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pouvoir

Niki, la compagne du sculpteur (Tinguely), me montra son atelier, avec une foison d'ébauches de ses "Nanas", des femmes plantureuses et colorées en grillage, papier mâché et polyester. Nippée dans une blouse blanche bâchée, avec des petites bottes rouges trouées, elle m'avoua, rieuse :
- Je suis un peu folle. Je suis comme mes œuvres, éphémère ! Ma peinture calme le chaos qui agite mon âme. C'est une façon de domestiquer les dragons qui m'assaillent dans mon travail.
Elle voyait que j'étais un peu perdu, comme une sorte de Huron au Palais-Royal. Elle me parla avec un brin de tendresse mais en vérité :
- Cher monsieur le ministre, vous n'avez guère de chance de vous en tirer...
- De m'en tirer ?
- Oui, car vous n'êtes ni juif, ni homosexuel, ni du milieu.
- De quel milieu ?
- Le milieu des artistes. Ce sont eux les véritables secrétaires d'État du ministre. Ce sont eux qui adoubent. Vous êtes un... provincial... aristo...
- On met quand même à mon actif le Puy du Fou, une œuvre reconnue dans le milieu des spectacles vivants...
Non, c'est la province. Ce qui vous manque, c'est une accointance parisienne de galeriste, une parenté avec un moderne, un Duchamp ou un Dubuffet...
- Je n'en connais pas. À part mon ancien voisin, Gaston Chaissac, qui a dessiné mon faire-part de baptême'.
- Quoi ? Chaissac ? Vraiment ? Mais c'est extraordinaire ! Un vrai fou. Comme nous. Pourquoi ne le criez-vous pas ? Ça changerait tout.

Auteur: Saint Phalle Niki de

Info: In Philippe de Villiers, Le moment est venu de dire ce que j'ai vu

[ parisianisme ] [ prestige mondain ] [ créateurs influents ] [ post-aristocratie ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

roman des origines

La majorité de nos hommes du 19e siècle ont une affaire de baptême plus ou moins raté dans leurs souvenirs d’enfance. Pas de baptême ; ou baptême truqué ; ou encore baptême compliqué, clandestin. Libre à quiconque, bien entendu, de penser qu’il s’agit là d’un détail insignifiant qui n’aurait à être pris en compte que si on se rangeait sur les positions d’un culte archaïque dépassé. Que si on imaginait qu’il y a eu un crime à la naissance des temps, une affaire de ratage devenu tout de suite sanglant. Une tache sur l’Harmonie. […] Pourtant, si le baptême est bien cette tentative de diviser tout de suite, de démanteler dès la naissance le réseau du moi cohérent et cuirassé par le rappel du péché originel arbitraire, contracté sans faute personnelle, ne serait-il pas normal que, ayant été écartés de cette espèce d’essai de transfert d’une façon ou d’une autre, chacun à sa manière et dans des conditions biographiques diverses […], ils se soient racontés de manière sublimatoire qu’ils étaient nés le plus naturellement du monde dans l’immersion de l’Harmonie qu’ils avaient désormais à retrouver, reconstituer, réchauffer ? Quelle raison auraient-il eu d’imaginer qu’ils écrivaient à partir d’une exclusion dont ils n’étaient pas conscients, alors que tout leur travail consistait à démontrer que l’exclusion originelle (la première Faute biblique, la première exclusion que le baptême entend "absorber" et résorber) n’était qu’une invention, un mythe forgé par un complot de curés fanatiques ? Exclus de l’opération qui tente l’impossible effacement de l’exclusion, comment auraient-ils pu se réveiller ?

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", pages 135-136

[ sacrement chrétien ] [ rafistolage ] [ onction ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

patronymes

Qu’avons-nous montré jusqu’ici, si tant est que nous ayons montré quoi que ce soit ? Premièrement, j’ai dit qu’il y a une doctrine généralement admise concernant la façon dont la référence des noms est déterminée et que cette doctrine, en général, n’est pas conforme à la réalité. Il n’est pas vrai, en règle générale, que la référence d’un nom soit déterminée par des traits singularisants, des propriétés identifiantes que possède le réfèrent et dont le locuteur sait ou croit que le réfèrent les possède. D’abord, il n’est pas nécessaire que les propriétés auxquelles pense le locuteur soient singularisantes. Ensuite, même si elles le sont, elles peuvent très bien ne pas être vraies du réfèrent que vise effectivement le locuteur, mais de quelque chose d’autre ou de rien du tout. C’est le cas lorsque le locuteur a des croyances erronées au sujet d’une certaine personne. Ce n’est pas qu’il ait des croyances correctes au sujet de quelqu’un d’autre, mais il a des croyances erronées au sujet d’une certaine personne. Dans des cas de ce genre, la référence semble finalement déterminée par le fait que le locuteur fait partie d’une communauté de locuteurs qui utilisent le nom. Le nom lui a été transmis grâce à une tradition, de maillon en maillon.



Deuxièmement, j’ai dit que même si, dans certains cas spéciaux, notamment dans certains cas de baptême initial, un réfèrent est effectivement déterminé par une description, par une propriété singularisante, bien souvent la fonction de la propriété n’est pas de fournir un synonyme, de fournir quelque chose dont le nom est une abréviation. Sa fonction, c’est de fixer la référence. Elle fixe la référence au moyen de certains traits contingents de l’objet. Le nom qui dénote cet objet est alors utilisé pour désigner l’objet en question, même en référence à des situations contrefactuelles dans lesquelles l’objet n’a pas les propriétés en question.

Auteur: Kripke Saul Aaron

Info: La logique des noms propres

[ idées reçues ] [ mots secondéïtés ]

 

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Ajouté à la BD par miguel

passe-temps

Un jour Zakhar Pavlovitch chercha longtemps le boulon qu'il lui fallait pour refaire le filetage d'un écrou forcé. Il parcourait le dépôt et demandait si personne n'avait de boulon de 8, pour refaire un filetage. On lui répondit qu'il n'y en avait pas, quoique tout le monde eût ce genre de boulon. C'est qu'en fait les ouvriers s'ennuyaient, ils se distrayaient en se compliquant mutuellement les soucis du travail. Zakhar Pavlovitch ignorait encore cet amusement sournois, caché, qu'on trouve dans tout atelier. Cette dérision discrète permettait aux autres ouvriers d'avoir raison de la longueur de la journée de travail et de la langueur d'un labeur répétitif. En vertu de ce divertissement cher à ses voisins Zakhar Pavlovitch fit bien des choses pour rien. Il allait chercher des chiffons au dépôt alors qu'il y en avait des monceaux au bureau ; il fabriquait des échelles en bois ou des bidons pour l'huile, dont le dépôt regorgeait ; incité par quelqu'un, il fut même sur le point de changer par ses propres moyens les bouchons-témoins dans le foyer de la locomotive, mais fut prévenu à temps par un chauffeur qui se trouvait là, sans quoi Zakhar Pavlovitch aurait été congédié sans aucun commentaire.
Zakhar Pavlovitch, ne trouvant pas cette fois le boulon convenable, entreprit d'adapter un pivot à la réalisation d'un filetage et il y serait parvenu, car il ne perdait jamais patience, mais on lui dit :
- Eh, 8 pour un filetage, viens donc prendre ton boulon !
Depuis lors Zakhar Pavlovitch eut pour sobriquet "8 pour un filetage", mais on le dupa désormais moins souvent lorsqu'il eut un besoin urgent d'outils.
Ensuite personne ne sut que Zakhar Pavlovitch préférait ce sobriquet à son nom de baptême : il rappelait une partie importante de toute machine et semblait intégrer corporellement Zakhar Pavlovitch à cette patrie authentique où les pouces de métal triomphent des verstes de terre."

Auteur: Platonov Andrej Platonovic

Info: Tchevengour

[ ennui ] [ atelier ] [ usine ] [ sidérurgie ]

 

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transgenre

Le hasard m’avait fait perdre mon chemin, au milieu d’un bois aux rameaux touffus ; j’entendis retentir un cri perçant à mes côtés, comme celui d’une femme qui implorait de l’aide. J’accourus et sur un lac limpide comme le cristal j’aperçus un faune qui avait pris dans ses filets au milieu de l’onde une jeune fille nue : le barbare voulait la dévorer.
Je m’élance, l’épée en main, ne pouvant la sauver autrement, et j’ôte la vie à ce pêcheur barbare. À l’instant elle saute dans le lac : "Tu ne m’auras pas défendu en vain, dit-elle, et tu en seras magnifiquement récompensé : tu obtiendras tout ce que tu demanderas, car je suis une nymphe qui habite cette onde pure. Mon pouvoir t’étonnera : je suis maîtresse des éléments de la nature ; tout ce que tu désires, ma puissance peut te l’accorder ; laisse-moi le soin de te satisfaire. Grâce à mon art, la lune descend des cieux, le feu se glace et l’air devient solide ; avec quelques paroles seulement je fais trembler la terre et arrêter le soleil ".
Je ne demandais point, devant ces propositions à obtenir des trésors, à dominer les peuples et les États, d’être plus puissante ni plus valeureuse, de triompher dans toutes les guerres, mais je la suppliais seulement de m’accorder, de m’enseigner les moyens de contenter vos désirs, par quelque manière que ce fut, m’en rapportant à son jugement. Je lui avais à peine exposé mes vœux, que je la vis se plonger une seconde fois dans l’onde : elle ne fit d’autre réponse à mon discours que de me lancer quelques gouttes de l’eau enchantée : cette goutte ne m’eut pas plus tôt touché le visage que, sans savoir comment, je me trouvais toute changée. Je le vois, je le sens et je puis le croire à peine, je sens que de femme je suis devenue homme.
Et, si vous ne pouviez le vérifier à l’instant, vous eussiez eu peine à le croire. Mais dans ce sexe comme dans l’autre, je suis encore prête à obéir à vos volontés. Commandez et vous me verrez sans relâche et sans trêve à vos ordres. À ces mots, je fis en sorte qu’en avançant la main elle put se convaincre de la vérité.

Auteur: L'Arioste Ludovico Ariosto

Info: Roland furieux (Fleur-d’Épine et Richardet)

[ magie ] [ confirmation ] [ baptême ] [ femmes-hommes ] [ inversion ]

 

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Ajouté à la BD par Plouin

christianisme

La formule "immaculée conception" en français remonte au moins à 1525. Elle s’impose peu à peu. Au début du XIXe siècle, elle est courante dans l’Église de France.

Cependant, ce n’est qu’en 1854 que le pape Pie IX promulgue ce dogme comme une vérité infaillible. Le dogme déclare : Marie, en vertu des mérites de Jésus-Christ, a été, dès le premier instant de sa conception, préservée de la tâche du péché originel. Dogme difficile à recevoir pour beaucoup de chrétiens catholiques ou non-catholiques, la foi les obligeant à croire que tous les êtres humains ont été marqués du péché originel et que seul le sacrifice du Christ, accompli sur la Croix, et dont la grâce est communiquée par le baptême, nous en a délivrés. Or, Marie n’a pas été baptisée et le sacrifice de la Croix n’était pas accompli au moment de sa naissance. Ces raisons de refuser le dogme continuent de valoir auprès de beaucoup de protestants et d’orthodoxes.

Mais le dogme de 1854 ne les ignore pas. il affirme au contraire que c’est en rapport au sacrifice du Christ que Marie dans sa conception a été préventivement préservée. Cette vérité est inscrite implicitement dans les paroles de l’Ange qui salue en Marie la "pleine de grâce". [...] Le privilège de Marie signifie que, dans son être le plus profond, elle est au contraire, et par elle-même, dans un état d’Alliance avec Dieu. Et c’est pourquoi Marie est nommée l’Arche d’Alliance.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1858, quatre ans après la proclamation de 1854, se produisit à Lourdes un événement inattendu et peut-être unique dans l’histoire de l’Église : la Vierge elle-même vient confirmer la déclaration romaine, confiant son message à une jeune fille illettrée, enfant d’un pauvre boulanger. [...]

Cette mystérieuse déclaration se répand alors dans le monde entier, plongeant les théologiens et les saints dans un abîme de réflexion, car elle ouvre une fenêtre sur le mystère de la sainte Trinité. Ce fut en particulier l’œuvre d’un prêtre polonais, franciscain, le Père Maximilien Kolbe, missionnaire au Japon. Il fonde à Nagasaki un ordre des Chevaliers de l’Immaculée Conception et construit une chapelle dédiée à l’Immaculée... Ce sera la seule construction qui échappera miraculeusement à la bombe atomique.

Auteur: Borella Jean

Info: "Situation du catholicisme aujourd'hui", éditions L'Harmattan, Paris, 2023, pages 111 à 113

[ historique ] [ réfutation ] [ miracles ]

 

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Ajouté à la BD par Coli Masson

mots inexistants

Ni absolu, ni relatif ; ni abstrait ni concret ; ni confus ni complexe ; ni adéquat, que chérira Spinoza, mais en latin ; ni virtuel qu’emploiera Chapelain, mais aux alentours de 1660 ; ni insoluble, intentionnel, intrinsèque, inhérent, occulte, primitif, sensitif, tous mots du XVIIIe siècle ; ni transcendantal qui ornera vers 1698 les périodes de Bossuet : aucun de ces mots, que je cite au hasard, d’après les dictionnaires et Brunot, n’appartient au vocabulaire des hommes du XVIe siècle ; disons, pour fixer les idées, au plus riche de tous, au vocabulaire de Rabelais.

Encore ne sont-ce là que des adjectifs. Quelques adjectifs. Mais les substantifs ? Combien manquent à l’appel ? Ni causalité ni régularité ; ni concept ni critère ; ni condition ; avant la Logique de Port-Royal, ni analyse ni synthèse liées l’une à l’autre ; ni déduction (qui ne signifie encore que narration), ni induction qui ne naîtra qu’au XIXe siècle ; ni non plus intuition qui prendra vie chez Descartes et chez Leibniz ; ni coordination ou classification, "ce mot barbare forgé depuis peu", écrit encore en 1787 le Dictionnaire de Féraud : aucun de ces mots courants, de ces mots dont, pour philosopher, nous ne saurions vraiment nous passer, ne figure non plus dans le vocabulaire des contemporains de Rabelais. Ils n’ont même pas de terme pour exprimer ce que, depuis le milieu du XVIIe siècle seulement, on s’est avisé d’appeler système [...] ; le Rationalisme lui-même, pour commencer, le Rationalisme dont le baptême ne se fera, très tard, qu’au XIXe iècle ; le Déisme qui ne commencera guère sa carrière avant Bossuet, un de ses premiers usagers ; le Théisme que le XVIIIe siècle avancé empruntera un instant aux Anglais ; le Panthéisme dont, au temps de la Régence, on ira chercher le nom chez Toland ; le Matérialisme, qui attendra Voltaire (1734), La Mettrie et l’Encyclopédie pour conquérir droit de cité ; le Naturalisme lui-même, qui apparaît en 1752 seulement, dans le Dictionnaire de Trévoux et, avant, ans La Mettrie (1748), le Fatalisme qui, lui aussi, se trouve dans La Mettrie, cependant que le roman de Diderot ne pourra lancer fataliste qu’à partir de 1796 ; le Déterminisme, ce tard venu, ce Kantien ; l’Optimisme (Trévoux, 1752) et le Pessimisme, son contradicteur : mais les pessimistes n’entreront qu’en 1835 dans le Dictionnaire de l’Académie, et le Pessimisme paraîtra encore plus tard ; le Scepticisme qui, avec Diderot, commence à remplacer le vieux Pyrrhonisme, fils de Balzac et cher à Pascal ; le Fidéisme qui ne sortira qu’en 1838 d’un conflit de théologiens. Et combien d’autres : Idéalisme (Trévoux), Stoïcisme (La Bruyère), Quiétisme (Nicole, Bossuet), Puritanisme (Bossuet), etc.

Auteur: Febvre Lucien

Info: "Le problème de l'incroyance au 16e siècle", éditions Albin Michel, Paris, 1968, pages 329-330

[ apparition ] [ outillage philosophique ] [ historique ] [ diachronie ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson

onirisme

On découvrit dans les années 70, une tribu primitive des forêts de Malaisie, les Senoïs. Ils organisaient leur vie autour de leurs rêves. Tous les matins au petit déjeuner, autour du feu chacun ne parlait que de ses rêves de la nuit. Si un Senoï pensait avoir nui à quelqu'un, il devait offrir un cadeau à la personne lésée. S'il avait rêvé avoir été frappé par un membre de l'assistance, l'agresseur devait s'excuser et lui donner un présent pour se faire pardonner. Chez eux le monde onirique était plus riche d'enseignement que la vie réelle. Si un enfant disait avoir rencontré un tigre et s'être enfui, on l'obligeait à rêver à nouveau du félin la nuit suivante, à se battre avec lui et à le tuer. Les anciens lui expliquaient comment s'y prendre. Si l'enfant ne réussissait pas à venir à bout du tigre, toute la tribu le réprimandait. Dans le système de valeurs Senoï, si on rêvait de relations sexuelles, il fallait aller jusqu'à l'orgasme et remercier ensuite dans la réalité le conjoint désiré par un cadeau. Face aux adversaire hostiles des cauchemars, il fallait vaincre puis réclamer un cadeau à l'ennemi afin de s'en faire un ami :Ler rêve le plus convoité était celui de l'envol. Toute la communauté félicitait l'auteur d'une telle performance. Pour un enfant annoncer un plein essor était un baptême. On le couvrait de présents puis on lui expliquait comment voler en rêve jusqu'à des pays inconnus et en ramener des offrandes exotiques. Les Sénoïs séduisirent les ethnologues occidentaux. Leur société ignorait les violences et les maladies mentales. C'était une société dans stress et sans ambition de conquête guerrière. Les Senoï disparurent quand la partie de la forêt ou ils vivaient fut livrée au défrichement. Nous pouvons tous commencer à appliquer leur savoir. Tout d'abord, consigner chaque matin le rêve de la nuit, lui donner un titre, en préciser la date. Puis en parler avec son entourage au petit déjeuner par exemple. Aller plus loin encore en appliquant les règles de base de l'onironautique. Décider ainsi avant de s'endormir le choix de son rêve : faire pousser les montagnes, modifier la couleur du ciel, voyager dans tel ou tel endroit... Dans les rêves, chacun est omnipotent. Le premier test d'orinautique consiste à s'envoler. Etendre les bras, planer, piquer en vrille, remonter : tout est possible. Cela demande un apprentissage progressif. Les heures de "vol" apportent de l'assurance et de l'expression. Les enfants n'ont besoin que de cinq semaines pour pouvoir diriger leurs rêves. Chez les adultes plusieurs mois sont parfois nécessaires.

Auteur: Werber Bernard

Info: Encyclopédie du savoir relatif et absolu

[ songe ] [ contrôle ] [ anthropologie ] [ peuples premiers ]

 
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symbole républicain français

Nous sommes ici en France. Tous les jours nous léchons pour les coller sur des enveloppes l’envers de timbres reproduisant la tête d’une femme coiffée d’un bonnet phrygien. On la prénomme Marianne, cette créature sévère avec son bonnet frigide sur la tête. Mais d’abord pourquoi ce bonnet ? Référence en passant au culte de Mithra, le grand totémisme phrygien des baptêmes dans le sang des taureaux. Rappel aussi de l’interprétation rosicrucienne du bonnet écarlate dont on coiffait le massacreur du taureau et qui était censé symboliser le prépuce ensanglanté… La République française, donc, gravée dans son carré de timbre, avec sa verge rebroussée rouge sur la tête. On s’en met, des choses curieuses, sous la langue, chaque jour… Cocarde circoncise. Avertissement répété à la castration. Chapeau du sacrifice. Souvenir sous votre salive de l’assassinat fondateur devenu couvre-chef ou béret rituel.

Mais il y a encore plus original et magique. La belle créature impressionnante si athénienne quant au profil a un prénom traditionnel : Marianne. C’est ici que les surprises commencent. Qui est Marianne ? La Liberté de Delacroix ? Non. Son nom, son simple nom si naturel ? D’où vient-il ? Eh bien c’est là que nous allons nous apercevoir que chaque jour, à des milliers d’exemplaires, le timbre français si banal nous envoie un message chiffré du fond de son origine secrète. Caché justement, occulte. Car le nom de Marianne adopté comme prénom qui-va-de-soi de la République allégorisée vient tout simplement d’une société clandestine qui s’appelait La Marianne. Une association de conjurés de l’ouest conspirant dans le but de renverser le régime mis en place par le coup d’Etat du 2 décembre 1851.

La Marianne dépendait du Comité démocratique européen de Londres dont les membres les plus importants étaient Mazzini et Ledru-Rollin. Voilà pour le versant socialiste.

Et voilà maintenant le versant occulte.

Les cérémonies initiatiques de la secte se déroulaient dans la grande tradition. […] Le nouvel adepte entrait les yeux bandés. Il prêtait serment de courir aux armes dès le premier signal pour rétablir la République. On lui apprenait la série de signes communs à tous les conjurés. Trois coups de pouce sur la première phalange de l’index, un salut de la main gauche, le pouce à nouveau contre le front, la poitrine et à hauteur du cœur. Le rituel se terminait par un dialogue fait de répliques apprises par cœur que l’on a conservées et qui valent la peine d’être relues :

"Connaissez-vous Marianne ?

- De la montagne.

- L’heure ?

- Elle va sonner.

- Le droit ?

- Au travail.

- Le suffrage ?

- Universel.

- Dieu me voit ?

- Du haut de la montagne.

- Le lion ?

- Le lion." 

Cent ans plus tard, évidemment, tout le monde a oublié ces laborieuses origines. Marianne est devenue une revenante, elle aussi, un petit fantôme dans son carré de papier crypté.

Auteur: Muray Philippe

Info: Dans "Le 19e siècle à travers les âges", pages 249-250

[ histoire ]

 

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vie

Là où ça sent la merde
ça sent l’être.
L’homme aurait très bien pu ne pas chier,
ne pas ouvrir la poche anale,
mais il a choisi de chier
comme il aurait choisi de vivre
au lieu de consentir à vivre mort.

C’est que pour ne pas faire caca,
il lui aurait fallu consentir
à ne pas être,
mais il n’a pas pu se résoudre à perdre
l’être,
c’est-à-dire à mourir vivant.

Il y a dans l’être
quelque chose de particulièrement tentant pour l’homme
et ce quelque chose est justement
LE CACA.
(Ici rugissements.)

Pour exister il suffit de se laisser aller à être,
mais pour vivre,
il faut être quelqu’un,
pour être quelqu’un,
il faut avoir un OS,
ne pas avoir peur de montrer l’os,
et de perdre la viande en passant.

L'homme a toujours mieux aimé la viande
que la terre des os
C'est qu'il n'y avait que de la terre et du bois
d'os,
et il lui a fallu gagner sa viande,
il n'y avait que du fer et du feu
et pas de merde,
et l'homme a eu peur de perdre la merde
et, pour cela, sacrifié le sang.

Pour avoir de la merde,
c'est-à-dire de la viande,
là où il n'y avait que du sang
et de la ferraille d'ossements
et où il n'y avait pas à gagner d'être
mais où il n'y avait qu'à perdre la vie.

o reche modo
to edire
di za
tau dari
do padera coco

Là, l'homme s'est retiré et il a fui.

Alors les bêtes l'ont mangé.

Ce ne fut pas un viol,
il s'est prêté à l'obscène repas.
Il y a trouvé du goût,
il a appris lui-même
à faire la bête
et à manger le rat
délicatement.

Et d'où vient cette abjection de la saleté ?

De ce que le monde n'est pas encore constitué,
ou de ce que l'homme n'a qu'une petite idée du monde
et qu'il veut éternellement la garder ?

Cela vient de ce que l'homme,
un beau jour,
a arrêté
l'idée du monde.

Deux routes s'offraient à lui :
celle de l'infini dehors,
celle de l'infini dedans.

Et il a choisi l'infime dedans.
Là où il n'y a qu'à presser
le rat,
la langue,
l'anus
ou le gland

Et dieu, dieu lui-même a pressé le mouvement,

Dieu est-il un être ?
s'il en est un c'est de la merde
s'il n'en est pas un
il n'est pas.
Or il n'est pas,
mais comme le vide qui avance avec toutes les formes
dont la représentation la plus parfaite
est la marche d'un groupe incalculable de morpions.

"Vous êtes fou, monsieur Artaud, et la messe?"

Je renie le baptême et la messe.
Il n'y a pas d'acte humain
qui, sur le plan érotique interne,
soit plus pernicieux que la descente
du soi-disant Jésus-christ
sur les autels.

On ne me croira pas
et je vois d'ici les haussements d'épaule du public
mais le nommé christ n'est autre que celui
qui en face du morpion dieu
a consenti à vivre sans corps,
alors qu'une armée d'hommes
descendue d'une croix,
où dieu croyait l'avoir depuis longtemps clouée,
s'est révolté,
et, bardée de fer,
de sang,
de feu, et d'ossements,
avance, invectivant l'Invisible
afin d'y finir le JUGEMENT DE DIEU.

Auteur: Artaud Antonin

Info: Pour en finir avec le jugement de Dieu, suivi de " Le Théâtre de la Cruauté". LA RECHERCHE DE LA FECALITE

[ concret ] [ odeur ]

 

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