault, éd. Gallimard, coll. "Folio"

[ impasse matérialiste ]

 

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socio-psychologie

Sémio-capitalisme : le big data à la place du contact humain

Il est nécessaire de commencer à penser la relation entre le changement technologique en cours et les processus sociaux. Une subjectivité assujettie, reprise par les médias concentrés et par une configuration de câbles, d’intelligence artificielle, binarismes et algorithmes, obéit inconsciemment aux images et à une technologie digitale qui va par les réseaux, whatsapp, facebook, etc., en conditionnant les habitudes, perceptions, savoirs, choix et sensibilités. La subjectivité se communique de plus en plus par des machines et des suites d’algorithmes mathématiques et de moins en moins par la rencontre des corps. Ce changement techno-culturel inhibe, entre autres choses, la capacité à détecter la souffrance ou le plaisir de l’autre et l’affectation mutuelle des corps, une condition fondamentale de l’amour et de la politique.

Jean Baudrillard, dans "Simulacres et simulation", rappelle un conte de Borges sur une carte si détaillée, qu’il impliquait une exacte correspondance biunivoque avec le territoire. Se basant sur cette histoire, il souligne que dans la postmodernité la différence entre carte et territoire a été gommée, rendant impossible de les distinguer ; plutôt le territoire a cessé d’exister et est seulement restée la carte ou le modèle virtuel, les simulacres qui supplantent la réalité. Baudrillard affirme qu’avec la virtualité nous entrons dans l’ère de la liquidation du réel, de la référence et l’extermination de l’autre.

Bifo Berardi, en continuant sur les traces de Baudrillard, décrit dans "Phénoménologie de la fin" le néolibéralisme comme sémio-capitalisme, un mode de production dans lequel l’accumulation du capital est essentiellement faite au moyen de l’accumulation de signes : de biens immatériels. Il s’agit d’une sémiologie de la simulation basée sur la fin de la référence ; le signe linguistique s’est pleinement émancipé et cette abstraction s’est déplacée vers la science, la politique, l’art, les communications et tout le système d’échanges.

Le néolibéralisme, le capitalisme qui n’est déjà plus industriel mais financier, constitue le point le plus avancé de la virtualisation financière : l’argent peut être transformé en plus d’argent en sautant par-dessus la production de biens utiles. Le sémio-capitalisme se base sur le dé-territorialité de la production, l’échange virtuel et l’exploitation de l’âme comme force productive. À partir de cette organisation, les multinationales ont gagné une liberté absolue de pouvoir bouger facilement leurs actifs non matériels d’un endroit à l’autre, dans un monde dans lequel les automatismes financiers ont remplacé la décision politique et les États ont perdu en caractère effectif, en multipliant la misère, la précarité et le chômage. L’absolutisme capitaliste non régulé affirme son droit d’exercer un contrôle sans restriction sur nos vies, tandis qu’une épidémie d’angoisse se propage à travers la planète.

Dans une culture mondiale transformée en totalitarisme de la virtualité la postvérité joue son match : tout peut être dit et transformé en vérité irréfutable. Les messages ne valent pas par leur interprétation ou relation avec la vérité, mais par le pragmatisme ou le caractère effectif de signes vides qui touchent en plein la dimension affective. Nous constatons une subjectivité affaiblie dans le recours à la pensée, en vivant dans le temps anxieux du zapping et de l’urgence, qui se gère fondamentalement par des impulsions.

La sémiotisation néolibérale, avec la prédominance de l’échange de signes virtuels au nom du progrès, implique la soustraction du corps, ce qui constitue l’une des conséquences les plus inquiétantes que l’humanité peut connaître. Si on ne perçoit pas le corps, le cri, l’angoisse ou la souffrance de l’autre, il y a seulement un pas vers l’indifférence sociale, l’individualisme maximal et la destruction de la communauté réelle. Un corps social de chair et d’os affecté dans l’échange social est la condition fondamentale de la politisation, la construction du peuple et de l’émancipation.

Que faire ?

À la fin de son oeuvre, Berardi explique de manière énigmatique que seul Malinche peut répondre à ces questions. La Malinche, l’une des vingt femmes esclaves données aux Espagnols en 1519 par les habitants de Tabasco, a servi d’ interprète à Hernán Cortés, elle est devenue sa concubine et a mise au monde l’un des premiers métis. Cet acte a été interprété de diverses manières : une traîtresse, une victime ou une mère symbolique de la nouvelle culture métisse. Sans écarter aucune des trois lectures, bien ou mal, Malinche s’est ouvert à la langue de l’autre incompréhensible.

En assumant les transformations sémiotiques, impossibles à freiner, il s’agit de parier sur la possibilité d’affronter cette forme contemporaine de domination. En reprenant le mythe du métissage, il faudra inclure et mélanger les corps à côté des nouvelles technologies. Au lieu de la disjonction que le système néolibéral d’échanges pose entre corps et virtualité, il sera nécessaire de multiplier les espaces de production culturelle et de participation dans lesquels peuvent circuler pensées, affects et corps : des centres culturels, communication alternative, radios libres, blogs, canaux Youtube, etc. Il faudra réorganiser l’espace commun en essayant des formes de vie indépendantes de la domination du capital.

Dans l’ère du sémio-capitalisme néolibéral, la reconstruction des noeuds sociaux devient une forme de résistance et une tache majeure. Peut-être ceci constitue-t-il le défi politique le plus difficile.

Auteur: Merlin Nora

Info: Cronicon. Buenos Aires, 3 février, 2019. Traduit de l’espagnol pour El Correo dela Diaspora par Estelle et Carlos Debiasi

[ pouvoir sémantique ] [ déshumanisation ] [ libéralisme mémétique ]

 

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