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départ

La petite Maria Christine qui s'était dirigée à cloche-pied vers les écuries trouva le Torcol dans la pénombre. Assis sur son coffre il raccommodait une vieille sangle. Elle l'observa un moment puis se mit à parler de ce qui agitait et tourmentait son coeur.

- Sais-tu que mon père part à la guerre ?

- Oui, dit le Torcol. Et mon compagnon et moi partons avec lui.

- Alors vous serez trois, fit l'enfant qui compta sur ses doigts. Pourquoi partez-vous à trois comme les Rois mages ?

- Pour que l'un écoute quand les deux autres se taisent, expliqua le Torcol.

- Est-ce loin, la guerre ? demanda Maria Christine.

- Donne-moi une aune, que je mesure, dit le Torcol.

- Et quand revenez-vous ?

- Quand tu auras usé trois paires de petits souliers.

- Mais je veux savoir quel jour ! s'écria Maria Christine.

- Cours dans la forêt et demande au coucou, suggéra le Torcol.

- Et que vas-tu faire à la guerre ? s'enquit Maria Christine.

- Courir après la fortune, répondit le Torcol. Ma bourse vide m'est un poids. Je me sentirai plus léger quand elle sera pleine.

- Ma mère pleure, fit l'enfant. Ma mère dit que beaucoup de gens ne reviennent jamais de la guerre.

- C'est à cela que l'on reconnait que la guerre est bonne, repartit le Torcol. Car si elle était mauvaise, tout le monde rentrerait aussitôt.

- Alors pourquoi ma mère pleure-t-elle ? demanda l'enfant.

- Parce qu'elle ne peut partir avec nous.

Auteur: Perutz Leo

Info: Le Cavalier suédois, pp 173-174

[ séparation ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

songes

Il est caractéristique des rêves que souvent le rêveur a l’impression qu’ils demandent à être interprétés. On n’est pratiquement jamais enclin à prendre note d’un rêve éveillé, ou à le raconter à autrui, ou à se demander : "qu’est-ce qu’il signifie ?" Mais les vrais rêves semblent avoir en eux quelque chose de troublant et d’un intérêt spécial, de sorte que nous voulons en avoir l’interprétation (on les a souvent regardés comme des messages). Il semble qu’il existe dans les images du rêve quelque chose qui a une certaine ressemblance avec les signes du langage [...]. Il y a à Moscou une cathédrale à cinq clochers. Sur chacun de ceux-ci, la configuration des spires est différente. On a la vive impression que ces formes et arrangements différents doivent signifier quelque chose. [...]. Quand nous interprétons des rêves, notre démarche n’est pas homogène. Il y a un travail d’interprétation qui, pour ainsi dire, appartient encore au rêve lui-même. Quand on examine un rêve, il est important d’examiner quels sont ses avatars, comment il change d’aspect lorsque, par exemple, il est mis en relation avec d’autres choses remémorées. Au moment du réveil, un rêve peut nous impressionner de diverses façons : on peut être terrifiés, angoissés, excités, etc. Si on se souvient alors de certains événements du jour précédent, et si on les met en relation avec ce qu’on a rêvé, on voit d’ores et déjà apparaître une différence, le rêve change d’aspect. Et si, en réfléchissant sur le rêve, nous sommes amenés à nous ressouvenir de certaines circonstances de notre prime jeunesse, le rêve prendra encore un autre aspect [...]. Nous pourrions dire d’un rêve une fois interprété qu’il s’insère dans un contexte où il cesse d’être troublant. En un sens, le rêveur rêve à nouveau son rêve dans un environnement tel que le rêve change d’aspect. C’est comme si on nous présentait un fragment de toile sur lequel un artiste aurait peint une main, une portion de visage et certaines autres formes dans un arrangement qui nous paraisse incongru et qui nous laisse perplexes.

Auteur: Wittgenstein Ludwig

Info: Leçons et conversations sur l'esthétique, la psychologie et la croyance religieuse

[ introspection ] [ herméneutique ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

justification pour prendre congé au travail

Lundi soir, 18heures 30. Bonjour à tous, j'ai reçu un appel bouleversé de maman expliquant que ma tante la plus proche, presque ma deuxième mère, avait été conduite à l'hôpital dans un état désespéré. Affolé je suis immédiatement parti pour la voir à Orléans..... Quand je suis arrivé à l'hôpital vers 10 h je n'ai pas pu la voir et ai passé la nuit entière dans la salle d'attente avec mes parents, mon oncle et plusieurs autres membres de famille. Ce fut une nuit de communion, peut-être la plus longue nuit de ma vie. Il n'y eu pratiquement aucun mot échangé... nous nous sommes simplement appuyés les uns sur les autres, avec juste quelques larmes de crainte et de tristesse... J'ai finalement pu la voir hier matin et quand je l'ai vue dans la salle des urgences il fut très difficile de ne pas m'effondrer. Il y avait plus de tubes qui sortaient d'elle qu'on pourrai compter, avec les bipbips des machine et du poumon électrique qui l'aide à respirer. C'était hyper impressionnant... l'infirmière m'a expliqué que depuis son arrivée elle glissait de l'inconscience au délire. Et la chose la plus dingue c'est que personne ne sait vraiment ce qui cloche médicalement. En m'approchant du lit j'ai eu une prière silencieuse et ai saisi sa main. Ce n'est qu'à ce moment qu'elle a ouvert ses yeux vers moi et c'est avec un immense soulagement j'ai pu voir de l'amour et de la vie dans ses yeux. Voilà, c'est très certainement la dernière fois que je l'ai vue. J'ai passé le reste de la journée d'hier à l'hôpital et suis rassuré d'avoir pareille famille, stupéfié de la façon dont nous sommes tous venus ensemble pour elle. Plusieurs de mes parents vont arriver ce matin de San Francisco et d'Australie et seront, si tout va bien, bientôt à ses côtés. Ma tant est toujours aux soins intensifs nous espérons tous pour bientôt de bonnes nouvelles. J'ai appelé Emma lors de mon voyage de retour. Mais ne sais pas si elle a reçu le message. J'espère que mon absence n'aura pas causé trop de problèmes, mais je n'avais pas le choix de ma décision. La famille est et sera toujours la chose la plus importante de ma vie, particulièrement si c'est probablement la dernière fois que j'en vois un membre proche. Merci de votre compréhension.

Auteur: Internet

Info:

[ humour ] [ boulôt ]

 

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extraterrestres

Dans un passé infini de ce niveau vibratoire, des êtres organiques, bio-extensions d'une planète unique, évoluèrent jusqu'au point où ils furent capables d'inventer des machines complexes. Ces machines devinrent des robots intelligents qui prirent leur autonomie au point de survivre à leur créateurs. Ceci arriva du à l'action conjugée d'une catastrophe majeure au sein de quelques-uns de leurs systèmes planétaires importants, alors que cette civilisation était déjà en plein déclin, au bout de son évolution ;  dégénérescence due  à sa grande dépendance aux outils complexes.

Ni les créateurs, ni leurs automates hyper sophistiqués et indépendants, ne surent anticiper - et surtout pallier - cette évolution léthale. De fait les machines  étaient absolument non préparées à se retrouver privées de la source qui les avait créées.

Ainsi, après une période de transition de quelques centaines d'années conclue par le suicide collectif du dernier groupement d'individus biologique de cette civilisation, les machines se retrouvèrent seules, autonomes... orphelines de leurs créateurs.

Ces derniers, dans un ultime sursaut de survie, réussirent à reprogrammer le Code Source à la base du noyau de hiérarchisation des machine, de manière à ce qu'un empire cybernétique se développe. Sous l'égide de ces deux règles : 1 La vie biologique, sacrée, doit être protégée et disséminée. 2 L'existence de nous autres machines froides, auto réparables à l'infini et sans vie charnelle, a pour objectif de trouver - ou recréer - une race organique susceptible de reprendre les rênes de notre programmation dans un but de dépassement des développements de nos mécanismes. (Les générateurs d'erreurs aléatoires, implantés pour tenter de suppléer à cette faillibilité créatrice des entités organiques donnaient des résultats totalement catastrophiques).

Ainsi l'immense network de robots relançait sans cesse, par insémination panspermique calculée et contrôlée, de la vie sur diverses planètes dans les galaxies de l'univers. En étaient issus beaucoup de développements biologiques, quelques rares civilisations, mais aucune jusque-là n'avait présenté des apparences d'équilibre, de sagesse et de transcendance suffisants pour correspondre à la quête initiale de l'organisme trans-galactique.

La mission immémoriale, la GQS (Grande Quête de la Soumission) suivait son cours.

Quand l'empire cybernétique pourrait-t-il à nouveau se soumettre, se remettre au service d'une vie organique éphémère issue des atomes cosmiques ? Se mettre au service d'une espèce mortelle qui se reproduit de manière multi-sexuée par partage de ses programmations génétiques, avec cet incroyable potentiel de créativité que produit la conscience de la mort ?

Essaimant au hasard des germes-civilisations sous cloche, le network cosmique des robots, extendu sans hâte ni stress au cours des éons, avait l'univers et l'éternité devant lui.

Auteur: MG

Info: 29 sept 2009

[ scénario ] [ spéculation ] [ synopsis ] [ canevas ] [ science-fiction ]

 

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mesure du temps

Souvent, on se contentait encore de l’évaluer à la paysanne, le jour à l’estime, d’après le soleil ; la nuit, ou plutôt à la fin de la nuit, en écoutant le chant du coq. [...]

Au total, les habitudes d’une société de paysans, qui acceptent de ne savoir jamais l’heure exacte, sinon quand la cloche sonne (à la supposer bien réglée) et qui pour le reste s’en rapportent aux plantes, aux bêtes, au vol de tel oiseau ou au chant de tel autre. "Environ soleil levant", ou bien "environ soleil couché" : notations les plus fréquentes de Gilles de Gouberville, gentilhomme normand, dans son Journal. Quelquefois, il se réfère assez curieusement aux habitudes d’un oiseau qu’il nomme le vitecoq et qui devait être une espèce de bécasse : "il était vol de vittecocz, dira-t-il, quand j’arrivai céans" (28 novembre 1554), ou encore il notera que le 5 janvier 1557-58 après vêpres les compagnons de la paroisse se mirent à "chouler" contre les hommes mariés ; ils y furent "jusques à vol de vittecoqs". Et cependant Gouberville a une horloge, grande rareté, qu’il envoie "racoutrer" en janvier 1563 chez un armurier de Digoville. Et il note les heures avec complaisance – mais toujours en les faisant précéder d’un modeste et prudent "viron" : ils revinrent "viron une heure avant le jour" ou bien : "vismes faire des verres, viron demi-heure" - ce qui est d’une précision tout à fait anormale.

Ainsi, partout : fantaisie, imprécision, inexactitude. Le fait d’hommes qui ne savent même pas leur âge exactement : on ne compte pas les personnages historiques de ce temps qui nous laissent le choix entre trois ou quatre dates de naissance, parfois éloignées de plusieurs années. Quand naquit Erasme ? Il ne le savait pas, mais seulement que l’événement s’était produit la veille de la Saint-Simon et Saint-Jude. – Quelle année naquit Lefèvre d’Etaples ? On essaie de le déduire d’indications fort vagues. Quelle année, Rabelais ? Il l’ignorait. Quelle année, Luther ? on hésite. [...] le mois, on le connaît généralement. La famille, les parents se souviennent : le petit est venu au monde au temps des foins, des blés, ou des vendanges ; il y avait de la neige, ou bien c’était le mois de l’épi, "quand les blés commencent à jeter, ... que déjà le tuyau commence à s’élever" ; précisions géorgiques, elles sont de Jean Calvin. Alors la tradition familiale se fixe ; François est né le 27 novembre et Jeanne le 12 janvier : faisait-il froid quand on le porta sur les fonts ! [...] Pour avoir des actes de naissance en règle, il faut s’adresser aux grands de ce monde – ou aux fils de médecins et de savantes gens, à ceux dont on tire l’horoscope et qui dès lors naissent entourés d’étonnantes précisions : ne savent-ils pas (ou plutôt leurs astrologues ne précisent-ils pas à leur intention) l’année, le jour, l’heure, et la minute non seulement de leur naissance, mais de leur conception ? C’est Brantôme, familier de Marguerite de Navarre par sa mère et sa grand-mère, qui nous en avertit : la princesse naquit "sous le 10e degré d’Aquarius, que Saturne se séparait de Vénus par quaterne aspect, le 10 d’avril 1492 à 10 heures du soir au château d’Angoulême – et fut conçue l’an 1491, à 10 heures avant midi et 17 minutes, le 11 de juillet." Voilà qui est précis !

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, pages 365-368

[ renaissance ] [ historique ] [ approximations ] [ chronologique ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

illusionnisme

Le monde de la psychologie appliquée est un univers particulier qui se compose d’une multitude de techniques partagées avec le monde du mentalisme et ne forme avec lui en fait, qu’une seule et même entité. Un mentaliste est donc quelqu'un qui a exploré la psychologie assez profondément pour en extraire les techniques utiles, stratégies d’interaction choisies et appliquées avec soin et dans un but précis.

Nous vous déclinons ici 4 techniques de mentalisme très utiles dans un contexte conversationnel.

1) Le Yes set (théorie de l’engagement)

C'est un des piliers de l’influence, issu de la vue systémique de la persuasion développée par  Robert B. Cialdini dans les années 1980. Il est facilement vérifiable et très intuitive, stipule que le fait d’habituer les gens à effectuer une série d’actions les rend beaucoup plus susceptibles d’en effectuer par la suite. Cette idée "d’habituer" les gens prend ses sources directement dans le principe du conditionnement, que nous verrons plus en détail dans un prochain point. Cialdini explique calmement que l’engagement va de pair avec le principe de la cohérence psychologique, qui dit (en gros) que "puisque j’ai fait ceci, je devrais faire cela". Le cerveau cherchant constamment à rationaliser le monde pour mieux le comprendre, il a horreur de l’incohérence. D’où son classement en tant que technique de mentalisme de haut niveau.

2) L’Ancrage émotionnel

Un des effets stupéfiant du monde de la psychologie après l’effet miroir. Cette technique de mentalisme exploitée instinctivement par l’homme depuis des siècles. Mais il aura fallu attendre Ivan Pavlov, précurseur du comportementalisme, pour modéliser le processus de conditionnement au grand jour. En gros : Vous donnez des bonnes croquettes à votre chien, vous agitez une clochette, le chien mange les croquettes. Vous faites ça pendant une semaine, plusieurs fois par jour. A chaque fois que le chien mange, il entend le son des clochettes. Au bout d’une semaine, vous agitez les clochettes mais ne servez plus à manger… Et le chien salive. Vous recommencez des jours plus tard, le chien salive toujours. Que s’est-il passé ? Le chien a associé le son des clochettes à la nourriture et au démarrage de sa digestion. Il a été conditionné à saliver et à penser à sa nourriture au son des clochettes. Et bien sûr ça marche aussi pour les humains. 

Le processus d’ancrage a été largement amélioré et repris dans des domaines aussi divers que la publicité, l’humour, le storytelling, la thérapie, et est à la base du fonctionnement de l’hypnose. Parce que oui, l’ancrage fonctionne AUSSI avec les émotion et est bien sûr très exploité comme technique de mentalisme. 

En combinant  les domaines ci-dessus on "fabrique" la technique en piochant un peu partout et en l’adaptant à la situation. Il faut donc créer une atmosphère agréable et renforcer un lien émotionnel en utilisant la technique de l’ancrage émotionnel ?

3) Hypnose conversationnelle et suggestion d’idées

Nous sommes ici dans l’antichambre de la magie : cette technique de mentalisme, consiste ni plus ni moins en une maîtrise millimétrée du langage et des mots. Et ce contrôle, cette absolue suprématie sur l’histoire que votre cerveau articule, peut donner naissance à des résultats tout-à-fait remarquables. Les objectifs de l’hypnose conversationnelle sont principalement les deux suivants : 

- Éveiller des émotions chez votre interlocuteur en adoptant une forme colorée et percutante de discours

- Communiquer des suggestions d’idées en utilisant les mécanismes des sous-entendus.

Si ces buts conversationnels sont les mêmes que ceux définis dans l’hypnose thérapeutique, leur articulation est différente. On préférera une communication plus fine, car dans l’hypnose conversationnelle, l’environnement est rarement dévoilé (difficile d’être persuasif si on annonce d’emblée qu’on va être persuasif).

Au sein même de l’hypnose conversationnelle, deux techniques de mentalisme sont très souvent exploitées :

- La métaphore sous toutes ses formes (il y a plusieurs niveaux de complexité), qui permet de se projeter dans un cadre extérieur pour être libre de jouer avec les idées souhaitées (on appellera ce travail une communication "indirecte")

- La suggestion directe camouflée, qui permet d'instiguer des évocations agissantes dans le discours avec une dextérité très complexe à maîtriser. L’intonation des mots, la maîtrise des ancrages émotionnels et l’imagination y sont pour beaucoup.

4) La Synchronisation (ou l’effet miroir)

Le mystère et les incroyables résultats associés à l’effet miroir font partie des causes de la nécessité absolue de communiquer les techniques de mentalisme publiquement. L’effet miroir est le sujet d’innombrables recherches de psychologie sociale depuis au moins un demi-siècle. Comment ça marche ? C’est simple. En effet : si vous ressentez une connexion émotionnelle forte avec les gens qui vous ressemblent et qui s’impliquent aussi dans votre relation, c’est parce que vous fonctionnez souvent en "synchronisation" :

Vous pensez souvent aux mêmes choses et aux mêmes moments. Vous utilisez le même langage pour communiquer, les mêmes expressions, parfois le même ton, et les mêmes gestuelles. Vous prenez ou partagez choix et opinions similaires. Vous riez souvent de concert, il vous est plus facile de partager les émotions de l’autre (empathie affective). Etc.

Voilà donc l’effet "miroir", en référence à l’activation des fameux neurones éponymes de nos cerveaux. Essayez de remarquer les mécanismes de synchronisation/désynchronisation entre deux (ou plusieurs, mais c’est plus avancé) personnes autour de vous. Qui se synchronise sur qui ? Essayez de remarquer les conséquences de ces synchros/désynchros sur la qualité de la conversation et sur l’influence des participants… Gare aux surprises. 

Où cela mène-t-il de connaitre ou apprendre plus de techniques de mentalisme ?

Comprendre et développer l’univers de la psychologie appliquée, composée d’une multitude de techniques de mentalisme, vous permettra de les repérer et vous en protéger si elles sont utilisées avec de mauvaises intentions. Cela vous permettra aussi de savoir les utiliser et les améliorer, ce qui peut arriver si vous souhaitez renforcer un lien émotionnel, dynamiser un groupe, ou tout autre objectif.

Auteur: Internet

Info: https://humanize-project.com/atmosphere/4-techniques-mentalisme/

[ manipulation ] [ comédie ] [ rapports humains ] [ pnl ] [ programmation neurolinguistique ] [ effet Barnum ]

 
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pamphlet

Coucou ! C’est moi, me revoilà. Vous ne me reconnaissez pas ? Pourtant, vous m’avez chaque année dans votre cheminée.

C’est moi, oui, Big Father, avec ma grande barbe hydrophile, mon traîneau à clochettes et des cadeaux dégueulasses plein ma hotte, emballés dans du splendide papier clignotant.

Vous ne m’avez pas vu venir, une fois de plus ? C’est normal. Personne ne sait jamais comment je débarque. Chaque année, je trompe mon monde. On ne m’entend pas arriver, et puis un matin, c’est fait, ça y est, tout est joué. La torture des fééries recommence.

Une fois encore, j’ai réussi à suspendre, pendant la nuit, mes guirlandes grotesques en travers des rues, comme autant d’insultes anonymes. Une fois encore, mes boules multicolores et mes illuminations pernicieuses sont apparues aux vitrines. Sans que personne me voie. Sans que personne me voie jamais. Une fois encore, ma grande terreur s’installe. Les semaines vont se dérouler comme des veilles funèbres. Les gens vont courir partout, épouvantés, le long des façades, avec leurs paquets obligatoires. Il est revenu, ça y est, il s’est réinstallé, celui qu’on redoutait. Celui dont on évitait même de prononcer le nom, de crainte de le voir surgir. C’est fait. La Bête est là. L’Eminence rose est de retour. La ville n’existe plus, ni la vie, ni rien. Tout est redevenu Noël.

Comme je m’amuse, à contempler la joie qu’ils affichent et à connaître le fond noir de leurs âmes angoissées ! Qu’ils me craignent, pourvu qu’ils me célèbrent ! En vérité, ma menace les rend malades bien avant décembre. Chaque année, on voudrait espérer que je ne vais pas revenir. Chaque année, on me sent approcher comme un mal inconnu, un cauchemar, une fièvre. Le Père Noël fait peur. L’année dernière, au restaurant, j’en ai entendu plusieurs, à voix basse, dès la fin d’octobre, qui parlaient de moi avec la trouille au ventre : "Qu’est-ce que tu fais pour les fêtes ? – Mais je ne sais pas. – Comment, tu ne sais pas ? – Non, pas encore. – Tu n’as rien prévu ? Mais tu es fou ! Il faut que tu t’en occupes ! Noël c’est demain ! Et la Saint-Sylvestre ! Tu ne te rends pas compte ! D’ici quinze jours, peut-être huit, il y aura des trucs partout ! Des guirlandes ! Des boules lumineuses !"

Oui, je flanque la panique ; mais il n’y a que depuis quelques années que je commence, chez certains, je le sais, à susciter de la haine.

Oh ! pas une haine bien dangereuse ! Rien de grave. Le monde est beaucoup trop définitivement ensucré, gnangnantifié et sans retour, colonisé par les bonnes intentions, la prudence et les mièvreries, pour que je me sente en péril. L’horreur du bonheur est peut-être une idée neuve en Europe mais elle ne risque pas de faire beaucoup d’émules. Je sais qu’il y en a, chaque année, qui rêvent de vomir tout le mal qu’ils pensent de ma fête du Cœur venimeuse, de cette apothéose ravageante de l’approbation du monde, de cette culmination de la résignation enfestée. Mais je suis bien tranquille. J’ai été si souvent honni pour de mauvaises raisons que les excellentes de maintenant ne risquent pas d’être saisies avant longtemps.

Tout semble avoir été dit contre moi. la critique est recuite. C’est mon plus beau triomphe, d’avoir fatigué jusqu’à ceux qui me détestent. Quel ennui les saisit, quel accablement, dès qu’ils envisagent de me vitupérer ! Quelle sensation effarante d’inutilité ! Ils savent déjà tout ce qu’on va leur balancer ! Les accusations de banalité, de trivialité, qu’ils vont endurer ! Rentrer dans le lard du Père Noël, cette vieille porte ouverte ? Composer le millième rappel de la transformation du rite païen du solstice d’hiver en fête chrétienne à son tour sécularisée par le business ? La cent millième attaque futile contre la Nativité détournée de sa pureté originelle, noyée sous les cadeaux paralysants, les téléphones qui parlent, le super-Nintendo parfumé à la framboise, les chocolats à quartz et toutes les autres saloperies en multiplication galopante ? Vous êtes tombé sur la tête ?

Le Père Noël est une ordure ? Comme vous y allez ! Regardez-vous un peu. C’est tous les jours Noël maintenant. Ma grande réussite, c’est qu’on croit que mon oppression ne dure que quelques semaines par an, alors que je suis le ressort des illuminations des douze mois de l’année. Noël, c’est Noël. Et pâques c’est aussi Noël. Et le 15 août. Et la Saint-Sylvestre. Et le bonheur de merde des vacances, cette paix des grands cimetières sous le soleil. Les mains à Nikons valent les tronches à boudins blancs. Les gueules de camping-cars valent les têtes de bûches au chocolat. Toutes les fiestas conduisent à moi. et toutes les rages, et toutes les ruées, et toutes les foires. Et toutes les roues de la Fortune. Et tous les Manèges de la télé. Et toute la quincaillerie clinquante de l’égalité par la joie, de la fraternité par l’extase niaise, de l’apothéose du Rien tonitruant qu’on étend par couches de plus en plus épaisses sur la violence toujours recommencée, mais de plus en plus niée, du genre humain.

Qui est plus philanthrope, plus humanitaire, plus tartuffien solidaire que moi ? Qui règne davantage sur les plateaux ? L’avenir m’appartient. C’est moi le Cavalier suprême de l’Apocalypse en rose. Je préfigure si parfaitement la société future, l’humanité de demain bien gâteuse, bien transparente et transfrontières, bavante de positivité dans ses centres-villes toilettés, avec ses Twingo fœtales aux chouettes banquettes sièges-bébés, ses cadeaux infantiles, sa classe dominante d’apparatchiks du loisir, de tour-opérateurs, de charlatans de l’urbanisme rigolo, de promoteurs guimauve de la babyphilie définitive, d’entrepreneurs meurtriers de gaieté publique, qu’il faudrait la subtilité géniale d’un Kojève au moins (ce drôle de type qui avait placé sa fortune en actions de la Vache qui rit et qui avait des ennuis avec ses femmes parce qu’il refusait farouchement de leur faire des enfants) pour comprendre ce que je fabrique vraiment ; Kojève qui avait découvert, et dès 1943, qu’avec la fin de l’Histoire allait disparaître l’inégalité juridique entre l’enfant et l’adulte. "Ne pouvant pas supprimer le contrôle de l’action enfantine, on introduira donc un contrôle de l’action adulte", prévoyait-il. Mais c’est ça, Noël ! C’est exactement moi ! Mais ce qu’il n’avait pas deviné, Kojève, c’est que ça se ferait en pleine foire, en plein rideau de fumée de carnaval ! Joyeux Noël ! Bonne santé ! C’est maintenant que mon règne de corso fleuri peut démarrer.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels I - Rejet de greffe", pages 398 à 400

[ convention sociale ] [ bonheur obligatoire ] [ consumérisme ]

 

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spiritualité

La question qui s'impose est la suivante : sur quels arguments les promoteurs de cette technique [la méditation de la pleine conscience] se basent-ils pour établir un lien de filiation entre Vipassana – la Vision Pénétrante – et la Pleine Conscience ? Dans le Septième Pas de l'Octuple Sentier, l'Attention Juste (discipline de Dhyâna), et en particulier dans la contemplation du corps, des sentiments, de l'esprit et des phénomènes, il est régulièrement mentionné que le pratiquant doit être attentif, avec une conscience claire. Il développe, par cette pratique, certains "pouvoirs psychiques" : ouïe céleste, vision du cœur des autres êtres, mémoire des naissances précédentes, vision céleste supra-humaine et enfin, avec la cessation des passions, la délivrance de l'esprit par la sagesse. Ces indications comportementales relatives à la contemplation, en particulier pour ce qui concerne l'attention et la conscience claire, pourraient – exception faite des "pouvoirs psychiques" – sembler en adéquation avec la pratique de la Pleine Conscience, telle que définie par ses promoteurs. Cependant, ces derniers omettent un détail essentiel de la pratique de l'Attention juste : "Cette claire connaissance (de la nature des éléments contemplés) est présente en lui (le pratiquant) parce qu'il possède la compréhension et la vision profonde intérieure."

Que signifie "posséder la compréhension et la vision profonde intérieure" ? Ça signifie que la pratique de la contemplation dans l'Attention juste s'appuie sur la Prajna et non sur une intention qui, privée de la Compréhension juste (Premier Pas de l'Octuple Sentier) et de la vision profonde intérieure (Vision Pénétrante) préalables, est une activité du mental sous l'emprise de l'Ignorance, qui est le premier des douze liens interdépendants (qui génèrent le Samsara). Autrement dit, la méditation de la Pleine Conscience fonctionne en quelque sorte à l'envers, par rapport à l'Attention juste. En effet, pour la mindfulness, c'est l'attention intentionnelle qui est le préalable ou la cause ou encore le moteur, alors que pour le Bouddhisme, c'est exactement l'inverse : ce sont la compréhension et la vision profonde intérieure qui sont moteur de l'Attention juste. Et de fait, la pratique de l'attention intentionnelle – même "non jugeante" – ne peut en aucun cas aboutir à la compassion et à la sagesse telles qu'elles sont définies dans le Bouddhisme. En d'autres termes, il n'y a aucun lien de filiation justifié entre Vipassana et la méditation de la Pleine Conscience.

Par ailleurs, la notion de "présence" est étrangère au Bouddhisme. On retrouve ce concept dans les religions éternalistes, sans doute en lien avec les états de samadhi qui provoquent le sentiment d'une union avec le divin, lequel est non soumis au temps et donc éternellement présent. Si l'on devait préciser les choses, dans le Bouddhisme, on réalise plutôt – par l'éclairage de la Prajna – une Absence qu'une Présence, non pas dans le sens d'un néant, d'un "rien", mais dans le sens de l'Anatman – le Non soi – ou encore de la Vacuité non phénoménale (et donc ne résultant pas de l'interdépendance des phénomènes).

La méditation de la Pleine Conscience, privée de Prajna, est – du point de vue bouddhique – une pratique "aveugle", sans discernement. Le pratiquant n'observe pas le corps, les sentiments, l'esprit et les phénomènes avec l'œil de la Prajna – qui est l'œil du Bouddha qui possède la Vue juste, ou la Vision Pénétrante –, c'est-à-dire selon le mode de Prajna, mais avec les représentations mentales "souillées" (ou disons "orientées") par des apprentissages qui consistent à mettre spontanément des mots sur les choses, comme si celles-ci étaient enfermées dans des cases linguistiques ou sémantiques qui se substituent au réel et donc au "moment présent". Quand le pratiquant entend une cloche, il reconnaît la cloche ; il n'entend pas la cloche (comment sait-il qu'il s'agit d'une cloche ?). Et bien qu'il vide – ou plutôt tente de vider – la cloche de tout jugement, de toute émotion perturbatrice, de toute représentation... il n'en demeure pas moins vrai qu'il contemple un objet surnuméraire, sans pour autant reconnaître spontanément la véritable nature de cet objet, c'est-à-dire sa vacuité intrinsèque. Il peut bien sûr analyser secondairement cet objet comme étant constitué d'interdépendance d'autres objets ou phénomènes, il n'en demeure pas moins vrai que cette analyse n'est pas le fait de la Prajna mais de la pensée discursive, dualiste. Au sens strict, ce n'est pas une Vue (Vision Pénétrante).

Cette "présence attentive", cette "Pleine Conscience" n'est pas une qualité bouddhique. C'est vraisemblablement une forme de samadhi, qui se développe aussi bien dans les disciplines éternalistes (yoga) que dans les états hypnotiques de modification de conscience induits par la prière ou la récitation d'un mantra. Sans doute peut-on en tirer quelques bénéfices au plan de la santé physique ou mentale, mais ce n'est certainement pas l'expression de la Compassion bouddhique ou d'une Sagesse (la Compassion est une Sagesse, dans le Bouddhisme, et non un "état d'esprit"), telle qu'elle résulte de l'expérience de la Vacuité et de la Sapience (clarté/illumination). Il n'y a donc aucun argument sérieux qui puisse affirmer qu'il existe un lien de filiation entre la Vision Pénétrante, qui est l'activité de Prajna, et la "Pleine Conscience" qui n'a aucun équivalent dans le Bouddhisme.

Cependant, on ne peut blâmer les promoteurs de la Pleine Conscience d'être à l'origine de cet amalgame fâcheux, quand on constate que certains enseignants de tradition bouddhiste, généralement rattachés au Théravada mais aussi au Zen ou au Bouddhisme tibétain, en font également la promotion. Ces "maîtres" ont pour la plupart pignon sur rue, et, si l'on y regarde d'assez près, ce sont plutôt des laïcs, non spécifiquement rattachés au Bouddhisme (ils n'ont pas pris refuge), qui les apprécient. Ces enseignants n'hésitent pas à s'associer aux concepts new age. Et pour cause, ils n'ont en réalité aucune Vue ou Compréhension juste de ce qu'est la nature de l'esprit, du corps, des sensations et des phénomènes. Tout ce qu'ils savent, parce qu'ils ont bien appris la leçon, c'est que les phénomènes sont vides de nature propre parce qu'ils sont en interdépendance. Et quand un maître zen, dans l'émission "Sagesse Bouddhiste", affirme : "en zazen, nous réalisons que rien n'existe par soi-même, que tout est interdépendant", en présence de Christophe André, le psychiatre promoteur de la Pleine Conscience en France, également invité à l'émission sus-nommée, on atteint véritablement le pompon.

Dans un échange sur les réseaux sociaux, une personne me demande : "pourquoi faire zazen quand on a eu kenshô ?" La question est légitime, car dans l'esprit de cette personne, on pratique zazen pour obtenir kenshô comme on pratique l'attention intentionnelle pour obtenir la Pleine Conscience. Et à la façon dont l'exprime le maître zen à l'émission Sagesse Bouddhiste, il y a lieu de penser en effet qu'on pratique zazen pour réaliser la vacuité phénoménale (l'interdépendance phénoménale). Et dans l'esprit de cette personne sur les réseaux sociaux, quand on a réalisé ce qu'il y a à réaliser, le but est atteint et n'a donc plus à être recherché (il faut se souvenir que l'intention suppose le but, par définition). Mais, ainsi que je l'exprime plus haut à propos de Vipassana, c'est comprendre zazen à l'envers, si j'ose dire. Il n'y a pas d'attention intentionnelle. Il y a juste activité de la Prajna.

Un bon enseignant du Zen devrait commencer par dire à son élève qu'il n'y a pas dans le Zen (ou dans le Bouddhisme en général) de but à atteindre qui ne soit déjà atteint. Zazen ne consistera donc pas à pratiquer pour devenir un bouddha ou pour atteindre des états de conscience spécifiques, qu'ils soient transcendants ou qu'ils reflètent l'ennui, l'errance, ou encore des sensations de bien être ou – plus rarement – orgasmiques. Zazen ne consiste pas à être autre chose que soi-même, non pas selon le mode de la pensée dualiste, c'est-à-dire selon le mode des représentations psychologiques, culturelles ou sociétales, mais selon le mode de Prajna. 

Pour conclure, je dirai que dans la méditation de la Pleine Conscience, c'est l'activité du mental qui prévaut et Prajna est passive, alors que dans la pratique de zazen, c'est l'activité de Prajna qui est active, quels que soient par ailleurs les états de conscience, car ceux-ci ne reflètent jamais que des phénomènes transitoires, vide de nature propre et, ultimement (si l'on s'y attache), facteur de souffrance. Dans le Zen, on appelle "makyo" ces états de conscience, et n'ont strictement rien à voir avec kenshô. 

Cela étant, qu'on ne s'y méprenne pas : l'activité de Prajna n'est pas spontanée dans la conscience. Elle s'éveille à condition d'atteindre la coïncidence de l'esprit observé (objet) et l'esprit observant (sujet). Dans cette coïncidence, la dualité sujet/objet disparaît. C'est l'Absence (et non la Présence). C'est l'Anatman – le Non-soi – et non le Soi. Ne vous y trompez pas.

Auteur: Dumè Antoni

Info: https://voirsavraienature.blogspot.com/2020/05/activite-du-mental-et-activite-de-la.html?

[ adaptation moderne ] [ confusions ] [ différences ] [ enseignements traditionnels ] [ grand véhicule ]

 

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Le langage du chant des oiseaux
Pendant plus de 30 ans, Donald Kroodsma a travaillé pour démêler de tels mystères de communication avienne. Par des études sur le terrain et des expériences de laboratoire, il a étudié les forces écologiques et sociales qui ont contribué à l'évolution de l'apprentissage vocal.
Les jeunes perroquets, oiseaux chanteurs et colibris apprennent un répertoire de chansons, comme les enfants en bas âge apprennent à parler. Mais pourquoi cette capacité d'apprendre un système de communication vocal est-il quelque chose que nous partageons avec les oiseaux, mais pas avec nos parents plus proches, tels que les primate ?
Kroodsma a prêté une attention particulière à la variation locale des types de chants - donnés comme dialectes. Par exemple, la Mésange à tête noire (atricapillus Parus) de Martha's Vineyard, a un chant entièrement différent de son homologue terrestre qui vit au Massachusetts dit il. Aussi, les oiseaux qui vivent sur une frontière entre deux dialectes ou qui passent du temps dans différents secteurs peuvent devenir "bilingues" apprenant les chansons de plusieurs groupe de voisins.
Récemment, Kroodsma a découvert que l’Araponga tricaronculé (tricarunculata Procnias) change constamment son chant, créant ce qu'il appelle "une évolution culturelle rapide à chaque génération." Ce genre d'évolution du chant est connu chez les baleines mais, jusqu'ici, rarement dans les oiseaux. Professeur de biologie à l'université du Massachusetts à Amherst, Kroodsma est également Co-rédacteur du livre Ecology and Evolution of Acoustice Communication in Birds (Cornell University Press, 1996). Bien qu'il projette de continuer ses études sur le terrain, il dit qu'un de ses buts les plus importants est maintenant d'aider les gens à comprendre " Comment écouter les chant d'oiseaux. Beaucoup de gens peuvent identifier une grive des bois (Hylocichla mustelina) quand ils l’entendent. Son chant est un des plus beau au monde – mais peu réalisent qu'ils pourraient entendre les choses que la grive communique s’ils savaient juste écouter."

SA : Pouvez vous faire une comparaison entre la façon dont un bébé oiseau apprend à chanter et la façon dont un jeune humain apprend à parler ?
DK : En surface, c'est remarquablement similaire. Je passe souvent une bande de ma fille, enregistrée quand elle avait environ une année et demi. Elle prend tout qu'elle connaît "bruits de toutou, de chat, etc " et les rapièce aléatoirement ensemble dans un ordre absurde de babillage. Ainsi quand on passe la bande d'un jeune oiseau et qu’on dissèque ce qu'il fait dans ce que nous appelons son "subsong" il se passe exactement la même chose. Il prend tous les bruits qu'il a mémorisés, tous les bruits auxquels il a été exposé, et les chante dans un ordre aléatoire. Il semble que ce que le bébé humain et le bébé oiseau font est identique. Certains pourraient voir ceci comme une comparaison grossière, mais elle est très intrigante.
SA : Pourquoi les répertoires de chants et les dialectes de certains oiseaux changent-ils d'un endroit à l'autre ?
DK : Pour les espèces d'oiseaux qui n'apprennent pas leurs chants, j'aime penser de manière simpliste que leurs chants sont codés dans leur ADN. Avec ces oiseaux, si nous trouvons des différences dans les chants d'un endroit à l'autre, cela signifie que l'ADN est aussi changé et que les populations sont génétiquement différentes. Mais il y a des espèces dans lesquelles les chants ne sont pas codés par l'ADN. Alors nous avons quelque chose très semblable aux humains, la parole est apprise et varie d'un endroit à l'autre. Si par exemple, tu a été élevé en Allemagne, tu parleras allemand plutôt que l'anglais, sans changement de gènes. Ainsi avec les oiseaux qui apprennent leurs chants, on obtient ces différences frappantes d'un endroit à l'autre parce que ces oiseaux ont appris le dialecte local.
SA : Comment est-ce influencé par le nomadisme de l’oiseau ?
DK : Si tu sais que le reste de ta vie tu parleras anglais, tu travailleras dur à l'anglais à l'école. Mais qu'en serait-il si tu savais que tu seras jeté à plusieurs reprises dans des milieux avec des personnes parlant des langues différentes ? Tu commences ainsi à entrevoir l'énorme défi que ce serait d'apprendre la langue ou le dialecte de tous ces différents endroits. Alors je pense que les oiseaux nomades comme les Troglodyte à bec court [Cistothorus platensis], parce qu'ils vivent avec différents oiseaux tous les quelques mois partout dans la géographie, ne prennent pas la peine d'imiter les chansons de leurs voisins immédiats. Ils composent une certaine sorte de chant généralisé, ou plutôt ce sont des instructions de l’ADN leur permettent d'improviser la chanson du Troglodyte à bec court. Le contraste du Troglodyte à bec court avec le Troglodyte des marais [Cistothorus palustris] est très intéressant. Les Troglodytes des marais occidentaux de la région de Seattle ou de Californie, restent sur leur territoire pendant toute l'année. Une fois qu'un mâle s'installe sur un territoire il apprend les chants de ses voisins. Ils vivent tous au sein d’une communauté très stable, et je pense que cela leur donne l'élan pour s'imiter les uns les autres. Mais J'aimerai quand même bien avoir la réponse à ça : Pourquoi s'imitent ils tous… pourquoi ont ils les mêmes chants ?.
SA : Une des manières ou vous avez montré que la connaissance de chants est innée - plutôt qu'apprise - chez certaines espèces fut de priver de jeunes Moucherolles de leur capacité d'entendre.
DK : Nous avons fait un tas d'expériences, mais nous savions que l'étape finale avant de pouvoir déclarer qu'ils apprennent était de les empêcher de pratiquer l'audition elle-même. Ainsi nous avons obturé les oreilles des quelques Moucherolle [Sayornis phoebe] et elles continuèrent de produire toujours parfaitement leurs beaux chants. Elles n'auraient pas du être capable de développer des chants normaux après avoir été rendues sourdes s'il n'y avait pas quelque composant d'apprentissage inné.
SA : Vous avez comparé l’Araponga tricaronculé du Costa Rica à la baleine à bosse [Megaptera novaeangliae] parce que leurs chants évoluent rapidement à chaque génération. Comment savoir que les chants des Arapongas ont évolué depuis que les gens ont commencé à les enregistrer ?
DK : Nous avons une série d'enregistrements datant du milieu des années 70, nous donnant une utile documentation sur leurs chants dans trois dialectes. Dans deux des dialectes, les chants des années 70 sont rigoureusement différents des chants aujourd'hui. Dans le troisième, celui avec lequel nous travaillons le plus soigneusement, nous pouvons montrer plusieurs micro changements fait avec le temps. Un des changements est un très un fort sifflent qui a diminué dans sa fréquence [hauteur] depuis les années 70. Celle-ci est passée d'environ 5.500 hertz, (cycles par seconde) descendant à environ 3.700 hertz. C'est une baisse énorme, une baisse moyenne de 70 hertz par an de 70 à 2001.
SA : L’Arapongas (Bellbird) est-il unique parmi les oiseaux dans le sens que ses chants évoluent de cette façon ?
DK : Ces oiseaux réapprennent probablement leurs chansons tout le temps... Ils surveillent ce que les autres oiseaux chantent, n’est-ce pas. Ce genre de modification n'a été démontré qu'avec deux autres sortes d’oiseau, dont le Cassique cul-jaune [ Cacicus cela] du Panama. C'est un merle qui vit en colonies. Les chants dans ces colonies changent en une génération. Avec des oiseaux qui ont des vies assez courtes, comme les Passerin indigo [ Passerina cyanea], qui vivent environs deux ans, une fois que le mâle à développé son chant il le garde toute sa vie. Les chants d’Araponga évoluent au-travers des générations, de manière très proche à la baleine à bosse.
SA : Pourquoi pensez-vous que les chants de l’Araponga se modifient avec le temps ?
DK : Comme probablement dans la plupart des systèmes où relativement peu de mâles réussissent. Le mâle doit exposer son chant à une assistance des femelles, celles-ci conviennent quant à qui est le meilleur mâle. Elles sont probablement la cause d’un système qui permettrait aux mâles de montrer depuis combien de temps ils sont dans les environs : s'ils chantent les chants des dialectes locaux et s’ils ont suivis les changements. Ainsi les mâles qui réussissent pourraient changer leurs chants, forçant les autres mâles, particulièrement les plus jeunes, à rester à niveau. Ce pourrait être une manière pour que les femelles puissent identifier les mâles dominants ou ceux qui ont été dans la population depuis le plus longtemps.
SA : Une des manières qui vous a permis de montrer que les Arapongas apprennent leurs chants est que vous avez découverts qu'ils imitent d'autres oiseaux.
DK : Un ami m'a parlé d'une ville du Brésil appelée Arapongas. Si tu dis "Arapongas" en soulignant le "pong" plus ou moins c'est comme décrire un de ces Araponga à gorge chauve qui habite le Brésil méridional. La ville est baptisée du nom de cet oiseau. Les gens gardent des Arapongas en cage dans cette ville. Mon ami a entendu un là-bas, en cage, faire des bruits comme un merle de Chopi [Gnorimopsar chopi]. Il a découvert qu'il avait été élevé avec des merles de Chopi et qu’il avait appris des éléments - sifflements et ronronnements - de leurs chants. C'était une jolie expérience faite par des amateurs d'oiseau, qui donne ce que je vois comme la preuve claire qu'un Araponga a appris ses sons des merles.
SA : Pourquoi trouvez-vous les l’Araponga si attrayants ?
DK : Il est difficile de penser objectivement une fois qu’on observe ces oiseaux parce qu'ils sont si charismatiques. Ils sautent à cloche-pied sur leurs perchoirs, se mettent en garde, se poussent entre eux en bas des perchoirs, ils se crient dans des oreilles, ils collent leurs têtes dans les bouches d'autres oiseaux. Ils sont simplement extraordinaires. La chose que je trouve excitante en tant que scientifique c'est que c'est seulement le quatrième groupe d'oiseaux au sujet desquels nous sommes documentées pour ce type d'étude vocale. Je pense qu'ils ouvrent une fenêtre sur les conditions dans lesquelles l'apprentissage vocal pourrait avoir évolué dans d'autres groupes ou espèces.
SA : Quels mystères de chant d'oiseaux voudriez vous résoudre dans votre vie ?
DK : Pourquoi les oiseaux acquièrent ils les sons de cette manière ? Pourquoi certains oiseaux apprennent ils et d'autres pas ? Les merles proches les uns des autres semblent avoir des chansons différentes, cela suggère qu'ils les composent probablement. Il doit y avoir une sorte de grand modèle évolutionnaire avec lequel tous ces oiseaux fonctionnent, et si nous en savions juste assez au sujet de leurs histoires de vie, mon sentiment tripal est que toute cette variété que nous voyons parmi des oiseaux commencerait à se comprendre.

Auteur: Fortean times

Info: Entrevue entre Donald Kroodsma et Jennifer Uscher, auteur scientifique indépendante de New York, spécialisée sur les oiseaux. Vers 2004

[ musique ]

 

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Le monde tel que l'imaginent ceux qui n'ont jamais vu. (I)
Depuis les opérations pratiquées par le chirurgien anglais Cheselden en 1728 sur des personnes atteintes de cataracte congénitale, redonner la vue aux aveugles ne tient plus du miracle biblique mais de la science - et les avancées extraordinaires que la médecine a effectuées dans ce domaine invitent à être optimistes pour l'avenir. Toutefois, la plupart des aveugles de naissance qui vivent aujourd'hui savent que ces progrès bénéficieront surtout aux générations futures et que, pour la majorité d'entre eux, ils quitteront ce monde sans en avoir rien vu. Pour autant, à en croire certains, il n'y a nullement là de quoi s'affliger :" Je ne regrette jamais de ne pas voir. Je vois autrement et puis je n'ai jamais vu avec les yeux, ça ne peut pas me manquer." affirme Sophie Massieu (36 ans, journaliste).
L'aveugle de naissance "ne sait pas ce qu'il perd", littéralement parlant, il n'a donc aucune raison de soupirer après un état qu'il n'a jamais connu. Ce n'est donc pas, dans son cas, sur le mode de la lamentation ou du regret lyrique qu'il faut entendre le mot "jamais", comme ce peut être le cas pour les aveugles tardifs qui restent longtemps hantés par leurs souvenirs de voyant... Non, pour l'aveugle-né, ce "jamais" fonctionne à la manière d'un levier, d'une faille où s'engouffre son imagination : à quoi peut ressembler ce monde visible dont tout le monde parle autour de lui ? Comment se représenter des notions proprement visuelles, telles que les couleurs, l'horizon, la perspective ? Toutes ces questions pourraient tenir en une seule : comment concevoir ce qu'est la vue sans voir ? Question qui a sa réciproque pour le voyant : comment se représenter ce que c'est que de ne pas voir pour quiconque a toujours vu ? Il y a là un défi lancé à l'imagination, défi d'autant plus difficile à relever que les repères auxquels chacun aura spontanément tendance à se référer seront tirés d'un univers perceptif radicalement différent de celui qu'on cherche à se représenter, et qu'ils risquent fort, par conséquent, de nous induire en erreur. Il n'est pas dit que ce fossé perceptif puisse être franchi par l'imagination - mais comme tout fossé, celui-ci appelle des passerelles : analogies puisées dans les autres sens ou dans le langage, efforts pour s'abstraire de ses automatismes de pensée - ce que Christine Cloux, aveugle de naissance, appelle une forme de "souplesse mentale"... L'enjeu, s'il est vital pour l'aveugle, peut sembler minime pour le voyant : que gagne-t-on à imaginer le monde avec un sens en moins ? On aurait tort de négliger l'intérêt d'une telle démarche intellectuelle, car s'interroger sur la perception du monde d'un aveugle de naissance, c'est remettre la nôtre en perspective, en appréhender le caractère relatif, mesurer à quel point nos représentations mentales dépendent de nos dispositions sensibles - enfin, c'est peut-être le moyen de prendre conscience des limites de notre point de vue et, le temps d'un effort d'imagination, de les dépasser...
Imaginer le monde quand on est enfant
Le jeune enfant voyant croit que les choses cessent d'exister dès lors qu'elles quittent son champ de vision : un moment très bref, dit-on, sépare le temps où il croit encore sa mère absente et celui où il la croit déjà morte. Qu'on s'imagine alors ce qu'il en est pour l'enfant aveugle de naissance... "J'avais peur de lancer un ballon, parce que je pensais qu'il allait disparaître. Mon monde s'arrêtait à un mètre, au-delà, pour moi, c'était le vide. "explique Natacha de Montmollin (38 ans, informaticienne de gestion). Comment être sûr que les objets continuent d'exister quand ils sont hors de portée, d'autant plus quand on ne les retrouve pas là où on les avait laissés ? Comment accorder sa confiance à monde aussi inconstant ? Un enfant aveugle de naissance aura nécessairement besoin de plus de temps qu'un enfant voyant pour trouver ses marques et pour comprendre le monde qui l'entoure.
Dans les premières années de sa vie, l'aveugle de naissance n'a pas conscience de son handicap... De fait, s'il ne vivait dans une société de voyants, il passerait toute sa vie sans se douter de l'existence du monde visible. Dans la nouvelle de H. G. Wells Le pays des aveugles, le héros, voyant débarqué dans une communauté d'aveugles qui vit repliée sur elle-même, découvre à ses dépens qu'on y traite ceux qui se prétendent doués de la vue non comme des dieux ou des rois, mais comme des fous, comme nous traitons ceux qui affirment voir des anges - pour le dire autrement : au royaume des aveugles de naissance, les borgnes seraient internés. C'est uniquement parce qu'il vit dans une société organisée par et pour des voyants que l'aveugle finit par contracter, avec le temps, le sentiment de sa différence. Cette découverte peut se faire de différentes manières : les parents peuvent, quand ils estiment leur enfant assez mûr, lui expliquer son infirmité ; l'enfant peut également la découvrir par lui-même, au contact des autres enfants. "On ne m'a jamais expliqué que j'étais aveugle, j'en ai pris conscience avec le temps, explique Sophie Massieu. Quand je jouais à cache-cache avec les autres enfants, je ne comprenais pas pourquoi j'étais toujours la première débusquée... Evidemment, j'étais toujours cachée sous une table, sans rien autour pour me protéger, je sautais un peu aux yeux..."
Le jeune aveugle de naissance finit donc par comprendre qu'il existe une facette de la réalité que les autres perçoivent mais qui lui demeure inaccessible. Dans un premier temps, cette "face du monde" doit lui paraître pour le moins abstraite et difficile à concevoir. Pour avoir un aperçu de l'effort d'imagination que cela exige, le voyant devrait tenter de se représenter une quatrième dimension de l'espace qui l'engloberait sans qu'il en ait conscience...
Il est inévitable que l'aveugle de naissance commence par se faire de certaines choses une représentation inexacte : ces "fourvoiements de l'imagination" constituent des étapes indispensables à l'élaboration de l'intelligence, qu'on soit aveugle ou non. En outre, ils peuvent avoir leur poésie. Un psychologue russe (cité par Pierre Villey dans son ouvrage Le monde des aveugles) mentionne l'exemple d'un jeune aveugle de naissance qui se représentait absolument tous les objets comme en mouvement, jusqu'aux plus immobiles : "pour lui les pierres sautent, les couleurs jouent et rient, les arbres se battent, gémissent, pleurent". Cette représentation peut prêter à sourire, mais après tout, la science et la philosophie ne nous ont-elles pas enseigné que l'immobilité du monde n'était qu'une illusion de la perception, découlant de l'incomplétude de notre point de vue ? A ce titre, l'imagination de ce garçon semblait lui avoir épargné certaines illusions dont l'humanité a eu tant de mal à se déprendre : par exemple, quoiqu'il ne sut rien du mouvement des corps célestes, on raconte que, lorsqu'on lui posa la question : "le soleil et la lune se meuvent-ils ?", il répondit par l'affirmative, sans aucune hésitation.
L'aveugle de naissance peut se représenter la plupart des objets en les palpant. Quand ceux-ci sont trop imposants, des maquettes ou des reproductions peuvent s'y substituer. "J'ai su comment était foutue la Tour Eiffel en ayant un porte-clefs entre les mains... " se souvient Sophie Massieu. Tant que l'objet demeure hors de sa portée, hors du champ de son expérience, il n'est pas rare que l'aveugle s'en fasse une image fantaisiste en se fondant sur la sonorité du mot ou par associations d'idées. Ce défaut n'est pas propre aux aveugles, et "chez chacun, l'imagination devance l'action des sens", pour reprendre l'expression de Pierre Villey. Mais ce défaut peut avoir des conséquences nettement plus fâcheuses chez l'aveugle de naissance, car s'il se contente de ces représentations inexactes et ne cherche pas à les corriger, il risque de méconnaître le monde qui l'entoure et de s'isoler dans un royaume fantasque construit selon les caprices de son imagination. L'aveugle-né n'a pas le choix : il doit s'efforcer de se représenter le monde le plus fidèlement possible, sous peine d'y vivre en étranger...
Imaginer les individus
Très tôt, l'aveugle va trouver des expédients pour se représenter le monde qui l'entoure, à commencer par les gens qu'il côtoie. Leur voix, pour commencer, constitue pour lui une mine d'informations précieuses : l'aveugle prête autant attention à ce que dit son interlocuteur qu'à la manière dont il le dit. La voix révèle un caractère, le ton une humeur, l'accent une origine... "On peut dire ce qu'on veut, mais notre voix parle de nous à notre insu." explique Christine Cloux (36 ans, informaticienne). Certains aveugles considèrent qu'il est beaucoup plus difficile de déguiser les expressions de sa voix que celles de son visage, et pour eux, c'est la voix qui est le miroir de l'âme : "Un monde d'aveugle aurait ses Lavater [auteur de"L'Art de connaître les hommes par la physionomie"]. Une phonognomie y tiendrait lieu de notre physiognomie." écrit Pierre Villey dans Le monde des aveugles. Mais à trop se fier au caractère révélateur d'une voix, l'aveugle s'expose parfois à de cruelles désillusions... Villey cite le cas d'une jeune aveugle qui s'était éprise d'une actrice pour le charme de sa voix : "Instruite des déportements peu recommandables de son idole elle s'écrie dans un naïf élan de désespoir : "Si une pareille voix est capable de mentir, à quoi pourrons-nous donc donner notre confiance ?".
De nombreux autres indices peuvent renseigner l'aveugle sur son interlocuteur : une poignée de main en dit long (Sophie Massieu affirme haïr "les poignées de main pas franches, mollasses...", qu'elle imagine comparables à un regard fuyant) ; le son des pas d'un individu peut renseigner sur sa corpulence et sa démarche ; les odeurs qu'il dégage peuvent donner de précieux renseignements sur son mode de vie - autant d'indices que le voyant néglige souvent, en se focalisant principalement sur les informations que lui fournit sa vue. Quant à l'apparence physique en elle-même, la perspicacité de l'aveugle atteint ici ses limites : "Il y a des choses qu'on sait par le toucher mais d'autres nous échappent : on a la forme du visage, mais on n'a pas la finesse des traits, explique Sophie Massieu. On peut toujours demander aux copines "tiens, il me plaît bien, à quoi il ressemble ?" Bon, il faut avoir des bonnes copines... " Certains aveugles de naissance sont susceptibles de se laisser influencer par les goûts de la majorité voyante : Jane Hervé mentionne la préférence d'une aveugle de naissance pour les blonds aux yeux bleus :"Je crois que les blonds sont beaux. Peut-être que c'est rare...". "D'une façon générale, je pense que la manière dont nous imaginons les choses que nous ne pouvons pas percevoir tient beaucoup à la manière dont on nous en parle, explique Sophie Massieu. Si la personne qui vous le décrit trouve ça beau, vous allez trouvez ça beau, si elle trouve ça moche, vous allez trouver ça moche...". De ce point de vue, l'aveugle dépend - littéralement - du regard des autres : "Mes amis et ma famille verbalisent beaucoup ce qu'ils voient, alors ils sont en quelque sorte mon miroir parlant..." confie Christine Cloux.
Imaginer l'espace
On a cru longtemps que l'étendue était une notion impossible à concevoir pour un aveugle. Platner, un médecin philosophe du siècle dernier, en était même arrivé à la conclusion que, pour l'aveugle-né, c'était le temps qui devait faire office d'espace : "Eloignement et proximité ne signifient pour lui que le temps plus ou moins long, le nombre plus ou moins grand d'intermédiaires dont il a besoin pour passer d'une sensation tactile à une autre.". Cette théorie est très poétique - on se prend à imaginer, dans un monde d'aveugles-nés, des cartes en relief où la place dévolue à chaque territoire ne serait pas proportionnelle à ses dimensions réelles mais à son accessibilité, au temps nécessaire pour le parcourir... Dans les faits, cependant, cette théorie nous en dit plus sur la manière dont les voyants imaginent le monde des aveugles que sur le contraire. Car s'il faut en croire les principaux intéressés, ils n'ont pas spécialement de difficulté à se figurer l'espace.
"Tout est en 3D dans ma tête, explique Christine Cloux. Si je suis chez moi, je sais exactement comment mon appartement est composé : je peux décrire l'étage inférieur sans y aller, comme si j'en avais une maquette. Vraiment une maquette, pas un dessin ou une photo. De même pour les endroits que je connais ou que j'explore : les gares, des quartiers en ville, etc. Plus je connais, plus c'est précis. Plus j'explore, plus j'agrandis mes maquettes et j'y ajoute des détails."La représentation de l'espace de l'aveugle de naissance se fait bien sous formes d'images spatiales, mais celles-ci n'en sont pas pour autant des images-vues : il faudrait plutôt parler d'images-formes, non visuelles, où l'aveugle projette à l'occasion des impressions tactiles. Pour décrire cette perception, Jane Hervé utilise une comparaison expressive :"les sensations successives et multiples constituent une toile impressionniste - tramée de mille touchers et sensations - suggérant la forme sentie, comme les taches d'or étincelant dans la mer composant l'Impression, soleil devant de Claude Monet."
A l'époque des Lumières, certains commentateurs, stupéfaits par les pouvoirs de déduction des aveugles, s'imaginaient que ceux-ci étaient capables de voir avec le bout de leurs doigts (ils étaient trompés, il faut dire, par certains aveugles qui prétendaient pouvoir reconnaître les couleurs d'un vêtement simplement en touchant son étoffe). Mais les aveugles de naissance eux-mêmes ne sont pas à l'abri de ce genre de méprises : Jane Hervé cite le cas d'une adolescente de 18 ans - tout à fait intelligente par ailleurs - qui pensait que le regard des voyants pouvait contourner les obstacles - exactement comme la main permet d'enserrer entièrement un petit objet pour en connaître la forme. Elle pensait également que les voyants pouvaient voir de face comme de dos, qu'ils étaient doués d'une vision panoramique : "Elle imaginait les voyants comme des Janus bifaces, maîtres du regard dans toutes les directions.". L'aveugle du Puiseaux dont parle Diderot dans sa Lettre sur les aveugles, ne sachant pas ce que voulait dire le mot miroir, imaginait une machine qui met l'homme en relief, hors de lui-même. Chacun imagine l'univers perceptif de l'autre à partir de son univers perceptif propre : le voyant croit que l'aveugle voit avec les doigts, l'aveugle que le voyant palpe avec les yeux. Comme dans la parabole hindoue où des individus plongés dans l'obscurité tentent de déduire la forme d'un éléphant en se fondant uniquement sur la partie du corps qu'ils ont touché (untel qui a touché la trompe prétend que l'éléphant a la forme d'un tuyau d'eau, tel autre qui a touché l'oreille lui prête la forme d'un éventail...) - semblablement les êtres humains imaginent un inconnu radical à partir de ce qu'ils connaissent, quand bien même ces repères se révèlent impropres à se le représenter.
Parmi les notions spatiales particulièrement difficiles à appréhender pour un aveugle, il y a la perspective - le fait que la taille apparente d'un objet diminue proportionnellement à son éloignement pour le sujet percevant. "En théorie je comprends ce qu'est la perspective, mais de là à parvenir à réaliser un dessin ou à en comprendre un, c'est autre chose - c'est d'ailleurs la seule mauvaise note que j'ai eu en géométrie, explique Christine Cloux. Par exemple, je comprends que deux rails au loin finissent par ne former qu'une ligne. Mais ce n'est qu'une illusion, car en réalité il y a toujours deux rails, et dans ma tête aussi. Deux rails, même très loin, restent deux rails, sans quoi le train va avoir des ennuis pour passer..." Noëlle Roy, conservatrice du musée Valentin Haüy, se souvient d'une aveugle âgée, qui, effleurant avec ses doigts une reproduction en bas-relief du tableau l'Angélus de Millet, s'était étonnée que les deux paysans au premier plan soient plus grands que le clocher dont la silhouette se découpe sur l'horizon. Quand on lui expliqua que c'était en vertu des lois de la perspective, les personnages se trouvant au premier plan et le clocher très loin dans la profondeur de champ, la dame s'étonna qu'on ne lui ait jamais expliqué cela... On peut se demander comment cette dame aurait réagi si, recouvrant l'usage de la vue suite à une opération chirurgicale, elle avait aperçu la minuscule silhouette d'un individu dans le lointain : aurait-elle pensé que c'était là sa taille réelle et que cet individu, s'approchant d'elle, n'en serait pas plus grand pour autant ? Jane Hervé cite le témoignage d'une aveugle de 62 ans qui a retrouvé la vue suite à une opération : "Tout était déformé, il n'y avait plus aucune ligne droite, tout était concave... Les murs m'emprisonnaient, les toitures des maisons paraissaient s'effondrer comme après un bombardement. Ce que je voyais ovale, je le sentais rond avec mes mains. Ce que je distinguais à distance, je le sentais sur moi. J'avais des vertiges permanents. "On peut s'imaginer le cauchemar que représente une perception du monde où la vision et la sensation tactile ne concordent pas, où les sens envoient au cerveau des signaux impossibles à concilier... D'autres aveugles de naissance, ayant recouvré l'usage de la vue suite à une opération, dirent avoir l'impression que les objets leur touchaient les yeux : ils eurent besoin de plusieurs jours pour saisir la distance et de plusieurs semaines pour apprendre à l'évaluer correctement. Cela nous rappelle que notre vision du monde en trois dimensions n'a rien d'innée, qu'elle résulte au contraire d'un apprentissage et qu'il y entre une part considérable de construction intellectuelle.

Auteur: Molard Arthur

Info: http://www.jeanmarcmeyrat.ch/blog/2011/05/12/le-monde-tel-que-limaginent-ceux-qui-nont-jamais-vu

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