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cité imaginaire

Au-delà de six fleuves et trois chaînes de montagnes surgit Zora, ville que ne peut oublier celui qui l’a vue une fois. Mais ce n’est pas qu’elle laisse dans le souvenir comme d’autres villes mémorables une image hors du commun. Zora a la propriété de rester dans la mémoire endroit après endroit, dans la succession de ses rues, et des maisons le long des rues, et des portes et fenêtres des maisons, bien qu’elle n’y déploie aucune beauté ou rareté particulière. Son secret est dans la façon dont la vue court sur des figures qui se suivent comme dans une partition musicale, où l’on ne peut modifier ou déplacer aucune note. L’homme qui sait de mémoire comment Zora est faite, la nuit quand il ne peut dormir il imagine qu’il marche dans ses rues et il se rappelle l’ordre dans lequel se suivent l’horloge de cuivre, l’auvent rayé du barbier, la fontaine aux sept jets d’eau, la tour de verre de l’astronome, le kiosque du marchand de pastèques, la statue de l’ermite et du lion, le bain turc, le café du coin, la traverse qui conduit au port. Cette ville qui ne s’efface pas de l’esprit est comme une charpente ou un réticule dans les cases duquel chacun peut disposer ce qu’il veut se rappeler: noms d’hommes illustres, vertus, nombres, classifications végétales et minérales, dates de batailles, constellations, parties du discours. On pourra, entre chaque notion et chaque point de l’itinéraire, établir un lien d’affinité ou de contraste, qui serve à la mémoire de rappel instantané. Si bien que les hommes les plus savants du monde sont ceux qui savent Zora par cœur. Mais c’est inutilement que je me suis mis à voyager pour visiter la ville: contrainte de demeurer immobile et égale à elle-même pour qu’on s’en souvienne mieux, Zora languit, s’est défaite, a disparu. La Terre l’a oubliée.

Auteur: Calvino Italo

Info: Villes invisibles

[ arcanes ] [ aide-mémoire ] [ mnémotechnique ]

 

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musique

(L'auteur se retrouve dans un salon, curieux de rencontrer Richard Wagner)
Après les salutations d'usage, je pris place à mon tour au milieu de quelques fidèles qui m'avaient précédés. - La conversation reprit son cours, que ma venue avait évidemment interrompu ; parmi les visiteurs se trouvait un jeune Italien très bavard, et dont la spécialité me sembla être, comme on dit vulgairement, de faire des gaffes. - Dans le but probablement louable, de m'instruire, il demanda au Maître ce qu'il pensait de la Danse macabre, de Saint-Saëns.
Wagner allant parler, j'étais toutes oreilles.
"La Danse macabre, fit-il avec son disgracieux accent allemand, la Danse macabre ! Ma chère Cosima, n'est-ce pas cette machine où des os se battent ? Qu'il nous a fait entendre à Bade ? Oui, très gentil, très gentil !"
L'Italien, voyant qu'il avait fait fausse route, ne se découragea pas :
- "Et Rossini ? Notre grand Rossini ? Quelle est celle de ces oeuvres que vous préférez ?"
- "Oh ! Rossini, il avait certainement l'étoffe d'un musicien ; et je me souviens qu'étant à Paris, un jour que j'allais le voir, il voulut bien reconnaître devant moi son insuffisante éducation musicale, et avec une franchise qui lui fait honneur, il me dit : Cher maître, si au lieu d'être né italien, j'avais eu le bonheur de naître votre compatriote, je crois que j'aurais fait quelque chose. - Il faut pourtant avouer qu'il a fait trois mesures bonnes dans sa vie."
Et donnant l'exemple à l'appui, il ébaucha trois mesures du Barbier sur le piano. Après cette courte et bienveillante appréciation sur l'auteur de Guillaume Tell, il y eut un moment de silence, après quoi, toujours à l'instigation du jeune Italien, le maître exécuta une série d'autres musiciens, que dans ma naïveté je croyais gens de valeur ; et comme conclusion :
"Non, voyez-vous, à notre époque il n'y en a qu'un : c'est Offenbach."
Je me sentais étouffer dans cette atmosphère haineuse, et j'avais hâte de revoir le soleil, de contempler la nature, si radieuse dans ce beau pays de Naples. Je regrettais presque d'avoir approché et pu juger cet homme, si dieu par son génie, si piètrement humain par sa vanité. Ce fut la seule fois que j'eus l'honneur d'être admis dans l'intimité de Wagner, et plus que jamais j'ai été à même d'apprécier cette véridique parole : il ne faut pas voir les grands hommes de trop près.

Auteur: Godebski Cyprien

Info: Mémoires d'un artiste, texte violemment attaqué comme étant un faux par Willy

[ polémique ] [ critique ] [ vacherie ]

 

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expérience

Comme tous les hommes de Babylone, j'ai été proconsul ; comme eux tous esclave ; j'ai connu comme eux tous l'omnipotence, l'opprobre, les prisons. Regardez : à ma main droite il manque l'index. Regardez ; cette déchirure de mon manteau laisse voir sur mon estomac un tatouage vermeil ; c'est le deuxième symbole, Beth. Les nuits de pleine lune, cette lettre me donne le pouvoir sur les hommes dont la marque est Ghimel, mais elle me subordonne à ceux d'Aleph, qui les nuits sans lune doivent obéissance à ceux de Ghimel. Au crépuscule de l'aube, dans une cave, j'ai égorgé des taureaux sacrés devant une pierre noire. Toute une année de lune durant, j'ai été déclaré invisible : je criais et on ne me répondait pas, je volais le pain et je n'étais pas décapité. J'ai connu ce qu'ignorent les Grecs : l'incertitude. Dans une chambre de bronze, devant le mouchoir silencieux du strangulateur, l'espérance me fut fidèle ; dans le fleuve des délices, la panique. Pythagore, si l'on croit le récit émerveillé d'Héraclide du Pont, se souvenait d'avoir été Pyrrhus, Euphorbe, et avant Euphorbe encore quelque autre mortel ; pour me remémorer d'analogues vicissitudes je puis me dispenser d'avoir recours à la mort, et même à l'imposture.
Je dois cette diversité presque atroce à une institution que d'autres républiques ignorent ou qui n'opère chez elles que de façon imparfaite et obscure : la loterie. Je n'en ai pas scruté l'histoire : il ne m'échappe pas que les magiciens restent là-dessus divisés ; toute la connaissance qui m'est donnée de ses puissants desseins, c'est celle que peut avoir de la lune l'homme non versé en astrologie. J'appartiens à un pays vertigineux où la loterie est une part essentielle du réel ; jusqu'au présent jour, j'avais pensé à elle aussi peu souvent qu'à la conduite des dieux indéchiffrables ou de mon propre cœur. Aujourd'hui, loin de mon pays et de ses chères coutumes, c'est avec quelque surprise que j'évoque la loterie et les conjectures blasphématoires que sur elle, à la chute du jour, vont murmurant les hommes voilés.
Mon père me rapportait qu'autrefois - parlait-il d'années ou de siècle ? - la loterie était à Babylone un jeu de caractère plébéien. Il racontait, mais je ne sais s'il disait vrai, que les barbiers débitaient alors contre quelques monnaies de cuivre des rectangles d'os ou de parchemin ornés de symboles. Un tirage au sort s'effectuait en plein jour, et les favorisés recevaient, sans autre corroboration du hasard, des pièces d'argent frappées. Le procédé était rudimentaire, comme vous le voyez.

Auteur: Borges Jorge Luis

Info: La loterie à Babylone, in Fictions

[ incipit ] [ entame ]

 
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hypothèse évolutive

Les concepts biosémiotiques de Marcello Barbieri explorent l'idée que les organismes vivants peuvent être considérés comme des systèmes de signes. Il suggère que les unités fondamentales de la vie sont sémiotiques, ce qui signifie que les organismes et leurs comportements peuvent être compris comme des processus d'interprétation et de production de signes.

Ainsi c'est un système où les organismes et leurs actions peuvent être considérés comme un langage. Tout comme nous interprétons et produisons des signes pour communiquer un sens, les êtres vivants font de même à travers leurs comportements et leurs interactions. Cette perspective nous aide à comprendre la vie comme un processus dynamique de communication et d'interprétation basé sur des signes.

Dans sa théorie biosémiotique Marcello Barbieri propose deux aspects fondamentaux : la copie et le codage.

1. La copie, qui désigne le processus par lequel l'information biologique est transmise d'une génération à l'autre. Elle implique la réplication et la transmission du matériel génétique, tel que l'ADN. Ce processus de copie assure le transfert des traits et des caractéristiques des parents à la progéniture.

2. Le codage, quant à lui, fait référence à la traduction de l'information génétique en caractères phénotypiques. Il implique le décodage et l'interprétation des instructions génétiques par la machinerie cellulaire pour produire des caractéristiques physiques et des comportements particuliers. Le processus de codage est responsable de la traduction de l'information génétique dans le développement et le fonctionnement des organismes.

Ces deux aspects fonctionnent ensemble dans la biosémiotique pour faciliter la transmission et l'expression de l'information génétique. La copie assure la continuité du matériel génétique d'une génération à l'autre, tandis que le codage permet de traduire l'information génétique en traits et comportements visibles c'est à dire qu'elles peuvent être considérées comme des signes qui transmettent des informations sur les processus internes de l'organisme et les interactions avec l'environnement. 

Il y a donc ici un lien entre la biosémiotique et l'épigénétique qui réside dans la manière dont ces deux concepts contribuent à notre compréhension de la transmission et de l'expression de l'information biologique.

L'épigénétique fait référence aux changements dans l'expression des gènes qui n'impliquent pas de modifications de la séquence d'ADN sous-jacente. Ces changements peuvent être influencés par divers facteurs tels que des indices environnementaux, des choix de mode de vie et des interactions sociales.

Changements épigénétiques qui peuvent donc être considérés comme une forme de transmission d'informations puisqu'ils influencent l'expression de l'information génétique, entraînant des modifications du phénotype d'un organisme. Ces changements peuvent ensuite être hérités d'une génération à l'autre ou se produire de manière dynamique au cours de la vie d'un individu.

Les modifications épigénétiques agissent essentiellement comme une couche d'information qui influence l'expression des gènes et peut réagir à l'environnement. Elles peuvent être considérées comme une forme de codage, où l'information génétique sous-jacente est "interprétée" et modifiée pour répondre à des circonstances changeantes.

En comprenant l'interaction entre les facteurs génétiques et épigénétiques, la biosémiotique offre un cadre permettant d'explorer la manière dont l'information est transmise, interprétée et exprimée aux niveaux génétique et épigénétique. Cela nous aide à saisir la complexité des systèmes biologiques et le rôle du traitement de l'information dans la formation de la variation phénotypique et de l'adaptation.

Auteur: chatGPT4

Info: août 2023

[ biophysique ] [ interactivité ]

 

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littérature prolétaire

tous ceux-là,

ventres mous des lettres

enseignant l’anglais à l’université

qui écrivent

de la poésie

sans jambes

sans tête

sans nombril



qui savent où postuler pour obtenir des

bourses

encore des bourses et

toujours plus de bourses

auxquels on doit toujours plus

de poésie

sans mains

sans cheveux

sans yeux

tous ceux-là,

ventres mous des lettres

ont trouvé une bonne planque

parvenant même à ce que des femmes

s’attachent à leurs âmes

d’andouilles



ceux-là,

font des voyages tous frais payés

dans les îles

en Europe

à Paris

le monde entier

dans le but

soit-disant

de rassembler

du matériau

(Mexico, ils s’y rendent juste à titre privé)



pendant que les prisons débordent

d’innocents égarés

pendant que les gros bras descendent

à la mine

pendant que les fils de pauvres

se font virer de boulots

ceux-là

ne se saliront ni les mains ni

leurs âmes

ceux-là,

ventres mous des lettres

intègrent des universités

se lisent leurs poèmes

entre eux

infligent leurs poèmes à

leurs étudiants



ceux-là

prétendent que la sagesse et

l’immortalité

contrôlent les rotatives



gras du bide

tandis qu’en prison se forment les rangs pour des moitiés de repas

pendant que 34 armoires à glace sont coincés dans une mine



ceux-là



embarquent sur un bateau pour une île de la mer du sud

afin d’assembler une anthologie

de petits poèmes

entre amis



et/ou



se pointent à des manifestations contre la guerre

sans même savoir

de quelle guerre

il s’agit



ventres mous des lettres

ils dressent une cartographie de notre

culture –

une division de zéro,

une multiplication de

grâce

dépourvue de sens



"Robert Hunkerford enseigne l’anglais à

S.U. Marié. 2 enfants, un chien.

il s’agit de son premier recueil de

vers. Il travaille actuellement à la

traduction des poèmes de

Vallejo. M. Hunkerford a été récompensé

l’année dernière par un prix Sol Stein."



ceux-là,

ventres mous des lettres

enseignant l’anglais à l’université

qui écrivent

de la poésie

sans cou

sans mains

sans couilles



voilà la manière, la méthode

et la raison pour laquelle les gens

ne comprennent pas

les rues

les vers

la guerre

ou

leurs mains sur la

table



notre culture se cache dans les rêves à dentelles de

nos classes d’anglais

dans les robes à dentelles de nos classes

d’anglais



Ce qu'il nous faut c'est

des cours de langue américaine

et des poètes sortis tout droit

des mines

des docks

des usines

des hôpitaux

des prisons

des bars

des bateaux

et des aciéries

des poètes américains,

déserteurs des armées

échappés des asiles de fous

déserteurs de femmes et de vies étouffantes ;

des poètes américains :

marchands de glace, commerciaux en cravate, distributeurs de journaux, manutentionnaires, chauffeurs-livreurs, maquereaux, liftiers, plombiers, dentistes, clowns, promeneurs de chevaux, meurtriers (on a entendu parler des victimes), barbiers, mécaniciens, garçons de café, groom, passeurs de drogue, boxeurs, barmen, des autres, des autres,

des autres



Tant que ceux-là n'arriveront pas

notre pays restera

mort en honteux.

Auteur: Bukowski Charles

Info: Dans "Tempête pour les morts et les vivants", au diable vauvert, trad. Romain Monnery, 2019, "ventres mous des lettres"

[ entre-soi ] [ dévitalisation ] [ excès de confort ]

 
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Ajouté à la BD par Coli Masson