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pré-sémantique lexicale

Par comparaison à ce qu'il se fait en TAL(N)*, Plongement lexical (word embedding), Fléau de la dimension, et autres Sélection de caractéristiques par vectorisation... disciplines-processus orientées par ce que nous nommerons "objectivité des statistiques", FLP préfère se situer au sein d'une démarche Homme-Machine. Ici les participants "mettent du leur", même si notre notre étiquetage, avec sa petite hiérarchisation "catégorie-tag", peut être analogisée avec certaines "sélection des caractéristiques" développées dans le TAL afin d'affronter le fléau de la dimension. 

Chez FLP nous nous sentons bien plus proches d'une "chair subjective" de la compréhension du sens des mots, en fonction de paramètres plus "a posteriori" qu'"à priori" - dans l'acception kantienne du terme, c'est à dire que la réflexivité, "issue du vécu" de la personne qui insère une entrée, est à la base du processus. 

Processus homme-machine donc, parce que nous pensons que toutes les méthodologies de mathématisation du langage sont principalement issues de logiques soit de marchandisation, soit de fabrication du consentement... Allez, disons le mot, nous considérons que ce furent, et sont encore, des logiques de pouvoir, comme déjà expliqué dans notre profession de foi. Pouvoirs en général trop éloignés des "lignes de fronts" de nos vie. Nous somme pro-décentralisation.

On trouvera au passage un excellent article qui décortique brillamment et catalogue ce qui existe en Sémantique distributionnelle et en linguistique de corpus en ce début de 3e millénaire. Et donc, par comparaison avec toutes les complexités explicitées dans ce compendium en lien, FLP avance avec quelques "idées simples". Nous n'en conserverons qu'une ici.

Celle que nous sommes semblables aux humains d'antan, ceux qui développèrent les premiers langages-symboles "externes", signes-marques organisés utilisés très majoritairement pour établir des listes. Avec FLP nous faisons à peu près la même chose, à la différence que jusqu'à peu, à une époque on on peut avancer que chaque terme-idée-concept humain est devenu un "quasi-esprit". En effet, les dictionnaires, avec maintenant wikipedia, ne listent que des mots-concepts simples, présentant leur définitions, variantes et autres polysémies. Les fameux mots-mondes, presque esprits, sont isolés.

Alors, allant au-delà des grandes possibilités de désambiguation que le web permet, FLP offre la possibilité de lister-indexer-combiner deux mots-idées (souvent leur radicaux suffiront). Avec trois termes - ou plus - c'est aussi possible, mais cette première articulation à deux est très importante. Nous la voulons à petit pas parce qu'il nous parait qu'elle représente par essence un saut important. Donc à explorer avec circonspection.

Ainsi, via une modération communautaire, se développe la base de données FLP. Elle qui intègre des textes en général très ou assez courts, traitants n'importe quel sujet. BD intelligente aussi, au sens où ses paramètres et ceux des auteurs sont affinés, et permettent de combiner beaucoup de recherches différentes (par sexe, diacronies, topologies, etc) grâce à la souple puissance d'Elastic Search.

Auteur: Mg

Info: oct 2022 *Traitement automatique du langage (N) le N est pour naturel

[ citation s'appliquant à ce logiciel ] [ pré-mémétique ? ]

 

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projections

Il y avait une fille, et son oncle l'a vendue. Dit comme ça, ça parait simple.

Aucun homme, proclamait Donne, n'est une île, et il avait tort. Si nous n'étions pas des îles, nous serions perdus, noyés dans les tragédies des autres. Nous sommes isolés (mot qui signifie littéralement, rappelez-vous, transformés en îles) de la tragédie des autres, par notre nature insulaire et par la forme répétitive des histoires. La forme ne change pas : il y avait un être humain qui est né, a vécu et puis, par un moyen ou un autre, est mort. Voilà. Vous pouvez compléter les détails à partir de votre propre expérience. Aussi peu originale que n'importe quelle autre histoire, aussi unique que n'importe quelle autre. Les vies sont des flocons de neige - formant des motifs que nous avons déjà vus, aussi semblables les uns aux autres que des pois dans une gousse (avez-vous déjà regardé des pois dans une gousse ? Je veux dire, vraiment regardé ? Il n'y a aucune chance que vous confondiez l'un avec l'autre, après une minute d'observation attentive), bref elles restent uniques.

Sans individus, on ne voit que des chiffres, un millier de morts, cent mille morts, "les pertes pourraient atteindre un million". Avec les histoires individuelles, les statistiques deviennent des personnes - mais même ça c'est un mensonge, car les gens continuent de souffrir au sein de chiffres eux-mêmes anesthésiants et sans signification. Regardez, voyez le ventre enflé, gonflé de cet enfant, les mouches qui s'agitent aux coins de ses yeux, ses membres squelettiques : vous sera-t-il plus facile de connaître son nom, son âge, ses rêves, ses peurs ? De le voir de l'intérieur ? Et si c'est le cas, n'est-ce pas rendre un mauvais service à sa sœur, qui gît dans la poussière brûlante à ses côtés, distendue caricature d'enfant humain ? Et là, si nous avons de la compassion pour eux, sont-ils maintenant plus importants pour nous que mille autres enfants touchés par la même famine, mille autres jeunes vies bientôt devenues nourriture pour les myriades de bébés mouches elles-même ?

Nous traçons nos lignes autour de ces moments de douleur, depuis nos îles, et ils ne peuvent nous blesser. Elle sont recouvertes d'une couche lisse, solide, nacrée, il suffit de les laisser glisser, comme une perle, hors de nos âmes intouchées d'une douleur réelle.

La fiction permet de nous glisser dans ces autres têtes, ces autres lieux, et voir à travers d'autres yeux. Et puis, dans le conte, nous nous arrêtons avant de mourir, ou nous mourons par procuration, indemnes, et, dans le monde au-delà du conte, nous tournons la page ou fermons le livre, et reprenons le cours de notre vie.

Une vie qui est, comme toutes les autres, différente de toutes les autres.

Et la simple vérité est la suivante : Il y avait une fille, et son oncle l'a vendue.


Auteur: Gaiman Neil

Info: American Gods

[ monades réflexives ]

 

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exactitude

Avant d'aborder quelques constatations théoriques sur le langage, le sens et la vérité, il faut examiner de plus près le concept sous un angle historique. Tout d'abord la classification d'un grand nombre de philosophes du 20e siècle en deux grands camps opposés est, au mieux, une entreprise hasardeuse. Les philosophes sont des individualistes notoires et les écoles ou mouvements philosophiques sont, pour cette raison, caractérisés aussi souvent par leurs tensions et divisions internes que par leurs accords. Mais le langage, le sens et la vérité, sont des préoccupations omniprésentes dans la pensée du 20e siècle - au-delà des frontières des écoles individuelles - et que les différences dans la façon dont ces concepts sont compris deviennent parfois définitives pour certaines écoles philosophiques. On notera aussi qu'une grande partie de la philosophie du 20e siècle montre un intérêt particulier pour le concept de vérité, dû à une insatisfaction à grande échelle de la conception classique de la vérité en tant que correspondance, et que différents philosophes cherchent à appréhender le concept de vérité de manière très différente. Une brève liste de ce que les philosophes et groupes de philosophes ont dit sur la vérité rend cela évident :

Les pragmatistes : la vérité est l'utilité.

Nietzsche : la vérité est interprétation.

Frege : la vérité est simple et indéfinissable et ne ressemble à aucun autre prédicat.

Moore et Russell à leurs débuts : la vérité est simple, indéfinissable et exactement comme tout autre prédicat.

Les positivistes logiques : il faut remplacer le concept de vérité par celui de vérification/falsification.

Heidegger : la vérité est la non-divulgation (a-letheia qui, selon Parménide, oppose le domaine de la Vérité - alètheia - à celui de l'opinion, ou doxa. Selon les Définitions jointes aux manuscrits de Platon, l’alètheia est la "disposition qui permet l’affirmation et la négation". Selon Parménide, on peut opposer le domaine de la Vérité alètheia à celui de l'opinion, ou doxa

Wittgenstein à ses débuts : la vérité est un miroir, mais dire cela n'a vraiment aucun sens.

Wittgenstein plus tard : les tentatives de caractériser la vérité sont vides.

Foucault : la vérité est un système de procédures liées dans une relation circulaire au pouvoir.

Ces variations montrent non seulement l'intensité des discussions sur le concept de vérité, mais aussi qu'on ne peut pas facilement réduire cette multiplicité à une opposition entre ceux qui considèrent que la vérité est définissable et ceux qui ne le font pas. Le caractère définissable ou indéfinissable de la vérité n'est qu'une des questions qui divisent les philosophes. Des divisions tout aussi fondamentales découlent de la question de savoir si la vérité doit être considérée comme un concept sémantique, pragmatique ou ontologique.

Une autre division fondamentale semble exister entre ceux qui veulent adhérer à une certaine notion de la vérité et ceux, comme les positivistes logiques, qui cherchent à la mettre de côté comme un résidu de la métaphysique traditionnelle.

Auteur: Hintikka Jaakko

Info: Tel que rapporté par Hans Sluga sur http://www.truthandpower.com/

[ étymologie ] [ relativité ] [ langage ] [ mathématiques ] [ synthèse ] [ aléthique ] [ triade ]

 

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parcours de vie

Eugen Bleuler (1857-1939) était un homme d’une profonde modestie, dont les tendances à l’ascétisme, héritées de son milieu familial, avaient été stimulées par son mentor, Auguste Forel, ancien directeur du Burghölzli. Jung décrivait Bleuler comme un homme "[ayant] simplement l’ambition tout à fait chrétienne de ne pas être un obstacle sur le chemin des autres, et cette ambition était assortie d’un vif désir d’apprendre et d’un enthousiasme juvénile." [Lettre à Freud, 20 février 1908]

De souche paysanne, Bleuler était le premier de sa famille à avoir pu étudier au-delà de l’école élémentaire. Né à Zollikon […], le père de Bleuler avait quitté la ferme familiale pour tenir un petit magasin dans le village et devenir administrateur de l’école. Le père et le grand-père de Bleuler avaient tous deux participé activement aux luttes politiques des années 1830, qui aboutirent aux réformes libérales du canton de Zurich. Celles-ci conféraient aux paysans le droit de pratiquer le commerce, d’exercer certaines professions et d’accéder à l’enseignement supérieur dans a nouvelle université créée en 1833, au plus fort des réformes. Tout le monde accepta que Bleuler récolte ce qu’avaient semé ses ancêtres en entrant à l’université. Il allait également de soi qu’il étudierait la médecine et choisirait la psychiatrie comme spécialité : sa sœur souffrait en effet d’une forme grave de ce qui serait appelé un peu plus tard schizophrénie catatonique, et, à en croire la rumeur, d’autres membres de la famille présentaient une pathologie semblable. […]

Devenu directeur [du Burghölzli], Bleuler était bien décidé à se consacrer d’abord à ses patients, à qui il s’adressait dans leur propre dialecte. Il avait la conviction qu’en écoutant les discours incohérents des patients schizophrènes, il pourrait établir un contact avec eux, peut-être même une véritable relation. Si le thérapeute parvenait à nouer avec le malade une relation d’homme à homme, pensait-il, sa schizophrénie pourrait être traitée et régresser, voire disparaître. Pour Bleuler, un tel objectif impliquait le refus délibéré de toute routine quotidienne et une part d’inattendu dans le traitement des patients. Ainsi, subitement et sans raison apparente, il pouvait transférer un patient d’une salle à une autre, au grand désarroi de ses assistants. D’autres fois, il arrêtait un traitement qui semblait loin d’être terminé. Surtout, personne n’était autorisé à parler de "son" patient, car chaque médecin […] était censé connaître l’histoire de tous les malades dans ses moindres détails mais se comporter envers chacun d’entre eux comme s’il était le seul à l’avoir en charge. […]  Bleuler attendait avant tout de ses médecins qu’ils apprennent les dialectes parlés par les pensionnaires pour pouvoir s’adresser à eux dans leur langue, et qu’ils se comportent comme s’ils avaient les mêmes capacités mentales et le même statut social. Cette politique lui valut de nombreuses plaintes de la part de ses assistants et associés au Burghölzli […] qui ne voyaient en lui qu’un paysan mal dégrossi. En réalité, il défendait un esprit de collégialité peu orthodoxe et faisait preuve d’un ascétisme raffiné.

Auteur: Bair Deirdre

Info: Dans "Jung", trad. de l’anglais par Martine Devillers-Argouarc’h, éd. Flammarion, Paris, 2007, pages 92-94

[ méthode thérapeutique ] [ antipsychiatrie ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

verbe routine

Alors maintenant, ce qui parle, ce qui parle, maintenant, ce n'est plus vraiment quelqu'un de particulier. Si c'est une "personne", avec un peu de chance, elle est présente en chacun de nous. (...)

Cette voix, en fait c'est nôtre voix, sauf que nous l'avons perdue. Cette voix, c'est celle qui fait de chacun d'entre nous autre chose qu'une routine dans un programme, autre chose qu'une boîte dans un ensemble infini de boîtes, autre chose qu'une machine dans une mégamachine. Cette voix, c'est tout ce que l'humanité n'ose pas se dire, tout ce dont l'humain ne veut pas entendre parler, c'est-à-dire lui-même et ses atroces défaillances, ses immondes dysfonctionnements, sa monstruosité non assumée.

Cette voix, si elle se trouve probablement en chacun de nous, ne peut pourtant être exprimée que par quelques-uns. Les plus faibles d'entre tous. Pourtant, paradoxalement, leur faiblesse même les empêche de parler, ils ouvrent la bouche et aucun son n'en sort. Mais ce silence, terrifiant, c'est ce qui vient recouvrir de sa ténèbre lumineuse le tumulte insipide des bavardages, la clameur atroce des tueries et le vacarme tonitruant des foules livrées à elles-mêmes.

Cette voix, qui en fait n'est plus qu'un souffle expiré par quelques bouches hurlant silencieusement leur cri ineffable à la face des étoiles, sous les voûtes célestes australe et boréale qui viendront couronner l'extinction de l'homme par l'homme, cette voix, c'est un très ténu fil de lumière qui semble monter de la ceinture Van Halen en direction de l'Anneau orbital, telle une volute monoclonée de vapeur d'or. Cette voix, cette voix qui déjà retourne vers celui qui la possède en propre, bien au-delà même de cette Terre et de cet Univers, cette voix, c'est elle qui permet au monde de se faire, c'est par elle que ce monde se transcrit dans la Création.

Et cette voix, non seulement plus personne ne l'entend, mais plus personne n'oserait se risquer à l'écouter. Ce langage, non seulement plus personne ne le parle, mais tout le monde s'est mis d'accord pour qu'il disparaisse. Alors comment s'étonner désormais que le monde ne tienne plus, comment s'étonner qu'il s'effondre sur lui-même comme le coeur d'une étoile qui va devenir, qui devient trou noir, comment s'étonner qu'il n'ait plus en lui la moindre force capable d'être the glue that sticks the things altogether ?

Regardez-les, ces singes savants doués d'une parole qu'ils ont travestie en tautologies comptables, en cultures d'apparat, en linguistique de foire, cette parole qu'ils ont laissé devenir une vulgaire machine de communication ! Les voilà dorénavant laissés seuls avec le langage-machine brut, avec le monde-machine dans sa désolante nudité, lorsque enfin il atteind son but et qu'il peut tout comachiniser, y compris le néant qu'il porte en lui.

Alors cette voix, si c'est celle d'un être humain sur cette Terre, cette voix, c'est celle du dernier écrivain vivant, pas encore remplacé par une Intelligence Artificielle, cette voix vient de circonscrire ce monde dans sa bouche.

Cette voix, il est clair que maintenant elle va se taire.

Auteur: Dantec Maurice

Info: Cosmos incorporated

[ pessimisme ]

 
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Ajouté à la BD par Neshouma

imagination

Tout est absurde. Celui-ci consacre sa vie à gagner de l’argent pour le mettre de côté, sans avoir seulement d’enfants à qui le laisser, ni le moindre espoir de voir quelque ciel réserver un sort transcendantal à sa fortune. Cet autre consacre tous ses efforts à se faire une réputation qui ne lui servira qu’une fois mort, mais il ne croit nullement à la survie qui lui permettrait de jouir de cette même réputation. Cet autre encore s’épuise à rechercher mille choses qu’en fait il n’apprécie nullement. Un autre, un peu plus loin (…)

Celui-ci lit pour savoir, inutilement. Cet autre jouit pour vivre, tout aussi inutilement.

Je me trouve dans un tram, et j’examine lentement, à mon habitude, tous les détails concrets des personnes qui se trouvent devant moi. Pour moi les détails sont des choses, des mots, des lettres. Cette robe que porte la jeune fille assise en face de moi, je la décompose en ses divers éléments : l’étoffe dont elle est faite et le travail qu’elle a coûté — puisque je la vois en tant que robe, et non pas comme simple étoffe ; la fine broderie qui borde le ras du cou se décompose à son tour : le galon de soie dont on l’a brodé, et le travail qu’a demandé cette broderie. Et immédiatement, comme dans un ouvrage primaire d’économie politique, se déploient sous mes yeux les usines et les activités diverses — l’usine où l’on a fabriqué le galon, d’un ton plus foncé, qui a servi à orner, de petites choses entortillées, l’endroit qui fait le tour du cou ; et je vois les ateliers dans les usines— machines, ouvriers, cousettes — mes yeux tournés vers le dedans pénètrent dans les bureaux, je vois les directeurs chercher un peu de calme, et je surveille, dans les registres, la comptabilisation de chaque chose ; mais je ne m’arrête pas là : je vois, au-delà, la vie familiale de ceux dont la vie quotidienne s’écoule dans ces usines, dans ces bureaux… Le monde entier se déroule sous mes yeux, du seul fait que j’ai devant moi, au-dessous d’un cou brun, qui par ailleurs supporte je ne sais quelle tête, une bordure, irrégulièrement régulière, d’un vert sombre sur le vert plus clair de la robe.

La vie sociale tout entière gît sous mon regard.

En outre, je devine les amours, les cachotteries et l’âme de tous ceux qui ont œuvré pour que la femme qui se trouve là, devant moi, dans un tram, porte, autour de son cou de mortelle, la sinueuse banalité d’un galon de soie vert sombre se détachant sur un tissu d’un vert plus clair.

J’ai le vertige. Les banquettes du tram, dont le siège est garni de paille aux brins alternativement plus fins et plus robustes, m’emportent vers des régions lointaines, se multiplient en industries, ouvriers et maisons d’ouvriers, existences, réalités — tout.

Je descends du tram, épuisé, somnambulique. J’ai vécu la vie tout entière.

Auteur: Pessoa Fernando (Alv. de Campos)

Info: Oeuvre poétique, NRF 2001

[ réalité support ] [ désenchantement ]

 

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énergie verte

L’hydrogène est partout sur Terre, notamment dans l’eau, mais jamais pur ; le problème est de l’isoler. Jusqu’ici, on y parvient en brûlant beaucoup d’énergie fossile (pétrole, gaz, bois) pour créer les réactions chimiques nécessaires. Ces procédés rejettent 830 millions de tonnes de CO2 par an, soit 2,5 fois les émissions de la France. Mais l’industrie a besoin de cet hydrogène pour produire les engrais azotés qui polluent nos nappes phréatiques (les ammonitrates, à l’origine des catastrophes d’AZF à Toulouse et du port de Beyrouth) ; pour raffiner les produits pétroliers qui polluent notre air (carburants) ; pour fabriquer les puces électroniques des smartphones, comme chez STMicroelectronics, dont les rejets de chlorure d’hydrogène et d’ammoniac contaminent l’air et l’eau de la cuvette grenobloise. Bref, l’hydrogène saccage notre environnement lors de sa production et de ses usages. Pour de véritables écologistes, la solution découle de l’énoncé du problème : stop.

Pour les technologistes, macroniens, verts, rouges - tous saint-simoniens – la solution est dans l’hydrogène "décarboné". En fait, de l’hydrogène produit avec de l’électricité, énergie prétendue non polluante puisque nul gaz ne s’échappe des prises et interrupteurs. On appelle ça l’électrolyse. Rappelez-vous vos cours de chimie : en envoyant de l’électricité dans de l’eau via des électrodes, on sépare oxygène et hydrogène. Il s’agit donc d’industrialiser le procédé. Le CEA-Grenoble s’y affaire avec sa technologie "d’électrolyseur haute température à oxyde solide", déployée à échelle industrielle via Genvia, sa société créée avec Schlumberger New Energy, en partenariat avec Vinci Construction, les ciments Vicat et l’Agence régionale énergie climat Occitanie. Objectif : créer une "giga factory" pour "répondre aux livraisons de gigawatts d'électrolyseurs et de piles à combustible que le marché devrait demander en 2030 et au-delà."

[...] L’industrie rejettera donc toujours plus d’ammoniac, de chlorures d’hydrogène, de particules fines, mais fabriqués avec de l’hydrogène produit "proprement". Vraiment ? Le "mix énergétique faiblement émetteur de CO2", c’est le nom de code pour nucléaire. L’hydrogène "décarboné", c’est de l’hydrogène nucléaire, à quelques pourcentages près d’éolien et de solaire, sources d’électricité aussi ravageuses que les autres. Rabâchons : il-n’y-a-pas-d’énergie-propre.

L’autre objectif des technologistes est le moteur électrique à hydrogène pour voiture, scooter, bus, train, bateau, avion : les "mobilités du futur". Car l’hydrogène possède un fort pouvoir énergétique et peut être converti en électricité, en chaleur ou en force motrice. Suivez bien : grâce à la pile à combustible (PAC), votre hydrogène produit avec de l’électricité… produit derechef de l’électricité. C’est l’inverse de l’électrolyse.

Dépenser de l’électricité pour produire de l’électricité, c’est raisonnable pour les ingénieurs. C’est ainsi qu’ils peuvent stocker l’électricité en surplus dans les périodes de moindre consommation. Certes, ils perdent 85 % d’énergie pour transformer cette électricité en hydrogène, puis pour faire l’inverse, mais c’est mieux que de tout perdre. Comme les taux d’intérêt négatifs en somme. Puis les Shadoks nous l’ont appris : "Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien, plutôt que risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas".

Auteur: PMO Pièces et main-d'oeuvre

Info: Dans "Le règne machinal", éditions Service compris, 2021, pages 79 à 82, https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/mutation.pdf

[ greenwashing ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

idiomes en action

À notre première prise de contact, vous avez dit très clairement que vous ne souhaitiez pas répondre à des questions préparées à l’avance et que vous ne vouliez pas "que l’on retouche le texte", qui doit rester tel que vous l’aurez produit. Pourquoi cette insistance, cet attachement à la lettre dite ?

 On m’a souvent dit qu’à travers les transcriptions fidèles on entendait ma voix, ma prosodie. Le texte, c’est finalement une texture, c’est quelque chose de beaucoup plus compliqué que du linéaire. Dans la Lettre à Hérodote, Épicure parle de συμπλοκή à propos des atomes, ce qui a été traduit en anglais par interlace, "entrelacer". C’est vraiment ce genre de choses. De même que Marcel Mauss, le spécialiste du don, de l’échange, parle du fait social comme d’un "échange total", je dirais que les faits de langage, l’activité de langage, c’est une activité totale, qui est à la fois un travail d’interlocution et un travail d’intersubjectivité. Voyez l’exemple très simple, et totalement ignoré, de la formation du conditionnel, qui est une forme du fictif par excellence. Vous avez d’un côté l’infinitif, venir, ensuite il y a le verbe avoir, puisque ça vient de habebat, et puis vous avez l’imparfait ou le prétérit. On part d’une base, l’infinitif, qui n’est pas implanté, pas situé. Ensuite, le verbe avoir introduit un hiatus. Puis il y a une forme qui permet l’insertion, et c’est là qu’on a la deuxième personne (fig 1).

(Il rédige la phrase "j'ai une lettre à poster" et souligne 2 fois le à.)

Il y a des gens qui ne comprennent pas pourquoi je fais tant d’étymologies. Ce n’est pas parce que je veux imiter tel ou tel philosophe, mais tout simplement parce que le travail philologique est un travail qui vous fait remonter vers des vestiges. Lorsqu’on trouve un bout d’os dans un désert, on ne s’étonne pas qu’on nous explique tout ce qu’il permet de montrer : la philologie, c’est ça. Par exemple, pour des germanistes, je n’ai jamais vu personne s’étonner du fait qu’en allemand, schier signifie d’un côté purabsolu, et de l’autre, presque. Pour en rendre compte, vous ne pouvez pas avoir une théorie scalaire où vous avez une échelle, il faut une théorie vectorielle, c’est-à-dire que ça projette. Et là-dessus il suffit de lire ce que Jankélévitch a écrit sur les travaux de Georg Simmel* et de voir qu’il y a toujours un mouvement au-delà, et quand il n’y a pas de mouvement au-delà, c’est qu’il y a le [ne…] plus, c’est fini. Vous savez comment on dit exister en suédois ou en norvégien ? Vous prenez le verbe être, en suédois c’est vara (le Wesen de l’allemand bien sûr), et puis vous ajoutez til, qui veut dire dans un cas comme ça "quelque chose de plus", ça vous projette en avant, c’est ce que vous trouvez aussi dans le mot Ziel en allemand. Tout ça, il faut le sortir, sinon on n’y pense pas. Nous sommes totalement non conscients de notre activité mentale, et en un sens c’est une bonne chose. Si les hommes, homo sapiens, et même sapiens sapiens, s’étaient brusquement dit "je vais faire de la linguistique", ils étaient fichus. Ils n’auraient jamais plus parlé. 

Auteur: Culioli Antoine

Info: https://journals.openedition.org, 35, 2012, "Toute théorie doit être modeste et inquiète" Entretien avec Almuth Grésillon et Jean-Louis Lebrave. *Georg Simmel, La Tragédie de la culture et autres essais, Introduction de Vladimir Jankélévitch,

[ avenir inclus ] [ futur intégré ]

 

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linguistique

La notion de physique a évolué entre l’Antiquité et l’époque moderne, où l’on distingue en français la physique et le physique. Histoire d’une bifurcation étymologique… 

Du grec à l’origine

Le mot physique a visiblement une forme grecque, avec son i grec, avatar d’upsilon (υ, Υ), et son ph, représentant le p aspiré noté phi (φ, Φ) en grec ancien, et bien distinct du ƒ latin. En effet, physique vient du latin physica, lui-même emprunté au grec phusikê (φυσικη).

Et parce que le ph a fini par se prononcer comme un ƒ, certaines langues l’ont abandonné (en même temps que le y) : c’est le cas de l’italien (fisica) et de l’espagnol (física), mais certes pas du français, ni de l’anglais (physics) ou de l’allemand (Physik).

L’origine naturaliste de la physique

Le point de départ est une racine indoeuropéenne signifiant "naître, croître, être", à laquelle se rattache le verbe grec phuein "naître, pousser", surtout pour les êtres vivants, d’où notamment phuton "plante, ce qui pousse", et en français l’élément phyto-, de la phytothérapie par exemple.

Du verbe phuein dérive aussi le nom phusis, désignant d’abord le règne vivant, puis en philosophie (chez Platon) la nature au sens large, y compris la matière inerte et tout l’univers… (de même en latin, natura "nature" vient de nasci "naître"). Enfin, de phusis "nature" on arrive à l’adjectif phusikos "relatif à la nature", où la nature est prise au sens restreint du monde vivant ou au sens large.

De là, l’évolution en latin et en ancien français va aboutir à deux champs sémantiques : l’un en rapport avec les êtres vivants, et surtout avec l’être humain : le physique d’une personne et l’adjectif physique à propos de ses caractères physiques, de sa force physique… (cf. en anglais physician "médecin") ; l’autre en rapport avec la nature au sens large : la physique, c’est-à-dire la science qui étudie les propriétés générales de la matière et les lois qui régissent les phénomènes matériels (cf. en anglais physicist "physicien"). 

Au commencement était Aristote

Cette dernière acception doit beaucoup, sinon tout, à Aristote qui, à Athènes entre 335 et 323 avant J.-C., écrivait ses Leçons de physique (Phusikês akroaseôs), ce qu’il est convenu de nommer la Physique d’Aristote.

Cet ouvrage traite de notions fondamentales comme la matière et la forme, le mouvement et le changement, l’infini, le vide, le temps… des notions auxquelles la physique n’a pas cessé de s’intéresser depuis, et Aristote étudiait aussi le monde vivant, mais dans d’autres traités, dont sa remarquable Histoire des animaux.

Et même si de nos jours le nom de la physique n’évoque plus les êtres vivants, il est bien formé sur le même radical phys– que les mots de la biologie comme physiologie (d’où l’anglais physiology), du grec physiologia "dissertation sur la nature" déjà attesté chez Aristote, et l’élément physio– sert à former de nombreux mots, comme physionomie, du grec phusiognômonia "art de juger quelqu’un d’après… le physique", encore une fois chez Aristote.

Épilogue : La physique moderne peut être quantique, relativiste, atomique, ou encore nucléaire… ce qui ramène au végétal, donc au vivant. Pourquoi cela ? Simplement parce que l’adjectif nucléaire remonte au latin nucleus, dont le sens premier est… "cerneau de noix", nucleus dérivant de nux, nucis "noix", d’où vient aussi noyau (cf. en anglais, atomic nucleus "noyau atomique").

Au-delà de la boutade étymologique, l’observation de la nature est bien à l’origine de toutes les connaissances humaines.

Auteur: Avenas Pierre

Info:

[ priméité ] [ monde visuel ]

 

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homme-animal

Langage des dauphins : ils parlent comme nous !
Après avoir analysé les échanges entre deux dauphins captifs, un chercheur russe affirme que les sons produits correspondent à des mots, assemblés en phrase. Et quand l'un des animaux parle, l'autre écoute sans l'interrompre.
Yana et Yasha, elle et lui, vivent dans un bassin de la réserve marine Karadag, à Théodosie, en Crimée, au bord de la mer Noire. Ce sont de "grands dauphins", Tursiops truncatus de leur nom latin, l'espèce qui a connu son heure de gloire à la fin des années 1960 grâce aux aventures de Flipper. Vyacheslav A. Ryabov, qui travaille sur la communication de ces cétacés depuis plusieurs années, vient de publier dans la revue St. Petersburg Polytechnical University Journal : Physics and Mathematics les résultats des analyses de leurs échanges sonores, ou plutôt ultrasonores.
La première originalité de ce travail est en effet de mesurer les échanges d'ultrasons à fréquences très élevées, jusqu'à plus de 200 kHz, bien au-delà de celles entendues par l'oreille humaine et loin aussi des gammes les plus fréquemment étudiées par les recherches sur la communication des cétacés et qui se situent plutôt vers les 20 kHz.
En élargissant ainsi la bande des fréquences analysées, Vyacheslav A. Ryabov a pu distinguer plusieurs types de productions sonores sur toute la gamme perceptible par les dauphins, de 6 ou 15 kHz jusqu'à 160 à 200 kHz. Il pense parvenir à faire la différence entre les émissions utilisées pour l'écholocation et celles servant à la communication, même quand les bandes de fréquences sont identiques. Ces émissions sont formées de séries d'impulsions, regroupées de façon complexe, par paquets et même par groupes de paquets. Ryabov a repéré des "impulsions non cohérentes", séparées par des délais bien plus courts (0,5 à 10 ms) que celles de l'écholocation.
Le langage des dauphins ressemblerait à celui des humains
Selon lui, ces impulsions seraient comme nos nos mots car elles diffèrent les unes des autres par leurs caractéristiques (amplitude, fréquence et délai entre chacune). Certains paquets, eux, ressemblent à des phrases, évoquant une syntaxe. L'analyse de ces séries montre, explique-t-il, une similitude avec le langage humain.
De plus, ces émissions sont produites lors d'interactions entre les deux dauphins, et non lors de la recherche de nourriture, et même quand ils sont tous deux immobiles. De plus, le chercheur note que ces productions sonores entre Yasha et Yana ne se chevauchent jamais. Comme si l'un écoutait l'autre poliment, sans lui couper la parole, et lui répondait ensuite. Pour communiquer, cependant, les dauphins utilisent une large gamme sonore et leurs phonèmes se distinguent par leurs caractéristiques spectrales.
Si l'hypothèse est vraie, l'étude du langage des dauphins est donc techniquement difficile. Elle exigerait des hydrophones sophistiqués, enregistrant sur un large spectre et analysant finement toutes les caractéristiques, à commencer par les minuscules variations de pression engendrées, et ce avec une résolution temporelle excellente, en deçà de la milliseconde. Voilà pourquoi, sans doute, malgré la certitude et de nombreuses preuves que les cétacés communiquent beaucoup entre eux (par exemple l'observation, récente, qu'ils semblent s'appeler par leur nom), nous ne connaissons aucun mot de leur langage...

Auteur: Goudet Jean-Luc Journaliste

Info: sept. 2016

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