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portrait

Je n'ai jamais connu homme plus sensible aux contraintes que Gide. Il a vécu son enfance et sa jeunesse dans un milieu protestant où la contention tient lieu de vertu. Et cette première expérience de l'hypocrisie vertueuse semble l'avoir meurtri à un tel point que, toute sa vie, il rechercha la sincérité comme un prisonnier peut désirer l'air pur. Cette sincérité, ce libre épanouissement du moi, il la chercha sur les sables du Sahara, dans les aventures du désir ; à l'art il demanda de le libérer, à la chair parfois, à l'amour... Son désir de sincérité rencontrait partout duplicité, mensonges, contraintes. Gide repartait sur d'autres routes pour retrouver la pureté... Et si Gide retrouva jamais cette sincérité, c'est dans l'art. Les contraintes en art lui furent légères : en art seulement la liberté de l'homme est inconditionnée, sa sincérité respectée. Qu'on l'appelle dérivatif ou consolation, l'art fut pour Gide l'expérience la plus complète de la sincérité et de la liberté ( " ... cette doctrine de l'art pour l'art, en dehors de quoi je ne sais point trouver raison de vivre ").



[...] Il faut déblayer l'oeuvre de Gide pour n'y voir qu'un appel de la sincérité, dira-t-on. D'autres ont pu résumer Gide à son immoralisme, à sa disponibilité, à son marivaudage spirituel ... ; moi, je retiens, du contact avec son oeuvre, ce drame central de la sincérité ; et parmi ses nombreuses soifs, celle qui m'a le plus frappé, le plus travaillé, c'est sa soif d'authenticité. Il écrit dans son Journal : " Le seul drame qui vraiment m'intéresse et que je voudrais toujours relater, c'est le débat de tout être avec ce qui l'empêche d'être authentique, avec ce qui s'oppose à son intégrité, à son intégration. L'obstacle est le plus souvent en lui-même. Et tout le reste n'est qu'accident. " (3 juillet 1930)

Auteur: Aquin Hubert

Info: Mélanges Littéraires I, profession écrivain, p. 65

[ éléments biographiques ] [ quêteur ] [ vie-oeuvre ]

 
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Ajouté à la BD par Bandini

séparation

Le train est entré en gare. Je n’étais plus très sûr de mon aventure quand j’ai vu la machine. Je l’ai embrassée Molly avec tout ce que j’avais encore de courage dans la carcasse. J’avais de la peine, de la vraie, pour une fois, pour tout le monde, pour moi, pour elle, pour tous les hommes.

C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir.

Des années ont passé depuis ce départ et puis des années encore… J’ai écrit souvent à Detroit et puis ailleurs à toutes les adresses dont je me souvenais et où l’on pouvait la connaître, la suivre Molly. Jamais je n’ai reçu de réponse.

La Maison est fermée à présent. C’est tout ce que j’ai pu savoir. Bonne, admirable Molly, je veux si elle peut encore me lire, d’un endroit que je ne connais pas, qu’elle sache bien que je n’ai pas changé pour elle, que je l’aime encore et toujours, à ma manière, qu’elle peut venir ici quand elle voudra partager mon pain et ma furtive destinée. Si elle n’est plus belle, eh bien tant pis ! Nous nous arrangerons ! J’ai gardé tant de beauté d’elle en moi, si vivace, si chaude que j’en ai bien pour tous les deux et pour au moins vingt ans encore, le temps d’en finir.

Pour la quitter il m’a fallu certes bien de la folie et d’une sale et froide espèce. Tout de même, j’ai défendu mon âme jusqu’à présent et si la mort, demain, venait me prendre, je ne serais, j’en suis certain, jamais tout à fait aussi froid, vilain, aussi lourd que les autres, tant de gentillesse et de rêve Molly m’a fait cadeau dans le cours de ces quelques mois d’Amérique..

Auteur: Céline Louis-Ferdinand

Info: Voyage au bout de la nuit. Selon Lucette Almansor Molly est un personnage qui représente Elizabeth Craig, son grand amour parti en Amérique, à qui il dédicaça "Voyage au bout..."

[ couple ] [ regrets ] [ tristesse ] [ rupture ]

 

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Ajouté à la BD par Le sous-projectionniste

authenticité

Je n'ai pas l'intention de raconter les diverses aventures qui nous arrivèrent, à moi et à mon fils, ensemble et séparément, avant notre arrivée dans le pays de Molloy. Ce serait fastidieux. Mais ce n'est pas là ce qui m'arrête. Tout est fastidieux, dans ce récit qu'on m'impose. Mais je le mènerai à mon gré, jusqu'à un certain point. Et s'il n'a pas l'heur de plaire, au commanditaire, s'il y trouve des passages désobligeants pour lui ou pour ses associés, tant pis pour nous tous, pour eux tous, car il n'y a plus de pis pour moi. C'est-à-dire que pour m'en faire une idée il me faudrait plus d'imagination que je n'en ai. Et cependant j'en ai plus qu'autrefois. Et ce triste travail de clerc qui n'est pas de mon ressort, je m'y soumets pour des raisons qui ne sont pas celles qu'on pourrait croire. J'obéis encore aux ordres, si l'on veut, mais ce n'est plus la crainte qui m'inspire. Si, j'ai toujours peur, mais c'est plutôt là un effet de l'habitude. Et la voix que j'écoute, je n'ai pas eu besoin de Gaber pour me la transmettre. Car elle est en moi et elle m'exhorte à être jusqu'au bout ce fidèle serviteur que j'ai toujours été, d'une cause qui n'est pas la mienne, et de remplir patiemment mon rôle jusque dans ses dernières amertumes et extrémités, comme je voulais, du temps de mon vouloir, que les autres fissent. Et cela dans la haine de mon maître et le mépris de ses desseins. Comme vous voyez, c'est une voix assez ambiguë et qui n'est pas toujours facile à suivre, dans ses raisonnements et décrets. Mais je la suis néanmoins, plus ou moins, je la suis en ce sens, que je la comprends, et en ce sens, que je lui obéis. Et les voix sont rares je crois dont on puisse en dire autant.

Auteur: Beckett Samuel

Info: In "Molloy", éd. de Minuit, p. 178-179

[ écriture ] [ fidélité ] [ motivation ] [ source ] [ témoignage ]

 

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Ajouté à la BD par Benslama

existence

Ce jour est aujourd’hui passé, et bien d’autres, qui ont chacun marqué d’un coup ce visage où l’ombre d’un baiser effaçait un sourire. Des jours sont passés, qui revenaient toujours pour frapper la marque et la creuser, creuser la plaie saignante et la durcir en cicatrice. Des maladies, des morts, des guerres, qui burinaient sur la tendre face du printemps le pathétique soleil de l’été. Mais aussi revenait le bain en plein soleil, la coupe poissée de grappes ; toujours plus tard midi sonnait au crépuscule. L’ouragan noir d’automne qui flotte et roule, étendard de désastre, où l’éclair fend le ciel d’un gel irrémédiable, le frappa dans sa chair, et la chair de sa chair. Il souffrit, pour souffrir encore ; les saisons s’acharnaient sur lui pour le ployer sous leurs récoltes. Vinrent des maladies, des morts, des guerres, qui taillaient dans le doux visage du printemps les traits de marbre de l’hiver : il souffrit pour souffrir encore. Alors se leva un vent de tempête qui l’entraînait toujours plus vite ; il lui fallut quitter le toit de son enfance, et la maison de ses amours lui fut enlevée. Ses amis s’éloignèrent ; l’un après l’autre, ses fils prirent leur chemin. Chaque pas qu’il faisait l’enfonçait dans la nuit, ses souvenirs s’effacèrent ; il se tut. Il ne lui manquait que de périr, aussi dès le premier jour sa perte fut-elle inscrite dans son destin.

Le vieil arbre pourtant s’obstinait à fleurir ; il l’aimait. Les années avaient préservé leur tendresse comme si rien ne devait la vaincre ; mais chaque homme a son heure qu’il ne peut partager. Il resta seul, dans la débilité du vieillard, enfant sans mère, portant au flanc la déchirure par où s’était enfui l’amour de sa vie. Et la vie le fuyait ; enfin vaincu, il attendait que lui fût donné une grâce. Il mourut. Voici le seul héros et la seule aventure.

Auteur: Charbonneau Bernard

Info: Dans "Je fus", R&N Éditions, 2021, page 30

[ condition humaine ] [ expression poétique ] [ résumé ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

réalisation métaphysique

Si Abdallah, converti à l’Islam et sanscrisant, me fait lire les livres de René Guénon. Que serait-il advenu de moi si j’avais rencontré ceux-ci aux temps de ma jeunesse, alors que je plongeais dans la Méthode pour arriver à la vie bienheureuse et écoutais les leçons de Fichte, du plus docile que je pouvais ? Mais, en ce temps, les livres de Guénon n’étaient pas encore écrits. A présent, il est trop tard ; “les jeux sont faits, rien ne va plus”. Mon esprit sclérosé se plie aussi difficilement aux préceptes de cette sagesse ancestrale, que mon corps à la position dite “confortable” que préconisent les yogis, la seule qui leur paraisse convenir à la méditation parfaite; et, à vrai dire, je ne puis même parvenir à souhaiter vraiment celle-ci, cette résorption qu’ils cherchent de l’individu dans l’Être éternel. Je tiens éperdument à mes limites et répugne à l’évanouissement des contours que toute mon éducation prit à tâche de préciser. Aussi bien le plus clair profit que je retire de ma lecture, c’est le sentiment plus net et précis de mon occidentalité ; en quoi, pourquoi et par quoi je m’oppose. N’importe ! Ces livres de Guénon sont remarquables et m’ont beaucoup instruit, fût-ce par réaction. J’admets volontiers les méfaits de l’inquiétude occidentale, dont la guerre même reste un sous-produit; mais la périlleuse aventure où nous nous sommes imprudemment lancés valait la peine qu’elle nous coûte, valait la peine d’être courue. A présent, du reste, il est trop tard pour reculer; nous devons la mener plus avant, la mener jusqu’au bout. Et ce “bout”, cette extrémité, je tâche de me persuader que c’est Dieu, fût-il atteint par notre ruine. Il faudrait sans doute la “position confortable” pour mener à maturité cette pensée. En attendant, je persévère dans mon erreur; et je ne puis envier une sagesse qui consiste à se retirer du jeu. Je veux “en être” et dût-il m’en coûter.

Auteur: Gide André

Info: 1943

[ évitement ] [ justifications ] [ force de l'habitude ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

fantasme

Même si la plupart de ces femmes recherchent surtout de l'affection, de la compagnie et de la communication, certaines font plus volontiers part de leurs exigences sexuelles. Les phantasmes s'avèrent de tout ordre. Benoît a dû répondre quelques fois à des demandes à tendances masochistes. Par exemple, celles d'une femme qui exigeait d'être fouettée, frappée et injuriée. Ils peuvent aussi être à tendances sadiques, comme le démontre l'aventure de Jeff: "Une femme voulait me battre. J'ai discuté avec elle afin de l'en dissuader, mais elle m'a répondu qu'elle m'avait payé, qu'elle ne voulait pas me frapper durement, qu'elle voulait seulement "voir ce que ça fait". J'ai finalement accepté. Au début, elle n'y allait pas très fort, mais ensuite, elle s'est mise à cogner brutalement et elle m'a fait mal. Ses coups ont même laissé des marques." Les fantasmes visent parfois plus simplement à satisfaire une certaine curiosité, comme l'illustre bien une autre aventure de Jeff, plus agréable celle-là: "Deux jeunes filles hétérosexuelles de 19 ou 20 ans, nous rapporte-t-il, voulaient les services d'un homme pour tenter l'expérience de faire l'amour à trois". Un autre fantasme assez répandu concerne l'homosexualité. Quoique la majorité des clientes fassent appel aux services d'un homme, certaines requièrent plutôt les services d'une femme, probablement pour combler une tendance bisexuelle difficilement avouable ou pour essayer une nouvelle expérience. II arrive fréquemment qu'une femme mariée, mais néanmoins lesbienne, comble ses besoins spécifiques en faisant appel à des prostituées. Dans certains cas, des femmes font appel aux services d'un couple pour réaliser, cette fois, un autre genre de fantasme. "II est facile pour une femme de "lever" un homme dans un bar, mais il lui est plus difficile de trouver une femme ou un couple pour coucher avec elles ", explique le directeur de l'agence H. Les femmes n'osent pas avouer ces fantasmes à leurs amis et relations, les considérant comme inadmissibles dans le contexte amoureux, mais ils les habitent tellement qu'elles vont payer pour les réaliser.

Auteur: Internet

Info: http://www.canoe.qc.ca/artdevivresociete/juil17_chair_g-can.html

[ désir ]

 

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propagande

Plus subtile, la stratégie n°1 consiste à créer du brand content (ou du contenu de marque) qui leur permet de travailler sur leur image positive à long terme, que ce soit à travers des sites ludiques, des conseils pratiques, des événements uniques, des films originaux à partager sur les réseaux sociaux, des jeux vidéo ou encore des magazines au nom de la marque.
"Il s'agit de créer du lien avec le consommateur, de lui donner la parole, de faire de lui un ambassadeur et de l'inscrire dans une relation d'échange durable, ajoute Julien Intartaglia. Car l'idée, au final, est d'exposer le consommateur à la marque de manière constante et ludique, en jouant sur l'affect et en créant du relationnel, histoire que le filtre cognitif du scepticisme n'agisse plus. N'oublions pas que la raison d'être de la marque est de ne jamais être oubliée au moment de l'acte d'achat."
Se rendre "utile" Des exemples concrets de ces "nouvelles" dynamiques communicationnelles ? C'est Nutella qui joue sur la corde sensible des étiquettes personnalisables pour mieux caresser le consommateur dans le sens du poil et augmenter son capital sympathie. C'est Coca-Cola qui met au point un distributeur de canettes qui délivre gratuitement une boisson quand le consommateur lui fait un câlin, le tout filmé en caméra cachée et diffusé massivement sur les réseaux sociaux. C'est Nike qui développe une application mobile baptisée running pour accompagner les joggeurs, afin de leur permettre de suivre leurs performances et d'atteindre leurs objectifs. C'est Red Bull qui crée l'événement en permettant à Felix Baumgartner de battre le record de saut en chute libre pour augmenter la visibilité de la marque autour du monde et surtout l'associer durablement à la notion du dépassement de soi. Ce sont les glaces Magnum qui développent un advergame (un jeu publicitaire) de grande qualité baptisé Pleasure Hunt et qui entraîne l'internaute dans une aventure haletante où la marque reste discrète mais omniprésente, histoire d'offrir une expérience unique et sympathique au consommateur. Et la liste des exemples est évidemment longue, très longue...

Auteur: Brebant Frédéric

Info: Article : La pub parle à votre inconscient

[ marketing ] [ consumérisme ] [ médias ]

 

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couple

Or il arriva que, le lendemain, le destin me réserva un don différent et unique : la rencontre avec une femme, jeune et faite de chair et d'os, chaude contre ma jambe à travers nos manteaux, allègre au milieu du brouillard humide des vallées, patiente, savante et sûre tandis que nous marchions dans les rues encore bordées de décombres. En quelques heures, nous sûmes que nous nous appartenions, non pour une rencontre mais pour la vie, ainsi qu'il en a été. En quelques heures, je m'étais senti neuf et plein de puissances nouvelles, lavé et guéri de mon long mal, prêt enfin à entrer dans la vie avec joie et vigueur ; le monde, autour de moi, était lui aussi soudainement guéri, et exorcisés le nom et le visage de la femme qui était descendue aux enfers avec moi et n'en était pas revenue. Mon écriture même devint une aventure différente, non plus l'itinéraire douloureux d'un convalescent, d'un homme qui mendie de la pitié et des visages amis, mais une construction lucide, qui avait cessé d'être solitaire – une œuvre de chimiste qui pèse et sépare, mesure et juge sur des preuves sûres, et s'ingénie à répondre aux pourquoi. À côté du soulagement libérateur qui est le propre de celui qui est de retour et raconte, j'éprouvais maintenant dans l'écriture un plaisir complexe, intense et nouveau, semblable à celui que j'avais éprouvé, étudiant, en pénétrant dans l'ordre solennel du calcul différentiel. Il était exaltant de chercher et de trouver, ou de créer, le mot juste, c'est-à-dire mesuré exactement, bref et fort, de tirer les choses du souvenir, et de les décrire avec le maximum de rigueur et le minimum d'encombrement. Paradoxalement, mon bagage de souvenirs atroces devenait une richesse, une semence ; il me semblait, en écrivant, croître comme une plante. Dans le train de marchandises du lundi suivant, pressé au milieu de la foule ensommeillée et emmitouflée dans les cache-nez, je me sentais joyeux et décidé comme jamais avant ni après. J'étais prêt à défier le monde entier et tout le monde.


Auteur: Levi Primo

Info: ​​​​​​​Le Système périodique

[ amour ] [ fertilisant ] [ contact ] [ rapprochement ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

matriarchie

Elles sont déjà là, en réalité, toutes les déesses-mères, elles sont de retour même si elles ne s’appellent pas Isis ou Astarté. Elles occupent toute la place qui leur est due dans le "ciel" du nouveau matriarcat profondément anti-biblique, anti-judaïque et anti-chrétien, les nouvelles matrones tutélaires implacables, les Grandes Nounous garantes de la réasexuation de la société et de la réinfantilisation des humains, voire de leur bestialisation douce dans une vaste nursery high-tech parfaitement télésurveillée de partout, avec des pornos à toute heure, pour assurer la disparition du désir, et la lecture collective et quotidienne au réfectoire, pour les mêmes raisons, d’un chapitre de La vie sexuelle de Catherine M. par la Mère supérieure, en alternance avec un passage du Bébé de Darrieussecq. Toutes ces choses vont très bien ensemble. Le Panoptikon de l’avenir est indifféremment une pouponnière, une crèche, une couveuse, un bordel, mais les véritables aventures s’y résument, au nom du principe de précaution, à prévenir diarrhées, rubéoles, varicelles, scarlatines et oreillons des petits pensionnaires. L’univers qui s’installe est un jardin d’enfants où patrouillent de sévères puéricultrices veillant à ce que leurs jeunes protégés ne soient pas dès leur âge le plus tendre conditionnés à des rôles sexués […]. L’art du passé au premier chef doit être nurseryfié, car cet art du passé représente ce qu’a pu être l’affirmation virile et adulte la plus haute de la période historique. C’est la raison pour laquelle un musée qui n’aurait pas son service poussettes et le nombre de chauffe-biberons réglementaires devrait fermer ses portes instantanément. Je me souviens, l’année dernière, avoir visité l’exposition "Picasso érotique" littéralement suivi, de salle en salle, par une jeune femme qui poussait un landau démoniaque dont les roues grinçaient. Allant ainsi d’œuvre en œuvre avec son landau vide (le bébé était promené par son père, une espèce de forçat à la traîne, livide et ahuri), par sa seule présence décidée elle effaçait la beauté sexuelle des œuvres de Picasso. Et il était impossible de penser qu’elle ne savait pas très bien ce qu’elle faisait ; ni que c’était pour cela seulement qu’elle était venue.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Exorcismes spirituels, tome 3", Les Belles Lettres, Paris, 2002, pages 134-135

[ désérotisation ] [ critique de l'idéalisme féministe ] [ hommes-femmes ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

perspective insectoïde

Je suivais attentivement le parcours de la coccinelle, elle montait lentement sur le pont, l'autoroute lisse de son tibia, en direction du genou et contournait l'obstacle arrondi de l'os pour s'aventurer dans la plaine du mollet en traversant le blé fragile, ce duvet doré et presque invisible sur la peau, épis solitaires, la plaine, le désert pâle qui se trouve après le mollet, cet espace qui n'est ni ventre ni mollet ni entrejambe ni presque la hanche, avec le vide d'un côté et l'ombre du pubis de l'autre, cette haie découpée derrière laquelle se cache l'entrée dans un autre monde, et continuer, continuer vers le haut en direction du thorax, vers ce nord qui est toujours une promesse, monter par le doux escalier des côtes et par la dune soyeuse de la poitrine jusqu'au sombre monument du téton, contempler de puis la cime le merveilleux paysage, ces vallées et ces collines qui s'étendent, ces rigoles, ces pores invisibles, ces grains de beauté planétaires, ces cuvettes et des lits de rivière dépeuplés, poursuivre le chemin en une descente harmonieuse jusqu'à la dépression de la clavicule, remonter ce léger obstacle et entreprendre l'ascension du cou, à l'ombre déjà de la forêt des cheveux, ces vagues, ces courbes de mèches claires, un champ de blé abondant parmi des veines brunes, achever l'ascension par le menton et depuis ce promontoire contempler la frontière rouge des lèvres, ce cratère élastique qui se répand en un sourire qui est l'incarnation du futur et de la vérité (ce qui est pour moi le futur et la vérité, l'incertain, ce que je n'atteindrai peut-être jamais complètement et qui me fuit, comme la vie me fuit, comme fuient les jours, de même que le paysage reste derrière moi lorsque je cours sans aller nulle part), la bouche, la vérité, le futur, mon destin au fond de cette grotte de laquelle pointe, brillante et humide, la pierre des dents, cette archéologie de stalagmites et de stalactites blanches, monter à l'ombre du versant du nez et, oui, arriver alors vraiment au lieu choisi, à la destination ultime, l'embouchure de l’œil, sa rive, le regard dont tout dépend.

Auteur: Soler Antonio

Info: Sud

[ corps paysage ] [ point de vue liliputien ]

 

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Ajouté à la BD par miguel