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transcendant

[…] on peut dire que les rites ont toujours pour but de mettre l’être humain en rapport, directement ou indirectement, avec quelque chose qui dépasse son individualité et qui appartient à d’autres états d’existence ; il est d’ailleurs évident qu’il n’est pas nécessaire dans tous les cas que la communication ainsi établie soit consciente pour être réelle, car elle s’opère le plus habituellement par l’intermédiaire de certaines modalités subtiles de l’individu, modalités dans lesquelles la plupart des hommes sont actuellement incapables de transférer le centre de leur conscience. Quoi qu’il en soit, que l’effet soit apparent ou non, qu’il soit immédiat ou différé, le rite porte toujours son efficacité en lui-même, à la condition, cela va de soi, qu’il soit accompli conformément aux règles traditionnelles qui assurent sa validité, et hors desquelles il ne serait plus qu’une forme vide et un vain simulacre ; et cette efficacité n’a rien de "merveilleux" ni de "magique", comme certains le disent parfois avec une intention manifeste de dénigrement et de négation, car elle résulte tout simplement des lois nettement définies suivant lesquelles agissent les influences spirituelles, lois dont la "technique" rituelle n’est en somme que l’application et la mise en œuvre.

Auteur: Guénon René

Info: Dans "Aperçus sur l'initiation", Éditions Traditionnelles, 1964, page 110

[ sacré ] [ initiatique ] [ transmission ]

 
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intradusible

Uhljeb (croate) : partisan pistonné, apparatchik stipendié

Le néologisme croate uhljeb (dérivé de hljeb, le pain) a eu un succès fulgurant, même à l’échelle internationale. Teinté d’une couche ironique d’argotle mot dépeint le phénomène du népotisme et du copinage politique. 

Uhljeb désigne une personne dépourvue de compétences professionnelles dotée d’un poste dans l’administration locale ou celle d’État, ou bien dans une entreprise publique. “D’ailleurs, pour obtenir un poste d’uhljeb, on n’a besoin ni de compétences ni d’expérience, mais plutôt d’affiliation politique à un parti, quand ce n’est pas du copinage ou des liens de parenté avec les responsables”, explique-t-on sur le site uhljeb.info, consacré à ce phénomène.

L’uhljeb est un opportuniste, loyal à son parti, ses chefs ou son entreprise tant qu’ils lui assurent son existence moyennant un salaire bien confortable et les privilèges qui vont avec. 

Ce mot est en train d’entrer dans le patrimoine mondial linguistique au même titre que pizza, omerta ou perestroïka”, se vante Novi List. Ce n’est pas la peine de le traduire en anglais, ironise le quotidien de Rijeka qui explique : A Londres, Atlanta ou Sydney il n’existe pas d’équivalent pour quelqu’un qui entre dans l’administration grâce à un parti politique et bénéficie d’un salaire confortable jusqu’à la retraite, tout en quittant son travail à midi sous prétexte d’une réunion urgente ou d’un déjeuner d’affaires.”

Les journaux croates organisent régulièrement des élections de l’uhljeb de l’année.

Auteur: Internet

Info: https://www.courrierinternational.com/ 26 déc. 2016

[ magouille ] [ pantouflage ] [ favoritisme ] [ définition ] [ emploi fictif ] [ sinécure ]

 
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anti-psychanalyse

Vas-y, demande.
Gitta - La psychanalyse me gêne tellement. Qu'y a-t'il de faux en elle ? (A Budapest on pratiquait la psychanalyse freudienne)
Je sens ce quelque chose de faux mais je ne peux pas dire pourquoi
- Elle démonte mais ne peut pas remonter.
C'est cela qui te trouble. Démonter est facile.
Gitta - Ceux qui la comprennent mieux que moi m'assurent que la psychanalyse reconstruit.
- Oui, ils recontruisent, mais comme les enfants le font sans raison avec des jeux de cubes. Ils jouent avec la tâche la plus sacrée. Ils sont plus coupables que tous les autres, car ils trompent ceux qui leur font confiance. Ils déchirent le vivant, celui qui est en train de prendre forme, et ils le pétrissent, ils l'écrasent.
C'est partout ainsi.
Ils collent ensemble les débris tombés, déchiquetés, morts.
Nous n'allons pas coller, ni l'heure à l'heure, ni le sourire au sourire, ni la main au pied, ni l'homme à l'homme.
Ils ont assez collés !
Le nouveau Vin n'est pas versé dans des cruches recollées, car il les fait éclater.
Cette colle se nomme : devoir, considération... et combien d'autres noms encore !
Inutile de repeindre l'endroit recollé !
Le Vin nouveau n'y sera pas versé.
Déjà, à l'approche du vin nouveau, tout ce qui est collé éclate en morceau.
Et ce n'est pas maintenant que tout cela s'est brisé, mais c'est maintenant que vient le Vin nouveau.
Ne craignez rien, vivez au nom de l'UN.

Auteur: Mallasz Gitta

Info: Dialogues avec l'ange, pp 101-102, Aubier 1990

[ channeling ]

 

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génotypage

Le big data génétique aurait comblé Galton, le cousin eugéniste de Darwin. Obsédé par la mesure mathématique — des mensurations, comportements et caractères transmis — il est le créateur de la biométrie et de la "psychométrie". C’est en étudiant les statistiques sur les lignées qu’il veut perfectionner la sélection artificielle, préfigurant ainsi la génétique des populations. Avec l’eugénisme, il élabore une théorie biologique, mais aussi une méthode de gestion centralisée du cheptel humain par l’exploitation des données. Après lui en 1904, le biologiste américain Davenport, financé par la Carnegie Institution, poursuit la recherche sur l’eugénisme en dépouillant des millions de fiches sur les Américains stockées dans le laboratoire de Cold Spring Harbor.

Un siècle plus tard, les données sont numérisées, elles incluent des millions de génomes séquencés et leur traitement s’opère avec les moyens de l’intelligence artificielle.

Un outil performant, assurent les fondateurs de Genomic Prediction, pour la sélection d’embryons selon la taille, le poids, la couleur de peau, la prédisposition à certaines pathologies, voire le QI. D’après la revue du Massachusetts Institute of Technology, cette start up américaine est financée par des magnats transhumanistes de la Silicon Valley et son patron, le bio-informaticien danois Laurent Tellier, s’inspire du film Bienvenue à Gattaca. Son associé, Stephen Hsu, compte sur les "milliardaires et les types de la Silicon Valley" pour utiliser sa technologie et "faire des FIV même quand ils n’ont pas besoin de FIV". Ensuite, dit-il, le reste de la société suivra. Ceux qui en auront les moyens.

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Alertez les bébés ! ", éditions Service compris, 2020, pages 39-40

[ séquençage ] [ création de la demande ]

 

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robots

La matière est machine, assurent les cybernéticiens et les transhumanistes, reprennant à l’heure du cyborg la théorie des animaux-machines de Descartes et celle de l’Homme-Machine de La Mettrie. Selon ce dernier, l’homme et l’animal sont des "assemblages de ressorts" que la Nature a fabriqués, comme Vaucanson, "le Nouveau Prométhée", a fabriqué ses automates. En matérialiste, La Mettrie insiste sur "l’analogie du règne animal et végétal, de l’homme à la plante", qui tient à une matière commune, dont seule varie l’organisation. "Être machine" et "n’être qu’un animal sont donc des choses qui ne sont pas [...] contradictoires".

L’homme fait donc partie du règne "animal-machine" diraient les mécanistes, où il se distingue comme machine supérieurement organisée. De cette matrice philosophique et anthropologique sortent, on le voit, les concepts actuels de la cybernétique ( "intelligence" artificielle), des neurotechnologies (interfaces cerveau-machine, simulation du cerveau par supercalculateur), de la biologie synthétique ("machines vivantes" créées par informatique), qui fournissent l’arsenal du cyberanthrope et préparent l’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine.

Nous distinguons quant à nous les animaux dotés d’autonomie reproductive, qui naissent, des machines fabriquées asservies à l’hétéronomie reproductive – à la manière de Fontenelle, contradicteur du mécanisme cartésien, et dont l’esprit échappe encore à l’ "intelligence artificielle" :

"Vous dites que les bêtes sont des machines aussi bien que des montres ? Mais mettez une machine de chien et une machine de chienne, l’une auprès de l’autre, il en pourra résulter une troisième petite machine : au lieu que deux montres seront l’une auprès de l’autre toute leur vie, sans jamais faire une troisième montre".

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Le règne machinal", éditions Service compris, 2021, pages 181-182

[ historique ] [ objection ] [ différence ]

 

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cycle

Dans le cours de l'histoire, le moment de la conservation d'un peuple, d'un État, des sphères subordonnées de sa vie, est un moment essentiel. C'est ce qui est assuré par l'activité des individus qui participent à l'oeuvre commune et concrétisent ses différents aspects. Mais il existe un autre moment : c'est le moment où l'ordre existant est détruit parce qu'il a épuisé et complètement réalisé ses potentialités, parce que l'histoire et l'Esprit du Monde sont allés plus loin. Nous ne parlerons pas ici de la position de l'individu à l'intérieur de la communauté, de son comportement moral et de ses devoirs. Ce qui nous intéresse, c'est seulement l'Esprit avançant et s'élevant à un concept supérieur de lui-même. Mais ce progrès est intimement lié à la destruction et la dissolution de la forme précédente du réel, laquelle a complètement réalisé son concept. Ce processus se produit selon l'évolution interne de l'Idée, mais, d'autre part, il est lui-même produit par les individus qui l'accomplissent activement et qui assurent sa réalisation.
C'est le moment justement où se produisent les grands conflits entre les devoirs, les lois et les droits existants et reconnus, et les possibilités qui s'opposent à ce système, le lèsent, en détruisent le fondement et la réalité, et qui présentent aussi un contenu pouvant paraître également bon, profitable, essentiel et nécessaire. Ces possibilités deviennent dès lors historiques ; elles contiennent un universel d'une autre espèce que celui qui est à la base de l'existence du peuple ou de l'État. Cet universel est un moment de l'Idée créatrice, un moment de l'élan de la vérité vers elle-même.

Auteur: Hegel Georg Wilhelm

Info: La Raison dans l'histoire

[ bascule ] [ société ] [ décadence ]

 

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chaîne matérielle

Colin (*), aux séances de l'Académie, est la tête de turc de Pasteur, car il doute de l'efficacité des cultures de charbon. Pasteur lui répond que son doute dépend de ses mains :

-M.Colin : "Ce liquide agissait au début ; il m'a tué des lapins et même un mouton ; mais au bout de quelques mois il ne déterminait plus le charbon. Pourquoi est-il devenu inerte, je l'ignore."

-M. Pasteur : "Parce qu'il était devenu impur entre vos mains."

-M. Colin : "Mais il n'avait pas été au contact de l'air."

-M. Pasteur : "Comment l'avez-vous débouché ?"

-M. Colin : "J'avais pris toutes les précautions indiquées par M. Pasteur et par ses aides pour prélever dans l'appareil et pour refermer celui-ci (...)"

-M. Pasteur : "En vérité, permettez-moi de vous dire que vous avez besoin de beaucoup étudier ces question." (...)

-Colin : "(les corpuscules germes) s'y trouvaient en grand nombre et avec leurs caractères primitifs."

-M. Pasteur : "Cela est impossible je vous l'ai déjà dit. (... Mais vous ne savez pas retirer cet organisme de façon à ne pas introduire dans le tube une impureté nouvelle. Comment voulez-vous qu'on accorde quelques crédit à vos assertions. Vous cherchez toujours non la vérité, mais la contradiction." (Séance du 21.7.1881, T. VI, p.357)


Tout est là : "comment l'avez-vous débouché ?". C'est Colin l'idéaliste. C'est lui qui pense qu'il y a en science des idées. Mais non, le crédit, c'est avec les doigts qu'on l'acquiert. Les phénomènes ne demeurent qu'aussi longtemps qu'on les maintient à l'intérieur de rapports de forces. Un bacille n'est présent que le long d'un ensemble de gestes qui assurent sa pureté, de même qu'un message téléphonique ne se maintient que le long d'un fil. Les "idées" n'échappent jamais aux réseaux qui les fabriquent.

Auteur: Latour Bruno

Info: in "Les microbes, guerre et paix", éd. Métailié, p. 102-103 - (*) Léon Colin : médecin militaire, hygiéniste (1830-1906)

[ praxis ] [ domaine de validité ] [ débat scientifique ] [ contamination ]

 
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communion des saints

Vous aurez toujours des pauvres parmi vous. Depuis le gouffre de cette Parole, aucun homme n’a jamais pu dire ce que c’est que la Pauvreté.

Les Saints qui l’ont épousée d’amour et qui lui ont fait beaucoup d’enfants assurent qu’elle est infiniment aimable. Ceux qui ne veulent pas de cette compagne meurent quelquefois d’épouvante ou de désespoir sous son baiser, et la multitude passe "de l’utérus au sépulcre" sans savoir ce qu’il faut penser de ce monstre.

Quand on interroge Dieu, il répond que c’est Lui qui est le Pauvre : Ego sum pauper. Quand on ne l’interroge pas, il étale sa magnificence.

La Création paraît être une fleur de la Pauvreté infinie ; et le chef-d’œuvre suprême de Celui qu’on nomme le Tout-Puissant a été de se faire crucifier comme un voleur dans l’Ignominie absolue.

Les Anges se taisent et les Démons tremblants s’arrachent la langue pour ne pas parler. Les seuls idiots de ce dernier siècle ont entrepris d’élucider le mystère. En attendant que l’abîme les engloutisse, la Pauvreté se promène tranquillement avec son masque et son crible.

Comme elles lui conviennent, les paroles de l’Évangile selon saint Jean ! "Elle était la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. Elle était dans le monde et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue. Elle est venue dans son domaine, et les siens ne l’ont pas reçue."

Les siens ! Oui, sans doute. L’humanité ne lui appartient-elle pas ? Il n’y a pas de bête aussi nue que l’homme et ce devrait être un lieu commun d’affirmer que les riches sont de mauvais pauvres.

Quand le chaos de ce monde en chute aura été débrouillé, quand les étoiles chercheront leur pain et que la fange la plus décriée sera seule admise à refléter la Splendeur ; quand on saura que rien n’était à sa place et que l’espèce raisonnable ne vivait que sur des énigmes et des apparences il se pourrait bien que les tortures d’un malheureux divulgassent la misère d’âme d’un millionnaire qui correspondait spirituellement à ses guenilles, sur le registre mystérieux des répartitions de la Solidarité universelle.

Auteur: Bloy Léon

Info: Dans "La femme Pauvre", Mercure de France, 1972, pages 247-248

[ réversibilité des mérites ]

 

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origine du langage

Disciples d’Hermès, les aèdes sont donc les messagers, ceux qui assurent un rôle d’intermédiaires entre les hommes et la transcendance.

Nous avons par conséquent affaire ici à une vision opérative, quasi théurgique, de la parole, selon laquelle le signe linguistique révèle symboliquement l’intériorité et l’énergie de chaque être. Avec l’effacement progressif de cette doctrine s’est développée une opinion inverse de la langue, consécutivement à l’avènement de la démocratie et de la pensée philosophique. Cette "laïcisation" de l’oralité devait engendrer, suivant la formule de M. Détienne, "l’acte de décès de la parole efficace". C’est notamment Simonide et le mouvement sophistique qui vont provoquer l’essor d’un usage profane de la langue, désormais au service de l’illusion et de la tromperie (apate). Dans cette optique nouvelle, le logos deviendra une "réalité autonome soumise à ses propres lois", susceptible d’être analysée rationnellement suivant une méthode réflexive détachée de toute sacralité. Seules certaines écoles de type initiatique, comme celle de Pythagore, prolongeront assez directement les traditions archaïques antérieures. De même que dans l’Orphisme, les pythagoriciens penseront les noms comme étant l’expression de la nature des choses. L’établissement des noms demeure chez eux solidaire de la création et est, pour ce motif, l’oeuvre "d’êtres surhumains" (daimones). Pour ne pas être conventionnel, c’est-à-dire non motivé, l’acte de nomination est un acte divin. Sa dimension cosmologique s’explique par le fait que le nom donne en un sens l’existence à l’objet et, en même temps, symbolise concrètement son essence. Cette thèse, qui est aussi celle de Cratyle dans le dialogue de Platon, n’exclut pas néanmoins la position selon laquelle les langues se seraient dégradées et déformées au point de perdre leur efficacité originelle. Socrate dit en effet que "les premiers noms établis ont été comme enfouis par ceux qui voulaient en rehausser la magnificence (...) et ces mots ont été tordus dans tous les sens". De ce point de vue, que reprendra beaucoup plus tard J. de Maistre à propos des langues de certains "sauvages" qu’il dira être les débris de langues antiques, une nuance semble accompagner la doctrine cratylienne sans pour autant la renier. La langue aurait subi une série d’amoindrissements, de modifications, qui ont affaibli sa force initiale. Seuls les dieux, affirmait Socrate de façon très suggestive, "emploient, eux, les noms véritables"...

Auteur: Geay Patrick

Info: Dans "Hermès trahi", page 162

[ historique ] [ théories ] [ sacré-profane ] [ réversibilité sémiotique ]

 
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cooptation

Ils sont assis autour d'une table circulaire, une quinzaine d'industriels français, responsables du développement durable dans différentes sociétés. En face d'eux, un chercheur du Collège de France, spécialiste des questions de climat. Nous sommes à l'automne 2010 alors que fait rage la querelle sur l'origine humaine ou non du bouleversement climatique. L'un des industriels pose au professeur une question que je trouve quelque peu désinvolte: "Mais pourquoi faudrait-il vous croire, vous plus que les autres?" Je m'étonne. Pourquoi met-il sur le même pied, comme s'il s'agissait d'une simple bataille d'opinions, les spécialistes du climat et ceux qu'on appelle les climato sceptiques - en dévoyant quelque peu le beau vocable de "sceptique"? Disposerait-il par hasard d'un instrument de mesure supérieur à celui du spécialiste? Comment ce simple apparatchik pourrait-il être en position de balancer les positions des experts selon un calcul par moins? Mais, surtout, comment ose-t-il parler de "croyance" à propos des sciences du climat? Décidément je trouve la question presque choquante, surtout de la part de quelqu'un dont le métier consiste à s'intéresser de près à la question écologique. La controverse a-t-elle tellement dégénéré au point que l'on puisse parler du sort de la planète comme si l'on était sur le plateau d'une joute télévisée en faisant semblant d'égaliser les positions?
Je me demande comment le professeur va répondre : est-ce qu'il va remettre à sa place le fâcheux en lui rappelant qu'il ne s'agit pas de croyance mais de fait? Est-ce qu'il va résumer à nouveau les "données indiscutables" qui ne laissent guère de place au doute? Or, voilà qu'à ma grande surprise, il répond dans un long soupir : "Si l'on n'a pas confiance dans l'institution scientifique, c'est très grave." Et de se mettre à déployer devant son auditoire le grand nombre de chercheurs impliqués dans l'analyse du climat, le système complexe de vérification des données, des articles et des rapports, le principe du jugement par les pairs, l'immense réseau des stations, des bouées dérivantes, des satellites, des ordinateurs qui assurent le flux des informations - puis il se met à expliquer, debout au tableau, les pièges des modèles nécessaires à la rectification des données ainsi que les doutes successifs qu'il a fallu lever sur chacun des points. "Et, dans l'autre camp, ajoute-t-il, qu'est-ce qu'on trouve? Aucun chercheur compétent dans le domaine disposant de l'équipement idoine." Pour répondre à la question posée, le professeur s'est donc servi de la notion d'institution comme du meilleur instrument pour mesurer le poids respectif des positions. Il ne voit pas de cour d'appel plus élevée. Et c'est bien pourquoi il ajoute que "perdre confiance" dans cette ressource serait, pour lui, "très grave".

Auteur: Latour Bruno

Info: Enquêtes sur les modes d'existence

[ sciences ] [ pouvoir ] [ environnement ]

 

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